Clause pénale, évaluation de titres et les vicissitudes de la transmission de l’entreprise familiale

Clause pénale, évaluation de titres et les vicissitudes de la transmission de l’entreprise familiale

Référence de la décision : CA Grenoble, 20-12-2023, n° 18/02796

Résumé :

La Cour d’appel de Grenoble a rendu une décision intéressante en matière de transmission d’entreprise familiale. La Cour a statué sur la validité d’une clause pénale insérée dans un testament et sur l’évaluation des titres sociaux non transmis lors d’une donation-partage.

Faits :

En 1981, des parents ont procédé à une donation-partage de leur patrimoine viticole entre leurs trois enfants. Deux fils ont reçu des parts de GFA et d’actions de la société d’exploitation, tandis que leur sœur a reçu un tènement immobilier.

Le père, mécontent de la contestation de la donation-partage par sa fille, a inséré une clause pénale dans son testament prévoyant l’exhérédation de tout héritier qui contesterait l’acte.

Question de droit :

La clause pénale est-elle valable ?

Quelle est la valeur des titres sociaux non transmis lors de la donation-partage ?

Motifs de la décision :

La clause pénale est réputée non écrite car elle porte une atteinte disproportionnée au droit d’agir en justice de la fille.

Les titres sociaux doivent être rapportés pour une valeur nominale de 244 € et non de 4 703 €, car il n’est pas tenu compte des améliorations dues à l’action des donataires.

Principes juridiques importants :

Limites à la liberté contractuelle en matière de clause pénale

Evaluation des biens transmis en cas de donation-partage

Portée et impact de la décision :

Cette décision rappelle les limites à la liberté contractuelle en matière de clause pénale.

Elle précise les règles d’évaluation des biens transmis en cas de donation-partage.

Points clés du commentaire :

La clause pénale est un outil juridique puissant, mais elle ne doit pas porter atteinte au droit d’agir en justice.

L’évaluation des biens transmis en cas de donation-partage est une question complexe qui doit tenir compte de l’ensemble des éléments du dossier.

Perspectives d’évolution du droit :

Il serait souhaitable d’avoir une clarification législative sur les limites de la clause pénale.

La question de l’évaluation des biens transmis en cas de donation-partage pourrait également être utilement précisée par le législateur.st important de se faire conseiller par un expert.

Pas de nouveau droit de rétractation du consommateur au moment de la reconduction du contrat

Pas de nouveau droit de rétractation du consommateur au moment de la reconduction du contrat

Référence de la décision : CJUE, 5-10-2023, aff. 565/22, Verein für Konsumenteninformation c/ Sofatutor GmbH

Résumé :

La CJUE a statué que le consommateur ne dispose pas d’un nouveau droit de rétractation à chaque reconduction d’un contrat à distance, même si ce contrat prévoyait une période d’essai gratuite initiale.

Faits :

Un utilisateur a souscrit à un abonnement à une plateforme d’apprentissage en ligne. L’abonnement prévoyait une période d’essai gratuite de 30 jours, après laquelle l’abonnement devenait payant et reconductible tacitement. L’utilisateur a contesté la reconduction de son abonnement, arguant qu’il disposait d’un nouveau droit de rétractation à chaque reconduction.

Question de droit :

Le consommateur dispose-t-il d’un nouveau droit de rétractation à chaque reconduction d’un contrat à distance ?

Motifs de la décision :

La CJUE a considéré que le droit de rétractation ne vise qu’à compenser le désavantage du consommateur qui conclut un contrat à distance sans avoir pu examiner le bien ou le service. En l’espèce, l’utilisateur avait été informé dès la conclusion du contrat que la prestation deviendrait payante après la période d’essai gratuite. La CJUE en a déduit que l’objectif du droit de rétractation était déjà atteint et qu’il n’y avait pas lieu de l’accorder à nouveau à chaque reconduction.

Principes juridiques importants :

Le droit de rétractation vise à compenser le désavantage du consommateur qui conclut un contrat à distance.

Le consommateur ne dispose pas d’un nouveau droit de rétractation à chaque reconduction d’un contrat à distance, même si ce contrat prévoyait une période d’essai gratuite initiale.

Portée et impact de la décision :

Cette décision clarifie la situation juridique en matière de droit de rétractation dans le cadre des contrats à distance reconductibles. Elle est favorable aux entreprises, car elle leur permet de sécuriser leurs revenus récurrents.

Points clés du commentaire :

La CJUE a confirmé que le droit de rétractation ne s’applique qu’une seule fois par contrat.

L’information du consommateur sur le prix du service après la période d’essai gratuite est essentielle.

Perspectives d’évolution du droit :

Il est possible que le législateur européen intervienne pour réguler davantage le droit de rétractation dans le cadre des contrats à distance reconductibles.

Cour de cassation assouplit sa jurisprudence sur les actes passés par une société en formation

Cour de cassation assouplit sa jurisprudence sur les actes passés par une société en formation

Résumé:

La Cour de cassation a rendu trois arrêts importants le 29 novembre 2023 qui assouplissent sa jurisprudence relative aux actes passés par une société en formation avant son immatriculation.

Ancienne jurisprudence :

Seuls les actes expressément conclus « au nom » ou « pour le compte » de la société en formation pouvaient être repris par la société après son immatriculation. Les actes conclus « par » la société en formation étaient nuls.

Nouvelle jurisprudence :

Il appartient désormais au juge d’apprécier souverainement, par un examen de l’ensemble des circonstances, si la commune intention des parties n’était pas que l’acte soit conclu au nom ou pour le compte de la société en formation. La validité de l’acte passé pour le compte d’une société en formation n’implique pas que la société effectivement immatriculée revête la forme et comporte les associés éventuellement mentionnés dans l’acte litigieux, sauf les cas de dol ou de fraude.

Conséquences :

Cette nouvelle jurisprudence est plus souple et permet de mieux prendre en compte la réalité des situations économiques. Elle devrait faciliter le développement des entreprises en leur permettant de sécuriser les actes passés avant leur immatriculation.

Points importants à retenir :

La procédure de reprise des actes reste inchangée.

La société en formation n’a pas nécessairement à présenter les mêmes caractéristiques que la société effectivement immatriculée, sauf en cas de dol ou de fraude.

Avis :

Cet assouplissement de la jurisprudence est une évolution positive qui devrait être favorable aux entreprises.

Il est important de noter que les juges auront désormais un rôle plus important dans l’appréciation de la validité des actes passés par une société en formation.

Référence :

– Cass. com. 29-11-2023 no 22-12.865 FS-BR

– Cass. com. 29-11-2023 no 22-18.295 FS-BR

– Cass. com. 29-11-2023 no 22-21.623 FS-BR

Responsabilité pour insuffisance d’actif du représentant légal d’une personne morale dirigeante d’une SAS

Responsabilité pour insuffisance d’actif du représentant légal d’une personne morale dirigeante d’une SAS

Nature de l’affaire: Responsabilité pour insuffisance d’actif du représentant légal d’une personne morale dirigeante d’une SAS

Référence de l’arrêt: Cass. com. 13-12-2023 n° 21-14.579 F-B

Faits: Une SAS en liquidation judiciaire est dirigée par une autre société. Le liquidateur judiciaire poursuit en responsabilité pour insuffisance d’actif les sociétés dirigeantes et leurs représentants légaux.

Question de droit: Le représentant légal d’une personne morale dirigeante d’une SAS peut-il être condamné pour insuffisance d’actif en l’absence de représentant permanent désigné ?

Motifs: La Cour de cassation juge que la responsabilité pour insuffisance d’actif est encourue par la personne morale dirigeante et par son représentant légal en l’absence d’obligation légale ou statutaire de désigner un représentant permanent.

Principes juridiques: La responsabilité pour insuffisance d’actif vise à combler le passif d’une société en liquidation judiciaire. Cette responsabilité peut être imputée aux dirigeants de droit et de fait, ainsi qu’aux représentants permanents des dirigeants personnes morales. En l’absence de représentant permanent, la responsabilité retombe sur le représentant légal de la personne morale dirigeante.

Portée et impact: Cette décision élargit la responsabilité pour insuffisance d’actif aux représentants légaux des personnes morales dirigeantes de SAS, même en l’absence de représentant permanent désigné.

Points clés: La responsabilité du représentant légal n’est pas subordonnée à la désignation d’un représentant permanent. La faute personnelle du représentant légal n’est pas nécessaire pour engager sa responsabilité.

Perspectives d’évolution: La Cour de cassation pourrait être amenée à se prononcer sur la responsabilité du représentant légal en cas de désignation d’un représentant permanent.

Comment reprendre les actes conclus par une société en cours de formation ?

Comment reprendre les actes conclus par une société en cours de formation ?

1 La société non immatriculée est dépourvue de la personnalité morale

L’article 1842, du code civil dispose que « les sociétés autres que les sociétés en participation […] jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. Jusqu’à l’immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations. ».

L’article L.210-6 al 1 du code de commerce précise que « les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation. »

Il résulte de cet article que la société non immatriculée n’a pas la personnalité juridique. Dès lors, ses prétendus représentants ne peuvent pas agir en son nom.

  1. Les actes conclus en son nom alors qu’elle n’a pas la personnalité morale sont imputables à ses prétendus représentants qui s’engagent à titre personnel

A ce titre, l’article 1843 al 1 du code civil précise que « les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant l’immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. »

En effet, la société non immatriculée n’étant pas juridiquement apte à agir avec les tiers, les actes conclus par elle alors qu’elle n’a pas la personnalité morale seront imputables aux personnes qui ont agi en son nom qui s’engagent personnellement.

  1. Les actes conclus peuvent être repris par la société régulièrement immatriculée 

Toutefois, les actes conclus lorsque la société est en cours de formation peuvent être repris par elle après l’immatriculation.

A ce titre, l’article 1843 al 2 du code civil dispose que « la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l’origine contractés par celle-ci. »

L’article L.210-6 al 2 du code de commerce précise que « Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société. »

Pour que la société puisse reprendre les actes conclus lorsqu’elle était en cours de formation, il faut respecter un formalisme précis :

  • La société doit être immatriculée
  • L’acte doit être conclu pour le compte de la société en formation
  • L’acte doit être repris par une modalité légale (art. L.210-6 et suivants du code de commerce ; art. 6, décret 3 juill. 1978)
    • Par les statuts
    • Par un mandat spécial
    • Par une décision collective
    • Par une clause de substitution

Dès lors, un acte conclu au nom de la société est nul et un acte conclu au nom personnel du fondateur sans précision de l’existence d’une société en formation ne pourra pas faire l’objet d’une reprise et le fondateur restera lié personnellement.

En conclusion, il faut donc retenir le principe fondamental selon lequel les actes conclus par une société non immatriculée et donc dépourvue de la personnalité morale sont nuls d’une nullité absolue.