Bail commercial : le congé avec refus de renouvellement et l’indemnité d’éviction

Bail commercial : le congé avec refus de renouvellement et l’indemnité d’éviction

Le bail commercial est soumis au régime des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce. Il a l’avantage d’offre au locataire (preneur) un statut protecteur. En effet, si le locataire peut mettre un terme au bail tous les trois ans, le bailleur ne peut quant à lui rompre le contrat qu’à l’issue de la période de 9 ans. En outre, cette rupture est soumise à un formalisme très spécifique et donne droit au locataire au paiement d’une indemnité d’éviction. C’est ce que l’on appelle la propriété commerciale.

Nous allons étudier la procédure de résiliation (1), le contentieux issue de cette procédure (2), puis nous allons nous concentrer sur la question épineuse de l’indemnité d’éviction (3).

1. Le congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction

1.1. Conditions de forme et délais du congé avec refus de renouvellement

Il résulte des dispositions du Code de commerce que le refus de renouvellement du bailleur peut se manifester selon deux modalités distinctes :

1.1.1. Le bailleur délivre un congé avec refus de renouvellement (article L.145-9 du Code de commerce) :

L’article L.145-9 du Code de commerce dispose que le bail commercial ne cesse que par l’effet d’un congé délivré par le bailleur au locataire.

Délai du congé : le congé doit être délivré six (6) mois avant l’expiration du bail. Sinon, il devra être délivré, au cours de la tacite prolongation, au moins six (6) mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil.

Modalités de notification : le congé doit être donné par acte extrajudiciaire (acte d’huissier).

Formalisme du congé : A peine de nullité le congé doit :

– préciser les motifs pour lesquels il est donné (lorsque le congé est assorti de la proposition d’une indemnité d’éviction, il n’est pas tenu d’être motivé) ;

– indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal compétent avant l’expiration d’un délai de deux (2) ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

1.1.2. Le Bailleur refuse le renouvellement demandé par le locataire (article L.145-10 du Code de commerce) :

L’article L.145-10 du Code de commerce dispose que le locataire qui souhaite obtenir le renouvellement de son bail commercial doit en faire la demande dans les six (6) mois qui précèdent l’expiration du bail ou à tout moment au cours de sa tacite prolongation.

Le bailleur peut refuser cette demande de renouvellement. Pour être régulier, ce refus doit respecter les conditions suivantes :

Délai du refus de renouvellement : le refus de renouvellement du bailleur doit intervenir dans les trois (3) mois de la notification de la demande de renouvellement. A défaut, le bailleur est réputé avoir accepté le principe de renouvellement du bail.

Modalités de notification : le refus de renouvellement doit être donné par acte extrajudiciaire.

Formalisme du refus de renouvellement : A peine de nullité le refus de renouvellement doit indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux (2) ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement.

1.2. Conséquences de l’irrégularité du congé

Il résulte de la jurisprudence constante, qu’en présence d’un congé nul, le locataire a deux (2) options :

– renoncer à la nullité du congé en sollicitant une indemnité d’éviction et en se maintenant dans les lieux jusqu’à son paiement ;

– se prévaloir de cette nullité en optant pour la poursuite du bail.

2. Procédure contentieuse de contestation du congé avec refus de renouvellement ou de fixation de l’indemnité d’éviction

2.1. Juridiction compétente

La juridiction compétente est le Tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble (article R..211-3-26 du Code de l’organisation judiciaire).

2.2. Délai de prescription de l’action

Le locataire qui entend soit contester le refus de renouvellement soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit saisir le tribunal compétent avant l’expiration d’un délai de deux (2) ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement (article L.145-10 du Code de commerce).

2.3. Déroulement de la procédure

La procédure relative à la contestation du motif du congé et/ou à la fixation de l’indemnité d’éviction suit le déroulement classique de la procédure avec représentation obligatoire devant le tribunal judiciaire.

Pour les litiges afférents à la fixation de l’indemnité d’éviction, le Tribunal fait généralement appel à un expert judiciaire afin d’estimer la valeur du fonds, la valeur du bail et, plus généralement, tout élément permettant de procéder au chiffrage de l’indemnité d’éviction.

2.4. Voies de recours

La décision du Tribunal judiciaire est susceptible d’appel dans les conditions du droit commun, c’est-à-dire dans le mois (CPC, art. 538) de la signification.

Attention : Il ne faut pas confondre cette procédure avec la procédure particulière des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé qui se déroule devant le Président du Tribunal judiciaire (article R.145-23 et suivants du Code commerce).

3.Focus sur l’indemnité d’éviction

3.1 Définition de l’indemnité d’éviction

L’indemnité d’éviction est une indemnité versée par le Bailleur au locataire en réparation du préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail commercial (article L.145-14 du Code de commerce).

3.2. Droit au maintien dans les lieux du locataire jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction

Il résulte de l’article L145-28 du Code de commerce que le locataire qui peut prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue.

Jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, le locataire a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.

Toutefois, le locataire est redevable d’une indemnité d’occupation pendant la période d’occupation du local.

3.3. Evaluation de l’indemnité d’éviction

3.3.1. Date d’évaluation de l’indemnité d’éviction

En cas de départ du locataire avant la décision statuant sur l’indemnité d’éviction :

Dans ce cas, la date d’évaluation de l’indemnité d’éviction doit être fixée à la date du départ effectif du local.

Le tribunal ne devra donc pas tenir compte des variations économiques postérieures à la date du départ.

En cas de maintien du locataire dans les lieux jusqu’au moment de la décision statuant sur l’indemnité d’éviction :

Dans ce cas, la date d’évaluation de l’indemnité d’éviction doit être fixée au jour où le tribunal rend sa décision.

Le tribunal devra notamment tenir compte de l’évolution postérieure au dépôt du rapport d’expertise (Cour de cassation, troisième chambre civile., 25 févr. 1975, n°73‐13.788 ; Cour de cassation, troisième chambre civile., 16 déc. 1987, n°86‐14.388 ; Cour de cassation, troisième chambre civile., 16 mai 1990, n° 88‐19.196).

Lorsqu’il y a appel, le tribunal devra tenir compte de l’évolution postérieure au jugement (Cour de cassation, troisième chambre civile, 17-06-1971, n°70‐13.420 ; Cour de cassation, troisième chambre civile, 06-03-1985, n°83‐16.846 ; Cour de cassation, troisième chambre civile, 16-12-1987, n°86‐14.388).

3.3.2. Méthodes d’évaluation de l’indemnité d’éviction

L’article L.145-14 alinéa 2 du Code de commerce dispose que l’indemnité d’éviction « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »

Cet article .145-14 alinéa 2 édicte une présomption selon laquelle le refus de renouvellement entraîne la disparition du fonds de commerce du locataire qui doit donc être indemnisé en conséquence (valeur de remplacement). Cette présomption peut être combattue par le bailleur, à qui incombe alors la charge de la preuve, lorsque l’éviction n’entraîne pas la disparition du fonds de commerce du locataire et qu’il peut se réinstaller sans avoir à acheter ou à créer un nouveau fonds en transférant le fonds qu’il exploite dans de nouveaux locaux (valeur de déplacement).

Dans ces conditions, le critère principal permettant de procéder à l’évaluation du montant de l’indemnité d’éviction est celui de la disparition du fonds de commerce :

– Si le fonds de commerce disparait du fait de l’absence de renouvellement du bail commercial, alors le montant retenu par le Tribunal sera celui correspondant à la valeur de remplacement (3.3.2.1) ;

– Si le fonds de commerce ne disparait pas malgré l’absence de renouvellement du bail commercial, alors le montant retenu par le Tribunal sera celui correspondant à la valeur de déplacement (3.3.2.2).

3.3.2.1. Valeur de remplacement

Utilisation de la valeur de remplacement :

La valeur de remplacement est utilisée dans deux (2) cas :

1er cas : lorsque le fonds existant n’est pas transférable et que le locataire va en perdre les éléments principaux et notamment la clientèle ;

2ème cas : lorsque le coût de déplacement du fonds de commerce transférable est supérieur à la valeur même du fonds. Dans ce cas, la valeur de remplacement est retenue.

Calcul de la valeur de remplacement :

La valeur de remplacement à laquelle doit être fixé le montant de l’indemnité d’éviction, comprend :

– à titre principal, la valeur marchande du fonds exploité par le Preneur ou, s’il est supérieur la valeur du droit au bail (i) ;

– à titre accessoire, les indemnités annexes réparant les autres chefs de préjudice engendrés par le départ du locataire (frais de déménagement, trouble commercial, frais – et non coût – d’acquisition d’un nouveau fonds etc…) (ii) ;

(i) Calcul du montant de l’indemnité principale

Les juges du fonds sont souverains pour déterminer la méthode d’évaluation de l’indemnité principale. Ils se fondent généralement sur le rapport de l’expert judiciaire.

L’indemnité principale de la valeur de remplacement correspond à la valeur marchande du fonds de commerce. La valeur de remplacement doit tenir compte du droit au bail des locaux occupés par le Preneur puisque ce droit au bail constitue l’un des éléments du fonds de commerce disparu.

A ce titre, plusieurs méthodes d’évaluation sont envisageables :

– Méthode d’évaluation par le chiffre d’affaires : moyenne du chiffre d’affaires des 3 dernières années à laquelle on applique un pourcentage variable (exemple : pour les restaurants, coefficient de 77,5 %) ;

– Méthode d’évaluation par la recette journalière : recette journalière multipliée par un coefficient ;

– Méthode d’évaluation par la rentabilité : excédent brut d’exploitation multiplié par un coefficient ;

Important : lorsque la valeur du droit au bail est supérieure à la valeur du fonds de commerce, l’indemnité principale devrait être égale à la valeur du droit au bail.

La valeur du droit au bail est, en principe, évaluée comme suit :

[Loyer du marché (valeur locative) – loyer réellement dû par le locataire]

x

Coefficient multiplicateur de valorisation (entre 3 et 9)

(ii) Calcul du montant des indemnités accessoires

– Frais de déménagement et de réinstallation : frais d’aménagement des nouveaux locaux (dus si le locataire a l’intention de se réinstaller) ;

– Frais de remploi (frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur) : entre 8 et 10 % de la valeur du fonds de commerce (dus si le locataire a l’intention de se réinstaller) ;

– Indemnité de trouble commercial ou de cessation d’exploitation du locataire pendant le temps nécessaire à sa réinstallation : environ 3 mois d’excédent brut d’exploitation ou 15 jours de masse salariale (sauf si le locataire n’a pas l’intention de se réinstaller ou n’est pas en mesure de le faire) ;

– Frais de licenciement : les indemnités mises à la charge de l’employeur devront être remboursées par le Bailleur ;

– Indemnité pour perte du logement accessoire : indemnité due lorsque la disparition du logement accessoire prive le locataire d’un avantage qui était en relation directe avec l’exploitation du fonds et qui influait sur sa rentabilité ;

– Frais et honoraires juridiques ;

Important : les éléments exclus des indemnités accessoires sont les suivants : matériel, mobilier et droits incorporels ; acquisition d’un nouveau pas‐de‐porte ; aménagements internes des locaux repris par le Bailleur ; impôts dus au titre des plus‐values ; préjudice moral.

3.3.2.1. Valeur de déplacement

Utilisation de la valeur de déplacement :

La valeur de déplacement est utilisée lorsque l’éviction n’entraîne pas la disparition du fonds et que le locataire se réinstalle en se déplaçant dans un nouveau local à proximité sans avoir à acheter ou créer un nouveau fonds.

Il appartient donc au Bailleur, sur lequel pèse une présomption de disparition du fonds du locataire évincé, de démontrer que le locataire est en mesure de transférer le fonds en établissant notamment que : la clientèle est exclusivement attachée à la personne du locataire ; la clientèle survivra à un déplacement géographique du fonds ; le locataire a la possibilité de trouver de nouveaux locaux d’exploitation dans le voisinage ou à proximité.

Important : la valeur de déplacement est exclue lorsqu’elle est supérieure à la valeur de remplacement du fonds de commerce. Dans ce cas, il convient de retenir la valeur de remplacement.

Calcul de la valeur de déplacement :

La valeur de déplacement à laquelle doit être fixé le montant de l’indemnité d’éviction, comprend :

– à titre principal, la valeur du droit au bail (i) ;

– à titre accessoire, les indemnités annexes réparant les autres chefs de préjudice engendrés par le départ du locataire (frais de déménagement, trouble commercial, frais – et non coût – d’acquisition d’un nouveau fonds etc…) (ii) ;

(i) Calcul du montant de l’indemnité principale

Il résulte de la jurisprudence constante que l’indemnité principale de la valeur de déplacement sera basée sur la valeur du droit au bail du local objet de l’éviction (Cass. civ. 3e, 15-10-2008, n° 07-17.727). La jurisprudence ne retient que très rarement la valeur du droit au bail du nouveau local.

Cette indemnité principale sera généralement calculée selon la méthode du différentiel :

[Loyer du marché (valeur locative) – loyer dû par le locataire si le bail avait été renouvelé (loyer plafonné)]

x

Coefficient multiplicateur de valorisation (qui varie entre 3 et 9 en fonction de la qualité de l’emplacement)

Observation : Dans certaines situations, le montant du pas-de-porte déboursé par le locataire pour sa réinstallation pourra être retenu dans le chiffrage de l’indemnité d’éviction (Cass. 3e civ., 25 janv. 1968, n°65‐13.246 ; Cass. 3e civ., 20 juin 1979, n°77‐13.863).

(b) Calcul du montant des indemnités accessoires

– Frais de déménagement et de réinstallation : frais d’aménagement des nouveaux locaux (dus si le locataire a l’intention de se réinstaller) ;

– Frais de remploi (frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur) : entre 8 et 10 % de la valeur du fonds de commerce (dus si le locataire a l’intention de se réinstaller) ;

– Indemnité de trouble commercial ou de cessation d’exploitation du locataire pendant le temps nécessaire à sa réinstallation : environ 3 mois d’excédent brut d’exploitation ou 15 jours de masse salariale (sauf si le locataire n’a pas l’intention de se réinstaller ou n’est pas en mesure de le faire) ;

– Frais de licenciement : les indemnités mises à la charge de l’employeur devront être remboursées par le Bailleur ;

– Indemnité pour perte du logement accessoire : indemnité due lorsque la disparition du logement accessoire prive le locataire d’un avantage qui était en relation directe avec l’exploitation du fonds et qui influait sur sa rentabilité ;

– Frais et honoraires juridiques ;

3.4. Fiscalité de l’indemnité d’éviction

3.4.1. Pour le bailleur

3.4.1.1. Déductibilité de l’indemnité d’éviction

Déductibilité de l’indemnité d’éviction versée par le bailleur en vue d’accroitre le montant des loyers imposables :

L’indemnité d’éviction est considérée comme une charge déductible du montant brut des loyers (pour le bailleur relevant des revenus fonciers) ou du résultats imposables (pour le bailleur soumis au Bénéfices Industriels et Commerciaux ou à l’Impôt sur les Sociétés) lorsque son versement a eu pour objet l’acquisition ou la conservation des revenus tirés de la location de l’immeuble (Conseil d’Etat 20-10-1978, req. n°07157).

2 hypothèses révèlent l’intention du bailleur de tirer un plus grand avantage économique du local commercial :

1ère hypothèse : Le bailleur libère le local en vue de le relouer, le cas échéant après transformation.

2ème hypothèse : Le bailleur reprend la disposition du local aux fins d’exercer une activité distincte de celle du preneur évincé.

Non-déductibilité de l’indemnité versée par le bailleur en vue d’accroitre ou de valoriser son patrimoine :

L’’indemnité d’éviction est exclue des charges déductibles si le bailleur a résilié le bail dans le but d’accroître ou de valoriser son patrimoine immobilier (Conseil d’Etat 20-10-1978, req. n°07157).

Trois hypothèses révélant l’intention du bailleur de cesser son activité locative pour accroître son capital immobilier :

– Le bailleur libère le local en vue de sa démolition.

– Le bailleur libère le local en vue d’en reprendre la disposition.

– Le bailleur libère le local en vue d’en faciliter la vente.

