Sociétés : les associés ne sont pas tenus aux pertes avant la liquidation, sauf clause contraire des statuts

Sociétés : les associés ne sont pas tenus aux pertes avant la liquidation, sauf clause contraire des statuts

[Résumé]

Dans une décision du 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel « il résulte de l’article 1832, alinéa 3, du code civil que, sauf stipulation contraire des statuts, la contribution des associés aux pertes de la société ne s’exécute qu’à la liquidation de la société, de sorte que le solde débiteur du compte courant d’un associé résultant de l’affectation des pertes de la société ne constitue une créance exigible qu’à la liquidation de la société. »

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 15 mars 2023, n°20-22.018)

[Rappel des faits et de la procédure]

Faits de l’arrêt – En l’espèce, le capital d’une société civile immobilière (ci-après « la SCI ») est détenu par deux associés à concurrence de 49 % et 51 % chacun. Par une ordonnance, un juge de l’exécution a autorisé la SCI à pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes détenus par l’un des associés dans une banque, en garantie d’une créance correspondant au solde débiteur de son compte courant d’associé. Ce dernier a assigné la SCI en rétractation de cette ordonnance et en mainlevée de la saisie conservatoire.

Procédure – La cour d’appel de Paris dans un arrêt du 24 septembre 2020 accorde la rétractation de cette ordonnance et ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire aux motifs que la créance, cause de la mesure conservatoire litigieuse, était hypothétique et que « l’obligation des associés à répondre des dettes sociales ne s’exerce qu’à l’égard des tiers » et que la contribution des associés « aux pertes de la société s’effectue uniquement à la dissolution de la société et si l’actif ne permet pas de couvrir le passif ».

Mécontent de cette décision, la SCI forme un pourvoi en cassation. Elle estime que la cour d’appel a violé la loi dans la mesure où le solde débiteur d’un compte courant d’associé, lequel s’analyse en un prêt, constitue une créance de la société contre l’associé débiteur, exigible à tout moment. Qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a traité le solde débiteur du compte courant d’associée comme un élément du passif social, lorsqu’il constituait une créance que la SCI détenait contre l’associé.

Question – Ainsi, la question qui s’est posée devant les Hauts magistrats de la Cour de cassation était celle de savoir si la contribution des associés aux pertes de la société peut s’exécuter en dehors de la liquidation de la société ?

Réponse de la Cour de cassation – La Cour de cassation rappelle aux termes de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire.

Elle ajoute qu’il résulte de l’article 1832, alinéa 3, du code civil que, sauf stipulation contraire des statuts, la contribution des associés aux pertes de la société ne s’exécute qu’à la liquidation de la société, de sorte que le solde débiteur du compte courant d’un associé résultant de l’affectation des pertes de la société ne constitue une créance exigible qu’à la liquidation de la société.

[L’avis du Cabinet]

L’article 1832 al 3 du code de commerce dispose que « les associés [d’une société] s’engagent à contribuer aux pertes ».

En d’autres termes, tout associé doit contribuer aux pertes sociales. Toutefois, le code de commerce ne prévoit pas à quel moment cela soit s’effectuer.

Dans un arrêt du 29 octobre 2003, la Cour de cassation avait déjà considéré qu’en cours de vie, les associés n’étaient tenus de participer aux pertes que si les statuts de la société le prévoient. Dès lors, la société ne peut agir contre ses membres en paiement de ses pertes qu’en cas de dissolution de la société sauf stipulation contraire des statuts (Cass. com., 3 mars 1975 n° 73-13.721 – Cass. com., 29 octobre 2003 n° 00-17.538, à propos d’une SNC).

Ainsi, sauf stipulation contraire des statuts, la contribution anticipée aux pertes est impossible. Elle s’apprécie par principe, lors de la dissolution de la société. En ce sens, les statuts de la société peuvent prévoir que les pertes seront portées sur le compte courant des associés, qui peuvent ainsi présenter un solde débiteur.

