Comment reprendre les actes conclus par une société en cours de formation ?
1 La société non immatriculée est dépourvue de la personnalité morale
L’article 1842, du code civil dispose que « les sociétés autres que les sociétés en participation […] jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. Jusqu’à l’immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations. ».
L’article L.210-6 al 1 du code de commerce précise que « les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation. »
Il résulte de cet article que la société non immatriculée n’a pas la personnalité juridique. Dès lors, ses prétendus représentants ne peuvent pas agir en son nom.
Les actes conclus en son nom alors qu’elle n’a pas la personnalité morale sont imputables à ses prétendus représentants qui s’engagent à titre personnel
A ce titre, l’article 1843 al 1 du code civil précise que « les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant l’immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. »
En effet, la société non immatriculée n’étant pas juridiquement apte à agir avec les tiers, les actes conclus par elle alors qu’elle n’a pas la personnalité morale seront imputables aux personnes qui ont agi en son nom qui s’engagent personnellement.
Les actes conclus peuvent être repris par la société régulièrement immatriculée
Toutefois, les actes conclus lorsque la société est en cours de formation peuvent être repris par elle après l’immatriculation.
A ce titre, l’article 1843 al 2 du code civil dispose que « la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l’origine contractés par celle-ci. »
L’article L.210-6 al 2 du code de commerce précise que « Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société. »
Pour que la société puisse reprendre les actes conclus lorsqu’elle était en cours de formation, il faut respecter un formalisme précis :
La société doit être immatriculée
L’acte doit être conclu pour le compte de la société en formation
L’acte doit être repris par une modalité légale (art. L.210-6 et suivants du code de commerce ; art. 6, décret 3 juill. 1978)
Par les statuts
Par un mandat spécial
Par une décision collective
Par une clause de substitution
Dès lors, un acte conclu au nom de la société est nul et un acte conclu au nom personnel du fondateur sans précision de l’existence d’une société en formation ne pourra pas faire l’objet d’une reprise et le fondateur restera lié personnellement.
En conclusion, il faut donc retenir le principe fondamental selon lequel les actes conclus par une société non immatriculée et donc dépourvue de la personnalité morale sont nuls d’une nullité absolue.
Les différentes modalités de la transmission d’une entreprise
1. Introduction rapide
Il existe plusieurs raisons qui gouvernent la décision de transmettre son entreprise. Par exemple, une entreprise peut être vendue à une holding familiale afin d’anticiper une succession par la technique du démembrement des titres sociaux. Elle peut également être vendue à un tiers dans le cadre d’un départ à la retraite, dans le cadre d’une reconversion professionnelle voire dans le cadre d’une liquidation judiciaire. Aussi, à chaque situation, le chef d’entreprise devra choisir entre des modalités de cession très distinctes. Doit-il vendre à titre gratuit ou à titre onéreux ? Doit-il vendre le fonds de commerce ou les titres sociaux ? Doit-il procéder par voie de fusion ou de scission ?
Chacune de ces modalités réponds à un objectif déterminé. Aussi, chacune de ces modalités revêt son lot d’avantages et d’inconvénients.
Afin d’éclairer au mieux le chef d’entreprise qui envisage de céder son actif professionnel, nous proposons de dresser un inventaire (non exhaustif) des principales modalités de cession d’une entreprise. Bien qu’il soit permis au chef d’entreprise de la transmettre à titre gratuit, notamment dans le cadre d’une opération de donation-partage, nous allons porter notre attention sur la modalité de transmission onéreuse de l’entreprise, c’est-à-dire en contrepartie du paiement d’un prix.
Les opérations de cession les plus courantes portent sur le fonds de commerce : cession du fonds (1) et contrat de location-gérance (2). Ensuite, il y a celle portant sur le contrôle de la société : cession de titres sociaux (3) et d’augmentation de capital (4). Enfin, il y a les opérations plus complexes telles que les apports partiels d’actif (5) voire de fusion et scission (6).
2. La cession d’un fonds de commerce
Définition simple :
La cession d’un fonds de commerce est l’opération par laquelle un commerçant vend tous les éléments d’actif qui permettent d’exploiter l’activité. Ces éléments qui composent le fonds de commerce sont constitués des éléments corporels (matériel d’exploitation) et incorporels (enseigne, clientèle, contrats en cours, licences, …).
Régime juridique :
Il s’agit d’abord d’un contrat de vente soumis aux articles 1583 et suivants du code civil. En outre, puisque l’objet de la vente porte sur un fonds de commerce, cette opération est également soumise aux articles L. 141-2 et suivants du code de commerce.
Spécificité(s) :
L’opération de cession d’un fonds de commerce ne porte que sur des éléments d’actifs. En d’autres termes, les dettes ne font pas partie de l’opération. Cela signifie que les dettes demeurent à la charge du Cédant. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre des négociations, le Cédant doit impérativement prendre en considération le montant de ses dettes pour fixer le prix.
Avantage(s) :
L’avantage est pour le repreneur qui hérite d’une activité exempte de dette. En outre, puisqu’il s’agit d’un contrat de vente, le repreneur est créancier de l’obligation du Cédant à le garantir contre toute évictions et contre les vices cachés qui l’affectent.
Inconvénient(s) :
Dans une opération de vente d’un fonds de commerce, il existe de nombreux obstacles à la vente des éléments d’actifs qui composent le fonds.
D’abord, certains éléments sont inaliénables. C’est le cas par exemple de certaines autorisations administratives (droit d’autorisation du domaine public, type terrasse). En effet, ces autorisations sont parfaitement personnelles et il appartient au repreneur de faire son affaire personnelle de solliciter l’autorisation auprès de l’autorité compétente après avoir acheté le fonds. Cela représente un risque important. Aussi, selon l’important de l’autorisation sur l’exploitation de l’activité, un tel aléa n’est pas permis. Le cas échéant, la technique du rachat des titres sociaux peut être plus approprié pour contourner l’inaliénabilité de l’autorisation.
Ensuite, certains éléments sont cessibles mais sont soumis à un droit de préemption qu’il convient de purger. C’est le cas par exemple du droit au bail. En effet, la cession est soumise au droit de préemption urbain selon la zone géographique dans laquelle le fonds est exploité. Aussi, certains autres contrats peuvent être soumis à un droit de préemption aménagé contractuellement. C’est le cas notamment pour les contrats de franchise. En tout état de cause, dans cette hypothèse, la vente du fonds est nécessairement soumise à la purge préalable du droit de préemption. Là encore, un tel aléa peut s’avérer inopportun et la technique du rachat des titres sociaux peut être plus appropriée selon les cas.
Enfin, certains éléments sont cessibles sous réserve de recueillir l’accord d’un tier. C’est le cas par exemple des contrats intuitu personae (sauf les contrats de travail et le bail commercial). En effet, la cession d’un contrat intuitu personae nécessite d’obtenir l’accord du cocontractant. Là encore, un tel aléa peut s’avérer inopportun et la technique du rachat des titres sociaux peut être plus appropriée selon les cas. Attention toutefois à bien vérifier dans ce cas que le caractère intuitu personae ne porte pas également sur la notion de contrôle. Le cas échéant, l’accord du cocontractant sera indispensable quelle que soit la modalité de cession. En tout état de cause, il est vivement conseillé de recueillir l’accord express du cocontractant, que le contrat soit intuitu personae ou non, afin de décharger le Cédant de ses obligations vis-à-vis de lui (article 1216-1 du code civil).
3. La location-gérance d’un fonds de commerce avec promesse de vente
Définition simple :
La location-gérance est l’opération par laquelle le propriétaire d’un fonds de commerce en confie la gestion à un locataire-gérant, aux risques et périls de celui-ci, moyennant le paiement d’une redevance de location. La promesse d’achat et de vente à l’issue du contrat de location gérance doit faire l’objet d’un acte sous seing privé séparé pour éviter une requalification fiscale de l’opération en cession de fonds de commerce.
Régime juridique :
Il s’agit d’une opération purement commerciale soumise aux articles L. 144-1 et suivants du code de commerce.
Spécificité(s) :
Le locataire-gérant exploite le commerce de façon indépendante, sans être subordonné à un statut de salarié et en supportant les risques. Les dettes du propriétaire du fonds de commerce peuvent être déclarées immédiatement exigibles lors de la conclusion du contrat de location-gérance si l’opération met en péril leur recouvrement. Jusqu’à la publication du contrat de location-gérance, le propriétaire du fonds est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds. Enfin, le propriétaire du fonds est tenu solidairement des dettes du locataire-gérant durant les 6 mois qui suivent la publication de l’acte.