3.4.1.2. Prise en compte de l’indemnité d’éviction pour le calcul de la plus-value de cession du local

Lorsque le bailleur, particulier ou entreprise, verse une indemnité d’éviction au locataire afin de vendre le local libre de toute occupation, le montant de cette indemnité est compris parmi les frais supportés par le vendeur à l’occasion de la cession. Cette indemnité est donc déductible du prix de cession, pour le calcul de la plus-value immobilière des particuliers.

Par exception, le service des Impôts est fondé à refuser de tenir compte du versement de l’indemnité d’éviction au preneur évincé, pour le calcul de la plus-value de cession, dans 3 séries d’hypothèses :

– Non-déduction des versements d’indemnités d’éviction présentant un caractère fictif ou frauduleux ;

– Non-déduction des indemnités versées aux preneurs ayant cessé leur activité ;

– Non-déduction des indemnités sans lien avec l’acquisition ou la cession du local commercial.

3.4.2. Pour le locataire

3.4.2.1. Imposition de l’indemnité d’éviction pour le locataire soumis à l’impôt sur le revenu

Dans ce cas, le régime d’imposition des divers éléments d’une indemnité d’éviction varie selon la nature du préjudice que cette indemnité est destinée à réparer :

– lorsqu’elle compense la perte d’un élément d’actif (le droit au bail) : la fraction de l’indemnité d’éviction correspondante est assimilée à un prix de cession. En conséquence, cette fraction est imposée comme une plus-value ;

– lorsqu’elle compense une charge ou un manque à gagner (frais de remploi, frais de déménagement et de réinstallation, frais de publicité, perte de recettes commerciales, etc.) : la fraction de l’indemnité d’éviction correspondante est comprise dans le résultat imposable au taux normal.

3.4.2.2. Imposition de l’indemnité d’éviction pour le locataire soumis à l’impôt sur les sociétés

Dans ce cas, l’indemnité d’éviction sera imposée au taux normal de l’impôt sur les sociétés, quelle que soit la nature du préjudice compensé par l’indemnité.

3.4.3. Indemnité d’éviction et TVA

Conformément aux principes dégagés par le Conseil d’État, les indemnités sont soumises à TVA uniquement si elles constituent la contrepartie d’une prestation de services individualisée rendue à celui qui la verse. À l’inverse, une indemnité qui a pour objet exclusif de réparer un préjudice n’a pas à être soumise à la TVA.

Or, l’indemnité d’éviction versée par le bailleur est destinée à réparer le préjudice subi par le locataire du fait de l’absence de renouvellement.

Dans ces conditions, cette indemnité d’éviction ne constitue pas la contrepartie d’une prestation de services et n’est donc pas soumise à TVA.

La levée de fonds : aspects juridiques, opérationnels et fiscaux

La levée de fonds : aspects juridiques, opérationnels et fiscaux

1. Introduction rapide

Définition de la levée de fonds

La levée de fonds est un mode de financement qui consiste à rechercher des investisseurs ou institutions susceptibles d’investir au capital social d’une société avec des conditions de sorties prédéfinies. En contrepartie de titres, les investisseurs apportent des fonds à la société. Cette technique de financement concerne surtout les entreprises innovantes et les startups à fort potentiel et développement. Les investisseurs s’intéressent à la valeur de l’entreprise et ont pour objectif de réaliser une forte plus-value lors de la revente de leurs titres.

L’expression « capital investissement » a remplacé, en France, celle de « capital-risque ». En effet, le « capital risque », était initialement défini comme « l’investissement en fonds propres ou quasi-fonds propres, dans des sociétés non cotées en Bourse, y compris les opérations de création et de transmission des entreprises ». Ces deux lois qui d’ailleurs avaient permis de créer respectivement les fonds communs de placement à risque (FCPR) et le régime fiscal particulier des Sociétés de capital-risque (SCR). En réalité cette définition est lacunaire puisqu’elle omet la réalité économique de cette notion et est une définition purement juridique destinée à l’application des régimes créés par ces lois.

Le capital investissement est un réel métier qui consiste en la prise de risque pour un investisseur en capital, qui accepte de devenir actionnaire d’une société non cotée dont il n’assure pas la direction, mais qu’il assiste de sa compétence technique et sur la gestion de laquelle il exerce un contrôle plus ou moins important, en vue de réaliser, à terme, un profit sous la forme d’une plus-value sur cession de sa participation.

Le terme générique de capital-investissement recouvre en réalité plusieurs types d’intervention, selon le stade de développement de l’affaire financée. Il peut apparaître à tout moment de la vie de l’entreprise : sa phase de création, de développement ou encore en phase de transmission ou de retournement.

Ainsi chronologiquement l’investissement peut apparaître comme suit :

Les différents modes de levée de fonds

(1) Avant le lancement de l’entreprise : par le biais d’un capital-risque ou encore appelé capital-innovation qui comprend :

Avant la création de l’entreprise : Le capital-amorçageou seed capital, ou encore capital-faisabilité : il s’agit du financement d’un entrepreneur qui a besoin de prouver la faisabilité de son idée ou de se faire aider pour son business plan. On se trouve ici au niveau de la mise au point ou de la finalisation du prototype, bien avant la création de l’entreprise.

Pendant la création de l’entreprise : Le capital – création ou startup capital : ce financement intervient à la phase de création de l’entreprise, du développement du produit jusqu’à son lancement industriel et commercial.

Pendant le développement d’un produit : Le capital post-création : il intervient pendant la phase où l’entreprise, ayant achevé le développement d’un produit, a besoin de capitaux pour en démarrer la fabrication et la commercialisation. Il se distingue donc du capital-création à proprement dit.

(2) Pendant le développement de l’entreprise :

Pendant le développement de l’entreprise : Le capital-développement : les fonds investit ont pour but d’augmenter les capacités de production, la force de vente, de développer de nouveaux produits, financer des acquisitions et/ou accroître le fonds de roulement de l’entreprise. On se trouve ici, dans une phase où l’entreprise a déjà atteint son seuil de rentabilité et/ou dégage des profits.  Cet investissement permet aussi à l’entreprise qui a atteint sa maturité et se trouvant donc à un stade où l’enjeu est désormais de changer d’échelle, de pouvoir le faire aisément (dit scale-up).

Pour l’acquisition d’une entreprise déjà établie : Le capital-transmission : ici, l’investissement est apporté soit par une nouvelle équipe (management buy-in), par la direction (management buy-out) ou encore par le/les héritiers d’une entreprise familial, afin de permettre l’acquisition d’une entreprise déjà établie. Cette acquisition, se réalise via une holding de reprise avec l’aide d’un endettement (LBO ou leverage Buy-Out).

Notons que, parfois, le LBO est au service d’une stratégie dite de « build-up », c’est-à-dire, la création de synergies au moyen d’opérations de croissance externe (rachats d’entreprise déjà existantes). En effet, les opérations de LBO s’inscrivent dans le cadre plus général de ce qu’on appelle fusion-acquisition ou encore appelé « Mergers and Acquisitions ». Ces opérations de fusions-acquisitions consistent en l’acquisition d’une position majoritaire par achats d’actions. C’est précisément de cette manière que se réalise les transactions de capital-transmission, même si on peut dire que les techniques employées dans le domaine des fusions-acquisitions sont variées et s’enrichissent notamment des échanges d’actions et des fusions, au sens juridique du termes, c’est-à-dire, par la réunion des patrimoines.

Outre cette technique d’acquisition d’une position majoritaire par l’achat d’actions au sein d’une entreprise déjà bien établie, on peut aussi évoquer la technique qui consiste à racheter des parts de position minoritaire. Ici, l’investisseur rachète la participation d’un ou plusieurs associés ou actionnaires de la société cible, qui peuvent être eux-mêmes des capital-investisseurs. Dans ce cas de figure, il s’agit, en quelque sorte, d’une prise de relais.

Pour les entreprises en difficultés :

Le capital-retournement : lorsque l’entreprise rencontre des difficultés il peut avoir besoin de financement pour se relever. Cet investissement n’est possible que lorsque ces difficultés rencontrées ne mettent pas en cause le business model ni les fondamentaux du marché de l’entreprise. L’investissement dans ce cas de figure, permet à l’investisseur de prendre une position dans l’entreprise, en générale majoritaire, et implique un changement de l’équipe managériale, pour permettre de relancer l’entreprise et un retour à meilleure fortune.

Aujourd’hui, le capital-investissement n’est plus une simple technique de financement, c’est un réel modèle économique et un modèle de gouvernance qui contribue à la relève de l’esprit d’entreprise en France. En effet, il permet de combler un besoin essentiel pour les PME et les startups innovantes. En ce sens, il leur permet de financer leur croissance et constitue dès lors, un moteur essentiel du renouvellement du tissu économique et de la création d’emplois.

Dès lors deux questions se posent : d’abord, celle de savoir qui peut bénéficier de cette technique de levée de fonds, ensuite, celle de savoir qui peut financer une entreprise par le biais de cette technique.

Qui peut bénéficier de cette technique ? Les entrepreneurs.

Le terme entrepreneur peut s’entendre comme désignant, de façon générique, et selon les cas :

– Les détenteurs d’un projet d’entreprise à réaliser

– Les représentants légaux d’une société existante dont l’activité est de développer ou de poursuivre l’entreprise malgré la sortie de l’actionnaire

– Les acquéreurs d’une société en transmission

Qui peut financer ces entreprises ? Des partenaires ou des investisseurs.

Le capital-investissement permet donc à des entreprises qui se trouvent dans le besoin d’augmenter leur capital social, de bénéficier d’un financement. Ce financement par la levée de fonds peut s’effectuer par deux types d’acteurs :  des partenaires (1) ou des investisseurs (2).

Les partenaires :

Il existe plusieurs partenaires, s’entendant comme des organismes ayant pour objet l’accompagnement du financement par le biais du capital-investissement. Un accompagnement tant à l’égard des investisseurs que des entrepreneurs.  On peut en citer deux biens connus, parmi d’autres :

France Invest (ex-Afic) qui est une association ayant pour objectif de fédérer les différents métiers du capital-investissement au sein d’un organisme professionnel indépendant chargé d’offrir un cadre à cette activité précise.  Elle regroupe la majorité des structures française de capital-investissement.

Bpifrance création et Bpifrance développement qui sont des organismes permettant l’accompagnement des entrepreneurs dans leur création et/ou développement de leur entreprise. Outre les investissements qu’ils peuvent apporter, ils sont aussi un objectif de faciliter l’entrepreneuriat pour tous en levant les barrières à l’information notamment, au financement et à la croissance des entreprises.

Les investisseurs :

Un opérateur en capital-investissement est un organisme qui effectue des investissements en fonds propres dans des entreprises non cotées. Ainsi, il peut s’agir d’un organisme opérant avec ses fonds propres personnels ou qui, gérant de l’épargne à long terme, cherchera à la faire fructifier en l’investissant.

Entre autres, différents types d’apporteurs de fonds peuvent être distingués :

– Des banques

– Les particuliers (business angels et family offices)

– Des industriels

– Des fonds souverains

– Les marchés financiers

– Les caisses de retraites

– Les compagnies d’assurance (et autres mutuelles)

– Les fonds de fonds

Pour résumer, il existe deux types d’investisseurs : des investisseurs publics et des investisseurs privés.

Exemples d’investisseurs publics :

  • Bpifrance qui a pour objectif l’investissement en fonds propres ou quasi-fonds propres dans des PME et des ETI françaises. En ce sens, il y a une prise de participation au capital de l’entreprise, généralement en tant qu’actionnaire minoritaire aux côtés d’autres actionnaires familiaux, industriels ou financiers. L’intervention de Bpifrance peut également prendre la forme de quasi-fonds propres, sous forme d’obligations convertibles ou d’obligations à bons de souscription d’actions par exemple. En échange d’une détention longue, à horizon 5 à 7 ans, voire davantage des parts de la société financée et leur présence dans la gouvernance de la société (conseil de surveillance, conseil d’administration) ou dans des comités stratégiques. Outre ce capital apporté, il y a un apport à l’entreprise d’un accompagnement du management et un réseau de contacts.

Exemples d’investisseurs privés :

  • Les business angels sont des personnes physiques disposant d’une épargne et qui décident de participer au financement avec leur fonds propre des PME non cotées. L’association France Angels donne la définition suivante ainsi : « un business angel est une personne physique qui investit une parte de son patrimoine dans une entreprise innovante à potentiel et qui, en plus de son argent, met gratuitement à disposition de l’entrepreneur, ses compétences, son expérience, ses réseaux relationnels et une partie de son temps ».
  • Le fonds de fonds est une activité qui consiste à prendre des participations, non pas directement dans l’entreprise, mais dans des fonds d’investissement. Dès lors, il est possible de créer de tels fonds sous forme de Fonds commun de placement à risque (FCPR) et les parts de FCPR sont prises en compte dans le calcul des quotas juridiques et fiscaux, ce qui permet une mutualisation des risques et une amélioration de la liquidité du capital-risque.
  • Les marchés financiers sont une possibilité offerte aux entrepreneurs qui cherchent un financement malgré le fait que leur entreprise opère dans le domaine du non -ôté. En effet, ces entreprises peuvent très bien rechercher sur les marchés financiers le financement dont elles ont besoin, et ce de deux manières : (1) en introduisant en bourse les actions de la société de gestion elle-même ; (2) ou en obtenant en Bourse un financement et de faire coter les fonds d’investissement eux-mêmes, dans ce cas, les levées de fonds sont effectuées sur le marché et non pas de gré à gré. Cette deuxième option est intéressante, en ce sens qu’elle permet d’avoir accès à de nouveaux investisseurs et que le financement dégagé n’est pas tributaire de levée de fonds successives, de sorte que les investisseurs peuvent ainsi aisément liquider leur placement. L’inconvénient majeur se trouve dans le fait que ces fonds ont un caractère public, ce qui risque de conduire à l’entrée d’actionnaire non désirés au sein de la société, ce qui favorise un activisme déstabilisateur de la gestion.

L’intérêt de la levée de fonds en pratique

Pendant la phase de création ou la phase de développement, les entreprises – surtout les startups – ont quasiment toujours besoin de financement. Dès lors, le recours à cette technique, parmi tant d’autres (prêts bancaires, capital-risque, aides ou subventions publiques, crowdfunding…) paraît opportun.

La grande force de ce mode de financement est dans le fait que l’entreprise augmente son capital social par l’apport d’investisseurs extérieurs sans avoir à rembourser cet argent à la fin. En sus de cet apport financier, les investisseurs peuvent mettre à disposition leur réseau et augmenter les opportunités, puisque très souvent ceux-ci sont eux-mêmes entrepreneurs ou ex-entrepreneurs. Ils disposent d’une bonne vision de l’entrepreneuriat, du fonctionnement des entreprises et d’un carnet d’adresses conséquent. Ce sont de réels partenaires qui apportent à la fois un conseil et un réseau à l’équipe fondatrice. Cela accroit donc de manière considérable les chances de développement de ces entreprises sur du long terme.

Ainsi, cette technique est, sur ce point, largement plus intéressante que les prêts bancaires par exemple. En effet, la levée de fonds vise les projets innovants qui nécessitent des besoins conséquents et étalés dans le temps. Si l’entreprise sollicite un prêt bancaire à cette fin, le remboursement du prêt consenti serait une charge beaucoup trop lourde pour son modèle économique, surtout en phase de démarrage, ce qui réduirait à néant ses chances de développement. Sans compter le fait que, la participation des banques sur ce type de projet est parfois très difficile à obtenir (garanties exigées, apport personnel devant atteindre au moins 30% des besoins de l’entreprise pour obtenir un prêt…). En ce sens aussi, notons que les banques ont tendance à refuser le financement des besoins des entreprises qui ne sont pas amortissables, tels que les frais de communication au démarrage, frais de développement et de recherche par exemple, alors que ce sont typiquement les besoins essentiels des entreprise innovantes ayant un fort potentiel.

Par conséquent, on peut aisément penser que la levée de fonds est une technique réellement opportune pour ces entreprises dans ces cas de figures. Ceci étant posé, il convient d’apprécier les aspects juridico-économiques de cette opération (2) et les aspects fiscaux (3).

2. Aspects juridiques et opérationnels de l’opération de fusion

La levée de fonds est une opération non seulement financière mais aussi juridique. Il est important d’accomplir des formalités bien précises, que ce soit avant ou après l’opération, pour protéger les intérêts des fondateurs de la société, ceux des investisseurs et de la société elle-même.