Autrement encore, La contribution anticipée aux pertes peut résulter d’une décision des associés, qui doit être prise à l’unanimité de ces derniers car elle entraîne une augmentation de leurs engagements. En ce sens, l’article 1836 du code de commerce dispose que « Les statuts ne peuvent être modifiés, à défaut de clause contraire, que par accord unanime des associés. En aucun cas, les engagements d’un associé ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci ».

Comment protéger les associés fondateurs face au risque de dilution de leurs droits dans la société ?

Comment protéger les associés fondateurs face au risque de dilution de leurs droits dans la société ?

La protection des associés fondateurs face au risque de dilution de leurs droits dans la société

L’apport des fonds par des investisseurs donc des tiers à la société a pour effet de diluer les droits des associés fondateurs puisqu’elle entraîne l’intégration de nouvelles personnes au sein de la gestion de la société. Il convient donc de protéger les associés fondateurs et notamment les associés minoritaires. Ainsi, l’intermédiaire d’un avocat dans le déroulement des négociations semble fondamental puisqu’il sera apte à négocier plusieurs moyens permettant la protection des associés fondateurs et plus spécifiquement des associés minoritaires qui risque d’être lésés par la dilution de leurs droits.

(1) La négociation d’une clause anti-dilution dans un pacte extrastatutaire

Définition et rôle : La clause d’anti-dilution (ou de non-dilution) est « la clause par laquelle un actionnaire (ou groupe d’actionnaire) majoritaire s’engage à garantir, contractuellement, ou parfois statutairement, à un actionnaire minoritaire ne détenant pas de minorité de blocage le maintien de son niveau de participation en capital et/ou en droit de vote au sein de la société » (J. Mestre, F. Buy, M. Lamoureux, J-C. Roda, Les principales clauses des contrats d’affaires, 2e ed., LGDJ Lextenso, 2019). Autrement dit, la clause d’anti-dilution est le pacte (garantissant) au bénéficiaire le maintien de sa participation.

Ainsi, cette clause offre une protection aux actionnaires minoritaires et leur permet de garantir le maintien de leur pourcentage de participation dans la société en cas d’augmentation de capital.

Validité de cette clause : Les clauses d’anti-dilution sont valables et leurs effets dépendant du mécanisme d’anti-dilution retenu par les parties. A titre d’exemple, ce sens, la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 27 mars 2014 (n°13/06816), Lavarec c/ Sté Communications intégration industries, a jugé que la clause d’anti-dilution d’un pacte d’actionnaires qui octroyait à son bénéficiaire un droit permanent au maintien de sa participation à hauteur de la quotité du capital qu’il détenait lors de son entrée dans le capital de la société, avait été violée par les autres associés qui avaient évincé le bénéficiaire de la clause en réservant à un tiers l’augmentation du capital ayant suivi la réduction à zéro du capital de la société dans le cadre d’un « coup d’accordéon ».

Limites de la clause anti-dilution : L’efficacité de ce mécanisme, que la clause soit statutaire ou autrement contractuelle, peut être limitée ou neutralisée par application de la loi.

D’abord, avec force évidence parce que ces clauses ne sauraient justifier des comportements contrevenant à l’intérêt social, que ce soit pour abus de majorité, abus de minorité, ou encore pour fraude. S’agissant de l’efficacité d’une clause de non-dilution en présence d’un coup d’accordéon, il faut noter que « la question du conflit entre l’intérêt social et le pacte extrastatutaire comprenant une clause d’anti-dilution pourrait toutefois se poser avec acuité lorsque l’investisseur susceptible d’apporter les sommes nécessaires à la survie de la société subordonne son investissement au fait d’être le seul associé à l’issue de l’opération (…) » (V. en ce sens, S. Sylvestre, De l’efficacité d’une clause de non-dilution en présence d’un coup d’accordéon, Rev. Sociétés. 2015), ce qui constitue en l’occurrence une fraude répréhensible.