Avantage(s) :
Pour le propriétaire du fonds, cette opération permet de conserver la propriété de son fonds, d’en maintenir l’exploitation et de s’assurer un revenu grâce à la perception des redevances. Pour le locataire-gérant, cette formule lui permet d’avoir sa propre entreprise et d’exploiter une activité qui a déjà fait ses preuves sans avoir à investir dans l’achat parfois onéreux d’un fonds de commerce ni d’avoir à le créer ce qui nécessite des années d’effort. En outre, la durée de la location-gérance permet au locataire-gérance d’apprécier la viabilité de l’entreprise qu’il envisage, le cas échéant, de reprendre.
Inconvénient(s) :
Pour le propriétaire du fonds, le risque principal est la dépréciation du fonds de commerce du fait de la mauvaise gestion du locataire-gérant. En effet, en fin de contrat, le propriétaire du fonds le récupère « en l’état », et notamment en l’état de tous les salariés éventuellement embauchés par le locataire-gérant. Quant au locataire-gérant, il peut contribuer par sa bonne gestion à survaloriser le fonds ce qui sera un obstacle à présenter une offre de rachat en fin de contrat. En somme, dans l’hypothèse où le locataire-gérant envisage de racheter le fonds à l’issue du contrat, il pourrait être tenté de ne pas trop en faire pour ne pas survaloriser le fonds ce qui lui sera préjudiciable au moment de la négociation.
4. La cession de titres sociaux
Définition simple :
L’opération consiste pour l’associé (ou l’actionnaire) à céder à un repreneur tout ou partie des titres (parts sociales ou actions) qu’il détient dans le capital de la société. Lorsque la cession concerne les titres représentant la majorité des droits de vote de la société, on parle de cession de contrôle. En pratique, cette modalité de cession est utilisée lorsque le repreneur souhaite bénéficier de l’ancienneté de la société. En effet, une telle cession n’emporte aucune modification autre que celle de la répartition du capital. Il conviendra de faire attention à certain contrat qui peuvent être conclu intuitu personae et imposant l’accord du cocontractant en cas de modification du contrôle de la société. C’est notamment le cas en matière de contrat de franchise.
Régime juridique :
Il s’agit d’abord d’un contrat de vente soumis aux articles 1583 et suivants du code civil. En outre, puisque l’objet de la vente porte sur des titres sociaux, l’opération est également soumise aux articles 1832 et suivants du code civil. Enfin, selon la forme de la société, l’opération peut être soumise aux dispositions spécifiques du code de commerce (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …).
Spécificité(s) :
La cession de titres porte sur les éléments d’actifs mais également de passif. En d’autres termes, les dettes font partie de l’opération. En pratique, pour maîtriser ce risque, le repreneur doit, d’une part, faire réaliser par ou (ou plusieurs) professionnel(s) un audit complet de la société cible (juridique, social, comptable et fiscal) et, d’autre part, prévoir et négocier une clause de garantie d’actif et de passif.
Avantage(s) :
A la différence d’une opération de cession portant sur le fonds de commerce, celle portant sur les droits sociaux permet d’assurer une continuité dans l’activité. En effet, la société demeure identique sans impact sur les contrats en cours. Attention toutefois à bien vérifier, dans le cadre de l’audit des éléments d’actifs et de passifs, que les contrats intuitu personae ne prévoient pas de procédure particulière en cas de changement de contrôle.
Inconvénient(s) :
Cette modalité de cession est risquée pour le repreneur qui demeure responsable des éventuelles fautes du cédant. Ainsi, si un contentieux portant sur une opération antérieure à la cession se révèle postérieurement, la responsabilité repose toujours sur la société de sorte que le cédant n’est pas inquiété. De même en matière fiscale voire sociale. C’est la raison pour laquelle, en pratique, les conseils négocient des garanties d’actifs et de passifs. Cette garantie sert à délimiter ce que le cédant garantie au repreneur, et à fixer dans quelles mesures et de quelle façon le cédant accepte d’indemniser le repreneur des conséquences éventuelles du passé de l’entreprise. En règle générale ces garanties sont d’une durée de 3 ans (délai de prescription fiscale).
5. L’augmentation de capital
Définition simple :
Il s’agit d’une opération par laquelle une société augmente la valeur de son capital social, soit par augmentation de la valeur nominale des titres, soit par l’émission de titres nouveaux. Il existe deux grandes catégories d’augmentation de capital. (1) Les augmentations de capital sans apports de richesses nouvelles (dites « augmentation de capital sans apports ») sont dénommées par la loi : augmentation de capital par incorporation de bénéfices, par réserves ou prime d’émission. (2) Les augmentations de capital avec apports de richesses nouvelles (dites « augmentation de capital par apports ») sont définies par la loi comme l’affectation, par deux ou plusieurs personnes, à une entreprise commune, de leurs biens ou de leur industrie (art. 1832 al 1er du Code civil). En ce sens, l’apport en société est l’opération synallagmatique, à titre onéreux, par laquelle une personne apporte un bien à une société qui, en contrepartie, émet à son profit des droits sociaux lui conférant la qualité d’associé. Attention, l’apport en société ne peut être assimilée à une vente, la jurisprudence étant claire et non équivoque à ce propos. L’augmentation de capital avec apports s’opère classiquement par apport en nature ou numéraire. L’apport est dit en numéraire dès lors qu’il a pour objet une somme d’argent et en nature lorsqu’il a pour objet des biens autres qu’une somme d’argent, biens corporels ou incorporels.
De nombreuses raisons peuvent conduire à cette opération : rassurer les partenaires, financer un nouveau projet, se conformer à la loi, intégrer un nouvel associé, etc.
Régime juridique :
Puisqu’il s’agit d’une opération portant sur le capital, il convient de s’en remettre aux dispositions légales spécifiques du code de commerce pour les sociétés commerciales (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …). En outre, l’analyse des statuts est indispensable pour maîtriser la procédure à suivre.
Spécificité(s) :
L’apport est un élément essentiel du contrat de société. Elle est définie par la loi comme étant l’affectation, par deux ou plusieurs personnes, à une entreprise commune, de leurs biens ou de leur industrie. L’augmentation de capital par apports en numéraire est sans doute la plus complexe de toutes les opérations d’élévation du capital social alors qu’elle est pourtant l’une des méthodes classiques de constitution et d’accroissement du patrimoine de la personne morale (la société), en ce que l’argent est indispensable aux affaires.
Dès lors, il est important de comprendre de quoi il s’agit et ne pas confondre les termes. En effet, une somme d’argent apportée autrement qu’en pleine propriété ne constitue pas un apport en numéraire mais un apport en nature. Ainsi en est-il de l’apport de la nue-propriété, de l’usufruit (quasi-usufruit) de somme d’argent, ou encore de l’apport en jouissance d’une somme d’argent. L’apport en numéraire se réalise par le paiement (art. 1843-3 al. 5 du Code civil), c’est-à-dire la remise de fonds, et ne peut en ce sens être qu’en pleine propriété car le paiement entraîne extinction de l’obligation (art. 1234 du Code civil).
L’apport en numéraire ne doit pas non plus être confondu avec l’avance en compte courant, qui représente un prêt consenti par un associé à la société. Il y a certes, dans les deux cas remise d’une somme d’argent mais dans l’apport en numéraire, l’associé reçoit en contrepartie des droits sociaux, tandis que dans l’avance en compte courant, l’associé n’est pas acquéreur mais seulement prêteur. L’apport en numéraire n’est pour autant pas assimilé à une vente.
Enfin, ajoutons que, l’apport en numéraire qui aurait pour conséquence d’augmenter le capital (et non pas constituer une société) se manifester aussi bien par émission de nouveaux titres (fréquente en pratique) que par augmentation de la valeur nominale (plus rare en pratique) des parts ou actions préexistantes.
Avantages et Intérêts d’une opération d’augmentation de capital :
De manière générale, les opérations relatives aux titres de capital sont, pour l’essentiel, des opérations intéressant la société dans son ensemble dans la mesure où elles vont avoir une incidence sur le poste capital de cette dernière. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, elles relèvent toutes d’une décision de la collectivité des associés.
Plus spécifiquement, l’opération d’augmentation du capital par une société répond des finalités diverses. Elle peut être décidée pour accroître les fonds propres de la société, pour réaliser de nouvelles acquisitions (aussi bien en termes d’immobilisation qu’en terme de participation dans d’autres sociétés), pour augmenter sa capacité d’endettement qui dépend justement du ratio fonds propre/dettes (dit « gearing »), pour répondre à ses besoins en fonds de roulement, ou encore, parce qu’elle veut financer à coût réduit, le capital n’étant rémunéré que par les dividendes.
