Refus de la reprise implicite d’un acte passé pour une société en formation

[Résumé]

Dans une décision du 16-09-2021, la Cour de cassation rappelle que seules les modalités prévues par l’article 6 du décret du 3 juillet 1978 permettent la reprise des actes passés au nom et pour le compte d’une société en formation. Il en ressort qu’il n’est pas possible d’admettre la reprise implicite d’un acte.

(Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 septembre 2021, 20-17.372, Inédit)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, des particuliers, M. et Mme X, ont accepté un devis pour l’achat d’une maison en kit bois. Peu de temps après, a été créée une société civile immobilière dont Mme X est devenue la gérante.

Se plaignant de désordres et d’un retard de chantier, la SCI a assigné les constructeurs en indemnisation.

Les juges du fond ont alors déclaré irrecevable les demandes de la SCI faute de qualité à agir. Un pourvoi en cassation a été formé.

Par un arrêt du 16-09-2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en ces termes :

« 7. Selon les dispositions de l’article 6 du décret du 3 juillet 1978, la reprise des engagements souscrits pour le compte d’une société civile en formation doit être expresse et résulte soit de la présentation aux associés, avant la signature des statuts, de l’état des actes accomplis pour le compte de la société en formation, annexé aux statuts, soit d’un mandat donné par les associés à l’un ou plusieurs d’entre eux, ou au gérant non associé, de prendre des engagements pour le compte de la société, soit encore, après l’immatriculation de la société, d’une décision prise à la majorité des associés ».

Faute d’avoir respecté l’une de ces modalités de reprises, la SCI n’avait donc pas qualité à agir en indemnisation contre les constructeurs.

[L’avis du Cabinet]

La formation d’une société n’est pas instantanée et peut s’étirer dans le temps, du projet à l’immatriculation en passant par la signature des statuts. Or cette période peut être ponctuée par la conclusion de certains contrats alors que la société est encore en gestation.

Ces actes conclus par les futurs associés sont en principe destinés à être par la suite assumés par la société régulièrement immatriculée. Les actes ne peuvent être valablement repris qu’en suivant trois modalités précises énoncées par l’article 6 du décret du 3 juillet 1978. C’est ce que rappellent ici clairement et fermement les Hauts magistrats.

La reprise des engagements souscrits pour le compte d’une société civile en formation doit être expresse et résulte soit de la présentation aux associés, avant la signature des statuts, de l’état des actes accomplis pour le compte de la société en formation, annexé aux statuts, soit d’un mandat donné par les associés à l’un ou plusieurs d’entre eux, ou au gérant non associé, de prendre des engagements pour le compte de la société, soit encore, après l’immatriculation de la société, d’une décision prise à la majorité des associés.

L’argument tenant dans l’existence d’une reprise implicite est donc voué à l’échec et le seul respect des conditions ci-dessus énumérées permet à la société constituée d’assumer les engagements.

Focus sur les critères de l’abus de minorité en assemblée générale

[Résumé]

Dans une décision du 09-06-2021, la Cour de cassation revient sur les conditions d’une action fondée sur l’abus du droit de vote. Elle rappelle que pour être constitutif d’un abus de minorité, l’opposition d’un associé à l’adoption d’une résolution doit procéder de l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 juin 2021, 19-17.161, Inédit)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce une SCI avait été constitué entre trois associés respectivement détenteurs de six parts chacun pour les deux premiers et quatre parts pour le dernier. Cette société était propriétaire d’un unique bien mis en location à une SARL constituée entre les mêmes associés. Or l’un des associés avait refusé de voter en faveur de la vente du bien immobilier donné à bail à la SARL. Les autres associés saisirent le juge des référés aux fins de désignation d’un mandataire ad hoc avec pour mission d’exercer à sa place le droit de vote attaché à ses parts lors de la prochaine assemblée générale ayant pour ordre du jour cette vente. Ils soutenaient que seule cette vente était en mesure de reconstituer la trésorerie de la SCI. Les juges du fond acceptèrent la demande ainsi formée, ce qu’entendait critiquer le pourvoi en cassation.

