Quand le rachat d’actions tourne mal … : le cessionnaire découvre une prime exceptionnelle à verser au cédant, en sus du prix de cession.

Dans un arrêt du 13 janvier 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur la question, en droit des sociétés, de la validité d’une délibération octroyant une rémunération exceptionnelle du dirigeant.

 

En l’espèce, après avoir consenti une promesse de cession de tous les titres de leur société pour un prix fixé à 8000 euros, les deux époux cessionnaires convoquent une assemblée générale de la société et accordent à l’époux dirigeant deux primes exceptionnelles d’un montant excédant 86.000 euros. Finalement, la promesse de cession est réitérée le par acte du 4 décembre 2014. L’acte mentionne l’existence de la prime exceptionnelle votée en assemblée générale.

 

Dans ses nouvelles fonctions, le cessionnaire des titres (devenu actionnaire unique et dirigeant) refuse de verser la prime au cédant au motif qu’il s’agirait d’un acte anormal de gestion contraire à l’intérêt social. Ce dernier saisi la justice et demande le paiement en application de l’assemblée générale. En opportunité, le cessionnaire agit en nullité des résolutions litigieuses de l’assemblée générale octroyant la prime sur le fondement de l’abus de majorité.

 

La Cour d’appel de Bourges accueille favorablement cette demande de nullité.

 

Cet arrêt est cassé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 13 janvier 2021. Les hauts magistrats rappellent à juste titre, au visa de l’article L. 235-1 du code de commerce (dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi Pacte) que les critères alternatifs d’une action en nullité d’une délibération prise en assemblée générale sont :

 

– soit la violation des dispositions du livre II du Code de commerce (« des sociétés commerciales … »)

– soit la violation des lois qui régissent les contrats.

 

En effet, sauf fraude ou abus de droit commis par un ou plusieurs associés aux fins de favoriser leurs intérêts au détriment d’un ou de plusieurs autres associés, la violation de l’intérêt social n’entraine pas à lui seul la nullité d’une délibération.

 

En réalité, il appartient à l’avocat rédacteur d’acte d’être extrêmement vigilent. Il aurait sans doute été plus judicieux d’alerter le cessionnaire des titres de l’existence de cette délibération et, en l’état, refuser de réitérer l’acte de vente au motif que cette prime affecte considérablement la valeur des titres par exemple.

 

En tout état de cause, il convient de rappeler que cette décision est rendue sur le fondement de l’article L. 235-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi Pacte.

 

Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 janvier 2021, 18-21.860, Publié au bulletin

Pas de transaction sans autorisation du juge commissaire.

Dans un arrêt du 20 janvier 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de la transaction dans le cadre d’une procédure collective.

 

La société Victoires est placée sous la protection d’une procédure de redressement judiciaire le 25 janvier 2017. Une procédure judiciaire l’oppose la société Victoires à son bailleur. Une requête aux fins d’autoriser une transaction (en l’espèce, une résiliation amiable du bail commercial) est déposée au juge commissaire. Par ordonnance du 8 novembre 2017, le juge commissaire autorise la transaction postérieurement à la rétractation du bailleur.

 

Ce dernier forme un recours contre cette ordonnance. Par jugement du 29 mai 2018, le Tribunal de commerce de Paris confirme l’ordonnance. Le 4 décembre 2018, le redressement et converti en liquidation judiciaire. L’affaire est portée devant la Cour d’appel de Paris, qui accueille la demande du bailleur et réforme la requête du 30 octobre 2017.

 

Le liquidateur forme un pourvoi en cassation.

 

Le 20 janvier 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi du liquidateur en relevant que la requête de demande d’autorisation de transiger avait été présentée le 30 octobre 2017. Or à cette date, le bailleur avait retiré son offre. Certes les parties s’étaient entendues antérieurement sur les modalités d’une résiliation amiable du contrat de bail ainsi que l’apurement des comptes. Cependant, ni la société débitrice, ni l’administrateur n’avaient le pouvoir de transiger puisqu’ils n’avaient pas d’autorisation préalable du juge commissaire.

 

L’arrêt rappelle en somme qu’il résulte des exigences impératives de l’article L. 622-7, II du code de commerce, que le pouvoir de transiger est subordonné à l’autorisation préalable du juge-commissaire.

 

Cour de cassation, Chambre commerciale, 20 janvier 2021, 19-20.076, Publié au bulletin

L’absence de rémunération du dirigeant n’est pas de nature à atténuer sa responsabilité pour insuffisance d’actifs.

Dans un arrêt du 9 décembre 2020, la Chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif à l’encontre du dirigeant, non rémunéré.