L’exemple de l’augmentation de capital par la technique de la levée de fonds :
S’il s’agit de financer un projet, l’augmentation de capital par la technique de la levée de fonds ou plus généralement appelée capital-investissement permet à la société de jouir d’un apport d’argent sans être lié par un emprunt impliquant une obligation de remboursement. Aujourd’hui, le capital-investissement n’est plus une simple technique de financement, c’est un réel modèle économique et un modèle de gouvernance qui contribue à la relève de l’esprit d’entreprise en France. En effet, il permet de combler un besoin essentiel pour les entreprises qui, en sus de cet apport financier, bénéficient d’un accompagnement de la part des investisseurs qui deviennent dès lors des nouveaux associés de la société et qui peuvent mettre à disposition leur réseau et augmenter les opportunités (puisque très souvent ceux-ci sont eux-mêmes entrepreneurs ou ex-entrepreneurs). Ils disposent d’une bonne vision de l’entrepreneuriat, du fonctionnement des entreprises et d’un carnet d’adresses conséquent. Ce sont de réels partenaires qui apportent à la fois un conseil et un réseau à l’équipe fondatrice. Cela accroit donc de manière considérable les chances de développement de ces entreprises sur du long terme, tant d’un point de vue financier que d’opportunités.
Par ailleurs, si l’augmentation de capital concerne une SARL détenue par un gérant majoritaire, l’augmentation de capital permet une optimisation sociale des dividendes.
En tout état de cause, augmenter son capital permet de rassurer les partenaires économiques d’une entreprise.
Inconvénient(s) :
L’inconvénient est le risque de changement de contrôle voire de dilution des fondateurs. En effet, si l’augmentation de capital s’accompagne de l’entrée au capital de nouveaux associés, les associés fondateurs risquent d’être confrontés à une divergence d’intérêt et de vision pour se ressentir sur les prises de décision stratégique. Le cas échéant, les associés fondateurs sont en perte d’autonomie dans la gestion de l’entreprise. C’est en général sur ce point précis que les négociations s’éternises. Le nouvel actionnaire va vouloir contrôler la société pour maîtriser son investissement tandis que le fondateur considère que l’idée lui appartient et qu’à ce titre il doit maitriser les décisions stratégiques. Afin de trouver une issue favorable à ces négociations, la création d’actions de préférences (uniquement dans les SAS) peut s’avérer efficace.
6. Les opérations spécifiques de fusions, scissions et d’apports partiels d’actif
Définition simple de la fusion :
La fusion est l’opération par laquelle deux sociétés se réunissent pour n’en former qu’une. La fusion peut résulter soit de la création d’une société nouvelle par plusieurs sociétés existantes, soit de l’absorption d’une société par une autre. Le procédé de la « fusion-absorption » a été, et reste encore beaucoup plus utilisé que celui de la fusion par création d’une société nouvelle. Cela tient notamment à ce que les sociétés fusionnantes sont souvent d’importance inégale, de sorte que, la plus « puissante » absorbe les autres. Cela tient aussi aux inconvénients d’ordre juridique résultant de l’absence de personnalité morale des sociétés nouvelles avant leur immatriculation au RCS. En outre, certaines opérations, qui supposent une certaine durée d’existence de la société, deviennent momentanément irréalisables.
Régime juridique de la fusion :
L’opération de fusion est définie à l’article 1844-4 du code civil. En outre, lorsqu’elle porte sur des sociétés commerciales, il convient de s’en remettre aux dispositions spécifiques du code de commerce (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …).
Définition simple de la scission :
Il y a scission lorsque le patrimoine d’une société « scindée » est partagé en plusieurs fractions simultanément transmises à plusieurs sociétés existantes ou nouvelles. Il n’est pas indispensable que les sociétés bénéficiaires soient toutes des sociétés existantes ou toutes des sociétés nouvelles. La scission peut aussi être réalisée par voie de transmission du patrimoine de la société scindée au profit d’une (ou plusieurs) société nouvelle et d’une (ou plusieurs) société existante.
Régime juridique de la scission :
L’opération de scission est définie à l’article 1844-4 du code civil. En outre, lorsqu’elle porte sur des sociétés commerciales, il convient de s’en remettre aux dispositions spécifiques du code de commerce (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …).
Définition simple de l’apport partiel d’actif :
L’apport partiel d’actif est l’opération par laquelle une société fait apport à une autre (nouvelle ou déjà créée) d’une partie de ses éléments d’actif et reçoit, en échange, des titres émis par la société bénéficiaire des apports. L’apport partiel d’actif peut porter sur un ou plusieurs éléments isolés (par exemple, un immeuble ou des titres en portefeuille) ou sur un ensemble de biens (par exemple, les éléments actifs et passifs d’une branche d’activité déterminée). Dans ce second cas, l’opération est comparable à une fusion ou à une scission en ce qui concerne l’actif apporté. L’apport partiel d’actif permet notamment de « filialiser » une ou plusieurs branches d’activité de l’entreprise et de leur donner une existence juridique autonome. Il est aussi un moyen de concentration des entreprises, par exemple en permettant la réunion au sein d’une même société de branches d’activité identiques exercées par des sociétés appartenant à un même groupe, voire par des sociétés concurrentes.
Régime juridique de l’apport partiel d’actif :
Les sociétés participant à l’opération peuvent décider de la soumettre aux dispositions relatives aux opérations de fusion et scission. Le cas échéant, on parle d’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions.
Caractéristiques des fusions, scissions et apports partiels d’actifs
* Transmission universelle de patrimoine
Les opérations de fusion et de scission ont pour caractéristique commune la transmission de l’ensemble des éléments d’actif et de passif composant le patrimoine d’une société (société absorbée ou scindée) au profit d’une ou plusieurs autres sociétés qui le recueillent en tout ou en partie (art. L 236-3, I du code de commerce). Il s’ensuit notamment que le passif de la société absorbée ou scindée est pris en charge par les sociétés absorbantes ou nouvelles selon les modalités définies au contrat de fusion ou de scission. Le caractère universel attaché à la transmission du patrimoine de la société absorbée ou scindée entraîne un certain nombre de conséquences en ce qui concerne les effets de la fusion ou de la scission à l’égard des tiers. Sur la transmission universelle des droits, biens et obligations pour la branche d’activité faisant l’objet d’un apport partiel d’actif. En cas de scission, le contrat doit prévoir la répartition du passif de la société scindée entre les sociétés bénéficiaires des apports ; ce partage est, en principe, fonction des éléments d’actif apportés à chacune d’elles. Néanmoins, ces sociétés sont solidairement responsables envers les créanciers de la société scindée (art. L 236-20 et L 236-23, al. 1 du code de commerce).
* Dissolution de la société absorbée ou scindée
Les fusions ou scissions entraînent obligatoirement dissolution de la société absorbée ou scindée (art. L 236-3 du code de commerce). Elles se distinguent en cela de l’apport partiel d’actif. Contrairement aux autres cas de dissolution, il n’y a pas lieu de procéder à la liquidation de la société absorbée ou scindée (art. L 236-3 du code de commerce) ni, par voie de conséquence, de nommer un liquidateur. Toutefois, il est d’usage de faire nommer par l’assemblée générale extraordinaire ou par décision collective des associés de la société absorbée ou scindée un ou plusieurs « mandataires » chargés notamment d’établir tous les actes qui seraient nécessaires, par exemple, pour constater la réalisation de conditions suspensives affectant l’opération, pour accomplir certaines formalités de publicité, etc.
* Échange de droits sociaux des sociétés concernées
Pour qu’il y ait fusion, scission ou apport partiel d’actif, il faut que les associés de la société absorbée, scindée ou apporteuse deviennent associés de la société absorbante ou bénéficiaire des apports et se voient attribuer des actions (ou des parts sociales) de cette société (art. L 236-1, al. 4 du code de commerce sur renvoi, pour les apports partiels d’actif soumis au régime des scissions, de l’art. L 236-6-1 du code de commerce). Autrement dit, il ne peut y avoir fusion, scission ou apport partiel d’actif si l’actif net transmis (après déduction du passif pris en charge par la ou les sociétés bénéficiaires) est rémunéré par des biens autres que des actions ou des parts sociales. Toutefois, par dérogation à cette règle, le versement d’une soulte en espèces ne fait pas perdre à l’opération son caractère de fusion ou de scission à condition que cette soulte ne dépasse pas 10 % de la valeur nominale des droits sociaux attribués (art. L 236-1, al. 4 du code de commerce). La loi visant expressément le versement de la « soulte en espèces », il n’est à notre avis pas possible de payer la soulte par remise de biens en nature tels que des titres détenus en portefeuille.