La Haute juridiction dans une décision du 09-06-2021 rendue au visa de l’article 809 du code de procédure civile dans sa rédaction alors applicable énonce que : « L’existence d’un abus de minorité suppose que la preuve soit rapportée, d’un côté, que l’attitude du minoritaire est contraire à l’intérêt général de la société et, de l’autre, qu’elle procède de l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés ».

En conséquence, la Cour de cassation censure la décision des juges du fond pour ne pas avoir caractérisé en quoi le refus du minoritaire « de voter pour la vente du bien litigieux procédait de l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment des autres associés ».

[L’avis du Cabinet]

Pour rappel, l’abus de minorité permet de sanctionner l’usage à mauvais escient qu’un associé minoritaire ferait de son droit de vote. S’il peut l’exprimer dans le sens qu’il souhaite, il convient que ce vote ne dégénère pas en abus. La jurisprudence a pour cela poser des conditions. Elle estime que le vote est abusif lorsqu’il est contraire à l’intérêt général de la société et exercé dans l’unique dessein de favoriser les intérêts du minoritaire au détriment des autres associés.

En l’espèce, les Hauts magistrats font une application orthodoxe de ses conditions puisqu’ils censurent une décision qui avait admis l’abus sans caractériser les vues égoïstes de l’associé refusant de voter pour la vente du bien immobilier de la société civile. Les critères énoncés pour l’identification d’un abus du droit de vote sont donc bien cumulatifs et non alternatifs comme le rappelle ici la Cour de cassation.

Les juges du droit entendent réserver la qualification d’abus du droit de vote aux hypothèses les plus pathologiques. Droit fondamental de l’associé s’il en est, ce droit doit pouvoir s’exercer librement, la sanction de l’abus n’intervenant que marginalement. Le dessein égoïste pourra les cas échéant être démontré par la volonté de nuire du minoritaire ou encore tout autre motivation qui l’avantagerait personnellement. Il faudra néanmoins en toutes hypothèses prendre bien soin de la prouver.

Il faut souligner que lorsque l’abus sera effectivement caractérisé, la sanction consistera pour le juge en la désignation d’un mandataire ad hoc chargé d’exercer le droit vote en lieu et place de l’associé minoritaire récalcitrant (Cour de Cassation, Chambre commerciale, du 9 mars 1993, 91-14.685, Publié au bulletin).

Violation du pacte de préférence et charge de la preuve

[Résumé]

Dans un arrêt du 4 mars 2021, la Cour de cassation souligne qu’il incombe au bénéficiaire du pacte de préférence invoquant la violation de son droit de rapporter la double preuve de la connaissance, par le tiers acquéreur, de l’existence du pacte d’une part et de son intention de s’en prévaloir d’autre part.

(Cour de cassation, troisième chambre civile, 4 mars 2021, 19-22.971)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, par un acte authentique en date du 11 août 2006, une société commerciale et une SCI avaient cédé à deux sociétés de financement d’opérations immobilières des parcelles de terrains constituant l’assiette d’un hypermarché devant être exploité sous l’enseigne X, à l’occasion de la signature d’un crédit-bail immobilier consenti au profit de la SCI pour une durée de quinze ans.

Le vendeur avait notifié à l’exploitant en place la reprise de l’hypermarché sous une enseigne concurrente à celle prévue.

L’exploitant a par la suite assigné le vendeur et l’acquéreur en nullité de la vente ainsi qu’en substitution dans les droits de l’acquéreur.

Il invoquait à cet égard la violation de son droit de préemption résultant de ses statuts et du règlement intérieur, auxquels le vendeur avait adhéré. Pour ce faire, il soutenait que l’acquéreur avait connaissance de l’existence d’un pacte de préférence et devait en conséquence s’informer des intentions de son bénéficiaire.

La Cour d’appel de Riom par un arrêt du 3 juillet 2019 a débouté l’exploitant de ses demandes.

Ce dernier a formé un pourvoi en cassation soutenant qu’il appartient en toutes circonstances, à tout acquéreur professionnel, dès lors qu’il a connaissance de l’existence d’un droit de préférence, de s’informer des intentions de son bénéficiaire.

