La SCI à l’IR pour l’investissement immobilier : avantages, fiscalité et stratégies
La Société Civile Immobilière (SCI) est un outil prisé des investisseurs pour structurer et gérer un patrimoine immobilier. La SCI à l’IR pour l’investissement immobilier est une solution idéale pour structurer un patrimoine familial et gérer des biens en location nue. Notamment lorsqu’elle est soumise à l’Impôt sur le Revenu (IR), puisqu’elle offre une fiscalité transparente, adaptée à ceux souhaitant conserver un contrôle direct sur les revenus locatifs et faciliter la transmission. Cet article détaille les spécificités de la SCI à l’IR pour l’investissement immobilier, ses avantages, ses limites, et les situations où elle est particulièrement pertinente.
Pourquoi choisir une SCI à l’IR pour l’investissement immobilier ?
Une SCI est une société dédiée à la gestion et à l’acquisition de biens immobiliers, dont l’objet est civil, et non commercial. Lorsqu’elle est soumise à l’Impôt sur le Revenu, ses revenus sont directement imposés entre les mains des associés, selon leur quote-part dans le capital. Cette transparence fiscale en fait une structure attrayante pour les familles et les petits investisseurs souhaitant mutualiser la gestion de leur patrimoine immobilier.
La SCI à l’IR est particulièrement adaptée aux investissements en location nue, puisque les revenus locatifs sont imposés dans la catégorie des Revenus Fonciers. En revanche, elle ne convient pas à la location meublée, considérée comme une activité commerciale incompatible avec son objet civil.
Comprendre la fiscalité des revenus locatifs dans une SCI à l’IR
Les revenus générés par une SCI à l’IR sont répartis entre les associés en fonction de leur part dans la société. Chaque associé déclare sa quote-part dans la catégorie des Revenus Fonciers.
Deux régimes fiscaux peuvent s’appliquer :
– Le régime micro-foncier si les revenus totaux de la SCI sont inférieurs à 15 000 € par an. Ce régime offre un abattement forfaitaire de 30 %.
– Le régime réel, obligatoire au-delà de 15 000 € ou sur option, qui permet de déduire les charges réelles, comme les intérêts d’emprunt, les travaux ou les frais de gestion.
Cette fiscalité directe permet aux associés de bénéficier des dispositifs d’allègement fiscal liés aux travaux ou aux dépenses éligibles.
Comprendre la fiscalité des plus-value de cession dans une SCI à l’IR
Les plus-values réalisées par une SCI à l’IR lors de la cession d’un bien immobilier relèvent du régime des plus-values des particuliers. Ce régime est avantageux pour les associés, car il prévoit des abattements pour durée de détention :
– L’impôt sur le revenu (19 %) est exonéré après 22 ans de détention.
– Les prélèvements sociaux (17,2 %) sont exonérés après 30 ans.
Ces règles encouragent les investissements sur le long terme, tout en réduisant progressivement la fiscalité.
Les avantages de la SCI à l’IR pour l’investissement immobilier
Une gestion collective et facilitée du patrimoine
La SCI permet à plusieurs investisseurs, souvent des membres d’une même famille, de gérer collectivement un bien immobilier. Chaque associé détient des parts sociales, ce qui simplifie les prises de décision, tout en offrant une répartition équitable des revenus et des charges.
Une transmission patrimoniale optimisée
La transmission du patrimoine est l’un des principaux atouts de la SCI. Plutôt que de transmettre un bien immobilier indivis, les parts sociales peuvent être réparties entre les héritiers. Cela permet de bénéficier des abattements fiscaux applicables à chaque donation ou succession, tout en évitant les conflits liés à l’indivision.
Les limites de la SCI à l’IR pour l’investissement immobilier
Incompatibilité avec la location meublée
La SCI à l’IR est limitée à la location nue. Toute activité de location meublée, considérée comme commerciale, pourrait entraîner la requalification fiscale de la société et son assujettissement à l’Impôt sur les Sociétés (IS). Cela rend la SCI à l’IR inadaptée pour les investisseurs axés sur la location meublée.
Responsabilité illimitée des associés
Les associés d’une SCI sont responsables des dettes de la société à hauteur de leur participation dans le capital social. Bien que cette responsabilité soit limitée au prorata, elle peut représenter un risque en cas de difficultés financières ou de litige.
Quand choisir une SCI à l’IR pour l’investissement immobilier ?
La SCI à l’IR est idéale pour les investisseurs souhaitant structurer un patrimoine familial en location nue. Elle convient aux projets de long terme, où la transmission et la répartition du patrimoine entre héritiers sont des objectifs prioritaires. De plus, elle est adaptée aux investisseurs qui souhaitent mutualiser les charges et les revenus tout en bénéficiant d’une fiscalité simple et directe.
Conclusion : La SCI à l’IR, une solution efficace pour les projets familiaux
La SCI à l’IR pour l’investissement immobilier est une structure polyvalente qui combine simplicité fiscale, gestion collective et transmission facilitée. Elle s’impose comme une solution de choix pour les familles et les investisseurs cherchant à optimiser leur patrimoine immobilier sur le long terme. Toutefois, pour des projets impliquant de la location meublée ou nécessitant une optimisation fiscale plus poussée, d’autres structures comme la SCI à l’IS ou la SARL peuvent être plus appropriées.
Pour définir la structure la mieux adaptée à vos projets immobiliers, le cabinet DUNAN AVOCATS, expert en fiscalités et droit des sociétés immobilières, vous accompagne à chaque étape, de la création de la SCI à la gestion des cessions et des transmissions.
Investissement immobilier en nom propre : avantages et conseils fiscaux
L’investissement immobilier en nom propre est une solution prise pour sa simplicité administrative et sa gestion directe. Ce mode de détention permet aux investisseurs, débutants ou confirmés, de conserver un contrôle total sur leurs biens tout en simplifiant les démarches liées à l’acquisition et à la gestion locative. Toutefois, cette simplicité implique une imposition directe sur vos revenus locatifs et une responsabilité personnelle en cas de litige.
Pourquoi choisir l’investissement immobilier en nom propre ?
Location nue : revenus fonciers
La fiscalité dépend de la nature de la location, qu’elle soit nue ou meublée. Pour une location nue, les revenus sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers. Si vos recettes annuelles ne dépassent pas 15 000 €, vous relevez du régime micro-foncier, qui offre un abattement forfaitaire de 30 %. En revanche, si vos recettes sont supérieures à ce seuil ou si vous optez pour le régime réel, vous pouvez déduire l’ensemble des charges réelles, comme les intérêts d’emprunt, les travaux ou les frais de gestion.
Location meublée : Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC)
Dans le cadre d’une location meublée, les revenus sont soumis à l’imposition des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC). Si vos recettes locatives brutes sont inférieures à 72 600 €, vous bénéficiez d’un abattement forfaitaire de 50 % au régime micro-BIC. Au-delà de ce seuil ou si vous optez pour le régime réel, vous pouvez déduire vos charges et amortir le bien immobilier ainsi que le mobilier, ce qui peut réduire significativement l’assiette imposable.
Comprendre la fiscalité des plus-value de cession en nom propre
Régime des plus-values des particuliers
La revente d’un bien détenu en nom propre est soumise au régime des plus-values des particuliers. Ce régime offre des abattements progressifs en fonction de la durée de détention. Ainsi, l’impôt sur le revenu, fixé à 19 %, est totalement exonéré après 22 ans, tandis que les prélèvements sociaux de 17,2 % sont exonérés après 30 ans. Ce dispositif encourage les investisseurs à conserver leurs biens sur le long terme.
Exonération pour résidence principale
De plus, si le bien constitue votre résidence principale, vous bénéficiez d’une exonération totale de la plus-value, quelle que soit la durée de détention.
Inconvénients d’un investissement immobilier en nom propre
Responsabilité personnelle
Investir en nom propre comporte toutefois des inconvénients. En premier lieu, le propriétaire engage l’ensemble de son patrimoine personnel. En cas de litige ou de dettes locatives, les créanciers peuvent se retourner directement contre ses biens personnels. Cette responsabilité illimitée peut être un frein pour certains investisseurs.
Transmission patrimoniale radicale
Par ailleurs, la transmission d’un bien détenu en nom propre peut s’avérer radicale contrairement à une société (SCI, SARL, SAS) où il est possible de céder progressivement des parts sociales. Ainsi, la répartition d’un bien immobilier entre plusieurs héritiers engendre souvent des difficultés et des droits de succession élevés. Le démembrement peut être une solution à envisager.
Fiscalité peu optimisée pour les contribuables fortement imposés
Enfin, la fiscalité des revenus locatifs est directement liée au taux marginal d’imposition du propriétaire, ce qui peut rendre l’investissement moins rentable pour les foyers soumis à une tranche d’imposition élevée.
Alternatives à l’investissement immobilier en nom propre
Si la simplicité du nom propre convient à de nombreux investisseurs, d’autres structures offrent des avantages en matière d’optimisation fiscale et de transmission. La SCI permet une gestion collective et simplifie la transmission aux héritiers. La SARL de Famille, quant à elle, est adaptée à la location meublée tout en facilitant la répartition patrimoniale. Enfin, les sociétés à l’Impôt sur les Sociétés (IS) sont intéressantes pour des projets impliquant des amortissements ou une détention à court terme.
Conclusion : Quand l’investissement immobilier en nom propre est-il pertinent ?
Pour des projets simples et à petite échelle
Investir en nom propre dans l’immobilier locatif reste une solution pratique et accessible, idéale pour sa résidence principale ou pour démarrer dans l’investissement immobilier. Ce mode de détention est particulièrement adapté aux projets simples et aux investisseurs débutants, ou encore à ceux ayant des revenus locatifs limités.
Faites vous accompagner pour optimiser votre projet
Cependant, pour des projets plus complexes ou pour optimiser votre fiscalité, il peut être judicieux d’envisager une structure juridique adaptée. Le cabinet DUNAN AVOCATS, expert en fiscalité immobilière, vous accompagne pour définir la structure la plus appropriée à vos objectifs patrimoniaux, tout en anticipant les éventuelles transmissions.
