Commercial : La déclaration notariée d’insaisissabilité doit être publiée avant l’ouverture d’une procédure collective pour prendre plein effet

Commercial : La déclaration notariée d’insaisissabilité doit être publiée avant l’ouverture d’une procédure collective pour prendre plein effet

Résumé]

La Cour de cassation dans un arrêt du 10 mars 2021 est venue préciser que la déclaration notariée d’insaisissabilité des biens immobiliers n’a d’effet que si elle a été publiée avant l’ouverture d’une procédure collective. En effet, si elle est publiée après le jugement d’ouverture d’une procédure collective, cette déclaration est sans effet car l’ouverture d’une telle procédure emporte la saisie collective des biens du débiteur par ses créanciers.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 mars 2021, 19-21.971, Publié au bulletin)

Rappel des faits et de la procédure

En l’espèce, dans cet arrêt, un entrepreneur avait bénéficié d’une procédure de sauvegarde par laquelle un administrateur avait été désigné. Quelques mois plus tard, l’entrepreneur avait déposé une déclaration notariée d’insaisissabilité de deux immeubles non affectés à l’exploitation de son activité professionnelle. Une procédure de sauvegarde avait été ouverte et quelque mois plus tard converti en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire. Cette déclaration avait été publiée postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde mais antérieurement aux procédures de redressement et de liquidation.

Un liquidateur judiciaire est désigné par le tribunal. Celui-ci s’est vu opposer la déclaration notariée d’insaisissabilité dans le cadre de sa mission de réalisation des actifs. Il assigne donc l’entrepreneur en inopposabilité de la déclaration notariée d’insaisissabilité.

Une déclaration notariée d’insaisissabilité publiée postérieurement à l’ouverture d’une procédure collective est-elle valide et produit-elle ses effets ?

Les Hauts magistrats de la Cour de cassation répondent par la négative au motif que selon l’article L. 526-1 du code de commerce, lorsqu’une personne physique qui exerce une activité professionnelle indépendante a déclaré insaisissables des droits sur un bien foncier non affecté à son usage professionnel, cette déclaration n’a d’effet que si elle a été publiée antérieurement à l’ouverture de la procédure collective fût-elle une procédure de sauvegarde, qui réunit les créanciers en une collectivité et emporte, dès ce moment , appréhension de l’immeuble dans leur gage commun.

L’avis du Cabinet

En effet, par principe, la déclaration notariée d’insaisissabilité des biens immobiliers est opposable à la procédure collective et singulièrement au liquidateur. Dès lors, le juge commissaire ne peut autoriser, sous peine de commettre un excès de pouvoir le liquidateur à procéder à la vente aux enchères publiques d’un immeuble couvert par une déclaration d’insaisissabilité.

Toutefois, l’administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l’exécution du plan, ou le ministère public peuvent demander la nullité de la déclaration d’insaisissabilité intervenue en période suspecte (c’est-à-dire la période entre la date de cessation des paiements et le jugement d’ouverture de la procédure collective). Il s’agit d’un cas de nullité de droit, ce qui signifie que le tribunal de la procédure déclarera automatiquement la nullité de cette déclaration.

Les mêmes personnes peuvent, de manière facultative, demander au tribunal de déclarer nulle la déclaration intervenue dans les 6 mois avant la date de cessation des paiements.

Par ailleurs, le liquidateur peut toujours contester la régularité de la déclaration s’il est saisi d’une demande tendant à reconstituer le gage commun des créanciers.

Dès lors, la déclaration notariée d’insaisissabilité des biens immobiliers n’a d’effet que si elle a été publiée avant l’ouverture d’une procédure collective. En effet, si elle est publiée après le jugement d’ouverture d’une procédure collective, cette déclaration est sans effet car l’ouverture d’une telle procédure emporte la saisie collective des biens du débiteur par ses créanciers

Ainsi, afin d’optimiser son effectivité, l’entrepreneur doit effectuer cette déclaration le plus tôt possible dans l’exercice de l’activité professionnelle et ne pas attendre que l’entreprise rencontre des difficultés car le risque que la protection conférée par une déclaration s’annule est grand.

