La SCI à l’IR pour l’investissement immobilier : avantages, fiscalité et stratégies
La Société Civile Immobilière (SCI) est un outil prisé des investisseurs pour structurer et gérer un patrimoine immobilier. La SCI à l’IR pour l’investissement immobilier est une solution idéale pour structurer un patrimoine familial et gérer des biens en location nue. Notamment lorsqu’elle est soumise à l’Impôt sur le Revenu (IR), puisqu’elle offre une fiscalité transparente, adaptée à ceux souhaitant conserver un contrôle direct sur les revenus locatifs et faciliter la transmission. Cet article détaille les spécificités de la SCI à l’IR pour l’investissement immobilier, ses avantages, ses limites, et les situations où elle est particulièrement pertinente.
Pourquoi choisir une SCI à l’IR pour l’investissement immobilier ?
Une SCI est une société dédiée à la gestion et à l’acquisition de biens immobiliers, dont l’objet est civil, et non commercial. Lorsqu’elle est soumise à l’Impôt sur le Revenu, ses revenus sont directement imposés entre les mains des associés, selon leur quote-part dans le capital. Cette transparence fiscale en fait une structure attrayante pour les familles et les petits investisseurs souhaitant mutualiser la gestion de leur patrimoine immobilier.
La SCI à l’IR est particulièrement adaptée aux investissements en location nue, puisque les revenus locatifs sont imposés dans la catégorie des Revenus Fonciers. En revanche, elle ne convient pas à la location meublée, considérée comme une activité commerciale incompatible avec son objet civil.
Comprendre la fiscalité des revenus locatifs dans une SCI à l’IR
Les revenus générés par une SCI à l’IR sont répartis entre les associés en fonction de leur part dans la société. Chaque associé déclare sa quote-part dans la catégorie des Revenus Fonciers.
Deux régimes fiscaux peuvent s’appliquer :
– Le régime micro-foncier si les revenus totaux de la SCI sont inférieurs à 15 000 € par an. Ce régime offre un abattement forfaitaire de 30 %.
– Le régime réel, obligatoire au-delà de 15 000 € ou sur option, qui permet de déduire les charges réelles, comme les intérêts d’emprunt, les travaux ou les frais de gestion.
Cette fiscalité directe permet aux associés de bénéficier des dispositifs d’allègement fiscal liés aux travaux ou aux dépenses éligibles.
Comprendre la fiscalité des plus-value de cession dans une SCI à l’IR
Les plus-values réalisées par une SCI à l’IR lors de la cession d’un bien immobilier relèvent du régime des plus-values des particuliers. Ce régime est avantageux pour les associés, car il prévoit des abattements pour durée de détention :
– L’impôt sur le revenu (19 %) est exonéré après 22 ans de détention.
– Les prélèvements sociaux (17,2 %) sont exonérés après 30 ans.
Ces règles encouragent les investissements sur le long terme, tout en réduisant progressivement la fiscalité.
Les avantages de la SCI à l’IR pour l’investissement immobilier
Une gestion collective et facilitée du patrimoine
La SCI permet à plusieurs investisseurs, souvent des membres d’une même famille, de gérer collectivement un bien immobilier. Chaque associé détient des parts sociales, ce qui simplifie les prises de décision, tout en offrant une répartition équitable des revenus et des charges.
Une transmission patrimoniale optimisée
La transmission du patrimoine est l’un des principaux atouts de la SCI. Plutôt que de transmettre un bien immobilier indivis, les parts sociales peuvent être réparties entre les héritiers. Cela permet de bénéficier des abattements fiscaux applicables à chaque donation ou succession, tout en évitant les conflits liés à l’indivision.
Les limites de la SCI à l’IR pour l’investissement immobilier
Incompatibilité avec la location meublée
La SCI à l’IR est limitée à la location nue. Toute activité de location meublée, considérée comme commerciale, pourrait entraîner la requalification fiscale de la société et son assujettissement à l’Impôt sur les Sociétés (IS). Cela rend la SCI à l’IR inadaptée pour les investisseurs axés sur la location meublée.
Responsabilité illimitée des associés
Les associés d’une SCI sont responsables des dettes de la société à hauteur de leur participation dans le capital social. Bien que cette responsabilité soit limitée au prorata, elle peut représenter un risque en cas de difficultés financières ou de litige.
Quand choisir une SCI à l’IR pour l’investissement immobilier ?
La SCI à l’IR est idéale pour les investisseurs souhaitant structurer un patrimoine familial en location nue. Elle convient aux projets de long terme, où la transmission et la répartition du patrimoine entre héritiers sont des objectifs prioritaires. De plus, elle est adaptée aux investisseurs qui souhaitent mutualiser les charges et les revenus tout en bénéficiant d’une fiscalité simple et directe.
Conclusion : La SCI à l’IR, une solution efficace pour les projets familiaux
La SCI à l’IR pour l’investissement immobilier est une structure polyvalente qui combine simplicité fiscale, gestion collective et transmission facilitée. Elle s’impose comme une solution de choix pour les familles et les investisseurs cherchant à optimiser leur patrimoine immobilier sur le long terme. Toutefois, pour des projets impliquant de la location meublée ou nécessitant une optimisation fiscale plus poussée, d’autres structures comme la SCI à l’IS ou la SARL peuvent être plus appropriées.