Les différentes modalités de la transmission d’une entreprise
1. Introduction rapide
Il existe plusieurs raisons qui gouvernent la décision de transmettre son entreprise. Par exemple, une entreprise peut être vendue à une holding familiale afin d’anticiper une succession par la technique du démembrement des titres sociaux. Elle peut également être vendue à un tiers dans le cadre d’un départ à la retraite, dans le cadre d’une reconversion professionnelle voire dans le cadre d’une liquidation judiciaire. Aussi, à chaque situation, le chef d’entreprise devra choisir entre des modalités de cession très distinctes. Doit-il vendre à titre gratuit ou à titre onéreux ? Doit-il vendre le fonds de commerce ou les titres sociaux ? Doit-il procéder par voie de fusion ou de scission ?
Chacune de ces modalités réponds à un objectif déterminé. Aussi, chacune de ces modalités revêt son lot d’avantages et d’inconvénients.
Afin d’éclairer au mieux le chef d’entreprise qui envisage de céder son actif professionnel, nous proposons de dresser un inventaire (non exhaustif) des principales modalités de cession d’une entreprise. Bien qu’il soit permis au chef d’entreprise de la transmettre à titre gratuit, notamment dans le cadre d’une opération de donation-partage, nous allons porter notre attention sur la modalité de transmission onéreuse de l’entreprise, c’est-à-dire en contrepartie du paiement d’un prix.
Les opérations de cession les plus courantes portent sur le fonds de commerce : cession du fonds (1) et contrat de location-gérance (2). Ensuite, il y a celle portant sur le contrôle de la société : cession de titres sociaux (3) et d’augmentation de capital (4). Enfin, il y a les opérations plus complexes telles que les apports partiels d’actif (5) voire de fusion et scission (6).
2. La cession d’un fonds de commerce
Définition simple :
La cession d’un fonds de commerce est l’opération par laquelle un commerçant vend tous les éléments d’actif qui permettent d’exploiter l’activité. Ces éléments qui composent le fonds de commerce sont constitués des éléments corporels (matériel d’exploitation) et incorporels (enseigne, clientèle, contrats en cours, licences, …).
Régime juridique :
Il s’agit d’abord d’un contrat de vente soumis aux articles 1583 et suivants du code civil. En outre, puisque l’objet de la vente porte sur un fonds de commerce, cette opération est également soumise aux articles L. 141-2 et suivants du code de commerce.
Spécificité(s) :
L’opération de cession d’un fonds de commerce ne porte que sur des éléments d’actifs. En d’autres termes, les dettes ne font pas partie de l’opération. Cela signifie que les dettes demeurent à la charge du Cédant. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre des négociations, le Cédant doit impérativement prendre en considération le montant de ses dettes pour fixer le prix.
Avantage(s) :
L’avantage est pour le repreneur qui hérite d’une activité exempte de dette. En outre, puisqu’il s’agit d’un contrat de vente, le repreneur est créancier de l’obligation du Cédant à le garantir contre toute évictions et contre les vices cachés qui l’affectent.
Inconvénient(s) :
Dans une opération de vente d’un fonds de commerce, il existe de nombreux obstacles à la vente des éléments d’actifs qui composent le fonds.
D’abord, certains éléments sont inaliénables. C’est le cas par exemple de certaines autorisations administratives (droit d’autorisation du domaine public, type terrasse). En effet, ces autorisations sont parfaitement personnelles et il appartient au repreneur de faire son affaire personnelle de solliciter l’autorisation auprès de l’autorité compétente après avoir acheté le fonds. Cela représente un risque important. Aussi, selon l’important de l’autorisation sur l’exploitation de l’activité, un tel aléa n’est pas permis. Le cas échéant, la technique du rachat des titres sociaux peut être plus approprié pour contourner l’inaliénabilité de l’autorisation.
Ensuite, certains éléments sont cessibles mais sont soumis à un droit de préemption qu’il convient de purger. C’est le cas par exemple du droit au bail. En effet, la cession est soumise au droit de préemption urbain selon la zone géographique dans laquelle le fonds est exploité. Aussi, certains autres contrats peuvent être soumis à un droit de préemption aménagé contractuellement. C’est le cas notamment pour les contrats de franchise. En tout état de cause, dans cette hypothèse, la vente du fonds est nécessairement soumise à la purge préalable du droit de préemption. Là encore, un tel aléa peut s’avérer inopportun et la technique du rachat des titres sociaux peut être plus appropriée selon les cas.
Enfin, certains éléments sont cessibles sous réserve de recueillir l’accord d’un tier. C’est le cas par exemple des contrats intuitu personae (sauf les contrats de travail et le bail commercial). En effet, la cession d’un contrat intuitu personae nécessite d’obtenir l’accord du cocontractant. Là encore, un tel aléa peut s’avérer inopportun et la technique du rachat des titres sociaux peut être plus appropriée selon les cas. Attention toutefois à bien vérifier dans ce cas que le caractère intuitu personae ne porte pas également sur la notion de contrôle. Le cas échéant, l’accord du cocontractant sera indispensable quelle que soit la modalité de cession. En tout état de cause, il est vivement conseillé de recueillir l’accord express du cocontractant, que le contrat soit intuitu personae ou non, afin de décharger le Cédant de ses obligations vis-à-vis de lui (article 1216-1 du code civil).
3. La location-gérance d’un fonds de commerce avec promesse de vente
Définition simple :
La location-gérance est l’opération par laquelle le propriétaire d’un fonds de commerce en confie la gestion à un locataire-gérant, aux risques et périls de celui-ci, moyennant le paiement d’une redevance de location. La promesse d’achat et de vente à l’issue du contrat de location gérance doit faire l’objet d’un acte sous seing privé séparé pour éviter une requalification fiscale de l’opération en cession de fonds de commerce.
Régime juridique :
Il s’agit d’une opération purement commerciale soumise aux articles L. 144-1 et suivants du code de commerce.
Spécificité(s) :
Le locataire-gérant exploite le commerce de façon indépendante, sans être subordonné à un statut de salarié et en supportant les risques. Les dettes du propriétaire du fonds de commerce peuvent être déclarées immédiatement exigibles lors de la conclusion du contrat de location-gérance si l’opération met en péril leur recouvrement. Jusqu’à la publication du contrat de location-gérance, le propriétaire du fonds est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds. Enfin, le propriétaire du fonds est tenu solidairement des dettes du locataire-gérant durant les 6 mois qui suivent la publication de l’acte.
Avantage(s) :
Pour le propriétaire du fonds, cette opération permet de conserver la propriété de son fonds, d’en maintenir l’exploitation et de s’assurer un revenu grâce à la perception des redevances. Pour le locataire-gérant, cette formule lui permet d’avoir sa propre entreprise et d’exploiter une activité qui a déjà fait ses preuves sans avoir à investir dans l’achat parfois onéreux d’un fonds de commerce ni d’avoir à le créer ce qui nécessite des années d’effort. En outre, la durée de la location-gérance permet au locataire-gérance d’apprécier la viabilité de l’entreprise qu’il envisage, le cas échéant, de reprendre.
Inconvénient(s) :
Pour le propriétaire du fonds, le risque principal est la dépréciation du fonds de commerce du fait de la mauvaise gestion du locataire-gérant. En effet, en fin de contrat, le propriétaire du fonds le récupère « en l’état », et notamment en l’état de tous les salariés éventuellement embauchés par le locataire-gérant. Quant au locataire-gérant, il peut contribuer par sa bonne gestion à survaloriser le fonds ce qui sera un obstacle à présenter une offre de rachat en fin de contrat. En somme, dans l’hypothèse où le locataire-gérant envisage de racheter le fonds à l’issue du contrat, il pourrait être tenté de ne pas trop en faire pour ne pas survaloriser le fonds ce qui lui sera préjudiciable au moment de la négociation.
4. La cession de titres sociaux
Définition simple :
L’opération consiste pour l’associé (ou l’actionnaire) à céder à un repreneur tout ou partie des titres (parts sociales ou actions) qu’il détient dans le capital de la société. Lorsque la cession concerne les titres représentant la majorité des droits de vote de la société, on parle de cession de contrôle. En pratique, cette modalité de cession est utilisée lorsque le repreneur souhaite bénéficier de l’ancienneté de la société. En effet, une telle cession n’emporte aucune modification autre que celle de la répartition du capital. Il conviendra de faire attention à certain contrat qui peuvent être conclu intuitu personae et imposant l’accord du cocontractant en cas de modification du contrôle de la société. C’est notamment le cas en matière de contrat de franchise.
Régime juridique :
Il s’agit d’abord d’un contrat de vente soumis aux articles 1583 et suivants du code civil. En outre, puisque l’objet de la vente porte sur des titres sociaux, l’opération est également soumise aux articles 1832 et suivants du code civil. Enfin, selon la forme de la société, l’opération peut être soumise aux dispositions spécifiques du code de commerce (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …).
Spécificité(s) :
La cession de titres porte sur les éléments d’actifs mais également de passif. En d’autres termes, les dettes font partie de l’opération. En pratique, pour maîtriser ce risque, le repreneur doit, d’une part, faire réaliser par ou (ou plusieurs) professionnel(s) un audit complet de la société cible (juridique, social, comptable et fiscal) et, d’autre part, prévoir et négocier une clause de garantie d’actif et de passif.
Avantage(s) :
A la différence d’une opération de cession portant sur le fonds de commerce, celle portant sur les droits sociaux permet d’assurer une continuité dans l’activité. En effet, la société demeure identique sans impact sur les contrats en cours. Attention toutefois à bien vérifier, dans le cadre de l’audit des éléments d’actifs et de passifs, que les contrats intuitu personae ne prévoient pas de procédure particulière en cas de changement de contrôle.
Inconvénient(s) :
Cette modalité de cession est risquée pour le repreneur qui demeure responsable des éventuelles fautes du cédant. Ainsi, si un contentieux portant sur une opération antérieure à la cession se révèle postérieurement, la responsabilité repose toujours sur la société de sorte que le cédant n’est pas inquiété. De même en matière fiscale voire sociale. C’est la raison pour laquelle, en pratique, les conseils négocient des garanties d’actifs et de passifs. Cette garantie sert à délimiter ce que le cédant garantie au repreneur, et à fixer dans quelles mesures et de quelle façon le cédant accepte d’indemniser le repreneur des conséquences éventuelles du passé de l’entreprise. En règle générale ces garanties sont d’une durée de 3 ans (délai de prescription fiscale).