* Attribution d’actions autodétenues
L’attribution aux associés de la société absorbée d’actions auto-détenues par la société absorbante antérieurement à la décision de fusion ne nous paraît pas interdite. En effet, il est communément admis que la fusion constitue une opération spécifique, fondamentalement distincte d’une augmentation de capital par apport en nature ; cette solution est confirmée par l’article L. 225-128, al. 2 du code de commerce qui précise que les titres de capital sont libérés « soit (…) par apport en nature (…) soit en conséquence d’une fusion ou d’une scission ». Le critère déterminant pour qualifier la fusion est l’échange de titres, et non l’émission d’actions nouvelles à remettre aux associés de l’absorbée. Bien plus, dépassant le concept classique d’apport pour retenir un concept plus économique, les textes réglementant les rachats d’actions par la société émettrice autorisent expressément la société à racheter ses actions en vue de les attribuer en échange d’actifs acquis par elle dans le cadre d’une opération de fusion, de scission ou d’apport (art. L. 225-209-2, al. 3 et art. L 22-10-62, al. 6 du code de commerce issu de l’ord. 2020-1142 du 16-09-2020). Enfin, l’administration fiscale admet que la société bénéficiaire des apports rémunère les associés de la société absorbée (ou scindée) par des actions autodétenues.
Bail commercial : La faculté de résiliation anticipée du bail commercial par le bailleur par l’acquisition de la clause résolutoire en procédure collective
Résumé :
Rappel d’une jurisprudence constante : La 3e chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 26 mai 2016 avait rappelé le principe selon lequel, au sens de l’article L. 622-21 du code de commerce qui pose le principe de l’interdiction des poursuites, l’action introduite par le bailleur avant la mise en redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d’ouverture ne peut, dès lors qu’elle n’a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.
En l’espèce, un bailleur a délivré, au locataire un commandement, visant la clause résolutoire, de payer un arriéré de loyers. Il l’a assigné en constatation de la résiliation du bail, expulsion, paiement des loyers dus et fixation de l’indemnité d’occupation.
La cour d’appel décide de constater la résiliation du bail liant les parties. Elle condamne le locataire et lui ordonne son expulsion et fixe l’indemnité d’occupation due à compter de cette résiliation au motif que le commandement de payer était demeuré sans effet.
L’action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du locataire, en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, peut- elle être poursuivie après ce jugement ?
La Cour de cassation répond par la négative et rappelle le principe selon lequel, il résulte d’articles L. 622-21 du code de commerce que l’action introduite par le bailleur, avant la mise en redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu’elle n’a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement. Dès lors, la cour d’appel, qui a constaté qu’une procédure collective était ouverte à l’encontre du locataire et qui était tenue de relever, au besoin d’office, les effets attachés au principe de l’interdiction des poursuites individuelles, a violé la loi.
[L’avis du Cabinet]
Cet arrêt de la Cour de cassation est une jurisprudence de principe confirmé par un arrêt du 13 avril 2022 par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation.
En effet, la Cour a rendu dans cet un arrêt du 13 avril 2022 qu’il résulte de la combinaison des articles L. 145-41 et L. 622-21 du code de commerce que l’action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du preneur, en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement. Il s’agit d’une application du principe de l’interdiction des poursuites. (Cass. Com., 13 avril 2022, n° 21-15.336)
C’est le principe de l’interdiction des poursuites en procédure collective.
Bail commercial en procédure collective : application de la clause d’agrément du cessionnaire par le bailleur lors d’une cession du droit au bail incluse dans celle du fonds de commerce autorisée par le juge-commissaire
[Résumé]
La 3e chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 15 décembre 2021 rappel le principe selon lequel le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, sans toutefois être tenu, en l’absence de clause particulière, d’en assurer la bonne commercialité du centre. Le locataire n’est donc pas fondé à lui reprocher une baisse de la fréquentation du centre.
En l’espèce, une SCI (ci-après « le bailleur ») a consenti à une autre société (ci-après « le locataire ») un bail commercial sur un local situé au premier étage d’un centre commercial. Le locataire a assigné le bailleur en résiliation du bail et indemnisation de son préjudice résultant des manquements du ce dernier à son obligation de délivrance et à ses engagements contractuels, en n’assurant pas une commercialité du centre permettant l’exploitation pérenne de son fonds.
La cour d’appel décide qu’à défaut de stipulations particulières du bail, le bailleur n’est pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre commercial et donne tort au locataire à ce titre.
Le locataire reproche à la cour d’appel de prononcer la résiliation du bail à ses torts, de condamner le bailleur à lui verser une somme modique en réparation de la perte de chance qu’il subit, de le condamner au paiement d’un arriéré locatif et de dire que le bailleur pourrait faire application d’une des clauses du bail pour le calcul des intérêts moratoires. Il explique que même en l’absence de stipulation spéciale dans le bail, le bailleur d’un centre commercial est tenu, au titre de l’obligation de délivrance, de mettre en œuvre les diligences raisonnables pour assurer un environnement commercial permettant au preneur d’exercer son activité dans des conditions normales.
Le bailleur d’un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire a-t-il l’obligation d’assurer la bonne commercialité du centre et donc d’indemniser son locataire en cas de baisse de la fréquentation du centre ?
La Cour de cassation répond par la négative et rappelle le principe constant selon lequel le bailleur d’un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n’est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre. Le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, sans toutefois être tenu, en l’absence de clause particulière, d’en assurer la commercialité.
[L’avis du Cabinet]
L’article 1719 du code civil dispose au sujet de l’obligation de délivrance d’un bailleur que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ; 2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; 3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; 4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations. »
Il résulte de cet article que le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.
A ce titre, il peut être sanctionné et le locataire pourra agir contre lui en demandant une exécution forcée du bail (obliger le bailleur à délivrer la chose), l’action en exception de l’inexécution (le locataire arrêt de payer jusqu’à ce que le bailleur s’exécute), la résiliation du bail, la demande de dommages-intérêts.
Toutefois sauf clause particulière, le bailleur n’est pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre.
Dès lors, le locataire ne pourra pas lui reprocher une baisse de la fréquentation du centre.
Bail commercial : Le droit de préférence lors de la cession d’un bail commercial
[Résumé]
Dans un arrêt du 23 septembre 2021, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a répondu à deux questions. Sur la première, elle estime que l’offre de vente notifiée au locataire peut mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix. Ceci s’expliquant par le fait que le droit de préférence du locataire est d’ordre public, dès lors, il n’a pas besoin d’un intermédiaire pour en bénéficier. Sur la deuxième question, la Cour précise que le propriétaire, bailleur, peut conclure une promesse unilatérale de vente au bénéficie d’un tiers tant que celle-ci est conditionnée à l’exercice du droit de préférence du preneur.
En l’espèce, un bailleur a donné en location à un locataire un immeuble à usage d’hôtel qu’il a légué à une association (ci-après « la propriétaire ») avant de décéder. La propriétaire a fait signifier au locataire la lettre recommandée valant offre de vente de l’immeuble loué, outre une commission d’agence immobilière, aux frais de l’acquéreur. Par lettre recommandée, le locataire a contesté la régularité l’offre. Un mois plus tard, la propriétaire a consenti à un tiers une promesse unilatérale de vente de l’immeuble au même prix que proposé initialement au locataire. La propriétaire a assigné le locataire aux fins de constatation de la purge du droit de préférence de celui-ci.
Sur la conciliation d’une promesse de vente du bailleur au bénéfice d’un tiers et le droit de préférence du locataire
Le locataire estime qu’en application de l’alinéa 1er de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente ; qu’il s’ensuit que l’offre de vente est nulle pour avoir été délivrée au preneur après que le bailleur a trouvé un acquéreur, à la suite du mandat donné à l’agent immobilier lui ayant donné deux avis de valeur, concomitamment à la conclusion d’une promesse unilatérale de vente réservant l’exercice du droit de préférence par le preneur, d’une part. D’autre part, il estime que l’existence d’un droit prioritaire d’acquisition au profit du preneur s’oppose à ce qu’il soit purgé au stade de la signature de la promesse unilatérale de vente, peu important qu’elle ne vaille pas vente.
La Cour de cassation contredit le locataire et rejette son pourvoi au motif que la notification de l’offre de vente ayant été adressée préalablement à la vente, le propriétaire avait pu confier à une agence immobilière un mandat de vente, puis faire procéder à des visites du bien et que le fait qu’elle ait conclu une promesse unilatérale de vente, sous la condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur, n’invalidait pas l’offre de vente.