En effet, la levée de fonds est une opération juridique à haut risque pour les fondateurs d’une entreprise comme pour les investisseurs. Certains montages juridiques permettent d’optimiser les montants levés notamment grâce à un effet de levier financier, mais aussi de couvrir en partie le risque pris, ce que nous détaillerons ci-après.

L’expérience démontre que, bon nombre de créateurs, startuppers, se retrouvent dans des situations fortement délicates quelques années après la levée de fonds car ils ont minimisé les conséquences des accords pris avec leurs investisseurs. Ceci notamment dans la rédaction des contrats et statuts de certaines clauses qui leur ont été préjudiciables sur le long terme.

En ce sens, il est fortement recommandé de se faire accompagner par un conseiller juridique compétent et un expert-comptable qui pourront apporter un avis sur la faisabilité des objectifs fixés dans les accords pris entre les parties. Cela permettra de sécuriser juridiquement au mieux les transactions puisque l’avocat aura une particulière attention lors de la négociation et de la rédaction de ces actes, notamment s’agissant des clauses mentionnant la répartition des actions, les conditions de sortie, les obligations réciproques, les comptes courants d’associés, les fonds propres, les droits de vote, etc.

Nonobstant cette protection juridique, il convient de s’entourer de professionnel compétent afin de négocier au mieux ces opérations de levées de fonds. Cet accompagnement est primordial dès la constitution de ce projet. En effet, la première chose à faire lorsqu’on envisage d’ouvrir son capital social à des investisseurs est de vérifier la solidité de son business plan, savoir valoriser son entreprise, son savoir-faire tout en démontrant son fort potentiel et l’innovation que ce projet apporte.

Après avoir mis en place cette valorisation, l’entrepreneur doit assurément démontrer que son entreprise est en ordre d’un point de vue juridique. A cette fin, il est fortement conseillé de revoir les statuts mais aussi les contrats en cours (contrats de travail, de partenariats, d’achats, brevets, dépôt de propriété…).

En outre, il faut convaincre que l’argent de ces investisseurs servira de levier pour créer de plus gros bénéfices sans craindre de potentiels perturbations. Dès lors, l’accomplissement d’un audit semble incontournable.

1.1. La phase préparatoire (l’audit)

Audit : définition et objectifs

La réalisation d’un audit est vivement conseillée pour préparer une opération de levée de fonds, l’audit porte sur les aspects sociaux, juridiques, comptables et fiscaux.

 La réalisation d’un audit juridique a pour objectif d’effectuer un certain nombre de vérification indispensable à la sécurité de l’opération. Idéalement, il s’agit également de vérifier l’opportunité économique de cette opération pour les deux parties.

Sans avoir la prétention d’être exhaustif, voici quelques-uns des points de contrôle importants :

Vérification de la procédure et des délais :

Il convient de dresser un audit complet sur les obligations règlementaires, légales et statutaires de l’entreprise. L’objectif est de connaitre en détail la procédure à mener pour cette levée de fonds et les délais à respecter pour assurer la sécurité juridique de l’opération. Cette étape permet d’établir le rétroplanning des opérations.

Vérification des contrats en cours :

Il convient de dresser un audit complet sur les contrats en cours. Pour chaque contrat écrit, il convient de vérifier si une clause prévoit une procédure particulière à suivre.

L’audit est donc primordial et permet, en ce sens, de sécuriser les transactions grâce à une vérification préalable de chaque contrat essentiel à l’activité de la société afin de repérer si des défaillances ne figurent pas et éviter ainsi de réduire à néant l’intérêt économique de l’opération.

Vérification du risque contentieux et pénal

Il convient de dresser un audit complet sur le risque contentieux et pénal. En effet, la levée de fonds opère l’entrée des investisseurs dans la société de sorte que ces derniers, en tant qu’associés, héritent du risque contentieux et pénal de la société. Cet audit permet donc de réaliser les provisions nécessaires et de réajuster la valeur de la société.

Plus précisément, la vérification porte sur les marchés clients, sur le RH et globalement sur toutes les opérations non prescrites.

1.2. La phase préparatoire (la présentation du projet)

Après avoir effectué cet audit et avant de monter le dossier juridique pour la réalisation finale de la levée de fonds, il convient de préparer un projet aux fins de présentation devant les futurs investisseurs.

Pour ce faire, il est indispensable que l’entreprise réfléchisse à sa stratégie sur le long terme. Il faut donc qu’elle ait une vision globale, claire et objective afin de pouvoir expliquer l’intérêt de la levée de fonds pour l’entreprise et l’intérêt qu’ont les investisseurs à croire en ce projet.

A cette fin, l’entreprise doit se poser, entre autres, trois questions fondamentales :

  • Que ce soit au début de sa création ou pendant son développement, l’entreprise a-t-elle vraiment besoin de cet argent ?
  • Au regard de l’étendue de l’échange qu’apporte cette levée de fonds, à savoir de l’argent contre des titres de la société, l’entreprise a-t-elle pris conscience des conséquences sur elle de cette opération ?
  • Quelle stratégie de sortie l’entreprise souhaite proposer aux investisseurs ?

Après avoir pris pleinement conscience des enjeux lors de ce questionnement fondamental, l’entreprise doit monter son projet et business plan. En effet, l’entrepreneur devra présenter son projet détaillé à un groupe d’investisseurs qu’il aura préalablement sélectionné.

Cette phase préparatoire comprend plusieurs étapes :

(1) La rédaction d’un executive summary

Le business plan ne peut être mis en place que lorsque que l’intérêt pour le projet de l’entreprise est déjà marqué. Dès lors, il faut rédiger préalablement l’executive summary qui est par définition un résumé du projet permettant justement de susciter l’intérêt des investisseurs en un minimum de temps. C’est en quelque sorte le CV de l’entreprise. Il doit attirer l’attention et l’intention. Il doit donner envie à un investisseur potentiel d’en savoir plus sur le projet et de proposer un entretien. C’est en outre, un véritable outil marketing.

(2) La mise en place d’un business plan

Après avoir rédigé l’executive summary, il faut mettre en place un business plan. Le business plan est obligatoire pour une opération de levée de fonds. Il s’agit d’un document de pilotage et de démonstration permettant de mettre en lumière le succès futur d’un projet précis. Il permet de démontrer que le projet entrepris va créer de la valeur de manière pérenne.

Le but étant de convaincre d’investir dans ce projet, le business plan devra comporter trois objectifs principaux à détailler : la viabilité, la rentabilité et la stratégie sur du long terme du projet.

En effet, pour réussir à séduire l’investisseur, le porteur de projet doit se montrer convaincant et être capable de prouver qu’il y a un fort potentiel de développement et que l’argent servira de levier pour créer de plus gros bénéfices.

(3) L’identification des investisseurs ou des fonds

Une fois le projet rédigé, il convient donc de le présenter à des investisseurs. Lors de la publication de l’executive summary, certains investisseurs pourront prendre contact directement avec le porteur de projet, dans d’autres cas de figure, le porteur de projet devra aller chercher lui-même les investisseurs.

A cette fin, il convient donc de préparer une présentation globale avec un power-point et un pitch. Il faut cibler les investisseurs en fonction du projet. En effet, il est pertinent de rechercher des investisseurs compétents en la matière et donc de les sélectionner en fonction de leurs secteurs d’activité, du type d’entreprise dans lesquelles ils ont déjà investi et regarder le stade de développement de ces entreprises, d’apporter une attention particulière au montant qu’ils sont capables d’apporter, etc.

Comme dit, l’investisseur est un atout en ce sens qu’il apporte à la fois des financements qui ne sont pas remboursables, et un réseau, un savoir-faire, une expertise. Dès lors, sa personnalité, son expérience et ses ambitions sont des critères à prendre en considération. En échange de sa participation financière il obtient des titres de la société donc devient par ricochet un associé. Il serait intelligent de ne pas omettre ce détail fondamental.

En pratique, dans la recherche d’investisseurs, les opérations de levée de fonds fonctionnent souvent par « tour de table », ce qui signifie que le projet est soumis à un premier groupe d’investisseurs qui vont montrer leur potentiel intérêt au projet, ou non, puis un second tour avec un groupe plus restreint qui se crée, comprenant les investisseurs les plus intéressées pour approfondir les modalités de l’opération de levée de fonds, etc.

Lorsque la réponse d’un investisseur est positive, celui-ci entame une étape d’analyse de projet et de « due diligences »

(4) Les Due Diligences

Le due diligence est un ensemble d’analyses, vérifications et identifications réalisés par l’investisseur avant d’effectuer l’opération de levée de fonds. Cela lui permet d’avoir une idée de la situation précise de l’entreprise avant de se prononcer définitivement sur son investissement.

C’est à ce moment précis que l’audit établit préalablement grâce à un avocat et un expert-comptable trouve toute sa pertinence. En effet, il permettra de conforter l’investisseur dans sa prise de décision et permettra des négociations plus solides.

1.3. La phase précontractuelle (les négociations)

La formalisation de la phase précontractuelle est vivement conseillée. Le contrat de pourparlers permet d’encadrer la phase des négociations, leur durée et les conditions de leurs ruptures. A ce propos, il est possible de prévoir contractuellement les mesures coercitives ou les sanctions en cas de faute ou de rupture abusive des négociations.

Rappelons que l’opération de levée de fonds est une modalité d’augmentation du capital par des apports extérieurs et donc l’entrée de nouveaux associés. Dans ces conditions, les négociations ont pour but de trouver un accord sur la valeur de la société. En effet, la société doit faire l’objet d’une évaluation, afin de déterminer les titres qui seront cédés.

Détermination de la valeur de la société :

Il appartient à l’entreprise qui souhaite bénéficier de la levée de fonds de dresser un inventaire exhaustif de son passif et de son actif. Ensuite, il appartient au candidat investisseur d’identifier si le projet reste intéressant et bénéfique.

A ce stade, l’audit préalable aura permis aux parties d’identifier clairement tous les éléments de l’actif et du passif de la société.

Détermination des titres cédés :

Il arrive que certains organismes de capital-investissement prennent des participations majoritaires, voire quasi-exclusives, dans certaines entreprises. Toutefois, cette technique de levée de fonds consiste le plus souvent à prendre une participation minoritaire dans une société dont les majoritaires jouissent de la confiance des investisseurs.  Dans la majorité des cas, ainsi, les investisseurs détiennent moins de la moitié des droits de vote et du capital social.

En ce sens, l’investisseur, en échange d’un financement reçoit des titres de la société. Il acquiert de ce fait la qualité d’associé de la société. Dès lors, en fonction de la valeur de la société ainsi que du montant du financement apporté, il conviendra de négocier les titres qu’il recevra.

La protection des associés fondateurs face au risque de dilution des droits :

En effet, l’apport des fonds par des investisseurs donc des tiers à la société a pour effet de diluer les droits des associés fondateurs puisqu’elle entraîne l’intégration de nouvelles personnes au sein de la gestion de la société. Il convient donc de protéger les associés fondateurs et notamment les associés minoritaires. Ainsi, l’intermédiaire d’un avocat dans le déroulement des négociations semble fondamental puisqu’il sera apte à négocier plusieurs moyens permettant la protection des associés fondateurs et plus spécifiquement des associés minoritaires qui risque d’être lésés par la dilution de leurs droits.

(1) La négociation d’une clause anti-dilution dans un pacte extrastatutaire

Définition et rôle : La clause d’anti-dilution (ou de non-dilution) est « la clause par laquelle un actionnaire (ou groupe d’actionnaire) majoritaire s’engage à garantir, contractuellement, ou parfois statutairement, à un actionnaire minoritaire ne détenant pas de minorité de blocage le maintien de son niveau de participation en capital et/ou en droit de vote au sein de la société » (J. Mestre, F. Buy, M. Lamoureux, J-C. Roda, Les principales clauses des contrats d’affaires, 2e ed., LGDJ Lextenso, 2019). Autrement dit, la clause d’anti-dilution est le pacte (garantissant) au bénéficiaire le maintien de sa participation.

Ainsi, cette clause offre une protection aux actionnaires minoritaires et leur permet de garantir le maintien de leur pourcentage de participation dans la société en cas d’augmentation de capital.

Validité de cette clause : Les clauses d’anti-dilution sont valables et leurs effets dépendant du mécanisme d’anti-dilution retenu par les parties. A titre d’exemple, ce sens, la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 27 mars 2014 (n°13/06816), Lavarec c/ Sté Communications intégration industries, a jugé que la clause d’anti-dilution d’un pacte d’actionnaires qui octroyait à son bénéficiaire un droit permanent au maintien de sa participation à hauteur de la quotité du capital qu’il détenait lors de son entrée dans le capital de la société, avait été violée par les autres associés qui avaient évincé le bénéficiaire de la clause en réservant à un tiers l’augmentation du capital ayant suivi la réduction à zéro du capital de la société dans le cadre d’un « coup d’accordéon ».

Limites de la clause anti-dilution : L’efficacité de ce mécanisme, que la clause soit statutaire ou autrement contractuelle, peut être limitée ou neutralisée par application de la loi.

D’abord, avec force évidence parce que ces clauses ne sauraient justifier des comportements contrevenant à l’intérêt social, que ce soit pour abus de majorité, abus de minorité, ou encore pour fraude. S’agissant de l’efficacité d’une clause de non-dilution en présence d’un coup d’accordéon, il faut noter que « la question du conflit entre l’intérêt social et le pacte extrastatutaire comprenant une clause d’anti-dilution pourrait toutefois se poser avec acuité lorsque l’investisseur susceptible d’apporter les sommes nécessaires à la survie de la société subordonne son investissement au fait d’être le seul associé à l’issue de l’opération (…) » (V. en ce sens, S. Sylvestre, De l’efficacité d’une clause de non-dilution en présence d’un coup d’accordéon, Rev. Sociétés. 2015), ce qui constitue en l’occurrence une fraude répréhensible.

Ensuite, parce que certaines lois spéciales imposent ou permettent au juge d’imposer la dilution de la participation d’un actionnaire en particulier notamment dans le cadre de procédures collectives. Ainsi, c’est ce qui devrait rendre les clauses anti-dilution inapplicables. Il semble en effet probable, en ce sens, que si le minoritaire entre dans le champ d’application de l’article L. 631-19-2 et L. 653-9 du Code de commerce, le tribunal pourra lui imposer la cession forcée de tout ou partie de ses titres ce qui aura, selon nous, pour effet de rendre inefficace la clause d’anti-dilution stipulée à son profit (V. en ce sens, J.Mestre et D. Velardocchio, n°2573, I. Parachkevova, L’augmentation de capital foxée dans la loi Macron, BJS 1er oct. 2015, n°10, p. 529 et s. ; V. egl. R. Dammann et F-X. Lucas, le nouveau dispositif de dilution ou d’éviction de l’associé qui ne finance pas le plan de redressement de la société, BJS 1er oct. 2015, n°10, p. 521 et s.).

Autres mécanismes possibles à envisager dans un pacte extrastatutaire : De nombreux mécanismes hybrides, mêlant droit des contrats et droit des sociétés, peuvent également être envisages pour protéger le minoritaire et lui permettre de maintenir son niveau de participation. Par d’exemple, on pourrait imaginer que la promesse de cession ne puisse être activée qu’en cas de manquement par le majoritaire à son engagement de maintenir le droit préférentiel de souscription du minoritaire ou plus généralement de mettre le minoritaire en mesure de maintenir sa participation. De même, le minoritaire pourrait obtenir du majoritaire qu’il s’engage à lui céder autant de droits préférentiels de souscription que de besoin pour maintenir son potentiel de souscription et, par voie de conséquence, son niveau de participation. Il pourrait encore être prévu, pour satisfaire aux droits du minoritaire, que la suppression du droit préférentiel de souscription ne soit que partielle et lui réserve donc la possibilité d’exercer son droit, ou encore que l’augmentation de capital réservée soit conditionnée à la réalisation d’une augmentation de capital subséquente au profit du minoritaire, etc.