Ensuite, parce que certaines lois spéciales imposent ou permettent au juge d’imposer la dilution de la participation d’un actionnaire en particulier notamment dans le cadre de procédures collectives. Ainsi, c’est ce qui devrait rendre les clauses anti-dilution inapplicables. Il semble en effet probable, en ce sens, que si le minoritaire entre dans le champ d’application de l’article L. 631-19-2 et L. 653-9 du Code de commerce, le tribunal pourra lui imposer la cession forcée de tout ou partie de ses titres ce qui aura, selon nous, pour effet de rendre inefficace la clause d’anti-dilution stipulée à son profit (V. en ce sens, J.Mestre et D. Velardocchio, n°2573, I. Parachkevova, L’augmentation de capital foxée dans la loi Macron, BJS 1er oct. 2015, n°10, p. 529 et s. ; V. egl. R. Dammann et F-X. Lucas, le nouveau dispositif de dilution ou d’éviction de l’associé qui ne finance pas le plan de redressement de la société, BJS 1er oct. 2015, n°10, p. 521 et s.).

Autres mécanismes possibles à envisager dans un pacte extrastatutaire : De nombreux mécanismes hybrides, mêlant droit des contrats et droit des sociétés, peuvent également être envisages pour protéger le minoritaire et lui permettre de maintenir son niveau de participation. Par d’exemple, on pourrait imaginer que la promesse de cession ne puisse être activée qu’en cas de manquement par le majoritaire à son engagement de maintenir le droit préférentiel de souscription du minoritaire ou plus généralement de mettre le minoritaire en mesure de maintenir sa participation. De même, le minoritaire pourrait obtenir du majoritaire qu’il s’engage à lui céder autant de droits préférentiels de souscription que de besoin pour maintenir son potentiel de souscription et, par voie de conséquence, son niveau de participation. Il pourrait encore être prévu, pour satisfaire aux droits du minoritaire, que la suppression du droit préférentiel de souscription ne soit que partielle et lui réserve donc la possibilité d’exercer son droit, ou encore que l’augmentation de capital réservée soit conditionnée à la réalisation d’une augmentation de capital subséquente au profit du minoritaire, etc.

(2) La mise en valeur et l’application du droit préférentiel de souscription et de la prime d’émission

Définition et utilité du droit préférentiel de souscription

Le droit préférentiel de souscription (DPS) est le droit conféré à un associé de souscrire par priorité (on dit souvent « à titre irréductible ») une augmentation de capital en numéraire de sa société, proportionnellement à sa participation actuelle dans le capital social. Il s’agit d’un mécanisme anti-dilution qui a pour objectif de permettre aux associés déjà en place de maintenir leur pourcentage en participation actuelle dans le capital augmenté et donc par ailleurs, leur pourcentage en droits pécuniaires (quote-part de l’actif net revenant à chaque action et dividendes) et en droit de vote.

Le mécanisme du DPS est expressément réglementé dans les sociétés par actions (articles L. 225 – 132 à L. 225-141 du Code de commerce) et il est d’ordre public, cela sous-entend qu’on ne peut pas y déroger.

En ce sens, le Code de commerce prévoit que : « Les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital. Les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. Lorsque le droit préférentiel de souscription n’est pas détaché d’actions négociables, il est cessible dans les mêmes conditions que l’action elle-même. Dans le cas contraire, ce droit est négociable pendant une durée égale à celle de l’exercice du droit de souscription par les actionnaires mais qui débute avant l’ouverture de celle-ci et s’achève avant sa clôture. L’information des actionnaires quant aux modalités d’exercice et de négociation de leur droit préférentiel sont précisées par décret en Conseil d’Etat. Les actionnaires peuvent renoncer à titre individuel à leur droit préférentiel. La décision relative à la conversion des actions de préférence emporte renonciation des actionnaires au droit préférentiel de souscription aux actions issues de la conversion. La décision d’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital emporte également renonciation des actionnaires à leur droit préférentiel de souscription aux titres de capital auxquels les valeurs mobilières émises donnent droit. »

La loi prévoit expressément que les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux augmentations du capital, ce qui sous-entend que c’est la détention d’actions qui ouvre droit à la souscription préférentielle. Toutefois, c’est également en considération de la personne des actionnaires que sont attribués ces droits, puisqu’il est prévu que les actionnaires ont proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. Dès lors, l’attribution des droits préférentiels de souscription est proportionnelle à la participation de chaque actionnaire dans le capital avant augmentation.