5. L’augmentation de capital
Définition simple :
Il s’agit d’une opération par laquelle une société augmente la valeur de son capital social, soit par augmentation de la valeur nominale des titres, soit par l’émission de titres nouveaux. Il existe deux grandes catégories d’augmentation de capital. (1) Les augmentations de capital sans apports de richesses nouvelles (dites « augmentation de capital sans apports ») sont dénommées par la loi : augmentation de capital par incorporation de bénéfices, par réserves ou prime d’émission. (2) Les augmentations de capital avec apports de richesses nouvelles (dites « augmentation de capital par apports ») sont définies par la loi comme l’affectation, par deux ou plusieurs personnes, à une entreprise commune, de leurs biens ou de leur industrie (art. 1832 al 1er du Code civil). En ce sens, l’apport en société est l’opération synallagmatique, à titre onéreux, par laquelle une personne apporte un bien à une société qui, en contrepartie, émet à son profit des droits sociaux lui conférant la qualité d’associé. Attention, l’apport en société ne peut être assimilée à une vente, la jurisprudence étant claire et non équivoque à ce propos. L’augmentation de capital avec apports s’opère classiquement par apport en nature ou numéraire. L’apport est dit en numéraire dès lors qu’il a pour objet une somme d’argent et en nature lorsqu’il a pour objet des biens autres qu’une somme d’argent, biens corporels ou incorporels.
De nombreuses raisons peuvent conduire à cette opération : rassurer les partenaires, financer un nouveau projet, se conformer à la loi, intégrer un nouvel associé, etc.
Régime juridique :
Puisqu’il s’agit d’une opération portant sur le capital, il convient de s’en remettre aux dispositions légales spécifiques du code de commerce pour les sociétés commerciales (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …). En outre, l’analyse des statuts est indispensable pour maîtriser la procédure à suivre.
Spécificité(s) :
L’apport est un élément essentiel du contrat de société. Elle est définie par la loi comme étant l’affectation, par deux ou plusieurs personnes, à une entreprise commune, de leurs biens ou de leur industrie. L’augmentation de capital par apports en numéraire est sans doute la plus complexe de toutes les opérations d’élévation du capital social alors qu’elle est pourtant l’une des méthodes classiques de constitution et d’accroissement du patrimoine de la personne morale (la société), en ce que l’argent est indispensable aux affaires.
Dès lors, il est important de comprendre de quoi il s’agit et ne pas confondre les termes. En effet, une somme d’argent apportée autrement qu’en pleine propriété ne constitue pas un apport en numéraire mais un apport en nature. Ainsi en est-il de l’apport de la nue-propriété, de l’usufruit (quasi-usufruit) de somme d’argent, ou encore de l’apport en jouissance d’une somme d’argent. L’apport en numéraire se réalise par le paiement (art. 1843-3 al. 5 du Code civil), c’est-à-dire la remise de fonds, et ne peut en ce sens être qu’en pleine propriété car le paiement entraîne extinction de l’obligation (art. 1234 du Code civil).
L’apport en numéraire ne doit pas non plus être confondu avec l’avance en compte courant, qui représente un prêt consenti par un associé à la société. Il y a certes, dans les deux cas remise d’une somme d’argent mais dans l’apport en numéraire, l’associé reçoit en contrepartie des droits sociaux, tandis que dans l’avance en compte courant, l’associé n’est pas acquéreur mais seulement prêteur. L’apport en numéraire n’est pour autant pas assimilé à une vente.
Enfin, ajoutons que, l’apport en numéraire qui aurait pour conséquence d’augmenter le capital (et non pas constituer une société) se manifester aussi bien par émission de nouveaux titres (fréquente en pratique) que par augmentation de la valeur nominale (plus rare en pratique) des parts ou actions préexistantes.
Avantages et Intérêts d’une opération d’augmentation de capital :
De manière générale, les opérations relatives aux titres de capital sont, pour l’essentiel, des opérations intéressant la société dans son ensemble dans la mesure où elles vont avoir une incidence sur le poste capital de cette dernière. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, elles relèvent toutes d’une décision de la collectivité des associés.
Plus spécifiquement, l’opération d’augmentation du capital par une société répond des finalités diverses. Elle peut être décidée pour accroître les fonds propres de la société, pour réaliser de nouvelles acquisitions (aussi bien en termes d’immobilisation qu’en terme de participation dans d’autres sociétés), pour augmenter sa capacité d’endettement qui dépend justement du ratio fonds propre/dettes (dit « gearing »), pour répondre à ses besoins en fonds de roulement, ou encore, parce qu’elle veut financer à coût réduit, le capital n’étant rémunéré que par les dividendes.
L’exemple de l’augmentation de capital par la technique de la levée de fonds :
S’il s’agit de financer un projet, l’augmentation de capital par la technique de la levée de fonds ou plus généralement appelée capital-investissement permet à la société de jouir d’un apport d’argent sans être lié par un emprunt impliquant une obligation de remboursement. Aujourd’hui, le capital-investissement n’est plus une simple technique de financement, c’est un réel modèle économique et un modèle de gouvernance qui contribue à la relève de l’esprit d’entreprise en France. En effet, il permet de combler un besoin essentiel pour les entreprises qui, en sus de cet apport financier, bénéficient d’un accompagnement de la part des investisseurs qui deviennent dès lors des nouveaux associés de la société et qui peuvent mettre à disposition leur réseau et augmenter les opportunités (puisque très souvent ceux-ci sont eux-mêmes entrepreneurs ou ex-entrepreneurs). Ils disposent d’une bonne vision de l’entrepreneuriat, du fonctionnement des entreprises et d’un carnet d’adresses conséquent. Ce sont de réels partenaires qui apportent à la fois un conseil et un réseau à l’équipe fondatrice. Cela accroit donc de manière considérable les chances de développement de ces entreprises sur du long terme, tant d’un point de vue financier que d’opportunités.
Par ailleurs, si l’augmentation de capital concerne une SARL détenue par un gérant majoritaire, l’augmentation de capital permet une optimisation sociale des dividendes.
En tout état de cause, augmenter son capital permet de rassurer les partenaires économiques d’une entreprise.
Inconvénient(s) :
L’inconvénient est le risque de changement de contrôle voire de dilution des fondateurs. En effet, si l’augmentation de capital s’accompagne de l’entrée au capital de nouveaux associés, les associés fondateurs risquent d’être confrontés à une divergence d’intérêt et de vision pour se ressentir sur les prises de décision stratégique. Le cas échéant, les associés fondateurs sont en perte d’autonomie dans la gestion de l’entreprise. C’est en général sur ce point précis que les négociations s’éternises. Le nouvel actionnaire va vouloir contrôler la société pour maîtriser son investissement tandis que le fondateur considère que l’idée lui appartient et qu’à ce titre il doit maitriser les décisions stratégiques. Afin de trouver une issue favorable à ces négociations, la création d’actions de préférences (uniquement dans les SAS) peut s’avérer efficace.
6. Les opérations spécifiques de fusions, scissions et d’apports partiels d’actif
Définition simple de la fusion :
La fusion est l’opération par laquelle deux sociétés se réunissent pour n’en former qu’une. La fusion peut résulter soit de la création d’une société nouvelle par plusieurs sociétés existantes, soit de l’absorption d’une société par une autre. Le procédé de la « fusion-absorption » a été, et reste encore beaucoup plus utilisé que celui de la fusion par création d’une société nouvelle. Cela tient notamment à ce que les sociétés fusionnantes sont souvent d’importance inégale, de sorte que, la plus « puissante » absorbe les autres. Cela tient aussi aux inconvénients d’ordre juridique résultant de l’absence de personnalité morale des sociétés nouvelles avant leur immatriculation au RCS. En outre, certaines opérations, qui supposent une certaine durée d’existence de la société, deviennent momentanément irréalisables.
Régime juridique de la fusion :
L’opération de fusion est définie à l’article 1844-4 du code civil. En outre, lorsqu’elle porte sur des sociétés commerciales, il convient de s’en remettre aux dispositions spécifiques du code de commerce (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …).
Définition simple de la scission :
Il y a scission lorsque le patrimoine d’une société « scindée » est partagé en plusieurs fractions simultanément transmises à plusieurs sociétés existantes ou nouvelles. Il n’est pas indispensable que les sociétés bénéficiaires soient toutes des sociétés existantes ou toutes des sociétés nouvelles. La scission peut aussi être réalisée par voie de transmission du patrimoine de la société scindée au profit d’une (ou plusieurs) société nouvelle et d’une (ou plusieurs) société existante.
Régime juridique de la scission :
L’opération de scission est définie à l’article 1844-4 du code civil. En outre, lorsqu’elle porte sur des sociétés commerciales, il convient de s’en remettre aux dispositions spécifiques du code de commerce (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …).
Définition simple de l’apport partiel d’actif :
L’apport partiel d’actif est l’opération par laquelle une société fait apport à une autre (nouvelle ou déjà créée) d’une partie de ses éléments d’actif et reçoit, en échange, des titres émis par la société bénéficiaire des apports. L’apport partiel d’actif peut porter sur un ou plusieurs éléments isolés (par exemple, un immeuble ou des titres en portefeuille) ou sur un ensemble de biens (par exemple, les éléments actifs et passifs d’une branche d’activité déterminée). Dans ce second cas, l’opération est comparable à une fusion ou à une scission en ce qui concerne l’actif apporté. L’apport partiel d’actif permet notamment de « filialiser » une ou plusieurs branches d’activité de l’entreprise et de leur donner une existence juridique autonome. Il est aussi un moyen de concentration des entreprises, par exemple en permettant la réunion au sein d’une même société de branches d’activité identiques exercées par des sociétés appartenant à un même groupe, voire par des sociétés concurrentes.
Régime juridique de l’apport partiel d’actif :
Les sociétés participant à l’opération peuvent décider de la soumettre aux dispositions relatives aux opérations de fusion et scission. Le cas échéant, on parle d’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions.