(2) La mise en valeur et l’application du droit préférentiel de souscription et de la prime d’émission

Définition et utilité du droit préférentiel de souscription

Le droit préférentiel de souscription (DPS) est le droit conféré à un associé de souscrire par priorité (on dit souvent « à titre irréductible ») une augmentation de capital en numéraire de sa société, proportionnellement à sa participation actuelle dans le capital social. Il s’agit d’un mécanisme anti-dilution qui a pour objectif de permettre aux associés déjà en place de maintenir leur pourcentage en participation actuelle dans le capital augmenté et donc par ailleurs, leur pourcentage en droits pécuniaires (quote-part de l’actif net revenant à chaque action et dividendes) et en droit de vote.

Le mécanisme du DPS est expressément réglementé dans les sociétés par actions (articles L. 225 – 132 à L. 225-141 du Code de commerce) et il est d’ordre public, cela sous-entend qu’on ne peut pas y déroger.

En ce sens, le Code de commerce prévoit que : « Les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital. Les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. Lorsque le droit préférentiel de souscription n’est pas détaché d’actions négociables, il est cessible dans les mêmes conditions que l’action elle-même. Dans le cas contraire, ce droit est négociable pendant une durée égale à celle de l’exercice du droit de souscription par les actionnaires mais qui débute avant l’ouverture de celle-ci et s’achève avant sa clôture. L’information des actionnaires quant aux modalités d’exercice et de négociation de leur droit préférentiel sont précisées par décret en Conseil d’Etat. Les actionnaires peuvent renoncer à titre individuel à leur droit préférentiel. La décision relative à la conversion des actions de préférence emporte renonciation des actionnaires au droit préférentiel de souscription aux actions issues de la conversion. La décision d’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital emporte également renonciation des actionnaires à leur droit préférentiel de souscription aux titres de capital auxquels les valeurs mobilières émises donnent droit. »

La loi prévoit expressément que les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux augmentations du capital, ce qui sous-entend que c’est la détention d’actions qui ouvre droit à la souscription préférentielle. Toutefois, c’est également en considération de la personne des actionnaires que sont attribués ces droits, puisqu’il est prévu que les actionnaires ont proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. Dès lors, l’attribution des droits préférentiels de souscription est proportionnelle à la participation de chaque actionnaire dans le capital avant augmentation.

Exemple pratique :  Une société au capital de 1 000 000 d’euros, divisé en 100 000 actions de 10 euros. Celle-ci décide de doubler son capital en émettant 100 000 actions nouvelles de 10 euros (soit après augmentation, capital social = 2 000 000 euros). Chaque actionnaire disposera d’un DPS à raison d’une action nouvelle pour une ancienne, soit 100 000/100 000. Autrement dit, le capital social étant doublé, chaque actionnaire aura le droit, à cette occasion, de doubler le nombre d’actions qu’il détient.

Une société au capital de 400 000 euros, divisé en 10 000 actions de 40 euros. Ladite société décide d’augmenter son capital en émettant 1 000 actions nouvelles de 40 euros (soit après augmentation, capital social = 1 500 000 euros). Ici, chaque actionnaire disposera d’un DPS à raison d’une action nouvelle pour 10 anciennes (soit 10 000/1 000).

Détermination de la valeur du droit préférentiel de souscription.

La valeur théorique ou mathématique du droit préférentiel de souscription est en principe égale à la perte de valeur que subit chaque action préexistante du fait de l’émission des actions nouvelles. Autrement dit :

Valeur du DPS = valeur d’action avant augmentation – valeur d’action après augmentation

N.B :

  • Valeur d’action avant augmentation = action dite « droit attaché »
  • Valeur d’action après augmentation = action dite « ex droit »

En ce sens, on constate bien que le but du DPS est de compenser la perte de valeur subie par les actionnaires en place du fait de l’augmentation de capital, qui a pour conséquence la dilution de leur droit, étant donné que :

Valeur d’action après augmentation = valeur d’action avant augmentation – le DPS

Exemple pratique : Une société a un capital social de 1 000 000 euros divisé en 10 000 actions d’une valeur nominale de 100 euros. Par ailleurs, la société fait état de réserves et plus-values latentes d’un montant global de 500 000 euros. La valeur théorique ou mathématique de chaque action serait dans ce cas :

(1 000 000 € + 500 000 €) / 10 000 actions = 150 €.

Si elle décide d’augmenter son capital social de 600 000 euros par voie de création de 6 000 actions nouvelles de 100 euros de valeur nominale, la valeur de chaque action après augmentation serait de :

(1 000 000 € + 500 000 € + 600 000 €) / (10 000 actions + 6 000 actions) = 131,25 €.

Soit, la valeur mathématique du DPS serait dans ce cas :

150 € – 131,25 € = 18,75 €.

Notons que la formule que nous venons d’énoncer permet d’établie la valeur théorique/mathématique, or en pratique, la détermination du DPS est plus complexe car elle obéit, entre autres, à la loi du marché, c’est-à-dire à l’offre et la demande, au cours de bourse de l’action, qui est au demeurant parfois très éloigné de la valeur en capitaux propres, ou encore aux perspectives d’avenir de la société etc. A titre d’exemple, dans le cas d’une forte spéculation à la hausse, si les actions son cotées pour une valeur très supérieure à leur valeur en capitaux propres, la valeur du DPS sera bien plus élevée que sa valeur mathématique.

Incidence d’une éventuelle prime d’émission avec le DPS. Les actions nouvelles sont fréquemment émises avec une prime d’émission. Une prime d’émission est par définition un complément d’apport, en numéraire ou en nature, égal par titre de capital à la différence entre la valeur d’émission de ce titre et sa valeur nominale. Elle est déterminée par la société émettrice et acceptée par les souscripteurs. Elle a pour objet d’aligner la valeur de la souscription sur la valeur du marché du titre, en tenant compte de l’existence de réserves et/ou de plus-values. Ce mécanisme a des fonctions qui se recoupent pour partie au DPS : éviter la dilution des réserves et plus -values mais qui se complète pour d’autres : le DPS permettant d’éviter la dilution en capital et en droits de vote, tandis que la prime d’émission procure davantage de fonds propres à la société.

Ce mécanisme peut parfaitement être cumulé avec celui du DPS et il est d’ailleurs particulièrement recommandé de le faire étant donné que la loi ne l’interdit pas. En effet, l’intérêt est majeur puisque si le DPS s’avère plus protecteur de l’associé que la prime, ce premier est inefficace à assurer la protection de l’associé qui négligerait aussi bien l’exercice de son DPS que sa négociation. Ainsi, la prime d’émission protège au contraire tous les associés, sans que soient exigées de quelconques actions de leur part.

Attention toute de même avec ce cumul. En effet, il convient de relever que les valeurs des promes d’émission et du DPS sont proportionnellement inverses de sorte que : une forte prime d’émission réduit l’intérêt de la souscription préférentielle, et donc de sa valeur. Tandis que, une faible prime d’émission accroît l’utilité du DPS et donc son montant.

En effet, dans le cas d’un cumul entre prime d’émission et DPS, on constate que le DPS voit sa valeur amputée de celle de la prime d’émission. Entre autres, la prime d’émission emporte réduction corrélative de la valeur du DPS. Ce constat est parfaitement logique puisque la prime d’émission vient atténuer la perte de la valeur des titres liée à l’émission, perte de valeur qui précisément correspond à la valeur théorique du DPS.

Exemple pratique : Si on reprend notre exemple précédent, nous avions déterminé la valeur mathématique du DPS de la société à 18,75 €.

Admettons que soit décidée une prime d’émission par action de 10€. Cette prime viendra réduire la valeur mathématique du DPS en atténuant la perte de valeur des titres préexistants. Dès lors, il convient de recalculer la valeur du DPS.

Dans l’exemple, la société avait un capital social de 1 000 000 € divisé en 10 000 actions d’une valeur nominale de 100€ et faisant état de réserves et plus-values latentes d’un montant global de 500 000 €.

Nous avions établi que la valeur mathématique de chaque action était de 150 €, que l’augmentation de capital social était de 600 000 € par voie de création de 6 000 actions nouvelles de 100 € de valeur nominale. Nous ajoutons la prime d’émission de 10 € par action.

Dès lors, dans ce cas de figure, la valeur de chaque action après augmentation du capital serait de :

(1 000 000 € + 500 000 € + 600 000 €) + (6 000 actions x 10 € prime d’émission) / (10 000 actions + 6 000 actions) = 135 €.

En l’absence totale de prime d’émission, la valeur mathématique du DPS était de 18,75 €.

La différence correspond à la valeur totale de la prime d’émission (soit 60 000€) rapportée à l’ensemble des titres après émission (16 000), soit : 60 000/16 000 = 3,75 €.

Autres avantages découlant de l’ajout d’une prime d’émission. La prime d’émission a une raison d’exister : garantir le juste prix. En effet, il ne vient pas à l’esprit de fixer systématiquement le prix de vente d’une action ou d’une part sociale à sa valeur nominale étant donné que la valeur nominale d’un titre de capital (c’est-à-dire montant du capital par titre) n’est presque jamais, sauf coïncidence extraordinaire, égale à sa valeur vénale (prix de cession du titre), cette dernière se rapprochant davantage de la valeur mathématique (montant des capitaux propres par titre). C’est pourquoi, l’ajout de la prime d’émission permet de prendre en considération plusieurs facteurs afin de déterminer le juste prix des actions ou parts sociales.

Outre cette raison, la prime d’émission permet de garantir l’égalité entre les associés anciens et les associés nouveaux. En effet, elle a un effet anti-dilutif et permet de protéger l’associé contre la seule dilution des réserves et des plus-values (contrairement au DPS qui protège plus globalement l’associé contre la dilution de ses droits dans le capital, les droits de vote mais aussi les réserves et les plus-values), c’est-à-dire, contre la perte de valeur de ses droits sociaux liée à l’augmentation de capital, à la manière d’un DPS qui ne serait pas exercé mais vendu (le prix de cession compensant alors cette déperdition de valeur). Ainsi, on peut constater que la prime d’émission a pour but « d’assurer l’égalité entre les anciens et les nouveaux actionnaires à raison des réserves existantes et de la plus-value acquise par l’actif social » (Journ. Sociétés 1915, p.156, C. Houpin – V. Mémento Lefebvre Sociétés commerciales 2010, n°11623).

Par ailleurs, elle a pour effet de constituer un droit d’entrée, car en surenchérissant le coût de la souscription, elle joue le rôle de ticket d’entrée dans la société.

Enfin, l’avantage de prévoir une prime d’émission tient dans le fait que celle-ci permet d’accroitre les fonds propres de la société émettrice. En ce sens, la prime d’émission constitue un supplément d’apports qui se traduit par un supplément de richesses pour la société qui la perçoit et donc par une augmentation de ses capitaux propres.

N.B. La société est libre, au travers de l’assemblée générale de ses actionnaires, de fixer une prime d’émission et de décider de l’affectation de cette prime, c’est-à-dire l’usage qu’elle entend en faire. Il faut préciser qu’aucune méthode de calcul s’impose aux parties car la prime d’émission est déterminée librement par la société d’une part et les souscripteurs d’autre part.

(1) En cas de non-coopération : les possibles actions de blocage contre les décisions prises en assemblée

Les actions judiciaires de mise en cause – action contre les majoritaires. Fondée sur la notion d’abus de droit et donc sur la responsabilité civile extracontractuelle (article 1240 du Code civil), l’abus de majorité est une action offerte aux associés minoritaire pour contester les décisions prises qui vont à l’encontre de leur intérêt. En effet, il y a abus de majorité lorsqu’une résolution a été prise « contrairement à l’intérêt général et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité » (Cass. Com., 18 avr. 1961, Bull. civ. III, n°175 ; D. 196, jurispr. P. 661 ; Cass. Com., 17 juin 2008, n°06-15.045, Bull. IV., n°125). Il y a donc abus de majorité dès lors qu’une résolution en assemblée a été adoptée : avec une violation de l’intérêt social (art. 1833 al 2 Code civil) et une rupture d’égalité entre actionnaires. La jurisprudence démontre que le juge recherche le préjudice subi par la minorité pour se prononcer et apprécier l’existence d’un abus de majorité. La sanction de cet abus consiste en l’annulation de la décision abusive, puis, s’il subsiste un préjudice non réparé, dans le versement de dommages et intérêts. Il convient de préciser que, les auteurs d’un abus de majorité ne peuvent être que les actionnaires majoritaires eux-mêmes, dès lors, les demandeurs à l’action ne sauraient assigner la société de ce chef.

A titre d’exemple, la jurisprudence avait déjà estimé que, le vote d’une réduction à zéro du capital suivi de son augmentation (« coup d’accordéon ») dans le but de faire disparaître une promesse d’achat de ses titres que le majoritaire avait consentie au minoritaire était un abus de majorité (Cass. Com., 11 janv. 2017, n°14-27.052, Gaz. Pal. 2017, n°23, p. 77, obs. J-M. Moulin : coup d’accordéon ne répondant à aucun impératif financier, mais destiné à évincer un minoritaire).

Dans un autre exemple, le juge avait retenu d’abus de majorité, le vote lors d’une assemblée, d’une augmentation du capital réservée aux majoritaires, sans prime d’émission, et alors que les besoins de financement invoqués pour justifier cette opération apparaissaient très vagues (Cour d’appel de Toulouse, le 2 juin 2009, JurisData n°2009-007301).

Il en va de même, dans une décision où le juge a estimé qu’était un abus de majorité, le vote de la dissolution de la société décidée à l’initiative des majoritaires sans motifs sérieux, mais dans l’unique but de faire échec à une promesse qu’ils avaient consentie au minoritaire de racheter ses parts sociales à un prix déterminé (Cass. Com., 10 avr. 2019, n°17-14.790).

Par conséquent, les minoritaires ont des droits leur permettant de bloquer les décisions proposées en assemblée qui leur porte préjudice. Outre l’action en justice par le biais de la responsabilité civile qu’est l’abus de majorité, il existe plusieurs autres options qu’on ne détaillera pas ici, tels que des initiatives internes, l’action ut singuli qui consiste à se retourner, pour un associé lésé, contre la société cette fois-ci afin d’être indemnisé d’un préjudice qui a été causé par un ou plusieurs dirigeants…

La limite à l’action contre les majoritaires : l’abus de minorité. Toutefois, ces droits sont limités. En effet, les associés minoritaires ne doivent pas confondre leur droit d’agir afin de bloquer une situation qui leur porte préjudice et l’utilisation excessive de ce droit qui bloquerait toute opération essentielle pour la société. L’attitude d’un associé minoritaire qui interdit la réalisation d’une opération essentielle pour la société dans l’unique but de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’ensemble des autres associés constitue selon une jurisprudence que l’on peut qualifier de constante un abus de minorité (Cass. Com., 9 mars 1993, n°91-14. 685, Bull. civ. IV, n°101, arrêt « Flandin »). Ainsi, outre l’élément de contrariété à l’intérêt social, il convient de démontrer que le minoritaire a agi dans son intérêt personnel exclusif. L’abus de minorité est sanctionné par l’obtention de dommages et intérêts de la part des associés responsables et la possible adoption de la décision initialement rejetée. Étant entendu que, toute sanction d’annulation est impossible ici puisqu’aucune décision n’a été prise, il y a dans ce cas de figure un enjeu majeur car il faut trouver une sanction qui soit à la fois efficace et satisfaisante pour les associés majoritaires lésés sans pour autant porter atteinte aux droits des associés minoritaires et préserver l’intérêt de la société.

La protection de la société en cas de défaillance du cocontractant lors des négociations

Outre l’évaluation par audit et la création d’un pacte extrastatutaire protecteur des intérêts de chacun, pendant cette phase précontractuelle il convient de signer deux contrats pour assurer les arrières de l’entreprise en cas de défaillance du cocontractant potentiel lors des négociations : un contrat de confidentialité (1) et une lettre d’intention (2).

(2) Le contrat de confidentialité ou « non-disclosure agreement »

Lors des pourparlers, des informations déterminantes sur l’entreprise vont être révélées. Tous les audits vont être apportés aux yeux des investisseurs, il faut donc garantir la confidentialité de ces données et garantir le secret des négociations en cours. Il faut sécuriser à la fois les données sensibles de la société qui se dévoile, et les pourparlers en tant que tels (montant de la levée, les actions données en contrepartie, les futures règles fixées…). La place de l’avocat est donc déterminante.