Exemple pratique :  Une société au capital de 1 000 000 d’euros, divisé en 100 000 actions de 10 euros. Celle-ci décide de doubler son capital en émettant 100 000 actions nouvelles de 10 euros (soit après augmentation, capital social = 2 000 000 euros). Chaque actionnaire disposera d’un DPS à raison d’une action nouvelle pour une ancienne, soit 100 000/100 000. Autrement dit, le capital social étant doublé, chaque actionnaire aura le droit, à cette occasion, de doubler le nombre d’actions qu’il détient.

Une société au capital de 400 000 euros, divisé en 10 000 actions de 40 euros. Ladite société décide d’augmenter son capital en émettant 1 000 actions nouvelles de 40 euros (soit après augmentation, capital social = 1 500 000 euros). Ici, chaque actionnaire disposera d’un DPS à raison d’une action nouvelle pour 10 anciennes (soit 10 000/1 000).

Détermination de la valeur du droit préférentiel de souscription.

La valeur théorique ou mathématique du droit préférentiel de souscription est en principe égale à la perte de valeur que subit chaque action préexistante du fait de l’émission des actions nouvelles. Autrement dit :

Valeur du DPS = valeur d’action avant augmentation – valeur d’action après augmentation

N.B :

  • Valeur d’action avant augmentation = action dite « droit attaché »
  • Valeur d’action après augmentation = action dite « ex droit »

En ce sens, on constate bien que le but du DPS est de compenser la perte de valeur subie par les actionnaires en place du fait de l’augmentation de capital, qui a pour conséquence la dilution de leur droit, étant donné que :

Valeur d’action après augmentation = valeur d’action avant augmentation – le DPS

Exemple pratique : Une société a un capital social de 1 000 000 euros divisé en 10 000 actions d’une valeur nominale de 100 euros. Par ailleurs, la société fait état de réserves et plus-values latentes d’un montant global de 500 000 euros. La valeur théorique ou mathématique de chaque action serait dans ce cas :

(1 000 000 € + 500 000 €) / 10 000 actions = 150 €.

Si elle décide d’augmenter son capital social de 600 000 euros par voie de création de 6 000 actions nouvelles de 100 euros de valeur nominale, la valeur de chaque action après augmentation serait de :

(1 000 000 € + 500 000 € + 600 000 €) / (10 000 actions + 6 000 actions) = 131,25 €.

Soit, la valeur mathématique du DPS serait dans ce cas :

150 € – 131,25 € = 18,75 €.

Notons que la formule que nous venons d’énoncer permet d’établie la valeur théorique/mathématique, or en pratique, la détermination du DPS est plus complexe car elle obéit, entre autres, à la loi du marché, c’est-à-dire à l’offre et la demande, au cours de bourse de l’action, qui est au demeurant parfois très éloigné de la valeur en capitaux propres, ou encore aux perspectives d’avenir de la société etc. A titre d’exemple, dans le cas d’une forte spéculation à la hausse, si les actions son cotées pour une valeur très supérieure à leur valeur en capitaux propres, la valeur du DPS sera bien plus élevée que sa valeur mathématique.

Incidence d’une éventuelle prime d’émission avec le DPS. Les actions nouvelles sont fréquemment émises avec une prime d’émission. Une prime d’émission est par définition un complément d’apport, en numéraire ou en nature, égal par titre de capital à la différence entre la valeur d’émission de ce titre et sa valeur nominale. Elle est déterminée par la société émettrice et acceptée par les souscripteurs. Elle a pour objet d’aligner la valeur de la souscription sur la valeur du marché du titre, en tenant compte de l’existence de réserves et/ou de plus-values. Ce mécanisme a des fonctions qui se recoupent pour partie au DPS : éviter la dilution des réserves et plus -values mais qui se complète pour d’autres : le DPS permettant d’éviter la dilution en capital et en droits de vote, tandis que la prime d’émission procure davantage de fonds propres à la société.