Bail commercial en procédure collective : application de la clause d’agrément du cessionnaire par le bailleur lors d’une cession du droit au bail incluse dans celle du fonds de commerce autorisée par le juge-commissaire

Bail commercial en procédure collective : application de la clause d’agrément du cessionnaire par le bailleur lors d’une cession du droit au bail incluse dans celle du fonds de commerce autorisée par le juge-commissaire

Dans une décision du 19 avril 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel en cas de liquidation judiciaire, la cession du droit au bail, seule ou même incluse dans celle du fonds de commerce, autorisée par le juge-commissaire, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d’ouverture, à l’exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire. En conséquence, le bailleur est fondé à se prévaloir de la clause du bail prévoyant l’agrément du cessionnaire par le bailleur.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 19 avril 2023, n°21-20.655, F-B)

[Rappel des faits et de la procédure]

Faits de l’arrêt – En l’espèce, une SCI a consenti un bail commercial à une société. Un jugement a prononcé la résolution du plan de redressement de la société et mis cette dernière en liquidation judiciaire. La SCI a délivré au liquidateur un commandement de payer les loyers postérieurs au jugement d’ouverture, puis demandé, par requête la résiliation du bail.

Le liquidateur a saisi le juge-commissaire afin que soit autorisée la cession de gré à gré du fonds de commerce de la société débitrice, en ce compris le bail commercial, en application de l’article L. 642-19 du code de commerce. Le juge-commissaire a, en dépit de l’opposition de la SCI, autorisé la cession du fonds de commerce de la société débitrice au profit de la société cessionnaire.

Procédure – La cour d’appel de Paris dans un arrêt du 3 juin 2021 déclare irrecevable la demande de résiliation du bail de la SCI et ordonne la cession de gré à gré du fonds de commerce. Pour rejeter la contestation de la SCI, qui s’opposait à la cession du fonds incluant le droit au bail en soutenant qu’il résultait d’un article du bail que la cession était subordonnée à son agrément, les juges du fond retiennent que cette clause ne s’applique qu’en cas de cession du bail et non du fonds de commerce, comme c’est le cas en l’espèce.

Réponse de la Cour de cassation – La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 145-16, dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 mai 2022, L. 641-12 et L. 642-19 du code de commerce :

La Cour de cassation explique qu’il résulte de la combinaison de ces textes qu’en cas de liquidation judiciaire, la cession du droit au bail, seule ou même incluse dans celle du fonds de commerce, autorisée par le juge-commissaire, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d’ouverture, à l’exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire. En conséquence, le bailleur est fondé à se prévaloir de la clause du bail prévoyant l’agrément du cessionnaire par le bailleur.

[L’avis du Cabinet]

Lorsque le preneur d’un local commercial transmet son contrat de location à une autre personne, il cède son droit au bail. Cette transmission peut aussi avoir lieu en même temps que la cession du fonds de commerce. Le contrat de bail comprend souvent des clauses qui précisent les conditions de la cession dont une clause d’agrément qui oblige le preneur à obtenir l’accord du bailleur avant toute cession. Cette clause permet au bailleur d’accepter ou de refuser le candidat à l’acquisition du bail.

Bail commercial : Le bailleur d’un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n’est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre à son locataire

Bail commercial en procédure collective : application de la clause d’agrément du cessionnaire par le bailleur lors d’une cession du droit au bail incluse dans celle du fonds de commerce autorisée par le juge-commissaire

[Résumé]

La 3e chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 15 décembre 2021 rappel le principe selon lequel le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, sans toutefois être tenu, en l’absence de clause particulière, d’en assurer la bonne commercialité du centre. Le locataire n’est donc pas fondé à lui reprocher une baisse de la fréquentation du centre.