(3) La lettre d’intention ou « Letter of Intent (LOI) »

Cette étape n’est pas obligatoire mais fortement recommandée car elle permet de cadrer les pourparlers et de permettre la manifestation de l’intérêt des parties à la réussite de l’opération. Elle permet de synthétiser les négociations déjà intervenues, de cadrer les négociations futures et de formaliser clairement l’intérêt de l’investisseur pour l’opération de la levée de fonds, ce qui rassure le porteur de projet pendant la période des négociations qui peut parfois être longue et périlleuse.

Cette lettre d’intention est un avant-contrat qui permet de conserver la liberté de ne pas contracter. Toutefois, il peut figurer diverses clauses particulièrement contraignantes pour les deux parties. Dès lors, la rédaction de cette lettre d’intention nécessite une expertise qui manifestement ne peut être assurée que par l’intervention d’un conseiller juridique à même de déceler les besoins de chacun et de trouver un équilibre pertinent.

1.4. La phase contractuelle (la levée de fonds)

1.4.1. La préparation de l’opération de la levée de fonds

Avant toute opération de levée de fonds, les associés de la société doivent consentir à l’augmentation du capital social. Pour ce faire, il faut obligatoirement convoquer une assemblée générale extraordinaire car l’opération de levée de fonds nécessite l’accord des associés (ou actionnaires) conformément à ce qui est prévu dans les statuts, dès lors qu’elle constitue une modification substantielle de la société (augmentation du capital par apports extérieurs) qui engendre, de facto, une modification des statuts.

La préparation de la levée de fonds s’effectue comme suit :

(1) Définir le montant du financement et proposition par le dirigeant de l’augmentation du capital social et fixation des modalités de réalisation : L’article L. 225-127 du Code de commerce prévoit en ce sens que « le capital social est augmenté soit par émission d’actions ordinaires ou d’actions de préférence, soit par majoration du montant nominal des titres de capital existants. Il peut également être augmenté par l’exercice de droits attachés à des valeurs mobilières donnant accès au capital ». L’article L. 225-128 du même code précise que « les titres de capital nouveaux sont émis soit à leur montant nominal, soit à ce montant majoré d’une prime d’émission. Ils sont libérés soit par apport en numéraire y compris par compensation avec des créances liquides et exigibles sur la société, soit par apport en nature, soit par incorporation de réserves, bénéfices ou primes d’émission, soit en conséquence d’une fusion ou d’une scission. Ils peuvent aussi être libérés consécutivement à l’exercice d’un droit attaché à des valeurs mobilières donnant accès au capital comprenant, le cas échéant, le versement des sommes correspondantes ».

(2) La rédaction d’un pacte d’actionnaire avec conditions suspensives : A la suite de cet accord des associés fondateurs, les parties doivent négocier et rédiger un nouveau pacte d’actionnaire. Cela permettra de définir les modalités de sortie des investisseurs. En effet, l’objectif initial des investisseurs est d’apporter des fonds en échange de titres qu’ils pourront revendre au meilleur prix. Dès lors, ils attendent des modalités de sortie du capital de la société avantageuses.

En effet, à moins que les investisseurs ne soient des particuliers investissant leur propre argent (connus sous le nom de Business Angels), très souvent il s’agit de fonds d’investissement qui ont eux-mêmes des comptes à rendre et une certaine rentabilité à atteindre auprès de leurs propres investisseurs. Leur objectif est donc de sortir rapidement du capital de la société en ayant réalisé la plus grande plus-value possible.

En ce sens, les conditions de sortie sont importantes. Elles peuvent être de deux sortes : par cession de gré à gré (les actions sont rachetées par la société même, par un autre investisseur ou par un acquéreur industriel) ou par l’introduction en bourse.

Ainsi, au moment de la levée de fonds, il y aura une dernière négociation engagée entre les fondateurs de l’entreprise et les investisseurs pour prévoir toutes les règles qui régiront leur association dans le cadre de ce projet et les conditions de sortie de ces derniers.

(4) Procédure d’agrément : Lorsque l’augmentation du capital a pour conséquence l’entrée au capital de nouveaux associés, il peut être prévu aux statuts de la société une procédure d’agrément préalable. Dès lors, la procédure d’agrément doit être respectée conformément aux dispositions prévues par les statuts sous peine de nullité de l’augmentation de capital.

(3) Convocation de l’assemblée générale extraordinaire (AGE) pour acter l’augmentation de capital social et l’entrée de nouveaux associés : L’article L. 225-129 du Code de commerce dispose que « l’assemblée générale extraordinaire est seule compétente pour décider, sur le rapport du conseil d’administration ou du directoire, une augmentation de capital immédiate ou à terme ». L’article L.225-129-1 du même code ajoute que « lorsque l’assemblée générale extraordinaire décide l’augmentation de capital, elle peut déléguer au conseil d’administration ou au directoire le pouvoir de fixer les modalités de l’émission des titres ».

Dès lors, il convient d’analyser les statuts pour définir les règles de la prise de décision.

(4) Vérification des statuts de la société pour décider sur l’opération : Cette opération de levée de fonds requiert une décision collective des associés ou actionnaires, dans les conditions requises pour la modification de ses statuts. A cet égard, on vérifie les quorums exigés et les éventuels droits préférentiels de souscription figurant dans les statuts de la société.

(5) Décision : la décision d’augmentation de capital social sera valablement adoptée en fonction des règles propres à la forme juridique de la société.

(6) Constatation de la réalisation de l’augmentation de capital : une fois la décision prise, un procès-verbal d’assemblée générale extraordinaire devra être dressé. Comme il s’agit d’une augmentation de capital par apport en numéraire dans le cadre de levée de fonds, ce procès-verbal n’a pas besoins d’être enregistré auprès du service départemental de l’enregistrement du lieu du siège social de la société (loi de finances pour 2021, alors qu’il est obligatoire pour les apports en nature).

(7) Délai à respecter : L’augmentation de capital doit être réalisée dans le délai de cinq ans à compter de cette décision (art. L. 225-129 du Code de commerce). Le capital doit être intégralement libéré avant toute émission d’actions nouvelles à libérer en numéraire (art. L. 225-131 du Code de commerce).

(8) Dépôt des fonds issus de l’augmentation : Les investisseurs, souscripteurs des nouvelles actions devront s’acquitter du montant du capital souscrit. Ces sommes devront être déposées sur un compte bancaire, à la caisse des dépôts ou chez un notaire. Le dépôt donnera alors lieu à une attestation de dépôt des fonds.

1.5. La phase post-contractuelle (enregistrement – publicité – gestion du séquestre)

Postérieurement à la levée de fonds, les parties sont débitrices de nombreuses obligations formelles : une publication dans un journal d’annonces légales (1), des formalités auprès du greffe du tribunal compétent (2), et un enregistrement au service des impôts des entreprises (3).

(1) La publication de l’augmentation du capital dans un délai d’un mois à compter de la décision d’AGE : s’effectue sur un journal d’annonces légales (JAL) et doit mentionner : la dénomination, le montant du capital social, la forme juridique, l’adresse du siège social, le lieu et le numéro d’immatriculation au RCS, la date de la décision (AGE) de modification et les modalités.

(2) Le dépôt au greffe du tribunal compétent dans un délai d’un mois à compter de la décision d’AGE : le procès-verbal d’assemblée générale devra être transmis au greffe du tribunal de commerce du siège social de la société, ainsi que l’attestation de dépôts des fonds, les statuts modifiés, le formulaire M2 et l’attestation de parution du JAL.

(3) La déclaration au service des impôts des entreprises (SIE) : le procès-verbal d’assemblée générale devra faire l’objet d’un enregistrement aux impôts. La démarche varie en fonction de l’apport réalisé. Dans le cas de figure d’une levée de fonds, l’apport est en numéraire, dès lors il faudra joindre au procès-verbal un chèque de 375 euros (500 euros si le nouveau capital social de la société est supérieur à 225 000 euros).

Bail commercial : la notion du droit de préemption du preneur

Bail commercial : la notion du droit de préemption du preneur

1. Définition du droit de préemption du locataire

Le locataire d’un local commercial ou artisanal bénéficie d’un droit de préemption.

Autrement dit, si le bailleur décide de vendre ledit local, le locataire est prioritaire pour l’acquisition par rapport aux tiers (article L.145-46-1 du Code de commerce).

Cette disposition est d’ordre public : cela signifie que le contrat de bail commercial ne peut exclure ce droit de préemption du locataire.

2. Mise en œuvre du droit de préemption du locataire

2.1. Obligation pour le bailleur de notifier au locataire son intention de vendre le local

Le bailleur a l’obligation de notifier au locataire son intention de vendre le local par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.

A peine de nullité, cette notification doit impérativement indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée et reproduire les quatre (4) premiers alinéas de l’article L.145-46-1 du Code de commerce.

Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire.

L’absence de cette notification par le bailleur est considérée comme une violation du droit de préemption du locataire.

Focus sur le moment de la notification au locataire :

Afin de respecter le droit de préemption du locataire, cette notification doit intervenir avant la vente du local auprès du tiers acquéreur. En revanche, cette notification peut intervenir postérieurement à la conclusion d’une promesse unilatérale de vente sous la condition suspensive d’absence d’exercice de son droit de préférence par le locataire (Cour de cassation, troisième chambre civile, 23-09-2021, n°20-17.799).

2.2. La réponse du locataire à la notification du bailleur

Le locataire dispose d’un délai d’un (1) mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer :

– Si le locataire décline l’offre : le bailleur peut procéder à la vente du local auprès d’un tiers,

– Si le locataire ne répond pas à l’offre dans le délai d’un (1) mois : l’offre devient caduque et le bailleur peut procéder à la vente du local auprès d’un tiers,

– Si le locataire accepte l’offre : le locataire dispose d’un délai de deux (2) mois pour conclure la vente avec le bailleur. S’il compte recourir à un prêt, il doit il doit l’indiquer au Bailleur, le délai de réalisation de la vente est alors porté à quatre (4) mois. Si, à l’expiration de ce délai de quatre (4) mois, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est sans effet.

2.3. Lorsque le bailleur décide de vendre son local à un tiers à des conditions plus avantageuses que celles notifiées au locataire

S’il apparait que finalement, le bailleur décide de vendre le local à des conditions ou à un prix plus avantageux à un tiers acquéreur, le bailleur ou le notaire doit notifier au locataire, ces conditions et ce prix à peine de nullité de la vente.

Cette notification doit respecter les formes et conditions visées au 2.1 du présent article.

Cette notification vaut également offre de vente au profit du locataire qui doit répondre dans le délai d’un (1) mois.

Le 2.2 du présent article s’applique à cette notification.

3. Sanction en cas de non-respect du droit de préemption du Locataire

Le non-respect du droit de préemption du Locataire est la nullité de la vente effectuée en violation de ce droit (Cour de cassation, troisième chambre civile, 14-11-2012, n°11-22.433).

Cette action en nullité doit être introduite par le locataire dans un délai de deux (2) ans à compter de la notification de la cession au tiers acquéreur devant le Tribunal Judiciaire du lieu de situation de l’immeuble.

4. Exception au droit de préemption

Néanmoins, il résulte du dernier alinéa de l’article L.145-46-1 du Code de commerce que ce droit de préemption du n’est pas applicable si l’on se trouve dans l’une des hypothèses suivantes :

– cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial,

– de cession unique de locaux commerciaux distincts,

– de cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial,

– cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux,

– cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.

Avant d’engager toute action contentieuse en nullité de la vente du local en violation de son droit de préemption, le locataire doit donc vérifier que la vente du local n’entre pas dans l’une de ces hypothèses.

Holding « animatrice » : effets de leviers fiscaux

Holding « animatrice » : effets de leviers fiscaux

1.  Introduction rapide

Pour mémoire, le Conseil d’Etat a donné une définition précise de la notion de Holding animatrice : « Une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers, est animatrice de son groupe […]. » (Conseil d’État, 13-06-2018, n° 395495, Publié au recueil Lebon).

Comme son nom l’indique, la holding animatrice est d’abord et avant tout une Holding et bénéficie à ce titre de tous les effets de leviers listés dans notre précédent article. En outre, si la Holding est qualifiée d’animatrice selon la définition du Conseil d’Etat, elle bénéficie d’autres avantages fiscaux non négligeables. Sans prétendre à l’exhaustivité, voici quelques exemples des avantages fiscaux de la Holding animatrice :

2. La fiscalité de la transmission à titre gratuit

La Holding animatrice est un outil privilégié de la transmission de l’entreprise. Lorsqu’elle intervient à titre gratuit, sa transmission peut cumuler de nombreux avantages :

(1) Exonération de 75 % de la valeur des titres transmis dans le cadre d’une succession ou d’une donation sous le régime du Pacte Dutreil (article 787 B du code général des impôts),

(2) Réduction de droits de donation de 50 % dans le cas d’une donation en pleine-propriété de titres par un donateur âgé de moins de 70 ans (article 790 du code général des impôts), cumulable avec l’exonération du Pacte Dutreil,

(3) Application du paiement différé-fractionné des droits de donation (durée de paiement = 15 ans).

3. La fiscalité de l’immeuble affecté à la Holding et aux Filiales

Par principe, l’immobilier détenu au travers d’une chaine de société n’échappe pas au nouvel impôt sur la fortune immobilier (IFI). Par exception et sous certaines conditions, la qualification de Holding animatrice peut ouvrir droit à une exonération de l’IFI.

En ce qui concerne l’immeuble affecté à la Holding animatrice pour les besoins de son activité, le redevable de l’impôt bénéficie d’une exonération d’IFI sous réserve que cette dernière constitue son outil professionnel.

En ce qui concerne l’immobilier affecté à la Holding animatrice pour les besoins de son activité, l’article 975 du code général des impôts consacre un dispositif d’exonération à l’IFI. En effet, en application de ce texte, n’est pas soumis à l’IFI l’immobilier que le redevable détient directement ou indirectement et qui est affecté à la société commerciale dans laquelle il respecte les conditions de l’outil professionnel, l’exonération étant toutefois, dans ce cas, limitée à hauteur de la proportion que détient le redevable au capital de la société « outil professionnel ». Pour définir l’activité éligible de la société constituant l’outil professionnel du redevable, le texte assimile à nouveau l’activité d’animation à une activité commerciale ce qui conduit donc à exonérer l’immobilier que le redevable affecterait à la Holding animatrice pour les besoins de son activité, sous réserve que cette dernière constitue son outil professionnel.

En ce qui concerne l’immobilier affecté aux filiales, l’article 975 III du code général des impôts conduit à distinguer deux hypothèses :

(1) Si la filiale peut être considérée comme l’outil professionnel du redevable (ce qui implique (i) qu’un seul niveau d’interposition sépare la filiale du redevable, (ii) que ce dernier y détienne un niveau de participation éligible et (iii) y exerce une fonction de direction remplissant les conditions de l’outil professionnel), alors l’exonération pourrait être revendiquée ;

(2) Si en revanche le redevable ne remplit les conditions de l’outil professionnel qu’au niveau de la holding animatrice, l’exonération ne semble pas pouvoir être revendiquée dans la mesure où l’immobilier pourrait être considéré comme étant affecté, non pas à l’activité de la holding qui constitue l’outil professionnel du redevable, mais à sa filiale.

4. La déduction de la TVA

Initialement, le Conseil d’Etat considérait que le droit à déduction de la TVA par les Holding animatrice ne pouvait être que partiel dans la mesure où l’activité de gestion des participations est hors champs d’application de la TVA.

En 2015, la Cour de justice de l’union européenne a contesté cette position en jugeant que la TVA sur les frais d’acquisition d’une filiale par une Holding animatrice était entièrement déductible dans la mesure où cette dernière participait à la gestion de cette filiale et lui facturait de prestations de service. Depuis, lorsque l’activité économique est démontrée, la TVA sur les frais d’acquisition est entièrement déductible.

En 2018, la Cour de justice de l’union européenne estimé que le fait de donner en location des immeubles à titre onéreux aux filiales permettait à la Holding de voir sa qualité d’assujettie reconnue.

SAS ou SARL : critères juridiques, opérationnels et fiscaux

SAS ou SARL : critères juridiques, opérationnels et fiscaux

1. Introduction rapide

Société : définition et régime juridique

La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.

Le droit commun des sociétés est régi par les articles 1832 et suivants du code civil qui distingue les dispositions générales à toutes les sociétés (articles 1832 et suivants), les sociétés civiles (articles 1845 et suivants) et les sociétés en participation (articles 1871 et suivants).