Par un arrêt du 4 mars 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’exploitant en ces termes :

« D’une part, ayant énoncé à bon droit qu’il incombe au bénéficiaire d’un droit de préférence et de préemption qui sollicite l’annulation de la vente et sa substitution dans les droits du tiers acquéreur de rapporter la double preuve de la connaissance, par celui-ci, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, la cour d’appel a exactement retenu qu’il ne pouvait être reproché aux crédits bailleurs, professionnels du financement immobilier, de s’être abstenus de procéder à des vérifications autres que celles opérées au fichier immobilier.
D’autre part, ayant relevé que le projet des consorts M… et de leurs sociétés de transférer l’hypermarché en recourant à un crédit-bail immobilier sur les parcelles concernées était connu de la société Système U, qui avait reconnu y avoir, dans un premier temps, prêté son concours, et que seul le groupe Carrefour avait été mis en garde, par la bénéficiaire du pacte, des conséquences d’une violation de son droit de préemption concernant les offres préalables de vente des droits sociaux et des fonds de commerce, la cour d’appel en a souverainement déduit, sans inverser la charge de la preuve, qu’il n’était pas prouvé que les sociétés CMCIC lease et Finamur étaient informées de la volonté de la société Système U d’exercer son droit de préemption sur les terrains vendus. »

Par cet arrêt, la Cour de cassation retient qu’il incombe au bénéficiaire du pacte de préférence qui demande l’annulation de la vente et sa substitution dans les droits de l’acquéreur de rapporter la double preuve de la connaissance par l’acquéreur de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir.

Ainsi, il ne peut être reproché à l’acquéreur de s’être abstenu de procéder à des vérifications autres que celles opérées au fichier immobilier.

[L’avis du Cabinet]

Par un arrêt récent, publié au Bulletin, la Cour de cassation vient de rappeler qu’il incombe au demandeur qui sollicite l’annulation de la vente et sa substitution à l’acquéreur de rapporter la preuve de la connaissance, par celui-ci, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, « sans qu’il puisse être reproché à l’acquéreur professionnel de ne pas s’être informé des intentions du bénéficiaire ».

Cette décision n’est pas nouvelle (Cass. 3e civ., 29 juin 2010, n° 09-68110.). En effet, la Cour de cassation réitère sa position selon laquelle le bénéficiaire d’un pacte de préférence peut obtenir l’annulation de la vente à la double condition qu’il :

  • prouve que le tiers acquéreur avait connaissance du pacte ;
  • prouve que ce tiers connaissait l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir.

Dans cet arrêt, le bénéficiaire du pacte ne prouve pas que l’acquéreur connaissait ses intentions. La qualité de professionnel de ce dernier ne lui impose pas de se renseigner sur celles-ci, quand bien même il aurait connu l’existence du pacte.

La preuve, particulièrement difficile à rapporter fait ici défaut.

L’efficacité des pactes de préférence est amoindri par ce fardeau probatoire. L’acquéreur ne saurait se voir imposer un devoir de se renseigner.

Le sort des contrats conclus par une société en formation

[Résumé]

Dans une décision du 10-02-2021, la Cour de cassation revient sur les contrats conclus pendant la période de formation d’une société. Elle rappelle que « les contrats conclus par une société non immatriculée, donc dépourvue de personnalité juridique, sont nuls ».

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 10 février 2021, 19-10.006, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce une société avait conclu plusieurs contrats avec une EURL désignée comme société en cours d’immatriculation, représentée par son gérant. L’EURL fut par la suite immatriculée et dans le courant de la même année placée en liquidation judiciaire. Le contractant estimant que le gérant était solidairement responsable des engagements souscrits par l’EURL l’a assigné en paiement. Les juges du fond ayant rejeté cette demande, un pourvoi en cassation a été formé.