Sur la possibilité de mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier sur la notification de vente au locataire bénéficiaire d’un droit de préférence tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix de vente
Le locataire demande la nullité de l’offre de préemption car selon lui en application de l’alinéa 1er de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, qui est une disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation ; qu’il s’ensuit que l’offre de préemption est nulle dès lors qu’elle indique les frais d’agence, serait-ce séparément du prix de l’immeuble.
Les Hauts magistrats de la Cour de cassation ont rejeté le pourvoi du locataire au motif que, si l’offre de vente notifiée au preneur à bail commercial ne peut inclure dans le prix offert des honoraires de négociation d’un agent immobilier, dès lors qu’aucun intermédiaire n’est nécessaire ou utile pour réaliser la vente qui résulte de l’effet de la loi, la seule mention dans la notification de vente, en sus du prix principal, du montant des honoraires de l’agent immobilier, laquelle n’avait introduit aucune confusion dans l’esprit du preneur, qui savait ne pas avoir à en supporter la charge, n’est pas une cause de nullité de l’offre de vente. La Cour a constaté que, sur l’offre de vente notifiée au locataire qui mentionnait le montant des honoraires de l’agence, le prix de vente en principal était clairement identifié. Elle en conclu que le locataire pouvant accepter le prix proposé, hors frais d’agences, l’offre de vente n’était pas nulle.
[L’avis du Cabinet]
Il existe un droit de préférence au profit du locataire en cas de cession par le bailleur de l’immeuble objet du bail commercial. Ce droit est d’ordre public, c’est-à-dire qu’on ne peut pas y déroger.
Il faut donc retenir deux choses de cet arrêt :
Le bailleur peut conclure une promesse unilatérale de vente au bénéficie d’un tiers tant que celle-ci est conditionnée à l’exercice du droit de préférence du preneur.
L’offre de vente notifiée au locataire peut mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix. Ceci s’expliquant par le fait que le droit de préférence du locataire est d’ordre public, dès lors, il n’a pas besoin d’un intermédiaire pour en bénéficier.
Bail commercial : Manque à son obligation de délivrance le bailleur louant un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire
[Résumé]
La 3e chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 01 juin 2022 dans lequel elle rappelle le principe selon lequel, au sens de l’article 1719 du code civil, le bailleur manque à son obligation de délivrance lorsqu’il loue un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire.
En l’espèce, un bailleur a donné un local édifié sans permis de construire à bail commercial à un locataire. Le locataire a assigné le bailleur en résolution du bail à leurs torts et en réparation de ses préjudices.
La cour d’appel décide de rejeter la demande du locataire qui consiste en la résolution du bail aux torts du bailleur et en réparation de ses préjudices aux motifs que le locataire ne démontre pas que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance. Elle retient que le locataire exploitait le local litigieux conformément à sa destination, qu’un commerce identique était exploité dans les lieux de manière constante depuis 1996, qu’il ne produisait pas de courrier de l’administration lui enjoignant de quitter les lieux et que selon l’expert, l’absence de régularité de la situation administrative du local n’avait pas d’incidence directe sur l’exploitation quotidienne du fonds de commerce.
Le locataire reproche à la cour d’appel de rejeter sa demande de résolution du bail aux torts du bailleur et en réparation de ses préjudices, alors que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée. Il explique que selon lui, la chose louée était affectée d’un défaut de conformité dont il n’était pas démontré qu’il était régularisable, lui causant des troubles d’exploitation consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement de son commerce, ainsi qu’en une limitation drastique de sa capacité à vendre son fonds du fait du risque de perte du local d’exploitation en cas d’injonction administrative de démolir.
Le bailleur manque-t-il à son obligation de délivrance lorsqu’il loue un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire ?
La Cour de cassation répond par la positive à cette question et casse l’arrêt de la cour d’appel au motif que selon l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée. Dès lors, le bailleur manque à son obligation de délivrance lorsqu’il loue un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire
[L’avis du Cabinet]
L’article 1719 du code civil dispose au sujet de l’obligation de délivrance d’un bailleur que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ; 2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; 3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; 4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations. »
Le bailleur est obligé sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière dans le bail commercial de délivrer au locataire la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée. Auquel cas il manquera à son obligation de délivrance.
Le locataire pourra agir contre le bailleur et demander à ce titre : une exécution forcée (obliger le bailleur à délivrer la chose), l’action en exception de l’inexécution (le locataire arrêt de payer jusqu’à ce que le bailleur s’exécute), la résiliation du bail, la demande de dommages intérêts.
Comment protéger les associés fondateurs face au risque de dilution de leurs droits dans la société ?
La protection des associés fondateurs face au risque de dilution de leurs droits dans la société
L’apport des fonds par des investisseurs donc des tiers à la société a pour effet de diluer les droits des associés fondateurs puisqu’elle entraîne l’intégration de nouvelles personnes au sein de la gestion de la société. Il convient donc de protéger les associés fondateurs et notamment les associés minoritaires. Ainsi, l’intermédiaire d’un avocat dans le déroulement des négociations semble fondamental puisqu’il sera apte à négocier plusieurs moyens permettant la protection des associés fondateurs et plus spécifiquement des associés minoritaires qui risque d’être lésés par la dilution de leurs droits.
(1) La négociation d’une clause anti-dilution dans un pacte extrastatutaire
Définition et rôle : La clause d’anti-dilution (ou de non-dilution) est « la clause par laquelle un actionnaire (ou groupe d’actionnaire) majoritaire s’engage à garantir, contractuellement, ou parfois statutairement, à un actionnaire minoritaire ne détenant pas de minorité de blocage le maintien de son niveau de participation en capital et/ou en droit de vote au sein de la société » (J. Mestre, F. Buy, M. Lamoureux, J-C. Roda, Les principales clauses des contrats d’affaires, 2e ed., LGDJ Lextenso, 2019). Autrement dit, la clause d’anti-dilution est le pacte (garantissant) au bénéficiaire le maintien de sa participation.
Ainsi, cette clause offre une protection aux actionnaires minoritaires et leur permet de garantir le maintien de leur pourcentage de participation dans la société en cas d’augmentation de capital.
Validité de cette clause : Les clauses d’anti-dilution sont valables et leurs effets dépendant du mécanisme d’anti-dilution retenu par les parties. A titre d’exemple, ce sens, la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 27 mars 2014 (n°13/06816), Lavarec c/ Sté Communications intégration industries, a jugé que la clause d’anti-dilution d’un pacte d’actionnaires qui octroyait à son bénéficiaire un droit permanent au maintien de sa participation à hauteur de la quotité du capital qu’il détenait lors de son entrée dans le capital de la société, avait été violée par les autres associés qui avaient évincé le bénéficiaire de la clause en réservant à un tiers l’augmentation du capital ayant suivi la réduction à zéro du capital de la société dans le cadre d’un « coup d’accordéon ».
Limites de la clause anti-dilution : L’efficacité de ce mécanisme, que la clause soit statutaire ou autrement contractuelle, peut être limitée ou neutralisée par application de la loi.
D’abord, avec force évidence parce que ces clauses ne sauraient justifier des comportements contrevenant à l’intérêt social, que ce soit pour abus de majorité, abus de minorité, ou encore pour fraude. S’agissant de l’efficacité d’une clause de non-dilution en présence d’un coup d’accordéon, il faut noter que « la question du conflit entre l’intérêt social et le pacte extrastatutaire comprenant une clause d’anti-dilution pourrait toutefois se poser avec acuité lorsque l’investisseur susceptible d’apporter les sommes nécessaires à la survie de la société subordonne son investissement au fait d’être le seul associé à l’issue de l’opération (…) » (V. en ce sens, S. Sylvestre, De l’efficacité d’une clause de non-dilution en présence d’un coup d’accordéon, Rev. Sociétés. 2015), ce qui constitue en l’occurrence une fraude répréhensible.
Ensuite, parce que certaines lois spéciales imposent ou permettent au juge d’imposer la dilution de la participation d’un actionnaire en particulier notamment dans le cadre de procédures collectives. Ainsi, c’est ce qui devrait rendre les clauses anti-dilution inapplicables. Il semble en effet probable, en ce sens, que si le minoritaire entre dans le champ d’application de l’article L. 631-19-2 et L. 653-9 du Code de commerce, le tribunal pourra lui imposer la cession forcée de tout ou partie de ses titres ce qui aura, selon nous, pour effet de rendre inefficace la clause d’anti-dilution stipulée à son profit (V. en ce sens, J.Mestre et D. Velardocchio, n°2573, I. Parachkevova, L’augmentation de capital foxée dans la loi Macron, BJS 1er oct. 2015, n°10, p. 529 et s. ; V. egl. R. Dammann et F-X. Lucas, le nouveau dispositif de dilution ou d’éviction de l’associé qui ne finance pas le plan de redressement de la société, BJS 1er oct. 2015, n°10, p. 521 et s.).