En outre, il existe de nombreuses sociétés et notamment commerciales par la forme. Il existe à ce titre les SA, SAS, SARL, SCA, SNC …

Société à responsabilité limité (SARL) : définition et régime juridique

La SARL est une société commerciale à responsabilité limitée constituée par deux associés au minimum. Lorsqu’elle ne comprend qu’un seul associé, on parle de SARLU, ou d’EURL. Elle est instituée par les articles L. 223-1 et suivants du code de commerce. Son capital social est constitué par des parts sociales (titres non librement négociables). La rédaction de ses statuts est très encadrée par la loi.

Société par actions simplifiées (SAS) : définition et régime juridique

La SAS est une société commerciale par actions simplifiée constituée par deux actionnaires au minimum. Lorsqu’elle ne comprend qu’un seul actionnaire, on parle de SASU. La SAS est instituée par les articles L. 227-1 et suivants du code de commerce. Son capital social est constitué par d’actions (titres librement négociables). La rédaction de ses statuts est peu encadrée par la loi ce qui en fait une société très souple et donc prisée par les startups.

L’enjeux du choix de la forme sociale

Opter pour telle ou telle forme sociale n’est pas anodin. D’abord, parfois la loi impose à l’entrepreneur de recourir à une forme sociale spécifique selon l’activité. C’est le cas par exemple des bars tabac qui nécessite l’option pour les sociétés en nom collectif. Hormis quelques cas exceptionnels, l’entrepreneur doit choisir la forme sociale ce qui n’est pas une mince affaire.

En pratique, les SARL et les SAS sont les deux formes sociales les plus utilisés. Or, selon que l’on opte pour l’une ou l’autre, les conséquences sociales, juridiques et fiscales pour l’avenir sont importantes et parfois radicalement différentes.

L’enjeu du choix de la forme social est donc crucial.

Toute la question est de savoir quels critères gouvernent à ce choix.

2. Détermination des critères de choix

Il existe de nombreux critères de distinction entre la SARL et la SAS. Mais, selon nous, le critère principal réside dans l’optimisation des revenus du dirigeant créateur d’entreprise.

2.1. Le choix déterminé par le régime social et fiscale des revenus

Le dirigeant créateur d’entreprise peut percevoir ses revenus sous différentes formes : des dividendes annuels en sa qualité d’associé et une rémunération mensuelle en sa qualité de dirigeant (mandataire social). Il convient de maitriser le régime social et fiscal de ces deux formes de revenus.

2.1.1. Le régime social et fiscal des dividendes

Régime social des dividendes

Par principe, les dividendes sont exonérés de cotisations sociales. C’est la raison pour laquelle les revenus tirés des dividendes n’offrent aucune protection sociale.

Par exception, si les dividendes sont perçus par le gérant associé majoritaire d’une SARL à l’IS, ils sont assujettis à cotisations sociales sur la part qui excède 10 % du capital social. Ces cotisations sociales relèvent du régime du SSI (Sécurité Sociale des Indépendants). Les taux de cotisation sont de l’ordre de 30 % à 45% selon les professions et les niveaux de revenus.

Notre avis :

Si l’associé n’a aucune autre source de revenus que les dividendes, il est vivement conseillé de souscrire à une prévoyance santé et à une mutuelle. Aussi, s’il est dirigeant majoritaire et qu’il opte pour la SARL, l’idéal est de constituer un capital. A défaut, il est conseillé au dirigeant majoritaire d’opter pour la SAS dont le dividende est exonéré de cotisations sociales.

Régime fiscal des dividendes

Les dividendes sont imposés depuis 2018 via le prélèvement forfaitaire unique à un taux unique de 30 % (avec l’impôt sur le revenu à 12,8 % et les prélèvements sociaux à 17,2 %).

Notre avis :

La forme sociale n’a pas d’impact sur la fiscalité des dividendes.

2.1.2. Le régime social et fiscal de la rémunération des dirigeants

Régime social de la rémunération des dirigeants

Il existe deux principaux régimes : celui des dirigeants assimilés-salarié et celui des travailleurs non-salariés (TNS). Les TNS sont les gérants d’EURL et les gérants majoritaires de SARL. Tous les dirigeants relèvent du régime assimilés-salarié.

* Régime social de la rémunération des dirigeants assimilés-salariés

Le dirigeant assimilé-salarié est affilié à la Sécurité Sociale (régime général) et bénéficie donc de la même protection sociale que celle accordée aux salariés (dont les droits à retraite) à l’exception de l’assurance chômage. En contrepartie de cette protection, les taux de cotisations sociales sont importants (ils varient entre 55 et 70 % de charges sociales sur salaire).

* Régime social de la rémunération des dirigeants travailleurs non-salariés (TNS)

Le dirigeant (gérant) assimilé travailleur non salarié (TNS) est affilié au régime de la sécurité sociale des indépendant (SSI) et bénéficie donc d’une protection sociale moindre. En contrepartie de cette faible protection, les taux de cotisations sont réduits (ils varient entre 35 et 45 % de charges sociales sur salaire). Précisons que même non rémunéré, le TNS est débiteur d’un forfait de cotisations sociales minimum.

Notre avis :

Si le dirigeant est majoritaire, l’option pour la SARL semble idéale pour optimiser sa rémunération. Le cas échant, l’assujettissement des dividendes aux cotisations sociales mérite toutefois réflexion et un arbitrage est nécessaire.

Si le dirigeant n’est pas majoritaire, la forme sociale n’a pas d’impact sur le régime social de sa rémunération.

Régime fiscal de la rémunération des dirigeants

Il existe deux principaux régimes : celui des sociétés soumises à l’IS et celui des sociétés à l’IR.

* Le régime fiscal de la rémunération des dirigeants d’une société soumise à l’IS :

La rémunération du dirigeant assimilé-salarié est imposable dans la catégorie des « traitements et salaires » tandis que celle du dirigeant TNS est imposable dans la catégorie des « rémunérations de dirigeants ». Pour la société, les rémunérations versées aux dirigeants constituent une charge déductible si elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives au regard des fonctions exercées.

* Le régime fiscal de la rémunération des dirigeants d’une société soumise à l’IR

En ce qui concerne le dirigeant associé d’une société n’ayant pas opté pour l’IS, ses rémunérations sont considérées comme une répartition des bénéfices de la société. Ces sommes sont soumises à l’impôt sur le revenu, au nom du dirigeant, dans la catégorie correspondant à la nature de l’activité de la société (BIC, BNC, BA, revenus fonciers). Dans ces conditions, les rémunérations versées aux dirigeants ne constituent pas une charge déductible.

En ce qui concerne le dirigeant non associés (et donc salarié), ses rémunérations sont imposées à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des « traitements et salaires ». Pour la société, les rémunérations versées aux dirigeants constituent une charge déductible si elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives au regard des fonctions exercées.

2.2. Le choix déterminé par d’autres critères

2.2.1. La rédaction des statuts

La SAS offre une certaine souplesse dans la rédaction de statuts et le Code de commerce n’est pas contraignant. La SARL est quant à elle très règlementée par le Code de commerce et offre moins de souplesse.

Notre avis :

Si les associés ont pour projet de créer des catégories d’actions différente auxquelles sont attachés des droits de votes multiple, l’option pour la SAS s’impose puisque cela est impossible en SARL.

2.2.2. La libération du capital

La SAS exige une libération du capital de 50 % à la création, le solde dans les 5 ans. La SARL n’exige quant à elle une libération du capital qu’à hauteur de 20 % à la création, le solde dans les 5 ans également.

Notre avis :

Il convient de préciser que pour les dirigeants TNS, l’abattement des 10 % du capital ne concerne que le capital entièrement libéré.

2.2.3. L’agrément de nouveaux associés

La loi prévoit une procédure d’agrément obligatoire pour toute cession de parts sociales à un tiers dans les SARL : « les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. […] Toute clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite. » (article L. 223-14 du code de commerce) Toutefois, rien n’est prévu en matière d’augmentation de capital.

Quant aux SAS, il est simplement prévu que « les statuts peuvent soumettre toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société. » (article L. 227-14 du code de commerce).

Notre avis :

Il est vivement recommandé en pratique de prévoir aux statuts une clause d’agrément quelle que soit la nature de la société afin de contrôler qui entre au capital. Cette procédure d’agrément peut même être étendu aux héritiers d’un associé qui décède, voire aux opérations de fusions, de scissions ou encore d’augmentations de capital par création de nouveaux titres.

2.2.4. Le droit préférentiel de souscription

Le droit préférentiel de souscription est prévu par la loi dans les SAS à l’article L. 225-132 du code de commerce. En revanche, rien n’est prévu pour les SARL de sorte que les statuts peuvent l’aménager.

Notre avis :

L’aménagement du droit préférentiel de souscription est recommandé dans la mesure où il protège l’actionnariat présent.

2.2.5. Les droits d’enregistrement lors de la transmission des titres sociaux

En ce qui concerne les montants des droits d’enregistrement, ces derniers sont fixés par l’article 726 du code général des impôts. Les taux prévus varient selon qu’il s’agisse d’actions ou de parts sociales :

* pour les cessions d’actions, le taux du droit d’enregistrement est fixé à 0,1 % ;

* pour les cessions de parts sociales le droit d’enregistrement est de 3 % après un abattement égal, pour chaque part, au rapport entre 23.000 € et le nombre total de parts de la société.

Notre avis :

Il peut être tentant de transformer sa SARL en SAS par anticipation d’une cession de titres. En effet, selon le montant de l’opération, l’économie de droits d’enregistrement peut être substantielles. Toutefois, l’opération de transformation poursuit un but uniquement fiscal, elle peut être qualifiée d’abusive par l’administration fiscale.

2.2.6. La gouvernance

Au sein de la SARL la gérance peut être assurée par un seul gérant, le nombre de gérant étant librement fixé par les statuts, associés ou non. Le gérant de SARL ne peut être cependant une personne morale, et ne peut pas non plus avoir la qualité de commerçant ou être frappé d’une incompatibilité ou d’une interdiction de gérer. Le gérant est aussi librement désigné par les statuts, donc par les associés. Il peut aussi être désigné postérieurement par les associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Sauf stipulation statutaire contraire, le gérant de SARL est nommé pour la durée de la société. Il peut toutefois démissionner sans avoir à justifier d’un intérêt légitime et demeure révocable ad nutum sans que cela ne fasse obstacle à son droit de contradictoire.

Les pouvoirs du gérant de SARL dans ses rapports avec les associés sont soumis aux statuts, la loi n’ayant à ce titre qu’un rôle supplétif. Ainsi les statuts peuvent prévoir des limitations à ses pouvoirs, mais peuvent aussi organiser une gérance collective, articulant la répartition des compétences. Si rien n’est précisé en cas de multiplicité de gérants, chacun peut agir dans la totalité des compétences statutaires. En cas de silence des statuts le gérant peut accomplir tous les actes de gestion dans l’intérêt de la sociétésous réserve qu’ils n’empiètent pas sur les pouvoirs attribués par la loi aux associés.

Dans les rapports avec les tiers à la société, les clauses statutaires qui auraient vocation à limiter les pouvoirs du gérant ne pourraient leurs être opposéesLa réciproque n’est pas vraie, puisque la société serra engagée même pour les actes du gérant qui dépassent ses pouvoirs ou sont étrangers à l’objet social et l’intérêt social de la société. Enfin le gérant de SARL a une obligation de loyauté et de fidélité envers la société qu’il dirige.

Quant à l’organisation de la SAS les choses sont bien différentes et bien plus complexes, en effet le principe est encore une fois ici la liberté. Ce sont les statuts seuls qui fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigéeUn seul organe est obligatoire : un président. Au-delà l’imagination des associés n’est pas limitée. Ils peuvent créer et inventer autant d’organes qu’ils souhaitent, et leurs donner les pouvoirs voulus et ainsi créer des organisations de gouvernance plus ou moins sophistiquées.

Le président détient le rôle de représentation de la société à l’égard des tiers. Il est également investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l’objet social. Il a le droit de consentir des délégations de pouvoir. Il peut être ici une personne physique ou bien morale. Il est lui aussi révocable ad nutum sans que cela ne fasse obstacle à son droit de contradictoire, mais ici il n’existe pas d’obligation de juste motif pour le révoquer. Parallèlement à la SARL, la SAS est engagée envers les tiers par les actes du président qui ne relèvent pas de l’objet social et les dispositions statutaires limitant ses pouvoirs seraient inopposables aux tiers.

S’agissant de la prise de décision, pour la SAS, c’est encore la liberté statutaire qui prime. Ainsi ce sont les statuts qui déterminent les décisions qui doivent obligatoirement être soumises à la collectivité des associés, ainsi que les formes et conditions dans lesquelles elles sont prises.

Dans la SARL une distinction est faite entre décisions ordinaires et extraordinaires entrainant des règles de majorité différentes. Les décisions extraordinaires sont celles qui entrainent une modification des statuts ou qui ont pour objet l’agrément de nouveaux associés. Ces décisions sont soumises à des majorités importantes et prévues par la loi, quand les décisions ordinaires qui sont alors toutes les autres décisions sont, elles, prises à la majorité simple c’est-à-dire la moitié des parts sociales.

Holding : effets de leviers juridiques, financiers et fiscaux

Holding : effets de leviers juridiques, financiers et fiscaux

1. Introduction rapide

Définition des notions de Holding (ou société mère) et de Filiale (ou société fille)

Une Holding (abréviation anglaise de holding company) est une société purement financière par son activité et son actif qui a pour objet de prendre des participations financières dans d’autres sociétés et d’assurer le contrôle et la direction des sociétés dont elle détient une partie des actions. Elle se distingue ainsi des sociétés d’investissement qui sont de simples sociétés de placement. Inversement, une Filiale est une société dont la majorité du capital est détenu par une autre société (la Holding).

Définition de la notion de Groupe en droit des sociétés

Un groupe de sociétés est une entité économique formée par une société contrôlante et l’ensemble des sociétés qu’elle contrôle.

Définition de contrôle

La notion de contrôle en droit des sociétés est définie à l’article L. 233-3 du code de commerce. Pour résumer, il s’agit pour une personne (physique ou morale) de détenir la majorité des droits de vote d’une société. Le contrôle d’une société A par une société B peut être direct (la société B est directement détentrice de la majorité des droits de vote au conseil d’administration de A) ou indirect (B a le contrôle de sociétés intermédiaires C, voire D, E, etc. à qui elle peut demander de voter d’une même façon au conseil d’administration de A, obtenant ainsi la majorité des droits).

Régime juridique de la Holding

Malgré sa forte présence dans le tissu économique français et européen, il n’y a eu aucune définition juridique ou de statut légal attribué à la Holding. Pourtant, la Cour de cassation a très tôt affirmé sa validité (Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique, 24 février 1987, n° 86-14.951). Cela peut essentiellement s’expliquer par le fait que, la Holding est en réalité une notion large et qu’elle possède des fonctions diverses et variées.

Distinction entre Holding animatrice (active) et Holding patrimoniale (passive)

Une Holding pure (ou Holding patrimoniale) est une personne morale dont l’objet est uniquement la détention majoritaire du capital de ses filiales. Ainsi, elle n’exploite aucune autre activité que les droits et obligations que lui confères ses participations. Elle n’interfère pas dans la gestion des sociétés filiales et ne réalise aucune prestation.

A contrario, la notion de société Holding animatrice a récemment été précisée et définie par le Conseil d’État. Suivant son raisonnement, la société Holding « qui a pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers » est animatrice de son groupe et doit être regardée comme une société exerçant une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière au sens des dispositions de l’article 150-0 D bis, II-2°-b du Code général des impôts (Conseil d’État, 3ème, 8ème, 9ème et 10ème chambres réunies, 13 juin 2018, 395495, Publié au recueil Lebon). Ainsi, le critère majeur pour justifier l’activité d’animation développée par la holding repose sur la participation active à la conduite de la politique du groupe, la mise en œuvre et le suivi de la stratégie du groupe.

L’intérêt de cette distinction réside dans le régime fiscal de faveur accordé aux Holding animatrices.