(Cour de cassation, Chambre civile 3, 15 décembre 2021, 20-14.423 20-16.570, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, une SCI (ci-après « le bailleur ») a consenti à une autre société (ci-après « le locataire ») un bail commercial sur un local situé au premier étage d’un centre commercial. Le locataire a assigné le bailleur en résiliation du bail et indemnisation de son préjudice résultant des manquements du ce dernier à son obligation de délivrance et à ses engagements contractuels, en n’assurant pas une commercialité du centre permettant l’exploitation pérenne de son fonds.

La cour d’appel décide qu’à défaut de stipulations particulières du bail, le bailleur n’est pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre commercial et donne tort au locataire à ce titre.

Le locataire reproche à la cour d’appel de prononcer la résiliation du bail à ses torts, de condamner le bailleur à lui verser une somme modique en réparation de la perte de chance qu’il subit, de le condamner au paiement d’un arriéré locatif et de dire que le bailleur pourrait faire application d’une des clauses du bail pour le calcul des intérêts moratoires. Il explique que même en l’absence de stipulation spéciale dans le bail, le bailleur d’un centre commercial est tenu, au titre de l’obligation de délivrance, de mettre en œuvre les diligences raisonnables pour assurer un environnement commercial permettant au preneur d’exercer son activité dans des conditions normales.

Le bailleur d’un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire a-t-il l’obligation d’assurer la bonne commercialité du centre et donc d’indemniser son locataire en cas de baisse de la fréquentation du centre ?

La Cour de cassation répond par la négative et rappelle le principe constant selon lequel le bailleur d’un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n’est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre. Le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, sans toutefois être tenu, en l’absence de clause particulière, d’en assurer la commercialité.

[L’avis du Cabinet]

L’article 1719 du code civil dispose au sujet de l’obligation de délivrance d’un bailleur que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ; 2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; 3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; 4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations. »

Il résulte de cet article que le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

A ce titre, il peut être sanctionné et le locataire pourra agir contre lui en demandant une exécution forcée du bail (obliger le bailleur à délivrer la chose), l’action en exception de l’inexécution (le locataire arrêt de payer jusqu’à ce que le bailleur s’exécute), la résiliation du bail, la demande de dommages-intérêts.

Toutefois sauf clause particulière, le bailleur n’est pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre.

Dès lors, le locataire ne pourra pas lui reprocher une baisse de la fréquentation du centre.

Commercial : La protection de l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale ne concerne que les dettes professionnelles nées postérieurement à la loi Macron du 06 août 2015

Commercial : La protection de l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale ne concerne que les dettes professionnelles nées postérieurement à la loi Macron du 06 août 2015

[Résumé]

La chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé dans son arrêt du 13 avril 2022 le principe selon lequel l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle après la publication de la loi, c’est-à-dire le 08 août 2015. La Cour a indiqué plus spécifiquement qu’il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l’immeuble indivis constituant la résidence principale de l’indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur sur l’immeuble étant alors appréhendés par le gage commun.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 13 avril 2022, n°20-23.165)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, un couple est propriétaire indivis d’un bien immobilier qui constitue leur résidence principale. Le mari exerçant la profession de peintre, a été mis en liquidation judiciaire. Un liquidateur judiciaire est désigné par le tribunal. Celui-ci s’est vu opposer l’insaisissabilité de plein droit prévu par l’article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 par l’épouse qui refusait de vendre l’immeuble. Il l’assigne donc devant le tribunal aux fins de partage judiciaire de l’indivision et de vente aux enchères publiques de l’immeuble.

Le liquidateur reproche aux juges d’avoir déclaré irrecevable son action en partage et licitation de l’immeuble indivis, alors que la loi du 6 août 2015 ne fait produire effet à l’article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de cette loi, qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur après la publication de cette loi. Il indique que l’essentiel des créances déclarées par l’entrepreneur étaient antérieures au 8 août 2015, date de publication de la loi du 6 août 2015, et que le premier alinéa de l’article L. 526-1, dans sa rédaction résultant de l’article 206 de ladite loi, n’avait pas d’effet à l’égard des créanciers dont les droits étaient nés avant sa publication.