Autres mécanismes possibles à envisager dans un pacte extrastatutaire : De nombreux mécanismes hybrides, mêlant droit des contrats et droit des sociétés, peuvent également être envisages pour protéger le minoritaire et lui permettre de maintenir son niveau de participation. Par d’exemple, on pourrait imaginer que la promesse de cession ne puisse être activée qu’en cas de manquement par le majoritaire à son engagement de maintenir le droit préférentiel de souscription du minoritaire ou plus généralement de mettre le minoritaire en mesure de maintenir sa participation. De même, le minoritaire pourrait obtenir du majoritaire qu’il s’engage à lui céder autant de droits préférentiels de souscription que de besoin pour maintenir son potentiel de souscription et, par voie de conséquence, son niveau de participation. Il pourrait encore être prévu, pour satisfaire aux droits du minoritaire, que la suppression du droit préférentiel de souscription ne soit que partielle et lui réserve donc la possibilité d’exercer son droit, ou encore que l’augmentation de capital réservée soit conditionnée à la réalisation d’une augmentation de capital subséquente au profit du minoritaire, etc.
(2) La mise en valeur et l’application du droit préférentiel de souscription et de la prime d’émission
Définition et utilité du droit préférentiel de souscription
Le droit préférentiel de souscription (DPS) est le droit conféré à un associé de souscrire par priorité (on dit souvent « à titre irréductible ») une augmentation de capital en numéraire de sa société, proportionnellement à sa participation actuelle dans le capital social. Il s’agit d’un mécanisme anti-dilution qui a pour objectif de permettre aux associés déjà en place de maintenir leur pourcentage en participation actuelle dans le capital augmenté et donc par ailleurs, leur pourcentage en droits pécuniaires (quote-part de l’actif net revenant à chaque action et dividendes) et en droit de vote.
Le mécanisme du DPS est expressément réglementé dans les sociétés par actions (articles L. 225 – 132 à L. 225-141 du Code de commerce) et il est d’ordre public, cela sous-entend qu’on ne peut pas y déroger.
En ce sens, le Code de commerce prévoit que : « Les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital. Les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. Lorsque le droit préférentiel de souscription n’est pas détaché d’actions négociables, il est cessible dans les mêmes conditions que l’action elle-même. Dans le cas contraire, ce droit est négociable pendant une durée égale à celle de l’exercice du droit de souscription par les actionnaires mais qui débute avant l’ouverture de celle-ci et s’achève avant sa clôture. L’information des actionnaires quant aux modalités d’exercice et de négociation de leur droit préférentiel sont précisées par décret en Conseil d’Etat. Les actionnaires peuvent renoncer à titre individuel à leur droit préférentiel. La décision relative à la conversion des actions de préférence emporte renonciation des actionnaires au droit préférentiel de souscription aux actions issues de la conversion. La décision d’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital emporte également renonciation des actionnaires à leur droit préférentiel de souscription aux titres de capital auxquels les valeurs mobilières émises donnent droit. »
La loi prévoit expressément que les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux augmentations du capital, ce qui sous-entend que c’est la détention d’actions qui ouvre droit à la souscription préférentielle. Toutefois, c’est également en considération de la personne des actionnaires que sont attribués ces droits, puisqu’il est prévu que les actionnaires ont proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. Dès lors, l’attribution des droits préférentiels de souscription est proportionnelle à la participation de chaque actionnaire dans le capital avant augmentation.
Exemple pratique : Une société au capital de 1 000 000 d’euros, divisé en 100 000 actions de 10 euros. Celle-ci décide de doubler son capital en émettant 100 000 actions nouvelles de 10 euros (soit après augmentation, capital social = 2 000 000 euros). Chaque actionnaire disposera d’un DPS à raison d’une action nouvelle pour une ancienne, soit 100 000/100 000. Autrement dit, le capital social étant doublé, chaque actionnaire aura le droit, à cette occasion, de doubler le nombre d’actions qu’il détient.
Une société au capital de 400 000 euros, divisé en 10 000 actions de 40 euros. Ladite société décide d’augmenter son capital en émettant 1 000 actions nouvelles de 40 euros (soit après augmentation, capital social = 1 500 000 euros). Ici, chaque actionnaire disposera d’un DPS à raison d’une action nouvelle pour 10 anciennes (soit 10 000/1 000).
Détermination de la valeur du droit préférentiel de souscription.
La valeur théorique ou mathématique du droit préférentiel de souscription est en principe égale à la perte de valeur que subit chaque action préexistante du fait de l’émission des actions nouvelles. Autrement dit :
Valeur du DPS = valeur d’action avant augmentation – valeur d’action après augmentation
N.B :
Valeur d’action avant augmentation = action dite « droit attaché »
Valeur d’action après augmentation = action dite « ex droit »
En ce sens, on constate bien que le but du DPS est de compenser la perte de valeur subie par les actionnaires en place du fait de l’augmentation de capital, qui a pour conséquence la dilution de leur droit, étant donné que :
Valeur d’action après augmentation = valeur d’action avant augmentation – le DPS
Exemple pratique : Une société a un capital social de 1 000 000 euros divisé en 10 000 actions d’une valeur nominale de 100 euros. Par ailleurs, la société fait état de réserves et plus-values latentes d’un montant global de 500 000 euros. La valeur théorique ou mathématique de chaque action serait dans ce cas :
Si elle décide d’augmenter son capital social de 600 000 euros par voie de création de 6 000 actions nouvelles de 100 euros de valeur nominale, la valeur de chaque action après augmentation serait de :
Soit, la valeur mathématique du DPS serait dans ce cas :
150 € – 131,25 € = 18,75 €.
Notons que la formule que nous venons d’énoncer permet d’établie la valeur théorique/mathématique, or en pratique, la détermination du DPS est plus complexe car elle obéit, entre autres, à la loi du marché, c’est-à-dire à l’offre et la demande, au cours de bourse de l’action, qui est au demeurant parfois très éloigné de la valeur en capitaux propres, ou encore aux perspectives d’avenir de la société etc. A titre d’exemple, dans le cas d’une forte spéculation à la hausse, si les actions son cotées pour une valeur très supérieure à leur valeur en capitaux propres, la valeur du DPS sera bien plus élevée que sa valeur mathématique.
Incidence d’une éventuelle prime d’émission avec le DPS. Les actions nouvelles sont fréquemment émises avec une prime d’émission. Une prime d’émission est par définition un complément d’apport, en numéraire ou en nature, égal par titre de capital à la différence entre la valeur d’émission de ce titre et sa valeur nominale. Elle est déterminée par la société émettrice et acceptée par les souscripteurs. Elle a pour objet d’aligner la valeur de la souscription sur la valeur du marché du titre, en tenant compte de l’existence de réserves et/ou de plus-values. Ce mécanisme a des fonctions qui se recoupent pour partie au DPS : éviter la dilution des réserves et plus -values mais qui se complète pour d’autres : le DPS permettant d’éviter la dilution en capital et en droits de vote, tandis que la prime d’émission procure davantage de fonds propres à la société.
Ce mécanisme peut parfaitement être cumulé avec celui du DPS et il est d’ailleurs particulièrement recommandé de le faire étant donné que la loi ne l’interdit pas. En effet, l’intérêt est majeur puisque si le DPS s’avère plus protecteur de l’associé que la prime, ce premier est inefficace à assurer la protection de l’associé qui négligerait aussi bien l’exercice de son DPS que sa négociation. Ainsi, la prime d’émission protège au contraire tous les associés, sans que soient exigées de quelconques actions de leur part.
Attention toute de même avec ce cumul. En effet, il convient de relever que les valeurs des promes d’émission et du DPS sont proportionnellement inverses de sorte que : une forte prime d’émission réduit l’intérêt de la souscription préférentielle, et donc de sa valeur. Tandis que, une faible prime d’émission accroît l’utilité du DPS et donc son montant.
En effet, dans le cas d’un cumul entre prime d’émission et DPS, on constate que le DPS voit sa valeur amputée de celle de la prime d’émission. Entre autres, la prime d’émission emporte réduction corrélative de la valeur du DPS. Ce constat est parfaitement logique puisque la prime d’émission vient atténuer la perte de la valeur des titres liée à l’émission, perte de valeur qui précisément correspond à la valeur théorique du DPS.
Exemple pratique : Si on reprend notre exemple précédent, nous avions déterminé la valeur mathématique du DPS de la société à 18,75 €.
Admettons que soit décidée une prime d’émission par action de 10€. Cette prime viendra réduire la valeur mathématique du DPS en atténuant la perte de valeur des titres préexistants. Dès lors, il convient de recalculer la valeur du DPS.