La Haute juridiction dans une décision du 10-02-2021 énonce à la suite de la juridiction d’appel que : « l’EURL […] avait été immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 26 juin 2015, postérieurement à la conclusion des contrats dont se prévalait la société Coop Atlantique au soutien de sa demande, datés du 18 mai 2015, l’arrêt énonce que, pour être fondée à agir à l’encontre de l’associé de la société […], la société Coop Atlantique doit démontrer que celui-ci avait contracté pour le compte de la société en cours de formation. L’arrêt retient qu’à la lecture des contrats, il apparaît que le co-contractant de la société Coop Atlantique est la société […], en cours d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, représentée par son gérant M. F…, ce dont il déduit que ce n’est pas ce dernier qui a agi pour le compte de la société en sa qualité d’associé ou de gérant mais la société elle-même, peu important qu’il ait été indiqué que celle-ci était en cours d’immatriculation, cette précision ne modifiant en rien l’indication de la société elle-même comme partie contractante. En l’état de ces motifs, et dès lors que les contrats conclus par une société non immatriculée, donc dépourvue de personnalité juridique, sont nuls, la cour d’appel a exactement retenu, abstraction faite des motifs surabondants critiqués par la seconde branche, que M. F… ne pouvait être tenu des obligations résultant des contrats litigieux ».

En conséquence, la Cour de cassation rejette le pourvoi.

[L’avis du Cabinet]

La formation d’une société n’est pas instantanée et peut s’étirer dans le temps, du projet à l’immatriculation en passant par la signature des statuts. Or cette période peut être ponctuée par la conclusion de certains contrats alors que la société est encore en gestation.

Ces actes conclus par les futurs associés sont en principe destinés à être par la suite assumés par la société régulièrement immatriculée. Les actes ne peuvent être valablement repris qu’en suivant trois modalités précises. Ils peuvent être indexés dans un état au statut, la signature emportant reprise. Ils peuvent également être conclus par le truchement d’un mandat donné à cette fin. Enfin ils peuvent être repris à la faveur d’une assemblée générale postérieurement à l’immatriculation.

Mais pour cela il est nécessaire que ces actes aient bien conclus été au nom et pour le compte de la société en formation. C’est ce que vient rappeler en l’espèce la Haute juridiction. Ces contrats ne sauraient l’être par la société en formation elle-même, puisqu’elle n’a pas d’existence juridique. Le cas échéant le risque juridique qui pèse sur le contrat est grand puisque la sanction réside dans la nullité comme vient de le souligner la chambre commerciale. Cette solution tout à fait orthodoxe invite les contractants à la plus grande attention.

La mise à pied conservatoire : la procédure disciplinaire doit être engagée dans de brefs délais

[Résumé]

Dans une décision du 14-04-2021, la Cour de cassation souligne l’importance pour l’employeur confronté à une faute d’un salarié d’agir dans les plus brefs délais dès lors que sa mise à pied conservatoire lui est signifiée.

(Cour de cassation, Chambre sociale, 14 avril 2021, n°20-12.920)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, un employeur signifie oralement à son salarié, le 8 septembre 2015, qu’il fait l’objet d’une mise à pied conservatoire. Par courrier du 15 septembre 2015, le salarié est convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, soit sept jours après ladite mise à pied conservatoire. Par courrier RAR du 29 septembre 2015, l’employeur licencie le salarié pour faute grave.

C’est dans ces conditions que le salarié saisit la juridiction prud’hommale pour demander la requalification de son licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le conseil des prud’hommes de Verdun déboute le salarié de ses demandes.

Le salarié interjette appel de la décision et porte l’affaire devant la Cour d’appel de Nancy qui confirme la décision de de 1e instance, au motif que la mise à pied est conservatoire et non disciplinaire.

Le salarié forme un pourvoi en cassation aux motifs que nul ne peut être sanctionné deux fois pour les mêmes faits, et que la mise à pied conservatoire, d’une durée de sept jours, doit être requalifiée de disciplinaire étant donnée l’absence de motif justifiant un tel délai.