La cour d’appel estime que l’action du liquidateur en partage et licitation du bien immobilier, est irrecevable au motif que l’entrepreneur a été placé en liquidation judiciaire, de sorte que les dispositions de l’article L. 526 alinéa 1 du code de commerce, issues de la loi du 6 août 2015, sont applicables à la procédure collective le concernant et qu’il n’est donc pas opérant d’invoquer l’applicabilité des dispositions de la loi du 6 août 2015 aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette loi.

En cas de liquidation judiciaire de l’entrepreneur, le liquidateur peut-il ramener sa résidence principale dans le giron de la procédure collective au motif que l’insaisissabilité est inopposable à une grande partie des créanciers professionnels, le bien méritant ainsi d’être appréhendé par la saisie globale ?

La Cour de cassation répond par la négative et donne raison à la cour d’appel au motif que l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur résultant de l’article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 n’a d’effet, en application de l’article 206, IV, alinéa 1er, de cette loi, qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle après la publication de la loi. Il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l’immeuble indivis constituant la résidence principale de l’indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur sur l’immeuble étant alors appréhendés par le gage commun. Dès lors qu’il est soutenu par le liquidateur que l’essentiel des créances déclarées sont antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi, et non leur totalité, l’arrêt de la cour d’appel retient exactement qu’il n’est pas opérant de la part du liquidateur, en l’espèce, d’invoquer l’opposabilité de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement, et que l’action est irrecevable.

[L’avis du Cabinet]

Avant la loi Macron du 6 août 2015, un entrepreneur qui souhaitait protéger sa résidence principale de toute saisie par l’un de ses créanciers devait déclarer par acte notarié d’insaisissabilité cette dernière. Ce mécanisme de protection dont le formalisme était fastidieux et couteux, en décourageait plus d’un. Dès lors, depuis 2015, la résidence principale d’un entrepreneur régulièrement immatriculé au RCS est de plein droit, c’est-à-dire automatiquement insaisissable par ses créanciers professionnels. La protection des autres biens fonciers est en revanche toujours conditionnée à une déclaration notariée d’insaisissabilité, ce que nous verrons dans la partie 2.

C’est l’article L. 526-1 al 1 du code de commerce qui régit ce principe en énonçant que « par dérogation aux articles 2284 et 2285 code civil, les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne ».

Par principe, l’insaisissabilité de plein droit ne concerne que les dettes professionnelles nées après le 08 août 2015. Il peut donc exister des créanciers professionnels auxquels l’insaisissabilité est inopposable.

La Cour de cassation s’oppose au raisonnement qui consisterait à dire que l’insaisissabilité est inopposable à une grande partie des créanciers professionnels et que donc cela justifie que le bien soit appréhendé par la saisie globale. Elle indique que cela serait possible que si l’insaisissabilité qui la frappe était inopposable à l’intégralité des créanciers professionnels, ce qui est sans doute un cas d’école.

Bail commercial : Le droit de préférence lors de la cession d’un bail commercial 

Bail commercial : Le droit de préférence lors de la cession d’un bail commercial 

[Résumé]

Dans un arrêt du 23 septembre 2021, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a répondu à deux questions. Sur la première, elle estime que l’offre de vente notifiée au locataire peut mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix. Ceci s’expliquant par le fait que le droit de préférence du locataire est d’ordre public, dès lors, il n’a pas besoin d’un intermédiaire pour en bénéficier. Sur la deuxième question, la Cour précise que le propriétaire, bailleur, peut conclure une promesse unilatérale de vente au bénéficie d’un tiers tant que celle-ci est conditionnée à l’exercice du droit de préférence du preneur.

(Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 septembre 2021, 20-17.799, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, un bailleur a donné en location à un locataire un immeuble à usage d’hôtel qu’il a légué à une association (ci-après « la propriétaire ») avant de décéder. La propriétaire a fait signifier au locataire la lettre recommandée valant offre de vente de l’immeuble loué, outre une commission d’agence immobilière, aux frais de l’acquéreur. Par lettre recommandée, le locataire a contesté la régularité l’offre. Un mois plus tard, la propriétaire a consenti à un tiers une promesse unilatérale de vente de l’immeuble au même prix que proposé initialement au locataire. La propriétaire a assigné le locataire aux fins de constatation de la purge du droit de préférence de celui-ci.

  1. Sur la conciliation d’une promesse de vente du bailleur au bénéfice d’un tiers et le droit de préférence du locataire 

Le locataire estime qu’en application de l’alinéa 1er de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente ; qu’il s’ensuit que l’offre de vente est nulle pour avoir été délivrée au preneur après que le bailleur a trouvé un acquéreur, à la suite du mandat donné à l’agent immobilier lui ayant donné deux avis de valeur, concomitamment à la conclusion d’une promesse unilatérale de vente réservant l’exercice du droit de préférence par le preneur, d’une part. D’autre part, il estime que l’existence d’un droit prioritaire d’acquisition au profit du preneur s’oppose à ce qu’il soit purgé au stade de la signature de la promesse unilatérale de vente, peu important qu’elle ne vaille pas vente.

La Cour de cassation contredit le locataire et rejette son pourvoi au motif que la notification de l’offre de vente ayant été adressée préalablement à la vente, le propriétaire avait pu confier à une agence immobilière un mandat de vente, puis faire procéder à des visites du bien et que le fait qu’elle ait conclu une promesse unilatérale de vente, sous la condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur, n’invalidait pas l’offre de vente.

  1. Sur la possibilité de mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier sur la notification de vente au locataire bénéficiaire d’un droit de préférence tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix de vente

Le locataire demande la nullité de l’offre de préemption car selon lui en application de l’alinéa 1er de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, qui est une disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation ; qu’il s’ensuit que l’offre de préemption est nulle dès lors qu’elle indique les frais d’agence, serait-ce séparément du prix de l’immeuble.

Les Hauts magistrats de la Cour de cassation ont rejeté le pourvoi du locataire au motif que, si l’offre de vente notifiée au preneur à bail commercial ne peut inclure dans le prix offert des honoraires de négociation d’un agent immobilier, dès lors qu’aucun intermédiaire n’est nécessaire ou utile pour réaliser la vente qui résulte de l’effet de la loi, la seule mention dans la notification de vente, en sus du prix principal, du montant des honoraires de l’agent immobilier, laquelle n’avait introduit aucune confusion dans l’esprit du preneur, qui savait ne pas avoir à en supporter la charge, n’est pas une cause de nullité de l’offre de vente. La Cour a constaté que, sur l’offre de vente notifiée au locataire qui mentionnait le montant des honoraires de l’agence, le prix de vente en principal était clairement identifié. Elle en conclu que le locataire pouvant accepter le prix proposé, hors frais d’agences, l’offre de vente n’était pas nulle.

[L’avis du Cabinet]

Il existe un droit de préférence au profit du locataire en cas de cession par le bailleur de l’immeuble objet du bail commercial. Ce droit est d’ordre public, c’est-à-dire qu’on ne peut pas y déroger.

Il faut donc retenir deux choses de cet arrêt :

Le bailleur peut conclure une promesse unilatérale de vente au bénéficie d’un tiers tant que celle-ci est conditionnée à l’exercice du droit de préférence du preneur.

L’offre de vente notifiée au locataire peut mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix. Ceci s’expliquant par le fait que le droit de préférence du locataire est d’ordre public, dès lors, il n’a pas besoin d’un intermédiaire pour en bénéficier.