 

En l’espèce, la société Pôle Elevage est admise au bénéfice d’une procédure de redressement judiciaire par jugement du 30 septembre 2014. La procédure est convertie en liquidation judiciaire par jugement du 6 mars 2015. C’est à cette occasion que le liquidateur a recherché la responsabilité du président de la SAS, pour insuffisance d’actif.

 

Après un recours en première instance, l’affaire est portée devant la cour d’appel d’Amiens qui accueille la demande du liquidateur et condamne le dirigeant au paiement d’une somme de 500.000 euros à la société au titre de sa contribution à l’actif.

 

Dans le cadre de son pourvoi en cassation, le dirigeant fait valoir, au visa de l’article 1992 du Code civil, que le caractère gratuit de son mandat social serait de nature à voir sa responsabilité s’appliquer moins rageusement.

 

Réponse de la Cour :

 

« La cour d’appel a énoncé à bon droit que l’article 1992, alinéa 2, du code civil, selon lequel la responsabilité générale du mandataire est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit, ne concerne pas la situation du dirigeant d’une personne morale en liquidation judiciaire poursuivi en paiement de l’insuffisance d’actif de celle-ci sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de commerce, la responsabilité de ce dirigeant s’appréciant, sur le fondement de ce texte spécial, de la même manière, qu’il soit rémunéré ou non. »

 

Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 décembre 2020, 18-24.730, Publié au bulletin

En procédure collective, la transaction ne peut avoir pour objet de faire échec aux actions tendant au prononcé d’une sanction professionnelle.

Dans un arrêt du 9 décembre 2020, la Chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur la question de la transaction conclue entre le liquidateur et la personne (dirigeante) poursuivie pour une sanction professionnelle dans le cadre d’une procédure collective.

En l’espèce, la société GHT est admise au bénéfice d’une procédure de liquidation judiciaire le 13 janvier 2016. La procédure fait l’objet d’une extension à la SCI bailleresse par jugement du 19 avril 2017 . Le liquidateur assigne la société dirigeante (la société HCH) de la débitrice en paiement de tout ou partie de l’insuffisance d’actif mais également en faillite personnelle, ou, subsidiairement, en interdiction de gérer.

Le 7 mars 2018, le juge commissaire autorise le liquidateur à transiger en application de l’article L. 642-24 du Code de commerce qui dispose que « le liquidateur peut, avec l’autorisation du juge-commissaire et le débiteur entendu ou dûment appelé, compromettre et transiger sur toutes les contestations qui intéressent collectivement les créanciers même sur celles qui sont relatives à des droits et actions immobiliers. Si l’objet du compromis ou de la transaction est d’une valeur indéterminée ou excède la compétence en dernier ressort du tribunal, le compromis ou la transaction est soumis à l’homologation du tribunal ».

Une transaction est conclue. Aux termes de celle-ci, la société HCH s’engageait à payer une indemnité et à abandonner des créances. En contrepartie, le liquidateur renonçait à poursuivre une action en paiement en insuffisance d’actif contre le représentant permanent de la société HCH, ainsi que les actions exercées sur le fondement des articles L. 632-1, L. 632-2, L. 651-2 et suivants et L. 653-1 et suivants du Code de commerce, c’est-à-dire les dispositions relatives :

– à la nullité absolue et la nullité relative de la période suspecte,
– à la responsabilité pour insuffisance d’actif,
– à la faillite personnelle et autres mesures d’interdiction.

Cette transaction fait ensuite l’objet d’une homologation par le tribunal mais le ministère public interjette appel du jugement d’homologation. Le 19 mars 2019, la cour d’appel de Versailles infirme le jugement et rejette la demande d’homologation. L’affaire est portée devant la Cour de cassation qui, par un arrêt du 9 décembre 2020 rejette le pourvoi formé contre l’arrêt d’appel.

La Haute juridiction procède à deux rappels d’interprétation des articles L. 653-1 et suivants du Code de commerce : d’abord, ces dispositions visent la protection de l’intérêt général, et non pas l’intérêt collectif des créanciers et, ensuite, elles constituent des mesures qui sont tant préventives que punitives.

Dès lors, elle confirme que la transaction (qui suppose la capacité de disposer des objets compris dans la transaction en application de l’article 2045 du Code civil) peut mettre un terme à l’instance en paiement de l’insuffisance d’actif. En revanche, elle ne peut, en toute hypothèse, au moyen du paiement d’une somme ou de l’abandon d’une créance, faire obstacle aux actions visant au prononcé d’une sanction professionnelle.

(Cour de cassation, Chambre commerciale, 9 décembre 2020, 19-17.258, Publié au bulletin)