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[Résumé]

Dans un arrêt du 23 septembre 2021, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a répondu à deux questions. Sur la première, elle estime que l’offre de vente notifiée au locataire peut mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix. Ceci s’expliquant par le fait que le droit de préférence du locataire est d’ordre public, dès lors, il n’a pas besoin d’un intermédiaire pour en bénéficier. Sur la deuxième question, la Cour précise que le propriétaire, bailleur, peut conclure une promesse unilatérale de vente au bénéficie d’un tiers tant que celle-ci est conditionnée à l’exercice du droit de préférence du preneur.

(Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 septembre 2021, 20-17.799, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, un bailleur a donné en location à un locataire un immeuble à usage d’hôtel qu’il a légué à une association (ci-après « la propriétaire ») avant de décéder. La propriétaire a fait signifier au locataire la lettre recommandée valant offre de vente de l’immeuble loué, outre une commission d’agence immobilière, aux frais de l’acquéreur. Par lettre recommandée, le locataire a contesté la régularité l’offre. Un mois plus tard, la propriétaire a consenti à un tiers une promesse unilatérale de vente de l’immeuble au même prix que proposé initialement au locataire. La propriétaire a assigné le locataire aux fins de constatation de la purge du droit de préférence de celui-ci.

  1. Sur la conciliation d’une promesse de vente du bailleur au bénéfice d’un tiers et le droit de préférence du locataire 

Le locataire estime qu’en application de l’alinéa 1er de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente ; qu’il s’ensuit que l’offre de vente est nulle pour avoir été délivrée au preneur après que le bailleur a trouvé un acquéreur, à la suite du mandat donné à l’agent immobilier lui ayant donné deux avis de valeur, concomitamment à la conclusion d’une promesse unilatérale de vente réservant l’exercice du droit de préférence par le preneur, d’une part. D’autre part, il estime que l’existence d’un droit prioritaire d’acquisition au profit du preneur s’oppose à ce qu’il soit purgé au stade de la signature de la promesse unilatérale de vente, peu important qu’elle ne vaille pas vente.

La Cour de cassation contredit le locataire et rejette son pourvoi au motif que la notification de l’offre de vente ayant été adressée préalablement à la vente, le propriétaire avait pu confier à une agence immobilière un mandat de vente, puis faire procéder à des visites du bien et que le fait qu’elle ait conclu une promesse unilatérale de vente, sous la condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur, n’invalidait pas l’offre de vente.

  1. Sur la possibilité de mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier sur la notification de vente au locataire bénéficiaire d’un droit de préférence tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix de vente

Le locataire demande la nullité de l’offre de préemption car selon lui en application de l’alinéa 1er de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, qui est une disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation ; qu’il s’ensuit que l’offre de préemption est nulle dès lors qu’elle indique les frais d’agence, serait-ce séparément du prix de l’immeuble.

Les Hauts magistrats de la Cour de cassation ont rejeté le pourvoi du locataire au motif que, si l’offre de vente notifiée au preneur à bail commercial ne peut inclure dans le prix offert des honoraires de négociation d’un agent immobilier, dès lors qu’aucun intermédiaire n’est nécessaire ou utile pour réaliser la vente qui résulte de l’effet de la loi, la seule mention dans la notification de vente, en sus du prix principal, du montant des honoraires de l’agent immobilier, laquelle n’avait introduit aucune confusion dans l’esprit du preneur, qui savait ne pas avoir à en supporter la charge, n’est pas une cause de nullité de l’offre de vente. La Cour a constaté que, sur l’offre de vente notifiée au locataire qui mentionnait le montant des honoraires de l’agence, le prix de vente en principal était clairement identifié. Elle en conclu que le locataire pouvant accepter le prix proposé, hors frais d’agences, l’offre de vente n’était pas nulle.

[L’avis du Cabinet]

Il existe un droit de préférence au profit du locataire en cas de cession par le bailleur de l’immeuble objet du bail commercial. Ce droit est d’ordre public, c’est-à-dire qu’on ne peut pas y déroger.

Il faut donc retenir deux choses de cet arrêt :

Le bailleur peut conclure une promesse unilatérale de vente au bénéficie d’un tiers tant que celle-ci est conditionnée à l’exercice du droit de préférence du preneur.

L’offre de vente notifiée au locataire peut mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix. Ceci s’expliquant par le fait que le droit de préférence du locataire est d’ordre public, dès lors, il n’a pas besoin d’un intermédiaire pour en bénéficier.

Bail commercial : Le droit de préférence lors de la cession d’un bail commercial 

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