Ce mécanisme peut parfaitement être cumulé avec celui du DPS et il est d’ailleurs particulièrement recommandé de le faire étant donné que la loi ne l’interdit pas. En effet, l’intérêt est majeur puisque si le DPS s’avère plus protecteur de l’associé que la prime, ce premier est inefficace à assurer la protection de l’associé qui négligerait aussi bien l’exercice de son DPS que sa négociation. Ainsi, la prime d’émission protège au contraire tous les associés, sans que soient exigées de quelconques actions de leur part.

Attention toute de même avec ce cumul. En effet, il convient de relever que les valeurs des promes d’émission et du DPS sont proportionnellement inverses de sorte que : une forte prime d’émission réduit l’intérêt de la souscription préférentielle, et donc de sa valeur. Tandis que, une faible prime d’émission accroît l’utilité du DPS et donc son montant.

En effet, dans le cas d’un cumul entre prime d’émission et DPS, on constate que le DPS voit sa valeur amputée de celle de la prime d’émission. Entre autres, la prime d’émission emporte réduction corrélative de la valeur du DPS. Ce constat est parfaitement logique puisque la prime d’émission vient atténuer la perte de la valeur des titres liée à l’émission, perte de valeur qui précisément correspond à la valeur théorique du DPS.

Exemple pratique : Si on reprend notre exemple précédent, nous avions déterminé la valeur mathématique du DPS de la société à 18,75 €.

Admettons que soit décidée une prime d’émission par action de 10€. Cette prime viendra réduire la valeur mathématique du DPS en atténuant la perte de valeur des titres préexistants. Dès lors, il convient de recalculer la valeur du DPS.

Dans l’exemple, la société avait un capital social de 1 000 000 € divisé en 10 000 actions d’une valeur nominale de 100€ et faisant état de réserves et plus-values latentes d’un montant global de 500 000 €.

Nous avions établi que la valeur mathématique de chaque action était de 150 €, que l’augmentation de capital social était de 600 000 € par voie de création de 6 000 actions nouvelles de 100 € de valeur nominale. Nous ajoutons la prime d’émission de 10 € par action.

Dès lors, dans ce cas de figure, la valeur de chaque action après augmentation du capital serait de :

(1 000 000 € + 500 000 € + 600 000 €) + (6 000 actions x 10 € prime d’émission) / (10 000 actions + 6 000 actions) = 135 €.

En l’absence totale de prime d’émission, la valeur mathématique du DPS était de 18,75 €.

La différence correspond à la valeur totale de la prime d’émission (soit 60 000€) rapportée à l’ensemble des titres après émission (16 000), soit : 60 000/16 000 = 3,75 €.

Autres avantages découlant de l’ajout d’une prime d’émission. La prime d’émission a une raison d’exister : garantir le juste prix. En effet, il ne vient pas à l’esprit de fixer systématiquement le prix de vente d’une action ou d’une part sociale à sa valeur nominale étant donné que la valeur nominale d’un titre de capital (c’est-à-dire montant du capital par titre) n’est presque jamais, sauf coïncidence extraordinaire, égale à sa valeur vénale (prix de cession du titre), cette dernière se rapprochant davantage de la valeur mathématique (montant des capitaux propres par titre). C’est pourquoi, l’ajout de la prime d’émission permet de prendre en considération plusieurs facteurs afin de déterminer le juste prix des actions ou parts sociales.

Outre cette raison, la prime d’émission permet de garantir l’égalité entre les associés anciens et les associés nouveaux. En effet, elle a un effet anti-dilutif et permet de protéger l’associé contre la seule dilution des réserves et des plus-values (contrairement au DPS qui protège plus globalement l’associé contre la dilution de ses droits dans le capital, les droits de vote mais aussi les réserves et les plus-values), c’est-à-dire, contre la perte de valeur de ses droits sociaux liée à l’augmentation de capital, à la manière d’un DPS qui ne serait pas exercé mais vendu (le prix de cession compensant alors cette déperdition de valeur). Ainsi, on peut constater que la prime d’émission a pour but « d’assurer l’égalité entre les anciens et les nouveaux actionnaires à raison des réserves existantes et de la plus-value acquise par l’actif social » (Journ. Sociétés 1915, p.156, C. Houpin – V. Mémento Lefebvre Sociétés commerciales 2010, n°11623).