2. La société Holding comme outil de gestion et d’optimisation

2.1. L’effet de levier juridique

L’effet de levier juridique consiste en la centralisation du contrôle des filiales opérationnelles. C’est en effet la Holding qui centralise les intérêts juridiques des filiales. En effet, la Holding permet de rationaliser juridiquement la gouvernance des filiales et du Groupe. En outre, elle permet de rationaliser la gestion des ressources humaines, la gestion administrative, la logistique, … des filiales et du Groupe. Enfin, juridiquement, la Holding peut permettre d’anticiper la succession du chef d’entreprise par la création d’une Holding familiale hébergeant les titres de toutes les sociétés du Groupe. Aussi, par la technique du démembrement de propriété et de création d’actions de préférence, le chef d’entreprise peut assurer le contrôle du Groupe tout en optimisant la fiscalité de sa succession à venir.

2.2. L’effet de levier financier

Il résulte de ce qui précède que la Holding permet de centraliser les intérêts juridiques des filiales. Cela vaut aussi pour les intérêts économiques. La Holding jouit donc d’un effet démultiplicateur puisque la valeur de toutes les filiales opérationnelles est réunie en une seule entité mère. Dans ces conditions, une Holding permet de mieux négocier les financements de ses filiales que les filiales directement. En effet, la Holding permet d’offrir plus de garantie à l’établissement de crédit. En outre, la Holding permet de mettre en place des conventions de trésorerie intragroupes. Ces conventions permettent une gestion centralisée de la trésorerie du Groupe afin de rationaliser le flux et de réduire les frais financiers et les risques.

2.3. L’effet de levier fiscal

2.3.1. Le régime mère-fille (article 145 et 216 du code général des impôts)

Définition

Le régime mère-fille est une option fiscale utilisée dans les Groupes de société permettant de limiter les impacts fiscaux : (1) La Holding (société mère) jouit d’une exonération d’Impôt sur les Sociétés sur ces distributions à l’exception d’une quote-part de 5 % pour les frais et les charges. (2) Les dividendes versés par les sociétés intégrés fiscalement sont déduit du résultat global imposable dans leur totalité. (3) Les plus-values des titres de participations ont un taux à 0 % d’Impôts sur les Sociétés avec un quote-part de 12 % intégrée dans le résultat. Afin d’éviter ce phénomène, les produits de participation revenant aux sociétés mères sont exonérés d’impôt sur les sociétés au niveau de celles-ci, sous réserve de la réintégration d’une quote-part de frais et charges fixée forfaitairement à 5 % du produit total des participations (articles 145 et 216 du code général des impôts).

L’exonération concerne tous les produits trouvant leur origine dans les résultats que dégagent les filiales : boni de liquidation, distributions de réserves, dividendes…Elle s’applique quelle que soit la forme juridique de la filiale distributrice et son lieu d’implantation. Toutefois sont exclues les entités soumises au régime des sociétés de personnes, dont le résultat est imposé au nom de leurs membres.

Conditions

Pour bénéficier du régime mère-fille, il convient de réunir les critères suivants :

(1) La société filiale et la société mère doivent être soumises au régime de l’impôt sur les sociétés en France,

(2) La société mère doit avoir son siège dans un Etat membre de l’UE et doit détenir depuis au moins deux ans 5 % des titres de la filiale ou, à défaut, prendre l’engagement de conserver les titres pendant deux ans, d’au moins 5 % des titres de la filiale. Le dispositif est étendu à la détention d’actions représentant plus de 2,5% du capital et 5 % des droits de vote d’une société dès lors que la société est contrôlée par un ou plusieurs organismes dits à but non lucratif,

(3) Une option pour le régime des sociétés mères doit être formulée (dans les faits, cette option, qui a un caractère annuel, n’est soumise à aucun formalisme. Elle découle des mentions portées sur la liasse fiscale).

D’un point de vue déclaratif, les produits exonérés doivent être déduits du résultat comptable et la quote de part de frais et charges doit être réintégrée.

2.3.2. Le régime de l’intégration fiscale (articles 223-1 à 223-Q du code général des impôts)

Définition

Le régime de l’intégration fiscale permet à la Holding de se constituer seule redevable de l’impôt sur les sociétés sur l’ensemble des résultats du Groupe. Ainsi, l’ensemble des bénéfices et pertes de toutes les filiales seront pris en compte dans le calcul des revenus imposables de la société intégrante. L’avantage est conséquent puisque cela permet l’imputation d’un déficit subi par une filiale sur le résultat d’ensemble, c’est-à-dire, indirectement, sur le bénéfice des autres sociétés du Groupe. Autrement dit, les pertes des unes pourront compenser les bénéfices des autres, et permettre à la holding de payer globalement moins d’impôts.

Conditions

Pour bénéficier du régime de l’intégration fiscale, il convient de réunir les critères suivants :

(1) La société filiale et la société mère doivent être soumises au régime de l’impôt sur les sociétés en France,

(2) Les sociétés intégrées doivent ouvrir et clore leurs exercices, d’une durée de 12 mois, aux mêmes dates.

(3) Toutefois, à tout moment au cours de la période de 5 ans, la durée des exercices peut être modifiée, une fois, pour être inférieure ou supérieure à 12 mois,

(4) Le capital social de la société holding ne doit pas être détenu à 95 % ou plus, directement, par une autre société ayant son siège social en France et passible de l’IS.

Focus sur les risques

Bien que le montage d’une holding apparaisse attractif à plus d’un titre, il peut impliquer certains risques et inconvénients dont il est nécessaire de se prévenir.

Tout d’abord, la création d’une société holding entraîne une augmentation des coûts d’administration des entreprises. Ce montage nécessite souvent l’établissement de documents comptables consolidés complexes ainsi que le recours à un ou plusieurs commissaires aux comptes.

Un second inconvénient réside dans la potentielle suppression de la taxation au taux réduit. En effet, les PME bénéficient d’un taux réduit d’imposition de 15% qui se substitue au taux normal de l’impôt sur les sociétés (ce taux est de 25% pour les exercices ouverts à partir de janvier 2022) dans la limite de 38 120 € de bénéfice par période de douze mois et sous réserve de la réunion de certaines conditions.

Dans le cadre d’une holding, la taxation au taux réduit est maintenue uniquement si la PME est détenue directement par la holding (« en râteau »). Dans l’hypothèse d’une filialisation « en cascade » (la filiale d’une filiale), seules les filiales en bout de chaîne demeurent éligibles à cette taxation réduite. Les filiales, de milieu de chaîne, ne peuvent en bénéficier et dans ce cas le système de la holding peut vite s’avérer préjudiciable.

Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler qu’une société filiale ne constitue pas une « coquille vide ». De ce fait, aucune opération réalisée par la société holding ne peut la favoriser au détriment de sa filiale sans porter atteinte à plusieurs dispositions légales. Ainsi, toute opération entre entreprises doit avoir une réelle contrepartie économique. A défaut, celle-ci peut encourir la qualification d’abus de bien sociaux.

Sur le plan fiscal, les entrepreneurs peuvent rapidement se retrouver dans l’illégalité par simple négligence ou méconnaissance de la loi. Les opérations réalisées dans l’intérêt unique de la holding mais contraires à l’intérêt social de sa filiale encourent la qualification d’acte anormal de gestion (ex : vente à prix minorée, rémunération excessive etc.) pouvant mener à des sanctions de natures administrative ou pénale.

Holding « familiale » : outil de détention, de gestion et de transmission du patrimoine

Holding « familiale » : outil de détention, de gestion et de transmission du patrimoine

1. Introduction rapide

Définition des notions de Holding (ou société mère) et de Filiale (ou société fille)

Une Holding (abréviation anglaise de holding company) est une société purement financière par son activité et son actif qui a pour objet de prendre des participations financières dans d’autres sociétés et d’assurer le contrôle et la direction des sociétés dont elle détient une partie des actions. Elle se distingue ainsi des sociétés d’investissement qui sont de simples sociétés de placement. Inversement, une Filiale est une société dont la majorité du capital est détenu par une autre société (la Holding).

Définition de Holding familiale

La Holding familiale est, par définition, une Holding dont les associés (ou actionnaires) sont exclusivement les membres d’une même famille.

Définition des droits de succession

Les droits de succession sont des droits de mutation à titre gratuit. Ils sont prélevés sur la part taxable du patrimoine du défunt qui revient à un héritier, après déduction d’un abattement. Il convient de préciser que la part taxable est fonction du lien de parenté avec le défunt et de la situation personnelle de l’héritier). En principe, la personne qui hérite doit s’acquitter de l’impôt au moment du dépôt de la déclaration de succession mais elle peut également, en cas de problème de trésorerie, sous conditions, solliciter un délai de paiement supplémentaire pour différer le paiement des droits de succession. La demande doit être formulée en même temps que le dépôt de la déclaration et être assortie d’une offre de garanties minimales. A noter que l’administration fiscale n’est pas obligée de répondre positivement à la demande.

Abattement personnel des héritiers (fonction du lien de parenté)

L’article 779 du code général des impôts prévoit les abattements applicables sur la part taxable en fonction du lien de parenté voire de la situation de l’héritier :

Lien de parenté (voire situation personnelle de l’héritier)Montant de l’abattement
pour un enfant, un père ou une mère100.000 €
pour un frère ou une sœur15.932 €
pour un neveu ou une nièce7.967 €
en l’absence d’un autre abattement applicable1.594 €
pour un héritier handicapé159.325 €

Quantum des droits de succession

L’article 777 du code général des impôts prévoit les barèmes d’imposition pour la part nette revenant à chaque ayant droit (après déduction de l’abattement ci-dessus mentionné) :

* Tarif des droits applicables en ligne directe :

Fraction de part nette taxableTarif applicable (%)
N’excédant pas 8 072 €5
Comprise entre 8 072 € et 12 109 €10
Comprise entre 12 109 € et 15 932 €15
Comprise entre 15 932 € et 552 324 €20
Comprise entre 552 324 € et 902 838 €30
Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €40
Au-delà de 1 805 677 €45

* Tarif des droits applicables entre époux et entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité :

Fraction de part nette taxableTarif applicable (%)
N’excédant pas 8 072 €5
Comprise entre 8 072 € et 15 932 €10
Comprise entre 15 932 € et 31 865 €15
Comprise entre 31 865 € et 552 324 €20
Comprise entre 552 324 € et 902 838 €30
Comprise entre 902 838 € et 1 805 677 €40
Au-delà de 1 805 677 €45

* Tarif des droits applicables en ligne collatérale et entre non-parents :

Fraction de part nette taxableTarif applicable (%)
Entre frères et sœurs vivants ou représentés :
* n’excédant pas 24 430 €35
* supérieure à 24 430 €45
Entre parents jusqu’au 4e degré inclusivement55
Entre parents au-delà du 4e degré et entre personnes non-parentes60

2. La Holding familiale comme outil de détention, de gestion et de transmission du patrimoine

Outre les effets de leviers juridiques, financiers et fiscaux d’une Holding classique, la Holding familiale permet au chef d’entreprise d’anticiper et d’optimiser sa succession.

2.1. La Holding familiale comme outil d’optimisation fiscale de la succession

Définition du démembrement

Le démembrement est une technique juridique classique de droit civil qui consiste à diviser la pleine propriété en deux : la nue-propriété et l’usufruit. Le démembrement porte classiquement sur un bien immobilier mais il peut aussi porter sur ses titres sociaux.

Démembrement et droits de succession

Le démembrement de propriété est un outil efficace pour diminuer les droits de succession qui seront payés par les héritiers puisque par principe, au décès de l’usufruitier, le nu-propriétaire reçoit l’usufruit et devient propriétaire sans payer de droit de succession.

Focus sur la Holding familiale

Il s’agit de démembrer les titres sociaux de la Holding familial en attribuant la qualité de nus-propriétaires des titres aux héritiers et la qualité d’usufruitier au chef d’entreprise. Ainsi, au jour de son décès, l’usufruit des titres sociaux mute automatiquement pour reconstituer la pleine propriété des titres sociaux au niveau des héritiers nus-propriétaires sans droit de succession.

2.2. La Holding familiale comme outil de gestion du patrimoine

La Holding familial permet aux membres de la famille associé dans la Holding de gérer le patrimoine détenu par cette dernière par l’exercice notamment des droits de vote. Toutefois, afin d’optimiser fiscalement la succession, nous venons de voir qu’il est opportun pour le chef d’entreprise de n’avoir que la qualité d’usufruitier des titres sociaux de la Holding.

Cela pose un problème important dans la mesure où le droit des sociétés ne confère la qualité d’associé qu’au nu-propriétaire. Ainsi, dans un tel schéma, le chef d’entreprise perdrait le contrôle de la gestion du patrimoine familial et surtout du patrimoine professionnel. En effet, par principe, en sa qualité d’associé, c’est le nu-propriétaire qui vote aux assemblées générales sauf en ce qui concerne l’affectation du bénéfice dont le vote appartient à l’usufruit.

Par exception, les statuts peuvent déroger à cette règle sans priver l’usufruitier de son droit de vote à l’assemblée qui statut sur l’affectation du résultat. Le cas échéant, il est parfaitement envisageable pour le chef d’entreprise de se réserver tous les droits de vote en sa qualité d’usufruitier par une mention spéciale aux statuts. Par cette technique, le chef d’entreprise conserve exclusivement le contrôle du patrimoine.

A défaut, il est permis, dans le cadre d’une société par actions simplifiées, de créer des actions de préférences avec notamment des catégories d’actions. Par exemple, les actions A ont le droit de vote, les actions B n’ont pas de droit de vote. Le cas échéant, la société émet une seule action de catégorie A souscrite en pleine propriété par le chef d’entreprise. Les autres actions de catégorie B seraient démembrée au profit des héritiers en qualité de nus-propriétaires et du chef d’entreprise en qualité d’usufruitier. Par cette technique, le chef d’entreprise conserve exclusivement le contrôle du patrimoine. En revanche, à la différence de la précédente technique, les droits de succession s’appliqueront sur la valeur de l’action de catégorie A.

2.3. La Holding familiale comme outil de détention du patrimoine

La Holding familiale est d’abord un outil de détention du patrimoine, professionnel voire privé. La question est de savoir par quelle technique le patrimoine du chef d’entreprise mute dans celui de la Holding familiale. La technique la plus rependue est la donation des titres avec réserve d’usufruit. Mais il est également possible d’opter pour des techniques plus classiques telles que l’apport en nature voire la vente qui n’est pas dénuée d’intérêts.

2.3.1. La donation du patrimoine avec réserve d’usufruit

La donation peut porter sur tout type de bien : un immeuble, des liquidités voire des titres sociaux. Le donateur peut transférer tout ou partie de la pleine propriété du bien, uniquement l’usufruit (c’est-à-dire que le donateur se réserve uniquement la nue-propriété) voire uniquement la nue-propriété (c’est-à-dire que le donateur se réserve l’usufruit). Cette technique est particulièrement utilisée en matière immobilière. En ce qui concerne nous concerne, il s’agit pour le Chef d’entreprise donner à ses héritiers (qui souhaitent reprendre l’entreprise familiale) les parts sociales avec réserve d’usufruit. C’est en leur qualité de nu-propriétaire et d’usufruitiers des parts sociales de l’entreprise que la Holding est créée entre le chef d’entreprise et ses héritiers.

Sur le plan formel, il s’agit d’un acte authentique passé devant notaire.

Sur le plan économique, la donation permet à la Holding de ne pas s’endetter.

Sur le plan fiscal, l’avantage est la limitation des droits de mutation à payer. En effet, la nue-propriété correspond à une fraction de la valeur de la propriété entière, selon l’âge de l’usufruitier. Cette valeur est donc forcément moins élevée que la valeur en pleine propriété. Elle est déterminée selon un barème fiscal fixé par la loi. Au décès du donateur, l’usufruit s’éteint au profit des donataires qui deviennent automatiquement pleins propriétaires, sans droit de mutation à acquitter en complément. Les droits de mutation sont donc calculés, au moment de la donation, uniquement sur la valeur en nue-propriété (valeur moindre que la pleine propriété).