Caractéristiques des fusions, scissions et apports partiels d’actifs
* Transmission universelle de patrimoine
Les opérations de fusion et de scission ont pour caractéristique commune la transmission de l’ensemble des éléments d’actif et de passif composant le patrimoine d’une société (société absorbée ou scindée) au profit d’une ou plusieurs autres sociétés qui le recueillent en tout ou en partie (art. L 236-3, I du code de commerce). Il s’ensuit notamment que le passif de la société absorbée ou scindée est pris en charge par les sociétés absorbantes ou nouvelles selon les modalités définies au contrat de fusion ou de scission. Le caractère universel attaché à la transmission du patrimoine de la société absorbée ou scindée entraîne un certain nombre de conséquences en ce qui concerne les effets de la fusion ou de la scission à l’égard des tiers. Sur la transmission universelle des droits, biens et obligations pour la branche d’activité faisant l’objet d’un apport partiel d’actif. En cas de scission, le contrat doit prévoir la répartition du passif de la société scindée entre les sociétés bénéficiaires des apports ; ce partage est, en principe, fonction des éléments d’actif apportés à chacune d’elles. Néanmoins, ces sociétés sont solidairement responsables envers les créanciers de la société scindée (art. L 236-20 et L 236-23, al. 1 du code de commerce).
* Dissolution de la société absorbée ou scindée
Les fusions ou scissions entraînent obligatoirement dissolution de la société absorbée ou scindée (art. L 236-3 du code de commerce). Elles se distinguent en cela de l’apport partiel d’actif. Contrairement aux autres cas de dissolution, il n’y a pas lieu de procéder à la liquidation de la société absorbée ou scindée (art. L 236-3 du code de commerce) ni, par voie de conséquence, de nommer un liquidateur. Toutefois, il est d’usage de faire nommer par l’assemblée générale extraordinaire ou par décision collective des associés de la société absorbée ou scindée un ou plusieurs « mandataires » chargés notamment d’établir tous les actes qui seraient nécessaires, par exemple, pour constater la réalisation de conditions suspensives affectant l’opération, pour accomplir certaines formalités de publicité, etc.
* Échange de droits sociaux des sociétés concernées
Pour qu’il y ait fusion, scission ou apport partiel d’actif, il faut que les associés de la société absorbée, scindée ou apporteuse deviennent associés de la société absorbante ou bénéficiaire des apports et se voient attribuer des actions (ou des parts sociales) de cette société (art. L 236-1, al. 4 du code de commerce sur renvoi, pour les apports partiels d’actif soumis au régime des scissions, de l’art. L 236-6-1 du code de commerce). Autrement dit, il ne peut y avoir fusion, scission ou apport partiel d’actif si l’actif net transmis (après déduction du passif pris en charge par la ou les sociétés bénéficiaires) est rémunéré par des biens autres que des actions ou des parts sociales. Toutefois, par dérogation à cette règle, le versement d’une soulte en espèces ne fait pas perdre à l’opération son caractère de fusion ou de scission à condition que cette soulte ne dépasse pas 10 % de la valeur nominale des droits sociaux attribués (art. L 236-1, al. 4 du code de commerce). La loi visant expressément le versement de la « soulte en espèces », il n’est à notre avis pas possible de payer la soulte par remise de biens en nature tels que des titres détenus en portefeuille.
* Attribution d’actions autodétenues
L’attribution aux associés de la société absorbée d’actions auto-détenues par la société absorbante antérieurement à la décision de fusion ne nous paraît pas interdite. En effet, il est communément admis que la fusion constitue une opération spécifique, fondamentalement distincte d’une augmentation de capital par apport en nature ; cette solution est confirmée par l’article L. 225-128, al. 2 du code de commerce qui précise que les titres de capital sont libérés « soit (…) par apport en nature (…) soit en conséquence d’une fusion ou d’une scission ». Le critère déterminant pour qualifier la fusion est l’échange de titres, et non l’émission d’actions nouvelles à remettre aux associés de l’absorbée. Bien plus, dépassant le concept classique d’apport pour retenir un concept plus économique, les textes réglementant les rachats d’actions par la société émettrice autorisent expressément la société à racheter ses actions en vue de les attribuer en échange d’actifs acquis par elle dans le cadre d’une opération de fusion, de scission ou d’apport (art. L. 225-209-2, al. 3 et art. L 22-10-62, al. 6 du code de commerce issu de l’ord. 2020-1142 du 16-09-2020). Enfin, l’administration fiscale admet que la société bénéficiaire des apports rémunère les associés de la société absorbée (ou scindée) par des actions autodétenues.
Commercial : La déclaration notariée d’insaisissabilité doit être publiée avant l’ouverture d’une procédure collective pour prendre plein effet
Résumé]
La Cour de cassation dans un arrêt du 10 mars 2021 est venue préciser que la déclaration notariée d’insaisissabilité des biens immobiliers n’a d’effet que si elle a été publiée avant l’ouverture d’une procédure collective. En effet, si elle est publiée après le jugement d’ouverture d’une procédure collective, cette déclaration est sans effet car l’ouverture d’une telle procédure emporte la saisie collective des biens du débiteur par ses créanciers.
En l’espèce, dans cet arrêt, un entrepreneur avait bénéficié d’une procédure de sauvegarde par laquelle un administrateur avait été désigné. Quelques mois plus tard, l’entrepreneur avait déposé une déclaration notariée d’insaisissabilité de deux immeubles non affectés à l’exploitation de son activité professionnelle. Une procédure de sauvegarde avait été ouverte et quelque mois plus tard converti en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire. Cette déclaration avait été publiée postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde mais antérieurement aux procédures de redressement et de liquidation.
Un liquidateur judiciaire est désigné par le tribunal. Celui-ci s’est vu opposer la déclaration notariée d’insaisissabilité dans le cadre de sa mission de réalisation des actifs. Il assigne donc l’entrepreneur en inopposabilité de la déclaration notariée d’insaisissabilité.
Une déclaration notariée d’insaisissabilité publiée postérieurement à l’ouverture d’une procédure collective est-elle valide et produit-elle ses effets ?
Les Hauts magistrats de la Cour de cassation répondent par la négative au motif que selon l’article L. 526-1 du code de commerce, lorsqu’une personne physique qui exerce une activité professionnelle indépendante a déclaré insaisissables des droits sur un bien foncier non affecté à son usage professionnel, cette déclaration n’a d’effet que si elle a été publiée antérieurement à l’ouverture de la procédure collective fût-elle une procédure de sauvegarde, qui réunit les créanciers en une collectivité et emporte, dès ce moment , appréhension de l’immeuble dans leur gage commun.
L’avis du Cabinet
En effet, par principe, la déclaration notariée d’insaisissabilité des biens immobiliers est opposable à la procédure collective et singulièrement au liquidateur. Dès lors, le juge commissaire ne peut autoriser, sous peine de commettre un excès de pouvoir le liquidateur à procéder à la vente aux enchères publiques d’un immeuble couvert par une déclaration d’insaisissabilité.
Toutefois, l’administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l’exécution du plan, ou le ministère public peuvent demander la nullité de la déclaration d’insaisissabilité intervenue en période suspecte (c’est-à-dire la période entre la date de cessation des paiements et le jugement d’ouverture de la procédure collective). Il s’agit d’un cas de nullité de droit, ce qui signifie que le tribunal de la procédure déclarera automatiquement la nullité de cette déclaration.
Les mêmes personnes peuvent, de manière facultative, demander au tribunal de déclarer nulle la déclaration intervenue dans les 6 mois avant la date de cessation des paiements.
Par ailleurs, le liquidateur peut toujours contester la régularité de la déclaration s’il est saisi d’une demande tendant à reconstituer le gage commun des créanciers.
Dès lors, la déclaration notariée d’insaisissabilité des biens immobiliers n’a d’effet que si elle a été publiée avant l’ouverture d’une procédure collective. En effet, si elle est publiée après le jugement d’ouverture d’une procédure collective, cette déclaration est sans effet car l’ouverture d’une telle procédure emporte la saisie collective des biens du débiteur par ses créanciers
Ainsi, afin d’optimiser son effectivité, l’entrepreneur doit effectuer cette déclaration le plus tôt possible dans l’exercice de l’activité professionnelle et ne pas attendre que l’entreprise rencontre des difficultés car le risque que la protection conférée par une déclaration s’annule est grand.
Commercial : La protection de l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale ne concerne que les dettes professionnelles nées postérieurement à la loi Macron du 06 août 2015
[Résumé]
La chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé dans son arrêt du 13 avril 2022 le principe selon lequel l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle après la publication de la loi, c’est-à-dire le 08 août 2015. La Cour a indiqué plus spécifiquement qu’il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l’immeuble indivis constituant la résidence principale de l’indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur sur l’immeuble étant alors appréhendés par le gage commun.
En l’espèce, un couple est propriétaire indivis d’un bien immobilier qui constitue leur résidence principale. Le mari exerçant la profession de peintre, a été mis en liquidation judiciaire. Un liquidateur judiciaire est désigné par le tribunal. Celui-ci s’est vu opposer l’insaisissabilité de plein droit prévu par l’article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 par l’épouse qui refusait de vendre l’immeuble. Il l’assigne donc devant le tribunal aux fins de partage judiciaire de l’indivision et de vente aux enchères publiques de l’immeuble.
Le liquidateur reproche aux juges d’avoir déclaré irrecevable son action en partage et licitation de l’immeuble indivis, alors que la loi du 6 août 2015 ne fait produire effet à l’article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de cette loi, qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur après la publication de cette loi. Il indique que l’essentiel des créances déclarées par l’entrepreneur étaient antérieures au 8 août 2015, date de publication de la loi du 6 août 2015, et que le premier alinéa de l’article L. 526-1, dans sa rédaction résultant de l’article 206 de ladite loi, n’avait pas d’effet à l’égard des créanciers dont les droits étaient nés avant sa publication.
La cour d’appel estime que l’action du liquidateur en partage et licitation du bien immobilier, est irrecevable au motif que l’entrepreneur a été placé en liquidation judiciaire, de sorte que les dispositions de l’article L. 526 alinéa 1 du code de commerce, issues de la loi du 6 août 2015, sont applicables à la procédure collective le concernant et qu’il n’est donc pas opérant d’invoquer l’applicabilité des dispositions de la loi du 6 août 2015 aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette loi.