Par un arrêt du 14 avril 2021, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 1331-1 du Code du travail, en ces termes : « En statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que la procédure de licenciement avait été engagée sept jours après la notification de la mise à pied et qu’elle n’avait retenu aucun motif de nature à justifier ce délai, en sorte que cette mesure présentait le caractère d’une sanction disciplinaire et que l’employeur ne pouvait ensuite décider à raison des mêmes faits le licenciement de l’intéressé, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

[L’avis du Cabinet]

A notre connaissance, cette décision n’est pas nouvelle (voir Cour de cassation, Chambre sociale, 30 octobre 2013, 12-22.962, Publié au bulletin). Cependant, elle permet de rappeler que l’employeur qui prend la décision d’un mise à pied conservatoire doit engager la procédure disciplinaire dans les plus brefs délais. Au delà de 48 à 72 heures, l’employeur devra justifier de ce délai par des circonstances exceptionnelles, telles que la nécessité d’un dépôt de plainte voire d’une enquête interne complexe.

A défaut, le principe « non bis in idem » fera échec au caractère réel et sérieux de la sanction tardive.

Révocation du dirigeant entrainant la mise en œuvre d’une clause de sortie

[Résumé]

Dans une décision du 22-09-2021, la Cour de cassation valide une clause de sortie insérée dans un pacte extrastatutaire au terme de laquelle le dirigeant s’engage à céder l’intégralité de ses participations à l’associé majoritaire s’il venait à être révoqué. Cette condition ne saurait être potestative dans la mesure où la révocation intervient pour juste motifs, contrôlables judiciairement.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 septembre 2021, 19-23.958, Inédit )

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, une société et une personne physique toutes deux associées de la même société ont conclu un pacte d’actionnaire prévoyant, notamment, les conditions dans lesquelles Mme [U], s’obligeait à céder la totalité de ses actions et valeurs mobilières dans le capital de la société Enthalpia dont elle était la présidente. Trois ans plus tard, par une délibération du 2 décembre 2009, l’assemblée générale des actionnaires de la société a mis fin au mandat de Mme [U].

Estimant que la promesse de cession de ses actions était affectée d’une condition potestative, cette dernière a demandé l’annulation du pacte d’actionnaire minoritaire conclus ainsi que le paiement de dommages-intérêts.

Par un arrêt du 22-09-2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé en ces termes :

« 5. Aux termes de l’article 1170 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la condition potestative est celle qui fait dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher.

6. Ne revêt pas un caractère potestatif une condition dont la réalisation dépend, non de la seule volonté du créancier de l’obligation, mais de circonstances objectives susceptibles d’être contrôlées judiciairement.

7. Il résulte des constatations de la cour d’appel qu’aux termes de l’article 5, paragraphe 1er, du pacte minoritaire, Mme [U] s’engageait à vendre ses titres en cas de révocation pour juste motif. Il s’ensuit que n’étant pas au seul pouvoir de la société Hominis, la condition litigieuse tenant à la révocation de Mme [U], ne pouvait entraîner la nullité de l’obligation».

[L’avis du Cabinet]

Les clauses de sortie imposant au dirigeant également associé de céder ses titres en cas de révocation de ses fonctions de dirigeant sont fréquemment utilisées et peuvent être sujettes à contentieux comme en témoigne le présent arrêt de la Cour de cassation.

En l’occurrence la Haute juridiction passe au filtre de la potestativité la clause de sortie. Aux termes de l’ancien article 1170 du code civil, la condition était potestative lorsque sa réalisation dépendait de la volonté de l’une ou l’autre des parties.

La clause du pacte extrastatutaire faisait dépendre de la révocation du dirigeant la mise en œuvre du mécanisme de rachat. Or le dirigeant soutenait que la condition était potestative dès lors que l’exécution de la promesse de vente qu’il avait consentie dépendait de l’exercice du pouvoir dont disposait l’associé majoritaire de le révoquer pour « justes motifs ». Pour la Haute juridiction tel n’est pas le cas puisque la condition tenant dans la révocation relevait « de circonstances objectives susceptibles d’être contrôlées judiciairement ». Une lecture a contrario laisse entendre que la solution aurait pu être différente si la révocation avait été discrétionnaire.

Rendu sous l’empire du droit applicable avant la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, la solution devrait pouvoir se maintenir pour les promesses conclues postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme. L’article 1324-1 du code civil énonce désormais que « : Est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur ».