Prêt accordé par l’Etat : sa responsabilité susceptible d’être engagée dans le cadre d’une procédure collective.

En l’espèce, le Tribunal de commerce de Créteil ouvre une procédure de redressement judiciaire le 19 juin 2001 à l’encontre de plusieurs sociétés (compagnies aériennes) dont le Groupe Swissair est actionnaire.

 

Le 27 juillet 2001, le tribunal arrête un plan de cession des actifs de ces sociétés au profit de la société Holco ; puis le 1er aout 2001 il homologue le protocole transactionnel conclu entre la société Holco et le groupe Swissair prévoyant le versement par ce dernier de contributions financières pour assurer la restructuration et la poursuite des activités reprises.

 

Cependant, le groupe est défaillant et ne parvient pas à verser l’intégralité de ces contributions. A cet égard, la société d’exploitation réclame l’aide des pouvoirs publics, en l’occurrence l’Etat, aux fins de percevoir les sommes requises pour la restructuration de son activité.

 

Par un contrat en date du 9 janvier 2002, l’Etat accorde à la société d’exploitation un prêt d’une durée de 6 mois, pour un montant de 16.500.000 euros ; puis le prêt est porté à 30.500.000 euros par un avenant en date du 28 février 2002. En outre, la durée du prêt est prolongée à deux reprises, d’abord de quatre mois par un avenant en date du 25 septembre 2003, puis jusqu’à la date du 9 janvier 2003 par un avenant en date de décembre 2002

 

Le 17 février 2003, le Tribunal de commerce de Créteil ouvre une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société d’exploitation.

 

Ses mandataires liquidateurs, introduisent une action aux fins de voir la responsabilité de l’Etat engagée au motif que l’Etat aurait contribué à aggraver le passif de la société d’exploitation en accordant ces aides et permettant ainsi la poursuite de l’activité, alors même que la situation était déjà irrémédiablement compromise à la date de leur attribution ; causant ainsi un préjudice à ses créanciers.

 

Cette demande est rejetée par les juges du fond, d’abord par le Tribunal administratif de Melun le 25 juin 2014, puis par la Cour administrative de Paris le 9 novembre 2017.

 

L’affaire est portée devant le Conseil d’Etat, qui rappelle d’abord que l’aide accordée par l’Etat ne rentre pas dans le champ d’application de l’article L. 650-1 du Code de commerce.

 

Ensuite, il relève que la faute commise par les pouvoirs publics dans le cadre de l’octroi d’une aide, n’est établie que dans trois hypothèses :

 

– En méconnaissance des textes applicables

– Lorsqu’il est manifeste qu’à la date de son octroi, elle était insusceptible de permettre la réalisation d’un objectif d’intérêt général

– Lorsque son montant était sans rapport avec la poursuite d’un objectif d’intérêt général

 

Enfin, il précise qu’il appartient au juge, dans le cadre d’une telle demande sur le fondement d’une aide illégalement accordée, d’apprécier d’une part le préjudice, c’est-à-dire d’établir son caractère certain ou non, et d’autre part d’établir l’existence d’un lien causal direct entre la faute de l’administration et le préjudice dont se prévalent les demandeurs à l’action.

 

Par conséquent, le Conseil d’Etat, qui relève que la Cour d’appel n’a pas fait application de ces principes précités aux faits d’espèce, annule la décision de cette dernière par un arrêt en date du 27 novembre 2020 et renvoi l’affaire devant la Cour administrative de Paris.

 

(Conseil d’État, 9ème – 10ème chambres réunies, 27/11/2020, 417165)

clôture 2020

Cher réseau, Chers partenaires, Chers amis,

 

L’année 2020 s’achève et fut ponctuée d’une multitude d’évènements témoignant de la véracité de ces quelques mots d’Alfred de Musset : « voir, c’est savoir ; vouloir, c’est pouvoir ; oser, c’est avoir ».

 

Nous vous souhaitons beaucoup de succès dans ce que vous entreprendrez et vous remercions chaleureusement pour cette année passée ensemble.

 

A cet effet, l’équipe du cabinet vous présente ses meilleurs vœux pour 2021 et vous souhaite de très belles fêtes de fin d’année.

La distribution de dividendes n’est pas nécessairement une faute de gestion de l’employeur dans le cadre d’un licenciement économique

Par une série de 5 arrêts en date du 4 novembre 2020, la Chambre sociale est venue préciser les contours de la notion de faute de gestion de l’employeur dans le cadre d’un licenciement économique.

 

En l’espèce, au sein de la société Pages Jaunes, une réorganisation de l’entreprise a lieu et aboutit à un plan de sauvegarde de l’emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013, validé par la DIRECCTE d’Ile de France le 2 janvier 2014. Dans ce cadre, des salariés de la société Pages Jaunes refusent la modification de leur contrat de travail proposée dans le cadre de cette réorganisation, ce qui, par conséquent, provoque leur licenciement pour motif économique.

 

Le juge administratif, d’abord par un arrêt de Cour administrative d’appel du 22 octobre 2014, puis par un arrêt du Conseil d’Etat du 22 juillet 2015 annule la décision de validation de la DIRECCTE au motif qu’elle ne revêt pas le caractère majoritaire imposé par l’article L. 1233-24-1 du Code du travail.

 

À la suite de cette décision d’annulation, les salariés saisissent le Conseil des Prud’hommes aux fins de voir juger que le motif économique de leur licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

 

La Cour d’appel de Caen accueille les demandes des salariés et condamne l’employeur au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle rappelle la situation de la société Pages jaunes est une filiale à 100% de Pages Jaunes Groupe (aujourd’hui dénommé Solocal) et que dans le cadre d’une opération de LBO (« leverage buy-out ») la holding se distribuait les dividendes de la filiale pour assurer le remboursement de l’emprunt. Or ces décisions ont provoqué l’assèchement des ressources financières de la filiale la privant d’investissements stratégiques nécessaires pour adapter l’organisation de la société à la nouvelle configuration du marché de la publicité.

 

Par conséquent, la Cour d’appel considère que l’inadaptation de l’organisation de celle-ci, qui a causé son manque de compétitivité et par la même la dégradation de sa situation économique, sont imputables aux décisions de mise à disposition de liquidités qui ont empêché ou limité les investissements nécessaires. Ces décisions sont donc qualifiées, par les juges du fond, de préjudiciables, prises dans le seul intérêt de l’actionnaire et ne pouvant pas constituer une simple erreur de gestion.

 

La Chambre sociale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 4 novembre 2020 censure le raisonnement des juges du fond. Elle relève que les motifs retenus par la Cour d’appel ne suffisent pas à qualifier une faute de l’employeur et rappelle que l’erreur éventuellement commise dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion, ne peut caractériser à elle seule une faute de gestion. Ce n’est que lorsque l’employeur commet une faute causant une menace sur la compétitivité, nécessitant dès lors une réorganisation, que cette faute est susceptible de priver le caractère réel et sérieux des licenciements engendrés par cette réorganisation. Ainsi, la Chambre sociale s’assure, par cet arrêt, que le contrôle des juges porte sur la notion et la commission d’une faute ; pas sur les choix de gestion qui ont été effectués par l’employeur.

 

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 novembre 2020, 18-23.029 18-23.030 18-23.031 18-23.032 18-23.033, Publié au bulletin)