En cas de liquidation judiciaire de l’entrepreneur, le liquidateur peut-il ramener sa résidence principale dans le giron de la procédure collective au motif que l’insaisissabilité est inopposable à une grande partie des créanciers professionnels, le bien méritant ainsi d’être appréhendé par la saisie globale ?
La Cour de cassation répond par la négative et donne raison à la cour d’appel au motif que l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur résultant de l’article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi du 6 août 2015 n’a d’effet, en application de l’article 206, IV, alinéa 1er, de cette loi, qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle après la publication de la loi. Il en résulte que le liquidateur ne peut agir en licitation-partage de l’immeuble indivis constituant la résidence principale de l’indivisaire en liquidation judiciaire, que si tous les créanciers de la procédure ont des créances nées avant la publication de la loi, les droits du débiteur sur l’immeuble étant alors appréhendés par le gage commun. Dès lors qu’il est soutenu par le liquidateur que l’essentiel des créances déclarées sont antérieures au 8 août 2015, date de la publication de la loi, et non leur totalité, l’arrêt de la cour d’appel retient exactement qu’il n’est pas opérant de la part du liquidateur, en l’espèce, d’invoquer l’opposabilité de l’insaisissabilité de droit de la résidence principale du débiteur aux seuls créanciers dont les droits sont nés postérieurement, et que l’action est irrecevable.
[L’avis du Cabinet]
Avant la loi Macron du 6 août 2015, un entrepreneur qui souhaitait protéger sa résidence principale de toute saisie par l’un de ses créanciers devait déclarer par acte notarié d’insaisissabilité cette dernière. Ce mécanisme de protection dont le formalisme était fastidieux et couteux, en décourageait plus d’un. Dès lors, depuis 2015, la résidence principale d’un entrepreneur régulièrement immatriculé au RCS est de plein droit, c’est-à-dire automatiquement insaisissable par ses créanciers professionnels. La protection des autres biens fonciers est en revanche toujours conditionnée à une déclaration notariée d’insaisissabilité, ce que nous verrons dans la partie 2.
C’est l’article L. 526-1 al 1 du code de commerce qui régit ce principe en énonçant que « par dérogation aux articles 2284 et 2285 code civil, les droits d’une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle de la personne ».
Par principe, l’insaisissabilité de plein droit ne concerne que les dettes professionnelles nées après le 08 août 2015. Il peut donc exister des créanciers professionnels auxquels l’insaisissabilité est inopposable.
La Cour de cassation s’oppose au raisonnement qui consisterait à dire que l’insaisissabilité est inopposable à une grande partie des créanciers professionnels et que donc cela justifie que le bien soit appréhendé par la saisie globale. Elle indique que cela serait possible que si l’insaisissabilité qui la frappe était inopposable à l’intégralité des créanciers professionnels, ce qui est sans doute un cas d’école.
Comment protéger son patrimoine lorsqu’on est entrepreneur individuel ?
Le patrimoine est l’ensemble des biens et des obligations d’une personne qui est envisagé comme une universalité de droit, c’est-à-dire comme une masse mouvante dont l’actif et le passif ne peuvent être dissociés.
Dès lors, il en ressort deux grands principes :
Lorsque les dettes deviennent exigibles et qu’elles ne sont pas payées, le créancier est fondé à se payer sur le produit de la vente forcée des biens qui constitue le patrimoine.
Lorsque le patrimoine est transmis, les dettes qui le grèvent le suivent.
L’article 2284 du code civil dispose que « quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». L’article 2286 du même code ajoute que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence ».
Cela veut dire que les biens d’une personne servent de garantie, de « butin » aux différents créanciers qu’elle va rencontrer dans le cadre de son activité commerciale. De sorte que, si cette personne n’arrive pas à exécuter ses obligations, elle s’expose automatiquement à ce que ses créanciers saisissent ses biens et les fassent vendre afin de se désintéresser, se rembourser sur le prix de vente. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle un créancier est plus enclin à accorder sa confiance, de faire crédit, à une personne ayant un patrimoine conséquent.$
L’entrepreneur doit donc juridiquement se protéger.
Pour ce faire, il existe plusieurs techniques permettant de protéger certains biens du patrimoine de l’entrepreneur en les rendant insaisissables par ses créanciers professionnels :
Le régime du patrimoine professionnel ad hoc
L’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale
La déclaration notariée d’insaisissabilité des autres biens
La création d’une personne morale autonome disposant d’un patrimoine propre
Dans cet article nous allons nous consacrer à une de ces techniques : le régime du patrimoine professionnel ad hoc.
Contexte – L’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée) qui offrait aux entrepreneurs une séparation des patrimoines professionnels et personnels en créant un patrimoine ad hoc dédié à l’activité professionnelle n’a connu qu’un succès d’estime et le législateur a décidé de le mettre en sommeil pour lui préférer une séparation automatique des deux patrimoines grâce à une loi du 14 février 2022 entrée en vigueur le 15 mai 2022. Il n’est donc plus possible aujourd’hui de créer une EIRL, ni même de la transmettre aux héritiers car le décès de l’entrepreneur emporte la fin automatique de celle-ci.
Textes fondateur – L’article l. 526-22 du code de commerce dispose que « par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil (…) l’entrepreneur individuel n’est tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation (…) ».
L’entrepreneur individuel – L’entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes. Cette activité peut être commerciale, artisanale, libérale (réglementée ou non) ou agricole. Selon le nouvel article R. 526-27 du code de commerce, l’entrepreneur individuel doit utiliser une dénomination incorporant son nom ou un nom d’usage ainsi que les mots « entrepreneur individuel » ou les initiales « EI ».
Le patrimoine de l’entrepreneur individuel – À compter du 15 mai 2022, l’entrepreneur individuel est automatiquement titulaire de deux patrimoines distincts :
Un patrimoine professionnel : les biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes. Ce patrimoine ne peut être scindé. Seuls les créanciers professionnels bénéficient d’un droit de gage sur l’actif de ce patrimoine. La loi consacre ainsi un ensemble de biens, ceux utiles à l’activité de l’entreprise, auxquels sont corrélés les dettes nées de l’exploitation de cet ensemble.
Un patrimoine personnel : constitué des éléments du patrimoine non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel. Seuls les créanciers personnels bénéficient d’un droit de gage sur l’actif de ce patrimoine.
Les dettes concernées – La loi étant entrée en vigueur le 15 mai 2022, la séparation de plein droit des patrimoines de l’entrepreneur ne s’appliquera qu’aux créances nées postérieurement à cette date. Dès lors, les créanciers dont la créance est née avant cette date ne subiront pas cette division du patrimoine si bien que leur droit de gage continuera de concerner indistinctement l’ensemble des biens du débiteur.
Personnes concernées – L’article susvisé offre cette protection aux personnes physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante (c’est-à-dire au RCS pour un commerçant, Répertoire des Métiers pour un artisan, Registre spécial des Agents commerciaux…). Si l’entrepreneur n’est pas tenu à immatriculation sur un registre, la protection prend effet à compter du premier acte qu’il exerce en qualité d’entrepreneur individuel, cette qualité devant apparaître sur les documents et les correspondances à usage professionnel afin que les tiers soient avisés de la scission patrimoniale.
Les biens professionnels concernés – Le patrimoine professionnel de l’entrepreneur est constitué de biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à l’activité ou à la pluralité d’activités professionnelles indépendantes. Les biens utiles à l’activité sont ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité. Par exemple, le fonds de commerce, la marchandise, le matériel et l’outillage, les biens immeubles servant à l’activité y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur utilisée pour un usage professionnel, les fichiers clients, les brevets, les marques, les noms commerciaux, les sommes en numéraire conservées sur le lieu d’activité ainsi que les sommes inscrites sur les comptes bancaires dédiés à l’activité professionnelle…
Conséquence de la protection – L’entrepreneur n’est tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel. Autrement dit, les créanciers professionnels ne peuvent saisir que le patrimoine professionnel et n’ont aucune main mise sur le patrimoine personnel quand bien même celui-ci serait conséquent et permettrait de les désintéresser entièrement. En ce sens, le créancier peut engager sa responsabilité sur le fondement de l’article L. 526-22 al 7 du code de commerce s’il effectue une saisie abusive notamment s’il procède à une mesure d’exécution forcée ou conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général.
La charge de la preuve sur la destination du bien – La charge de la preuve de l’appartenance d’un bien à tel ou tel patrimoine pèse sur le débiteur, soit l’entrepreneur.
Renonciation à la distinction des patrimoines – La cloison entre les deux patrimoines n’est pas parfaitement étanche. En effet, l’entrepreneur peut toujours renoncer à cette distinction et c’est très souvent le cas en pratique car les créanciers sont très réticents à collaborer si le patrimoine accessible de ce dernier est limité. Il peut, sur demande écrite d’un créancier, renoncer à la distinction des patrimoines personnel et professionnel pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable. Cette renonciation a un formalisme très strict. Elle doit, à peine de nullité, respecter les conditions des articles D. 526-28 et suivant du code de commerce. En outre, elle doit bien identifier l’engagement concerné ainsi que le créancier professionnel bénéficiaire de la mesure.
Accorder des sûretés réelles sur des biens d’un patrimoine au bénéfice de l’autre – L’entrepreneur a le droit d’accorder des sûretés réelles sur des biens de l’un de ses patrimoines au profit d’un créancier de l’autre patrimoine. Toutefois, il ne peut pas se porter caution d’une dette dont il est le débiteur principal sur l’un de ses patrimoines. Cette solution est logique dans la mesure où le cautionnement est le contrat par lequel la caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur. Le cautionnement nécessite donc nécessairement une opération triangulaire, soit avec trois personnes distinctes.
En cas de cessation d’activité ou de décès de l’entrepreneur – Dans ces cas, les patrimoines personnel et professionnel sont à nouveau réunis et ne forment plus qu’un. Les créanciers de l’entrepreneur décédé ou ayant cessé son activité professionnelle peuvent de nouveau saisir l’ensemble des biens qui constituent le patrimoine ne formant plus qu’un.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé dans son arrêt du 17 novembre 2021 que la cessation d’activité de l’entrepreneur n’a pas pour effet de mettre fin aux effets de la déclaration notariée d’insaisissabilité.