Dans l’exemple, la société avait un capital social de 1 000 000 € divisé en 10 000 actions d’une valeur nominale de 100€ et faisant état de réserves et plus-values latentes d’un montant global de 500 000 €.
Nous avions établi que la valeur mathématique de chaque action était de 150 €, que l’augmentation de capital social était de 600 000 € par voie de création de 6 000 actions nouvelles de 100 € de valeur nominale. Nous ajoutons la prime d’émission de 10 € par action.
Dès lors, dans ce cas de figure, la valeur de chaque action après augmentation du capital serait de :
En l’absence totale de prime d’émission, la valeur mathématique du DPS était de 18,75 €.
La différence correspond à la valeur totale de la prime d’émission (soit 60 000€) rapportée à l’ensemble des titres après émission (16 000), soit : 60 000/16 000 = 3,75 €.
Autres avantages découlant de l’ajout d’une prime d’émission. La prime d’émission a une raison d’exister : garantir le juste prix. En effet, il ne vient pas à l’esprit de fixer systématiquement le prix de vente d’une action ou d’une part sociale à sa valeur nominale étant donné que la valeur nominale d’un titre de capital (c’est-à-dire montant du capital par titre) n’est presque jamais, sauf coïncidence extraordinaire, égale à sa valeur vénale (prix de cession du titre), cette dernière se rapprochant davantage de la valeur mathématique (montant des capitaux propres par titre). C’est pourquoi, l’ajout de la prime d’émission permet de prendre en considération plusieurs facteurs afin de déterminer le juste prix des actions ou parts sociales.
Outre cette raison, la prime d’émission permet de garantir l’égalité entre les associés anciens et les associés nouveaux. En effet, elle a un effet anti-dilutif et permet de protéger l’associé contre la seule dilution des réserves et des plus-values (contrairement au DPS qui protège plus globalement l’associé contre la dilution de ses droits dans le capital, les droits de vote mais aussi les réserves et les plus-values), c’est-à-dire, contre la perte de valeur de ses droits sociaux liée à l’augmentation de capital, à la manière d’un DPS qui ne serait pas exercé mais vendu (le prix de cession compensant alors cette déperdition de valeur). Ainsi, on peut constater que la prime d’émission a pour but « d’assurer l’égalité entre les anciens et les nouveaux actionnaires à raison des réserves existantes et de la plus-value acquise par l’actif social » (Journ. Sociétés 1915, p.156, C. Houpin – V. Mémento Lefebvre Sociétés commerciales 2010, n°11623).
Par ailleurs, elle a pour effet de constituer un droit d’entrée, car en surenchérissant le coût de la souscription, elle joue le rôle de ticket d’entrée dans la société.
Enfin, l’avantage de prévoir une prime d’émission tient dans le fait que celle-ci permet d’accroitre les fonds propres de la société émettrice. En ce sens, la prime d’émission constitue un supplément d’apports qui se traduit par un supplément de richesses pour la société qui la perçoit et donc par une augmentation de ses capitaux propres.
N.B. La société est libre, au travers de l’assemblée générale de ses actionnaires, de fixer une prime d’émission et de décider de l’affectation de cette prime, c’est-à-dire l’usage qu’elle entend en faire. Il faut préciser qu’aucune méthode de calcul s’impose aux parties car la prime d’émission est déterminée librement par la société d’une part et les souscripteurs d’autre part.
Bail commercial : Des rénovations et extensions à intervenir postérieurement à la révision du loyer ne peuvent être pris en compte dans le calcul du prix du bail renouvelé
[Résumé]
Dans un arrêt du 9 mars 2022, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que les articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce encadrent de manière stricte la procédure de révision du loyer renouvelé d’un bail commercial. Par principe, le loyer est fixé à la valeur locative et les éléments pris en compte pour apprécier cette valeur sont nécessairement ceux qui existent à la date du renouvellement.
En l’espèce, un bailleur a donné en location à un locataire un local commercial situé dans la galerie marchande d’un centre commercial. Le locataire a sollicité le renouvellement du bail, que le bailleur a accepté. A défaut d’accord des parties sur le prix, le bailleur a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé.
Le locataire reproche à la cour d’appel d’avoir fixé le prix du loyer en prenant en compte la création de galeries à intervenir dans un futur proche, soit postérieurement à la date de renouvellement du bail, selon le motif inopérant que la création de galeries était déjà connue à cette date.
Des rénovations et extensions à intervenir postérieurement à la révision du loyer peuvent-ils être pris en compte dans le calcul du prix du bail renouvelé ?
La Cour de cassation donne raison au locataire et précise qu’il résulte de l’article L. 145-33 du code de commerce que ne peuvent être pris en considération, pour le calcul du prix du bail renouvelé, que les éléments existant à la date du renouvellement. Dès lors, en statuant de la sorte, alors que l’extension de la galerie marchande est intervenue postérieurement au renouvellement du bail, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
[L’avis du Cabinet]
Le bail commercial est un contrat de louage. Selon l’article 1709 du code civil « le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer ». C’est donc un contrat de location d’immeuble par une personne (le bailleur) met temporairement en jouissance un bien dont il est propriétaire au profit d’une autre personne (le locataire) qui exploite un fonds de commerce ou artisanal dont il est propriétaire, moyennant le versement d’un loyer.
Les baux commerciaux sont soumis à un régime juridique très particulier fixé aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce. Lors de la conclusion du contrat de bail commercial, les parties déterminent librement le montant du loyer. Une fois le loyer fixé, la loi prévoit un régime légal de révision du loyer (article L. 145-15 du code de commerce) très strict. Il existe le régime légal de révision triennale des loyers et le régime conventionnel de révision des loyers.
Par principe, le montant du loyer renouvelé doit correspondre à la valeur locative. En effet, l’article L. 145-33 du code de commerce prévoit que « le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après : Les caractéristiques du local considéré ; La destination des lieux ; Les obligations respectives des parties ; Les facteurs locaux de commercialité ; Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ».
En aucun cas il n’est tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours.
Attention toutefois, le code de commerce ne prévoit aucune méthode de calcul et ne précise aucunement la manière dont ces cinq caractéristiques de la valeur locative doivent être combinés. Les juges du fond ont donc toute la latitude pour fixer la valeur locative en fonction de la méthode qu’ils jugeront opportune.
Très souvent, en pratique un expert judiciaire est désigné par lui à cette fin. En réalité, cette fixation du loyer révisé à la valeur locative est devenue par la force des choses plus une exception qu’un principe étant entendu que le montant du loyer révisé est soumis à un plafonnement destiné à freiner la hausse des loyers commerciaux.
Dans cet arrêt, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que les articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce encadrent de manière stricte la procédure de révision du loyer renouvelé d’un bail commercial. Par principe, le loyer est fixé à la valeur locative et les éléments pris en compte pour apprécier cette valeur sont nécessairement ceux qui existent à la date du renouvellement.
Sociétés : Les actes conclus par une société non immatriculée au RCS sont nuls
[Résumé]
Dans une décision du 19 janvier 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel les actes conclus par une société non immatriculée et donc dépourvue de la personnalité morale sont nuls d’une nullité absolue.
Faits de l’arrêt – En l’espèce, une banque a consenti un prêt destiné à financer la reprise d’un fonds de commerce. L’acte stipule que le prêt est accordé à « l’Eurl Ileva, en cours d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, représentée par Mme O. ». Ensuite, la banque a consenti un prêt complémentaire à la société Ileva. Mme O. et son époux se sont rendus cautions solidaires du remboursement de chacun de ces prêts. Selon un avenant daté de quelques mois plus tard, signé par les cautions, la société Ileva a consenti à la banque un nantissement sur son fonds de commerce. Cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire et Mme O. en redressement judiciaire, la banque a assigné M. O. en sa qualité de caution en paiement des sommes restant dues au titre de ces deux prêts.
Procédure – M. O est condamné en première instance en sa qualité de caution. Il interjette appel de la décision. La cour d’appel de Metz dans un arrêt du 5 décembre 2019 déboute le requérant de ses demandes. Ce dernier forme alors un pourvoi en cassation aux motifs que : (1) l’acte conclu par une société en cours d’immatriculation est nul de nullité absolue, insusceptible de confirmation ou ratification. Dès lors, la cour d’appel qui avait jugé que l’acte de prêt conclu était valable et avait été repris par la société Ilena, tout en constatant qu’il avait été conclu « par l’Eurl Ilena » en cours d’immatriculation, et non au nom de la société en formation a violé les articles 1842 et 1843 du code civil. (2) l’avenant à un contrat, qui n’en modifie que certains éléments, ne peut faire obstacle à sa nullité absolue. Dès lors, la cour d’appel en se fondant, pour écarter la nullité absolue du contrat de prêt conclu par la société Ilena avant son immatriculation, sur l’existence d’un avenant signé après l’immatriculation, tout en constatant que cet avenant « n’emportait aucune novation au contrat initial dont toutes les conditions non expressément modifiées demeuraient inchangées », de sorte qu’il ne constituait pas un nouveau contrat réalisant une réfection du contrat initial avait violé les mêmes articles.