NB sur l’apport à la Holding Dutreil :

Après la transmission à titre gratuit, les donataires, héritiers ou légataires peuvent apporter tout ou partie de leurs titres de la société opérationnelle à la Holding, sous certaines conditions :

– Plus de 50 % de son actif brut est composé d’une société soumise à engagement Dutreil,

– 75 % de son capital et de ses droits de vote est détenu par des personnes tenues à l’ECC ou l’EIC (personnes physiques ou morales),

– Elle est dirigée directement par une ou des personnes tenues à l’ECC ou l’EIC (donateur ou/et bénéficiaire),

– Elle prend l’engagement de conserver les titres apportés jusqu’au terme du dispositif,

– Les conditions tenant à la composition de l’actif de la holding, à la détention de son capital et à sa direction doivent rester inchangées,

– Les associés doivent conserver les titres de la holding jusqu’au terme du dispositif ; aucun titre de la holding ne peut être cédé,

– Eventuellement contrainte de l’ECC réputé acquis : la direction de la holding est assurée par un bénéficiaire de l’exonération,

Les associés de la Holding doivent conserver les titres reçus en contrepartie de l’opération d’apport pendant la durée de l’engagement individuel de conservation. La holding doit également conserver les titres de la société opérationnelle faisant l’objet du pacte Dutreil.

2.3.2. L’apport du patrimoine en nature

La création d’une société nécessite un apport : en numéraire, en nature ou en industrie. L’apport en nature peut porter sur des biens de toute nature : immobilier, mobilier, corporels et incorporel. Ainsi, il est parfaitement possible pour le chef d’entreprise d’apporter à la Holding familial les parts sociales qu’il détient dans le capital social de sa société d’exploitation mais également dans sa société civile immobilière qui détient les murs du local professionnel par exemple.

Sur le plan formel, l’apport en nature nécessite l’intervention d’un commissaire aux apports dont la mission sera de valider la valorisation de l’apport. Aussi, la valeur de cet apport constitue cette du capital social de la Holding familiale.

Sur le plan économique, l’avantage de l’apport en nature est qu’il n’endette pas la Holding (à la différence de la vente à la Holding qui nécessite un endettement de cette dernière).

Sur le plan fiscal, l’apport est assimilé à une cession à titre onéreuse dont la plus-value est imposable chez le chef d’entreprise à l’impôt sur le revenu. Toutefois, il existe deux mécanismes permettant d’éviter la taxation immédiate de la plus-value d’apport : le report d’imposition applicable de plein droit lorsque la Holding est contrôlée par l’apporteur (article 150-0 B ter du code général des impôts) et le sursis d’imposition applicable lorsque la Holding est soumise à l’impôt sur les sociétés et que la société holding n’est pas contrôlée par l’apporteur (article 150-0 B du code général des impôts). Dans ces conditions, le mécanisme du report d’imposition est privilégié par le chef d’entreprise qui souhaite en règle générale conserver le contrôle de la société.

2.3.3. La vente du patrimoine

Sur le plan formel, cette technique ne nécessite pas l’intervention d’un commissaire aux apports.

Sur le plan économique, cette mutation nécessite pour la Holding de payer le prix de l’acquisition du patrimoine cédé par le chef d’entreprise. En pratique, la Holding emprunte auprès d’un établissement bancaire. Le remboursement de l’emprunt peut notamment être financé par les remontées de dividende de la société d’exploitation. Le cas échéant, il est opportun pour le chef d’entreprise de procéder à cette vente à soi-même (Family By Out) 10 ans avant sa retraite puisque l’emprunt est en règle générale souscrit pour une durée de 10 ans en la matière. Cette opération a l’avantage de liquider la valeur d’actif patrimonial et de dégager de la trésorerie pour le chef d’entreprise.

NB sur le réinvestissement du produit de la cession des titres du chef d’entreprise à la Holding familiale :

Le chef d’entreprise place le produit de cession de ses titres sur des contrats d’assurance vie en pratiquant la technique du démembrement de la clause bénéficiaire. Le démembrement de la clause bénéficiaire consiste à désigner 2 bénéficiaires : l’usufruitier (souvent le conjoint) et les nus propriétaires (souvent les enfants). Ainsi, au décès du chef d’entreprise, le conjoint devient usufruit du contrat d’assurance-vie et les enfants nus-propriétaires. In fine, au décès du conjoint, les enfants recouvrent la pleine propriété du contrat d’assurance-vie.

Sur le plan fiscal, le régime est identique à celui de l’apport en nature.

Une SARL engagée par les actes d’un salarié sur le fondement du mandat apparent

[Résumé]

Dans un arrêt en date du 9 mars 2022, la Chambre commerciale admet qu’une SARL puisse être engagée par les actes d’un salarié, en se fondant sur l’existence d’un mandat apparent. La Haute juridiction rappelle par ailleurs les éléments permettant de retenir un tel mandat.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 mars 2022, 19-25.704, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

Une société de promotion a signé une promesse unilatérale de vente portant sur plusieurs parcelles de terrain en vue de la construction de logements, opération à l’occasion de laquelle une société à responsabilité limitée est intervenue en qualité d’apporteur d’affaires. Un riverain ayant menacé de déposer un recours contre le permis de construire qui avait été accordé, la société de promotion a signé avec lui un protocole d’accord prévoyant le versement d’une indemnité transactionnelle de 60 000 euros. Prétendant que la société apporteuse d’affaire s’était engagée à prendre en charge la moitié de cette somme, la société de promotion l’a assignée en paiement.

Les juges du fond accédèrent à cette demande, suscitant la formation d’un pourvoi en cassation.

La Haute juridiction rejette le pourvoi en ces termes :

« 3. D’une part, le seul fait que la nomination et la cessation des fonctions de gérant de société à responsabilité limitée soient soumises à des règles de publicité légale ne suffit pas à exclure qu’une telle société puisse être engagée sur le fondement d’un mandat apparent. Le grief de la première branche, qui postule le contraire, manque en droit.

 D’autre part, il résulte des articles 1985 et 1998 du Code civil qu’une personne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs.

 L’arrêt constate que, s’agissant de la rémunération de la société Cofimo, la société Oceanis promotion avait pour seul interlocuteur M. P., salarié de cette petite société, que ce dernier a déclaré, dans trois courriels adressés à la société Océanis promotion, qu’il intervenait pour le compte de la société Cofimo, en employant le terme « nous » pour la désigner et en terminant ses messages par les mots « Pour Cofimo », et que la société Océanis promotion envoyait ses propres courriels à l’adresse mail de la société Cofimo et non à l’adresse mail personnelle de M. P. Il en déduit que la société Océanis promotion a pu légitimement croire que M. P., qui a confirmé par écrit l’engagement de la société Cofimo concernant la rétrocession d’honoraires, avait le pouvoir de prendre la décision de réduire les honoraires d’apporteur d’affaires de cette société. En l’état de ces constatations et appréciations, caractérisant les circonstances autorisant la société Océanis promotion à ne pas vérifier les pouvoirs de M. P., la cour d’appel a légalement justifié sa décision. »

[L’avis du Cabinet]

En principe, une société est engagée par les actes passés en son nom et pour son compte par le représentant légal, le dirigeant. Dans le cas d’une SARL, c’est donc le gérant qui dispose en principe du pouvoir d’engager la personne morale. La sécurité juridique est assurée à ce titre par une information légale réalisée par le truchement d’une publicité, qui permet de connaître l’identité du dirigeant social.

Or en l’espèce la question se posait de savoir dans quelle mesure une SARL pouvait être engagée par l’un de ses salariés. En l’occurrence le salarié de la SARL était le seul interlocuteur des parties. À la faveur de courriels, il s’était par ailleurs présenté comme intervenant pour la SARL, et il recourait en ce sens fréquemment au pronom « nous » dans ses échanges, échanges qui provenait de l’adresse de la SARL en question et non d’une adresse personnelle.

L’ensemble de ces éléments permet à la Haute juridiction d’admettre que le salarié ait engagé la société sur le fondement du mandat apparent. Elle rappelle par ailleurs les conditions pour caractériser l’existence d’un tel mandat. Il faut démontrer la croyance légitime du tiers dans les pouvoirs du mandataire apparent, les circonstances autorisant le tiers à ne pas vérifier les pouvoirs.  En l’espèce, tel était bien le cas.

La Haute juridiction précise que « le seul fait que la nomination et la cessation des fonctions de gérant de société à responsabilité limitée soient soumises à des règles de publicité légale ne suffit pas à exclure qu’une telle société puisse être engagée sur le fondement d’un mandat apparent ».

Cela étant, elle rappelle que’ « il résulte des articles 1985 et 1998 du Code civil qu’une personne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ».

Les entrepreneurs sont donc appelés à la précaution. Le monopole de la représentation légale par le gérant de SARL n’exclut pas l’engagement de la société sur le fondement d’un mandat apparent.

Régime fiscal de l’apport temporaire en société d’un usufruit viager

[Résumé]

Dans une décision importante du 31 mars 2022, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur le champ d’application du régime de la première cession d’un usufruit temporaire dans le cadre d’un apport en société d’un usufruit viager préconstitué.

(Conseil d’État, 8ème et 3ème chambres réunies, 31/03/2022, 458518)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, le 23 juillet 2013, un homme consent à sa fille, une donation-partage portant sur l’usufruit viager de 36 parts sociales d’une Société en Nom Collectif (SNC). Le 2 décembre 2013, la requérante constitue avec son père, une Société par Actions Simplifiée (SAS). A cette occasion, elle apporte à la SAS l’usufruit des 36 parts sociales pour une durée limitée à 30 ans. En contrepartie de cet apport, elle obtient pleine propriété des actions de la SAS pour une valeur totale de 1,248,000 euros.

L’administration fiscale opère un contrôle sur pièces et procède à un redressement sur le fondement de l’article 13, 5° du code général des impôts en imposant, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), le montant de l’apport. Ainsi, la requérante se voit assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à raison de la somme reçue en contrepartie de l’apport consenti à cette SAS.

La requérante saisit le Tribunal administratif de Paris et demande la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus. Sa demande n’est pas accueillie.

La requérante saisit la Cour administrative d’appel de Paris qui infirme le jugement et prononce la décharge des impositions et pénalités en litige.

L’administration forme un pourvoi en cassation. Par un arrêt du 31 mars 2022, le Conseil d’Etat censure la Cour administrative d’appel de Paris dans ces termes :

« D’autre part, aux termes du 1° du 5 de l’article 13 du code général des impôts :  » Pour l’application du 3 et par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l’imposition des plus-values, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d’un même usufruit temporaire ou, si elle est supérieure, la valeur vénale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, personne physique ou société ou groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d’être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l’usufruit temporaire cédé (…) « . Ces dispositions trouvent à s’appliquer tant à la cession à titre onéreux, par le propriétaire d’un bien ou droit, d’un usufruit portant sur celui-ci qu’à la première cession à titre onéreux, par son titulaire, d’un usufruit préconstitué, dans le cas où le cessionnaire bénéficie du droit d’usufruit pour une période qui n’est pas exclusivement déterminée par la durée de la vie humaine. »

[L’avis du Cabinet]

Le Conseil d’Etat considère que l’apport limité à un une durée fixe d’un usufruit viager préconstitué relève des dispositions de l’article 13, 5° du Code général des impôts. La rédaction du traité d’apport revêt une importance capitale. En effet, plutôt que de préciser que l’usufruit était apporté pour une durée fixe (30 ans), il aurait été préférable d’apporter l’usufruit pour une durée correspondant à la survivance de ses associés par exemple. Le cas échéant, puisque l’article 13, 5, 1° du code général des impôts n’est pas applicable lorsque l’usufruit est cédé pour une période exclusivement déterminée par la durée de la vie humaine, l’administration fiscale n’aurait pas appliqué le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Le juge, l’expert et l’actionnaire : le contentieux de la valorisation des actions restreint les pouvoirs du juge

[Résumé]

Dans une décision en date du 7 juillet 2021, la Haute juridiction vient cantonner les pouvoirs du juge à l’occasion de la désignation d’un expert pour l’évaluation des droits sociaux sur le fondement de l’article 1843-4 du code civil. La Chambre commercial décide qu’en présence d’une contestation portant sur la détermination des statuts applicables ou de la convention liant les parties que l’expert est tenu d’appliquer en vertu du texte précité, le président du tribunal saisi sur le fondement de ce texte doit surseoir à statuer sur la demande de désignation de l’expert dans l’attente d’une décision du tribunal compétent, saisi à l’initiative de la partie la plus diligente.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 juillet 2021, 19-23.699, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce les statuts d’une SAS prévoyait l’exclusion de plein droit, d’un associé dans le cas où il serait mis fin au contrat de travail. L’intéressé a été licencié par la société le 14 mars 2018, entrainant son exclusion comme associé.

Or les statuts ont postérieurement été modifiés en assemblée pour modifier les dispositions relatives aux modalités de transmission des droits sociaux, en imposant à l’associé sortant un ajustement à la baisse du prix de cession par application d’une certaine formule.

En août le dirigeant a notifié à l’associé son exclusion de la société et la valeur unitaire de ses actions.

Contestant cette évaluation, l’associé a assigné la société en désignation d’un expert, sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil.

Les juges du fond acceptèrent la demande de désignation d’un expert et estimèrent que la formule de calcul dans la version modifiée des statuts n’était pas opposable à l’associé exclu. La société forma un pourvoi en cassation.

La Cour régulatrice estime que :

« En présence d’une contestation portant sur la détermination des statuts applicables ou de la convention liant les parties, que l’expert est tenu d’appliquer en vertu du texte précité, le président du tribunal saisi sur le fondement de ce texte doit surseoir à statuer sur la demande de désignation de l’expert dans l’attente d’une décision du tribunal compétent, saisi à l’initiative de la partie la plus diligente.

Pour déclarer irrecevable l’appel nullité formé contre l’ordonnance du président du tribunal ayant, d’une part, dit que les statuts modifiés par l’assemblée générale extraordinaire du 26 juillet 2018 n’étaient pas opposables à M. S. pour l’évaluation du prix de rachat de ses actions, et, d’autre part, désigné un expert ayant pour mission de déterminer la valeur de ces actions, l’arrêt retient que ne constitue pas un excès de pouvoir le fait, pour le président du tribunal de commerce statuant sur le fondement du texte susvisé, d’estimer que sont inopposables à M. S. les statuts ainsi modifiés.

En statuant ainsi, alors qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du président du tribunal, saisi sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil, de trancher la contestation relative à la détermination des statuts applicables, la cour d’appel a violé ce texte ».

[L’avis du Cabinet]

L’article 1843-4 du code civil est une source de contentieux importante, ce dont témoigne parfaitement le présent arrêt. Il prévoit que « dans les cas où les statuts prévoient la cession des droits sociaux d’un associé ou le rachat de ces droits par la société sans que leur valeur soit ni déterminée ni déterminable, celle-ci est déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné dans les conditions du premier alinéa. L’expert ainsi désigné est tenu d’appliquer, lorsqu’elles existent, les règles et modalités de détermination de la valeur prévues par toute convention liant les parties ».

Or en l’espèce si le déclenchement de ce texte dans le cadre d’une exclusion statutaire ne faisait pas de difficultés, c’est de l’étendue des pouvoirs du juge dont il était question à cette occasion. Dans son ordonnance de désignation de l’expert, le président du tribunal avait estimé que les statuts modifiés par l’assemblée générale extraordinaire du 26 juillet 2018 n’étaient pas opposables à M. S. pour l’évaluation du prix de rachat de ses actions. L’appel nullité contre cette ordonnance avait été jugé irrecevable. En effet, l’on sait que les ordonnances procédant à la désignation d’un expert sur le fondement de l’article 1843-4 ne sont judiciairement critiquable que sur la base d’un excès de pouvoir. Or en l’espèce la cour d’appel avait estimé que tel n’était pas le cas.

L’arrêt est censuré sur ce point. Pour la chambre commerciale, « En présence d’une contestation portant sur la détermination des statuts applicables ou de la convention liant les parties, que l’expert est tenu d’appliquer en vertu du texte précité, le président du tribunal saisi sur le fondement de ce texte doit surseoir à statuer sur la demande de désignation de l’expert dans l’attente d’une décision du tribunal compétent, saisi à l’initiative de la partie la plus diligente ».

Par la présente décision la Haute juridiction offre une illustration assez rare d’un excès de pouvoir dans la mise en œuvre de l’article 1843-4 du code civil. Dans la mesure où il existait une contestation sur la version des statuts à suivre, l’ordonnance de désignation de l’expert ne pouvait trancher cette question qui relevait de la compétence du tribunal de commerce.