Faits de l’arrêt – En l’espèce, un entrepreneur individuel avait déclaré insaisissables ses droits sur une maison d’habitation lui appartenant ainsi qu’à son épouse commune en biens. Ce dernier déclare quelques années plus tard la cessation de son activité professionnelle suite à une liquidation judiciaire. Un liquidateur judiciaire est désigné par le tribunal. Celui-ci s’est vu opposer la déclaration notariée d’insaisissabilité dans le cadre de sa mission de réalisation des actifs. Il assigne donc l’entrepreneur en inopposabilité de la déclaration notariée d’insaisissabilité.
Procédure – Le liquidateur reproche aux juges d’avoir déclaré valide la déclaration notariée d’insaisissabilité alors que selon lui elle ne peut pas produire d’effets dans la mesure où l’article 526-1 du code de commerce est d’interprétation stricte et qu’il ne prévoit une protection par le biais de cette déclaration que des personnes physiques immatriculées à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante. Le liquidateur estime donc que la perte de la qualité d’exploitant professionnel de l’entrepreneur du fait de sa radiation à une date antérieure à l’ouverture de la liquidation judiciaire a nécessairement eu pour conséquence d’entraîner la cessation des effets de la déclaration notariée d’insaisissabilité.
Réponse de la cour d’appel – La Cour d’appel estime que lorsqu’une procédure collective a été régulièrement ouverte au bénéfice de l’exploitant, fut il radié du registre professionnel la déclaration d’insaisissabilité du bien litigieux est opposable au liquidateur judiciaire en dépit du fait que le débiteur a radié son activité quelques mois avant le dépôt de bilan motif pris que l’article susvisé vise à protéger certains biens de l’exploitant dans le cadre de son activité professionnelle à l’égard de ses créanciers professionnels.
Question – La déclaration notariée d’insaisissabilité offrant à l’entrepreneur une protection à l’encontre de ses créanciers professionnels subsiste-elle lorsqu’il décide de cesser son activité professionnelle et de se radier du RCS ?
Réponse de la Cour de cassation – Les Hauts magistrats de la Cour de cassation répondent par la positive et suivent le raisonnement juridique de la Cour d’appel et indiquent que selon l’article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 6 août 2015, applicable en la cause, la déclaration notariée d’insaisissabilité que peut faire publier la personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l’occasion de l’activité professionnelle du déclarant. Il en résulte que les effets de cette déclaration subsistent aussi longtemps que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints, sauf renonciation du déclarant lui-même, de sorte que la cessation de son activité professionnelle ne met pas fin, par elle-même, aux effets de la déclaration.
[L’avis du Cabinet]
La cessation d’activité de l’entrepreneur n’a pas pour effet de mettre fin aux effets de la déclaration notariée d’insaisissabilité. En effet, la cessation d’activité de l’entrepreneur et sa radiation du RCS ne lui fait pas perdre le bénéfice de la déclaration d’insaisissabilité en cas d’ouverture consécutive d’une procédure collective.
Cette solution parait logique dans la mesure où les créances professionnelles dont il est question sont nées après la déclaration, mais avant la cessation d’activité. Elles sont donc « couvertes » par la déclaration notariée d’insaisissabilité.
Transmission d’entreprise et fiscalité : La cession de l’usufruit de droits sociaux n’est pas soumise au droit d’enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux
[Résumé]
Dans une décision du 30 novembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel dans une société aux titres démembrés, l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé mais qu’il dispose toutefois de certaines prérogatives, dont celle de provoquer une délibération des associés si cette délibération est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales. Elle a précisé que, dès lors, la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux. En conséquence, au niveau fiscal, la Cour indique que la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise au droit d’enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux.
(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 30 novembre 2022, 20-18.884, Publié au bulletin)
[Rappel des faits et de la procédure]
En l’espèce, les associés d’une société immobilière ont cédé l’usufruit temporaire des parts qu’ils détenaient et se sont acquittés du droit fixe de 125 euros.
L’administration fiscale sanctionne les contribuables car selon elle la cession de l’usufruit des parts de la société immobilière devait être soumise au droit d’enregistrement proportionnel de 5 %.
La cour d’appel de Basse-Terre dans un arrêt du 27 janvier 2020 confirme la décision de l’administration fiscale.
Ainsi, la question qui s’est posée devant les Hauts magistrats de la Cour de cassation était celle de savoir si la cession de l’usufruit de droits sociaux peut être qualifiée de cession de droits sociaux et dès lors être soumise au droit d’enregistrement proportionnel de 5 % ?
La Cour de cassation répond par la négative et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel en rappelant que l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance. A ce titre elle décide sur le fondement des articles 726 du Code général des impôts et 578 du code civil que la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise au droit d’enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux.
[L’avis du Cabinet]
Pour rappel, selon l’article 726, I, 2° du code général des impôts, les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière sont soumises à un taux d’imposition de 5 % alors que les actes innomés, c’est-à-dire les actes qui ne sont pas exonérés, ni tarifés par le code général des impôts et qui ne peuvent donner lieu à une imposition proportionnelle ou progressive, sont soumis à une imposition fixe de 125 € selon l’article 680 du code général des impôts.
Dans un arrêt du 16 février 2022, la 3e chambre civile de la Cour de cassation avait rappelé le principe selon lequel, dans une société aux titres démembrés, l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé mais qu’il dispose toutefois de certaines prérogatives, dont celle de provoquer une délibération des associés si cette délibération est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales (n° 20-15.164).
Sur le fondement des articles 726 du Code général des impôts et 578 du code civil, la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 novembre 2022, publié au bulletin, est venue préciser que la qualité d’associé n’appartient qu’au nu-propriétaire. Cette décision s’inscrit en toute logique avec l’arrêt rendu le 16 février 2022 et vient la confirmer.
Dès lors, l’usufruitier de parts sociales n’ayant pas la qualité d’associé, la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux.
En conséquence, au niveau fiscal, la Cour précise que la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise au droit d’enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux.
Fusion : aspects juridiques, opérationnels et fiscaux
1. Introduction rapide
Définition de la fusion et de la scission
Une fusion est une opération par laquelle une ou plusieurs sociétés transfèrent l’ensemble de leur patrimoine (actif et passif) à une autre société. Une scission est une opération qui consiste pour une société préexistante à transmettre son patrimoine à plusieurs sociétés existantes ou à plusieurs sociétés nouvelles.
Régime juridique des fusions et des scissions
La fusion et la scission sont deux modalités de transmission du patrimoine prévues à l’article 1844-4 du code civil en ces termes : « une société, même en liquidation, peut être absorbée par une autre société ou participer à la constitution d’une société nouvelle, par voie de fusion. Elle peut aussi transmettre son patrimoine par voie de scission à des sociétés existantes ou à des sociétés nouvelles. Ces opérations peuvent intervenir entre des sociétés de forme différente. Elles sont décidées, par chacune des sociétés intéressées, dans les conditions requises pour la modification de ses statuts. »
En outre, ces deux opérations sont régies par les articles L. 236-1 et suivants du code de commerce (dispositions communes aux diverses sociétés commerciales – chapitre VI « de la fusion et de la scission »). Ce chapitre est divisé en 4 sections dont la première est consacrée aux dispositions générales (articles L. 236-1 et suivants), la secondes aux sociétés anonymes (articles L. 236-8 et suivants), la troisième aux sociétés à responsabilités limitées (articles L. 236-23 et suivants) et la dernière aux fusions transfrontalières (L. 236-25 et suivants).
Les différents modes de fusion
(1) La fusion-absorption concerne l’opération par laquelle une ou plusieurs sociétés (les sociétés absorbée), transmettent à une autre (la société absorbante), la totalité de leur patrimoine. L’opération consiste en une augmentation de capital par apport en nature pour la société absorbante et en une dissolution sans liquidation, pour la société absorbée, dont les associés vont devenir, grâce à l’émission de nouvelles parts sociales, associés de la société absorbante.
(2) La fusion par constitution d’une société nouvelle concerne l’opération par laquelle au moins deux sociétés (sociétés A et A’) fusionnent pour créer une nouvelle société (société B). Les apports sont rémunérés par les parts émises par la nouvelle société qui devra par ailleurs être constituée en respectant les règles imposées pour la constitution de la structure juridique choisie.
Les effets juridiques de la fusion-absorption sur les sociétés parties au traité de fusion
(1) Dissolution sans liquidation de la société absorbée : la fusion entraîne automatiquement la dissolution de la société absorbée. Celle-ci s’accompagne simultanément de la transmission de son patrimoine à la société absorbante. Cette conséquence est automatique.
(2) Transmission universelle du patrimoine (TUP) de l’entreprise absorbée : la totalité du patrimoine (actif et passif) de l’entreprise absorbée est transférée. Cette transmission de patrimoine se traduit par une augmentation du capital de la société absorbante. Cette augmentation de capital est due à l’apport en nature des éléments d’actifs de l’entreprise absorbée. Les règles relatives aux apports en nature doivent donc s’appliquer. La nomination d’un commissaire à la fusion peut alors s’avérer nécessaire.
(3) L’échange de droits sociaux : les associés acquièrent automatiquement la qualité d’associé de l’entreprise absorbante, dans les conditions fixées par le traité de fusion.
(4) La soulte : en plus de cet échange de droits sociaux, le traité de fusion peut prévoir le versement en espèce d’une somme d’argent appelée « soulte » au profit des associés de la société absorbée. Le montant de cette soulte ne peut dépasser 10 % de la valeur nominale des parts ou des actions attribuées.
(Nb) Quid de la responsabilité pénale : jusqu’à très récemment, les opérations de fusion étaient particulièrement critiquées sur le terrain de la responsabilité pénale en ce que la société absorbante pouvait ne pas être tenue responsable pénalement pour des faits commis par la société absorbée avant l’opération de fusion. En effet, lorsque la société absorbée était inquiétée sur le plan pénal pour des faits qu’elle avait commis avant la fusion, il lui suffisait d’être absorbée par une société tierce, sinon sa société mère, pour que sa responsabilité pénale ne puisse plus être recherchée. Or, depuis un arrêt attendu et rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 25 novembre 2020 (n° 18-86.955), la société absorbante peut désormais, sous certaines conditions, être condamnée pénalement pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion.