Question – Ainsi, la question qui s’est posée devant les Hauts magistrats de la Cour de cassation était celle de savoir si les actes conclus non pas au nom et pour le compte d’une société en cours de formation mais par la société elle-même, avant son immatriculation sont valables ?
Réponse de la Cour de cassation – La Cour de cassation répond par la négative et rappelle le principe selon lequel les actes conclus non pas au nom et pour le compte d’une société en cours de formation mais par la société elle-même, avant son immatriculation sont nuls, de nullité absolue pour avoir été conclu par une société dépourvue de personnalité juridique. Elle ajoute sur le cas d’espèce que s’agissant de l’avenant au contrat, celui-ci n’emporte pas novation et n’est pas de nature à couvrir cette nullité absolue.
[L’avis du Cabinet]
La société non immatriculée est dépourvue de la personnalité morale
L’article 1842, du code civil dispose que « les sociétés autres que les sociétés en participation […] jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. Jusqu’à l’immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations. ».
L’article L.210-6 al 1 du code de commerce précise que « les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation. »
Il résulte de cet article que la société non immatriculée n’a pas la personnalité juridique. Dès lors, ses prétendus représentants ne peuvent pas agir en son nom.
Les actes conclus en son nom alors qu’elle n’a pas la personnalité morale sont imputables à ses prétendus représentants qui s’engagent à titre personnel
A ce titre, l’article 1843 al 1 du code civil précise que « les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant l’immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. »
En effet, la société non immatriculée n’étant pas juridiquement apte à agir avec les tiers, les actes conclus par elle alors qu’elle n’a pas la personnalité morale seront imputables aux personnes qui ont agi en son nom qui s’engagent personnellement.
Les actes conclus peuvent être repris par la société régulièrement immatriculée
Toutefois, les actes conclus lorsque la société est en cours de formation peuvent être repris par elle après l’immatriculation.
A ce titre, l’article 1843 al 2 du code civil dispose que « la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l’origine contractés par celle-ci. »
L’article L.210-6 al 2 du code de commerce précise que « Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société. »
Pour que la société puisse reprendre les actes conclus lorsqu’elle était en cours de formation, il faut respecter un formalisme précis :
La société doit être immatriculée
L’acte doit être conclu pour le compte de la société en formation
L’acte doit être repris par une modalité légale (art. L.210-6 et suivants du code de commerce ; art. 6, décret 3 juill. 1978)
Par les statuts
Par un mandat spécial
Par une décision collective
Par une clause de substitution
Dès lors, un acte conclu au nom de la société est nul et un acte conclu au nom personnel du fondateur sans précision de l’existence d’une société en formation ne pourra pas faire l’objet d’une reprise et le fondateur restera lié personnellement.
En conclusion, il faut donc retenir le principe fondamental rappelé par la Cour dans cet arrêt selon lequel les actes conclus par une société non immatriculée et donc dépourvue de la personnalité morale sont nuls d’une nullité absolue.
Bail commercial : Une clause d’indexation excluant la réciprocité de la variation en ne prévoyant qu’une variation du loyer à la hausse sera réputée non écrite
[Résumé]
La 3e chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 30 juin 2021 est venu préciser le régime des clauses d’indexation dans les baux commerciaux en jugeant que la clause excluant la réciprocité, en tant qu’elle a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du code de commerce, doit être réputée non écrite.
Faits de l’arrêt – En l’espèce dans cet arrêt la société Reims Talleyrand (ci-après « le bailleur ») a donné à bail à la société HSBC France (ci-après « le locataire ») des locaux à usage commercial. Le contrat comporte une clause d’indexation annuelle stipulant que l’indexation ne s’appliquera qu’en cas de variation de l’indice à la hausse. Plusieurs années après la conclusion du bail, le locataire a assigné le bailleur aux fins de voir déclarer la clause d’indexation réputée non écrite et de le voir condamner à lui restituer la somme de 96 379,31 euros sur le fondement de la répétition de l’indu pour une période précise.
Procédure – La cour d’appel donne raison au locataire et déclare non écrite dans son ensemble la clause d’indexation contenue dans le bail et condamne le bailleur à restituer au locataire une somme au titre des loyers indûment versés pendant une période précise. Le bailleur mécontent de cette décision forme un pourvoi en cassation.
Question – La clause d’indexation qui exclue toute réciprocité de la variation en prévoyant que l’indexation ne s’effectuerait que dans l’hypothèse d’une variation à la hausse de l’indice est-elle valide ?
Réponse de la Cour de cassation – Les Hauts magistrats de la Cour de cassation ont répondu par la négative. En effet, Ils rappellent qu’aux termes de l’article L. 145-39 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, par dérogation à l’article L. 145-38, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La Cour de cassation précise que, d’une part, le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse, de sorte que la clause figurant au bail et écartant toute réciprocité de variation, si elle ne crée pas la distorsion prohibée par l’article L. 112-1 du code monétaire et financier, fausse le jeu normal de l’indexation (3e Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n°14-24.681, Bull. 2016, III, n°7).
D’autre part, la neutralisation des années de baisse de l’indice de référence a mathématiquement pour effet de modifier le délai d’atteinte du seuil de variation du quart, conditionnant la révision du loyer, tel qu’il résulterait de l’évolution réelle de l’indice. La Cour conclu que la cour d’appel a relevé que la clause d’indexation excluait, dans son deuxième alinéa, toute réciprocité de la variation en prévoyant que l’indexation ne s’effectuerait que dans l’hypothèse d’une variation à la hausse de l’indice. Dès lors, il s’ensuit que cette stipulation, qui a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du code de commerce, doit être réputée non écrite, de sorte que l’action intentée par le locataire n’est enfermée dans aucun délai de prescription.
[L’avis du Cabinet]
Selon l’article 1103 du code civil, une fois que les parties se sont accordées sur un prix, celui-ci les lie conformément à la force obligatoire des conventions. Dès lors, sauf accord mutuel des parties, aucune modification du contenu du contrat n’est possible (art. 1193 C. civ.). Comme dit, par exception à ces principes de droit commun, la loi permet en matière de baux commerciaux un mécanisme de révision triennale du montant du loyer, lequel est d’ordre public, c’est-à-dire, qu’on ne peut pas y déroger. Toutefois, en marge de cette révision légale, les parties demeurent libres de stipuler une clause d’indexation, autrement appelée clause d’échelle mobile ou clause d’indexation.
La clause d’indexation permet de faire varier le montant du loyer en fonction d’un élément de référence objectif appelé indice. Autrement dit, cette clause permet de prévoir une augmentation à terme fixe (par périodicité de 3 mois, 6 mois, 1an etc) ou encore des seuils déclenchant la révision du loyer.
Une telle clause est alors naturellement soumise aux règles de validité du droit commun des contrats. Le régime des clauses d’indexation est encadré par les articles L. 112-1 et suivants du code monétaire et financier. Afin de limiter l’inflation, ces textes interdisent les adaptations automatiques des prix de biens ou de services. Une clause d’indexation peut être stipulée sous réserve que l’indice retenu par les parties soit en relation directe avec l’objet de la convention ou l’activité de l’une d’elle. Le code monétaire et financier indique qu’est réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble bâti, pour des activités commerciales, la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux.
La révision des loyers indexés n’est soumis à aucun délai de révision périodique de trois ans, comme le serait la révision de principe.
L’article L. 145-39 du code de commerce encadre ces clauses afin qu’elles ne puissent trop s’écarter de la valeur locative. Il précise que si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.
Autrement dit, il ne s’agit pas de comparer le nouveau loyer à la dernière variation résultant de l’application de l’indice mais bien à la fixation initiale du loyer par les parties ou à la dernière fixation judiciaire du prix. Par ailleurs, la variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.En effet, un aléa doit caractériser la clause d’indexation. Cela signifie que le loyer doit pouvoir augmenter ou diminuer.
En ce sens, une clause d’indexation qui exclut l’aléa de la variation en ne prévoyant qu’une variation du loyer à la hausse sera réputée non écrite. Le loyer doit, conformément à l’indice de référence choisi, augmenter ou diminuer.