Par ailleurs, elle a pour effet de constituer un droit d’entrée, car en surenchérissant le coût de la souscription, elle joue le rôle de ticket d’entrée dans la société.

Enfin, l’avantage de prévoir une prime d’émission tient dans le fait que celle-ci permet d’accroitre les fonds propres de la société émettrice. En ce sens, la prime d’émission constitue un supplément d’apports qui se traduit par un supplément de richesses pour la société qui la perçoit et donc par une augmentation de ses capitaux propres.

N.B. La société est libre, au travers de l’assemblée générale de ses actionnaires, de fixer une prime d’émission et de décider de l’affectation de cette prime, c’est-à-dire l’usage qu’elle entend en faire. Il faut préciser qu’aucune méthode de calcul s’impose aux parties car la prime d’émission est déterminée librement par la société d’une part et les souscripteurs d’autre part.

Sociétés : Les statuts d’une SAS priment sur les actes extrastatutaires

Sociétés : Les statuts d’une SAS priment sur les actes extrastatutaires

[Résumé]

Dans une décision du 12 octobre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a affirmé pour la première fois le principe selon lequel les statuts d’une SAS priment sur les actes extrastatutaires. Ainsi, les actes extra-statutaires peuvent compléter les statuts, mais ne peuvent pas y déroger. Cette décision permet de réaffirmer la prééminence des statuts dans la détermination des modalités de révocation des dirigeants de SAS.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 octobre 2022, 21-15.382, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, le directeur général d’une société par actions simplifiée (SAS) a été révoqué de ces fonctions par décision extrastatutaire des associés.

Considérant que sa révocation était intervenue sans juste motif, celui-ci a assigné ladite société en paiement d’une indemnité. Il expliquait que même si les statuts d’une société par actions simplifiée prévoient que le directeur général peut être révoqué ad nutum par décision de l’associé unique, ce dernier peut, par une décision extra-statutaire obligeant la société, prévoir, par référence à une lettre du même jour, qu’en cas de révocation sans juste motif, le directeur général aura droit à une indemnité

La cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 18 février 2021 déboute le requérant de ses demandes aux motifs que seuls les statuts d’une société par actions simplifiée peuvent fixer les modalités de révocation de son directeur général et qu’ainsi la décision de l’associé unique n’avait pu valablement déroger aux dispositions statutaires prévoyant une révocation ad nutum.

Ainsi, la question qui s’est posée devant les Hauts magistrats de la Cour de cassation était celle de savoir si un dirigeant peut se prévaloir d’un acte extra-statutaire dérogeant aux statuts fixant les modalités de sa révocation ?

La Cour de cassation répond par la négative et rappelle le principe selon lequel il résulte de la combinaison des articles L. 227-1 et L. 227-5 du code de commerce que les statuts de la société par actions simplifiée fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée, notamment les modalités de révocation de son directeur général. Si les actes extra-statutaires peuvent compléter ces statuts, ils ne peuvent y déroger.

[L’avis du Cabinet]

Ainsi, la Cour de cassation a affirmé pour la première fois le principe selon lequel les actes extra-statutaires peuvent compléter les statuts, mais ne peuvent pas y déroger. Cette décision permet de réaffirmer la prééminence des statuts dans la détermination des modalités de révocation des dirigeants de SAS.

En effet, après avoir rappelé par un arrêt du 9 mars 2022 (n°19-25.795) le principe selon lequel le dirigeant d’une SAS est, sauf statuts contraires, révocable à tout moment et sans juste motif, la Cour de cassation est venue préciser dans cet arrêt du 12 octobre 2022, publié au Bulletin, qu’aucun acte extrastatutaire ne peut déroger aux dispositions statutaires.