Les effets juridiques de la fusion-absorption sur les associés
La fusion ne peut s’entendre que comme un échange de droits sociaux pour les associés de la société absorbée. Cela signifie que ces derniers deviennent inévitablement associés de la société absorbante ou nouvelle, suivant l’opération envisagée.
En effet, la société absorbée étant dissoute, ses dirigeants perdent automatiquement leurs fonctions. La fusion entraîne ainsi l’acquisition, par les associés, des sociétés qui disparaissent, de la qualité d’associé des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat (Code de commerce, art. L. 236-3, I).
Les associés de la société apporteuse reçoivent des parts ou des actions de la société bénéficiaire et, éventuellement, une soulte en espèce dont le montant ne peut dépasser 10 % de la valeur nominale des parts ou des actions attribuées, ou, à défaut, du pair comptable de ces titres (Code de commerce, art. L. 236-1, al. 4 ; Code général des impôts, art. 210-0 A).
2. Aspects juridiques et opérationnels de l’opération de fusion
2.1. La phase préparatoire (l’audit)
Audit : définition et objectifs
La réalisation d’un audit est vivement conseillée pour préparer une opération de fusion. Idéalement, l’audit porte sur les aspects sociaux, juridiques, comptables et fiscaux de la fusion.
La réalisation d’un audit juridique a pour objectif d’effectuer un certain nombre de vérification indispensable à la sécurité de l’opération. Idéalement, il s’agit également de vérifier l’opportunité économique de cette opération pour les deux parties.
Sans avoir la prétention d’être exhaustif, voici quelques-uns des points de contrôle importants :
Vérification de la procédure et des délais :
Il convient de dresser un audit complet sur les obligations règlementaires, légales et statutaires. L’objectif est de connaitre en détail la procédure à mener et les délais à respecter pour assurer la sécurité juridique de l’opération. Cette étape permet d’établir le rétroplanning des opérations.
Vérification des contrats en cours :
Il convient de dresser un audit complet sur les contrats en cours. Pour chaque contrat écrit, il convient de vérifier si une clause prévoit une procédure particulière à suivre en cas de fusion. Lorsque le contrat ne prévoit aucune clause, il convient d’examiner, au cas par cas, si le contrat présente par nature un caractère intuitu personae. Le cas échéant, il convient d’obtenir l’accord du cocontractant.
L’audit est donc primordial et permet, en ce sens, de sécuriser les transactions grâce à une vérification préalable de chaque contrat essentiel à l’activité de la société absorbée afin de repérer si de telles clauses ne figurent pas et éviter ainsi de réduire à néant l’intérêt économique de la restructuration.
Vérification du risque contentieux et pénal
Il convient de dresser un audit complet sur le risque contentieux et pénal. En effet, la fusion opère transmission universelle du patrimoine de sorte que la société absorbante hérite du risque contentieux et pénal de la société absorbée. Cet audit permet donc de réaliser les provisions nécessaires et de réajuster la valeur de la société absorbée.
Plus précisément, la vérification porte sur les marchés clients, sur le RH et globalement sur toutes les opérations non prescrites.
2.2. La phase précontractuelle (les négociations)
La formalisation de la phase précontractuelle est vivement conseillée. Le contrat de pourparlers permet d’encadrer la phase des négociations, leur durée et les conditions de leurs ruptures. A ce propos, il est possible de prévoir contractuellement les mesures coercitives ou les sanctions en cas de faute ou de rupture abusive des négociations.
Rappelons que l’opération de fusion est une modalité de transmission d’entreprise. Dans ces conditions, les négociations ont pour but de trouver un accord sur la valeur de la société absorbée. En effet, les sociétés participant à l’opération de fusion doivent faire l’objet d’une évaluation, afin de déterminer la parité d’échange des droits sociaux.
Détermination de la valeur de la société absorbée : il appartient à la société qui va être absorbée de dresser un inventaire exhaustif de son passif et de son actif. Ensuite, il appartient au candidat repreneur d’identifier si le projet de fusion reste intéressant et bénéfique.
A ce stade, l’audit préalable aura permis aux parties d’identifier clairement tous les éléments de l’actif et du passif de la future société absorbée.
Détermination de parité d’échange : il appartient aux parties de déterminer la parité d’échange des droits sociaux. En effet, la fusion ne peut s’entendre que comme un échange de droits sociaux pour les associés de la société absorbée. Cela signifie que ces derniers deviennent inévitablement associés de la société absorbante ou nouvelle, suivant l’opération envisagée. En effet, la société absorbée étant dissoute, ses dirigeants perdent automatiquement leurs fonctions. La fusion entraîne ainsi l’acquisition, par les associés, des sociétés qui disparaissent, de la qualité d’associé des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat (article L. 236-3, I du code de commerce). Les associés de la société apporteuse reçoivent, dès lors, des parts ou des actions de la société bénéficiaire et, éventuellement, une soulte en espèce dont le montant ne peut dépasser 10 % de la valeur nominale des parts ou des actions attribuées, ou, à défaut, du pair comptable de ces titres (article L. 236-1, al. 4 du Code de commerce et 210-0 A du code général des impôts).
2.3. La phase contractuelle (la fusion)
2.3.1. La préparation de l’opération de fusion
Avant toute opération de fusion, les sociétés participant à l’opération doivent faire l’objet d’une évaluation, afin de déterminer la parité d’échange des droits sociaux. Une prime de fusion peut être prévue.
En ce sens, toutes ces sociétés participantes établissent un projet de fusion déposé au greffe du tribunal de commerce du siège desdites sociétés, comprenant des mentions obligatoires[1] qui sont :
1° La forme, la dénomination et le siège social de toutes les sociétés participantes ;
2° Les motifs, buts et conditions de la fusion ou de la scission ;
3° La désignation et l’évaluation de l’actif et du passif dont la transmission aux sociétés absorbantes ou nouvelles est prévue ;
4° Les modalités de remise des parts ou actions et la date à partir de laquelle ces parts ou actions donnent droit aux bénéfices, ainsi que toute modalité particulière relative à ce droit, et la date à partir de laquelle les opérations de la société absorbée ou scindée seront, du point de vue comptable, considérées comme accomplies par la ou les sociétés bénéficiaires des apports ;
5° Les dates auxquelles ont été arrêtés les comptes des sociétés intéressées utilisés pour établir les conditions de l’opération ;
6° Le rapport d’échange des droits sociaux et, le cas échéant, le montant de la soulte ;
7° Le montant prévu de la prime de fusion ou de scission ;
8° Les droits accordés aux associés ayant des droits spéciaux et aux porteurs de titres autres que des actions ainsi que, le cas échéant, tous avantages particuliers.
Ce projet de fusion fait l’objet d’un avis inséré, par chacune des sociétés participant à l’opération au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales[2] et contient les indications suivantes :
1° La raison sociale ou la dénomination sociale suivie, le cas échéant, de son sigle, la forme, l’adresse du siège, le montant du capital et les mentions prévues aux 1° et 2° de l’article R. 123-237 pour chacune des sociétés participant à l’opération ;
2° La raison sociale ou la dénomination sociale suivie, le cas échéant, de son sigle, la forme, l’adresse du siège et le montant du capital des sociétés nouvelles qui résultent de l’opération ou le montant de l’augmentation du capital des sociétés existantes ;
3° L’évaluation de l’actif et du passif dont la transmission aux sociétés absorbantes ou nouvelles est prévue ;
4° Le rapport d’échange des droits sociaux ;
5° Le montant prévu de la prime de fusion ou de scission ;
6° La date du projet ainsi que les date et lieu des dépôts prescrits par le premier alinéa de l’article L. 236-6.
Le dépôt au greffe et la publicité au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ont lieu trente jours au moins avant la date de la première assemblée générale appelée à statuer sur l’opération.
Si la société qui participe à cette opération de fusion est une société par actions, elle met à la disposition de ses actionnaires, au siège social, trente jours au moins avant la date de l’assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet, les documents suivants[3] :
1° Le projet de fusion ou de scission ;
2° Le cas échéant, les rapports mentionnés aux articles L. 236-9 et L. 236-10 lorsque l’opération est réalisée entre sociétés anonymes ;
3° Les comptes annuels approuvés par les assemblées générales ainsi que les rapports de gestion des trois derniers exercices des sociétés participant à l’opération ; dans ce cas, si l’opération est décidée avant que les comptes annuels du dernier exercice clos aient été approuvés, ou moins de trente jours après leur approbation, sont mis à la disposition des actionnaires les comptes arrêtés et certifiés relatifs à cet exercice et les comptes annuels approuvés des deux exercices précédents ainsi que les rapports de gestion.
4° Un état comptable établi selon les mêmes méthodes et suivant la même présentation que le dernier bilan annuel, arrêté à une date qui, si les derniers comptes annuels se rapportent à un exercice dont la fin est antérieure de plus de six mois à la date du projet de fusion ou de scission, doit être antérieure de moins de trois mois à la date de ce projet ou, le cas échéant, le rapport financier semestriel prévu à l’article L. 451-1-2 du code monétaire et financier, lorsque celui-ci est publié. Dans le cas où le conseil d’administration ne les a pas encore arrêtés, l’état comptable mentionné ici et les comptes annuels approuvés des deux exercices précédents ainsi que les rapports de gestion sont mis à la disposition des actionnaires.
En cas d’apport comprenant des immeubles ou droits immobiliers, les sociétés participantes doivent déposer le projet de fusion au rang des minutes d’un notaire en vue de la réalisation d’une formalité de publicité foncière.
C’est là encore l’intérêt d’avoir réalisé un audit juridique préalable sérieux et d’être accompagné dans cette opération délicate qu’est la fusion. En effet, le rapport d’audit permet d’identifier pour chaque élément d’actif et de passif transmis les formalités à accomplir.
2.3.2. La réalisation de l’opération de fusion : la transmission définitive
Une fois le projet de fusion mis en place, il est ensuite approuvé par l’assemblée générale extraordinaire de chacune des sociétés qui participent à l’opération.
En effet, la fusion requiert une décision collective des associés de chacune des sociétés participantes, dans les conditions requises pour la modification de ses statuts. Toutefois, notons que, si l’opération projetée a pour effet d’augmenter les engagements d’associés de l’une ou de plusieurs sociétés en cause, elle ne peut être décidée qu’à l’unanimité desdits associés.
Ces assemblées générales extraordinaires ont pour objet, dans la société absorbée, de décider de la fusion et de la dissolution sans liquidation et, dans la société absorbante, de la fusion et de la modification corrélative des statuts.
A la suite de cette assemblée générale extraordinaire, les sociétés participantes établissent des procès-verbaux d’AGE.
S’il est relevé un défaut dans l’une des délibérations de l’une des assemblées qui ont décidé l’opération ou un défaut de dépôt de la déclaration de conformité, la nullité de la fusion peut être prononcée (article L. 235-8 du code de commerce). En ce sens, lorsqu’il est possible de porter remède à l’irrégularité susceptible d’entraîner la nullité, le tribunal saisi de l’action en nullité de la fusion accorde aux sociétés intéressées un délai pour régulariser la situation.
La fusion prendra effet en cas de création d’une ou plusieurs sociétés nouvelles, à la date d’immatriculation, au registre du commerce et des sociétés, de la nouvelle société ou de la dernière d’entre elles. Dans les autres cas, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l’opération sauf si le contrat prévoit que l’opération prend effet à une autre date, laquelle ne doit être ni postérieure à la date de clôture de l’exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la ou des sociétés qui transmettent leur patrimoine.
2.4. La phase post-contractuelle (enregistrement – publicité – gestion du séquestre)
Postérieurement à la fusion, les sociétés participantes sont débitrices de nombreuses obligations formelles.
D’abord, elles doivent déposer au greffe deux exemplaires de la déclaration dans laquelle sont répertoriés tous les actes effectués dans le cadre de l’opération et par laquelle elles affirment que l’opération a été réalisée en conformité avec la réglementation ; deux exemples du projet de fusion ; deux exemplaires et copies certifiées conformes par le gérant et enregistrés du procès-verbal de l’AGE de la société absorbée ; deux exemplaires et copies certifiées conformes par le gérant et enregistrés du procès-verbal de l’AGE de la société absorbante ; deux copies certifiées conformes par le gérant des statuts modifiés de la société absorbante.
Ensuite, il leur appartient d’enregistrer l’acte au Service de la publicité foncière et de l’enregistrement compétent. C’est à cette occasion que la société absorbante s’acquitte des droits d’enregistrement et qu’elle déclare la fusion des sociétés au fisc, dans un délai d’un mois à compter de leur date.[4]
Elles doivent assurer la publicité de la fusion et des modifications statutaires pour la société absorbante, ainsi que, la publication d’un avis de dissolution sans liquidation pour la société absorbée, dans un journal d’annonce légale et au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
Enfin, la société absorbante doit effectuer une inscription modificative au Registre du commerce et des sociétés en présentant un Kbis des sociétés participant à la fusion, un exemplaire du journal d’annonce légal portant avis de fusion et modification des statuts. Tandis que la société absorbée doit faire de même, en apportant un Kbis ainsi qu’un exemplaire du journal d’annonce légal portant avis de dissolution sans liquidation.
3. Aspects fiscaux des opérations de fusion
Fiscalement, il coexiste deux régimes, un de droit commun, l’autre, spécial, de faveur.
3.1. Le régime fiscal de droit commun
Le régime de droit commun tire simplement les conséquences de l’ensemble des opérations qui se succèdent dans le cadre d’une fusion : dissolution puis apport.
Ainsi, à l’occasion de la dissolution, les plus-values latentes sont immédiatement imposées, ainsi que les éventuelles provisions qui auraient été inscrites. Pour autant, si la société absorbée détient des déficits reportables, le régime de droit commun peut être particulièrement intéressant en ce que ces derniers pourront être imputées sur les plus-values issues de la fusion, ainsi que les bénéfices en sursis d’imposition. En effet, dans le cas contraire, les déficits seront perdus, puisqu’ils ne pourront être imputés sur le résultat bénéficiaire de la société absorbante en l’absence d’un agrément (quand bien même, depuis le 1er janvier 2020, sous certaines conditions, certaines opérations sont dispensées d’agrément).
3.2. Le régime fiscal de droit spécial
Pour autant, le régime spécial est quasi-systématiquement préféré au régime de droit commun, en ce qu’il permet une neutralité fiscale pour l’opération de fusion.
Plusieurs conditions doivent être impérativement respectées, sans quoi le premier contrôleur fiscal pourra remettre en cause l’ensemble de l’opération et recomposer la base imposable avec l’ensemble des plus-values et autres produits mis en sursis lors de la fusion. Dans tous les cas, il est possible d’interroger l’Administration fiscale, laquelle dispose d’un délai de six mois pour répondre à la possibilité de bénéficier du régime spécial, l’absence de réponse dans ce délai valant accord.
Du côté de la société absorbée, si les conditions sont réunies, les plus-values et autres profits sont exonérés d’impôt sur les sociétés, sous réserve du respect de certaines obligations déclaratives. De plus, les provisions dont l’objet continue d’exister malgré la fusion peuvent être reprises au bilan. Cela signifie que les provisions sans objet sont immédiatement imposables, nonobstant le régime de faveur.
Du côté de la société absorbante, l’exonération d’impôt sur les sociétés n’est acquise qu’à condition de bien respecter ces reprises au bilan. De plus, les sociétés participantes doivent souscrire, au moment de la fusion, un état de suivi des plus-values d’apport ; la société absorbante devant nécessairement y souscrire jusqu’à l’apurement total de l’imposition des plus-values. Par ailleurs, l’absorbante doit se substituer à l’absorbée pour réintégrer les bénéfices en sursis d’imposition.
Enfin, si les apports sont évalués à leur valeur comptable, la société absorbante doit continuer d’amortir les immobilisations amortissables à partir de la même valeur d’origine et selon les mêmes annuités prévues dans le plan d’amortissement initial. Si les biens sont évalués à leur valeur réelle, l’absorbante aura alors la possibilité d’opter pour l’application d’un taux dégressif calculé selon la durée probable d’utilisation, appréciée à la date de la fusion.
Concernant les charges, seules sont déductibles celles qui n’étaient ni connues ni prévisibles pour la société absorbante au moment de l’opération de fusion.
Bail commercial : la notion du droit de préemption du preneur
1. Définition du droit de préemption du locataire
Le locataire d’un local commercial ou artisanal bénéficie d’un droit de préemption.
Autrement dit, si le bailleur décide de vendre ledit local, le locataire est prioritaire pour l’acquisition par rapport aux tiers (article L.145-46-1 du Code de commerce).
Cette disposition est d’ordre public : cela signifie que le contrat de bail commercial ne peut exclure ce droit de préemption du locataire.
2. Mise en œuvre du droit de préemption du locataire
2.1. Obligation pour le bailleur de notifier au locataire son intention de vendre le local
Le bailleur a l’obligation de notifier au locataire son intention de vendre le local par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.
A peine de nullité, cette notification doit impérativement indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée et reproduire les quatre (4) premiers alinéas de l’article L.145-46-1 du Code de commerce.
Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire.
L’absence de cette notification par le bailleur est considérée comme une violation du droit de préemption du locataire.
Focus sur le moment de la notification au locataire :
Afin de respecter le droit de préemption du locataire, cette notification doit intervenir avant la vente du local auprès du tiers acquéreur. En revanche, cette notification peut intervenir postérieurement à la conclusion d’une promesse unilatérale de vente sous la condition suspensive d’absence d’exercice de son droit de préférence par le locataire (Cour de cassation, troisième chambre civile, 23-09-2021, n°20-17.799).
2.2. La réponse du locataire à la notification du bailleur
Le locataire dispose d’un délai d’un (1) mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer :
– Si le locataire décline l’offre : le bailleur peut procéder à la vente du local auprès d’un tiers,
– Si le locataire ne répond pas à l’offre dans le délai d’un (1) mois : l’offre devient caduque et le bailleur peut procéder à la vente du local auprès d’un tiers,
– Si le locataire accepte l’offre : le locataire dispose d’un délai de deux (2) mois pour conclure la vente avec le bailleur. S’il compte recourir à un prêt, il doit il doit l’indiquer au Bailleur, le délai de réalisation de la vente est alors porté à quatre (4) mois. Si, à l’expiration de ce délai de quatre (4) mois, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est sans effet.
2.3. Lorsque le bailleur décide de vendre son local à un tiers à des conditions plus avantageuses que celles notifiées au locataire
S’il apparait que finalement, le bailleur décide de vendre le local à des conditions ou à un prix plus avantageux à un tiers acquéreur, le bailleur ou le notaire doit notifier au locataire, ces conditions et ce prix à peine de nullité de la vente.
Cette notification doit respecter les formes et conditions visées au 2.1 du présent article.
Cette notification vaut également offre de vente au profit du locataire qui doit répondre dans le délai d’un (1) mois.
Le 2.2 du présent article s’applique à cette notification.
3. Sanction en cas de non-respect du droit de préemption du Locataire
Le non-respect du droit de préemption du Locataire est la nullité de la vente effectuée en violation de ce droit (Cour de cassation, troisième chambre civile, 14-11-2012, n°11-22.433).
Cette action en nullité doit être introduite par le locataire dans un délai de deux (2) ans à compter de la notification de la cession au tiers acquéreur devant le Tribunal Judiciaire du lieu de situation de l’immeuble.
4. Exception au droit de préemption
Néanmoins, il résulte du dernier alinéa de l’article L.145-46-1 du Code de commerce que ce droit de préemption du n’est pas applicable si l’on se trouve dans l’une des hypothèses suivantes :
– cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial,
– de cession unique de locaux commerciaux distincts,
– de cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial,
– cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux,
– cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.
Avant d’engager toute action contentieuse en nullité de la vente du local en violation de son droit de préemption, le locataire doit donc vérifier que la vente du local n’entre pas dans l’une de ces hypothèses.