Pour définir la structure la mieux adaptée à vos projets immobiliers, le cabinet DUNAN AVOCATS, expert en fiscalités et droit des sociétés immobilières, vous accompagne à chaque étape, de la création de la SCI à la gestion des cessions et des transmissions.
Investissement immobilier en nom propre : avantages et conseils fiscaux
L’investissement immobilier en nom propre est une solution prise pour sa simplicité administrative et sa gestion directe. Ce mode de détention permet aux investisseurs, débutants ou confirmés, de conserver un contrôle total sur leurs biens tout en simplifiant les démarches liées à l’acquisition et à la gestion locative. Toutefois, cette simplicité implique une imposition directe sur vos revenus locatifs et une responsabilité personnelle en cas de litige.
Pourquoi choisir l’investissement immobilier en nom propre ?
Location nue : revenus fonciers
La fiscalité dépend de la nature de la location, qu’elle soit nue ou meublée. Pour une location nue, les revenus sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers. Si vos recettes annuelles ne dépassent pas 15 000 €, vous relevez du régime micro-foncier, qui offre un abattement forfaitaire de 30 %. En revanche, si vos recettes sont supérieures à ce seuil ou si vous optez pour le régime réel, vous pouvez déduire l’ensemble des charges réelles, comme les intérêts d’emprunt, les travaux ou les frais de gestion.
Location meublée : Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC)
Dans le cadre d’une location meublée, les revenus sont soumis à l’imposition des Bénéfices Industriels et Commerciaux (BIC). Si vos recettes locatives brutes sont inférieures à 72 600 €, vous bénéficiez d’un abattement forfaitaire de 50 % au régime micro-BIC. Au-delà de ce seuil ou si vous optez pour le régime réel, vous pouvez déduire vos charges et amortir le bien immobilier ainsi que le mobilier, ce qui peut réduire significativement l’assiette imposable.
Comprendre la fiscalité des plus-value de cession en nom propre
Régime des plus-values des particuliers
La revente d’un bien détenu en nom propre est soumise au régime des plus-values des particuliers. Ce régime offre des abattements progressifs en fonction de la durée de détention. Ainsi, l’impôt sur le revenu, fixé à 19 %, est totalement exonéré après 22 ans, tandis que les prélèvements sociaux de 17,2 % sont exonérés après 30 ans. Ce dispositif encourage les investisseurs à conserver leurs biens sur le long terme.
Exonération pour résidence principale
De plus, si le bien constitue votre résidence principale, vous bénéficiez d’une exonération totale de la plus-value, quelle que soit la durée de détention.
Inconvénients d’un investissement immobilier en nom propre
Responsabilité personnelle
Investir en nom propre comporte toutefois des inconvénients. En premier lieu, le propriétaire engage l’ensemble de son patrimoine personnel. En cas de litige ou de dettes locatives, les créanciers peuvent se retourner directement contre ses biens personnels. Cette responsabilité illimitée peut être un frein pour certains investisseurs.
Transmission patrimoniale radicale
Par ailleurs, la transmission d’un bien détenu en nom propre peut s’avérer radicale contrairement à une société (SCI, SARL, SAS) où il est possible de céder progressivement des parts sociales. Ainsi, la répartition d’un bien immobilier entre plusieurs héritiers engendre souvent des difficultés et des droits de succession élevés. Le démembrement peut être une solution à envisager.
Fiscalité peu optimisée pour les contribuables fortement imposés
Enfin, la fiscalité des revenus locatifs est directement liée au taux marginal d’imposition du propriétaire, ce qui peut rendre l’investissement moins rentable pour les foyers soumis à une tranche d’imposition élevée.
Alternatives à l’investissement immobilier en nom propre
Si la simplicité du nom propre convient à de nombreux investisseurs, d’autres structures offrent des avantages en matière d’optimisation fiscale et de transmission. La SCI permet une gestion collective et simplifie la transmission aux héritiers. La SARL de Famille, quant à elle, est adaptée à la location meublée tout en facilitant la répartition patrimoniale. Enfin, les sociétés à l’Impôt sur les Sociétés (IS) sont intéressantes pour des projets impliquant des amortissements ou une détention à court terme.
Conclusion : Quand l’investissement immobilier en nom propre est-il pertinent ?
Pour des projets simples et à petite échelle
Investir en nom propre dans l’immobilier locatif reste une solution pratique et accessible, idéale pour sa résidence principale ou pour démarrer dans l’investissement immobilier. Ce mode de détention est particulièrement adapté aux projets simples et aux investisseurs débutants, ou encore à ceux ayant des revenus locatifs limités.
Faites vous accompagner pour optimiser votre projet
Cependant, pour des projets plus complexes ou pour optimiser votre fiscalité, il peut être judicieux d’envisager une structure juridique adaptée. Le cabinet DUNAN AVOCATS, expert en fiscalité immobilière, vous accompagne pour définir la structure la plus appropriée à vos objectifs patrimoniaux, tout en anticipant les éventuelles transmissions.
Comment reprendre les actes conclus par une société en cours de formation ?
1 La société non immatriculée est dépourvue de la personnalité morale
L’article 1842, du code civil dispose que « les sociétés autres que les sociétés en participation […] jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. Jusqu’à l’immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations. ».
L’article L.210-6 al 1 du code de commerce précise que « les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation. »
Il résulte de cet article que la société non immatriculée n’a pas la personnalité juridique. Dès lors, ses prétendus représentants ne peuvent pas agir en son nom.
Les actes conclus en son nom alors qu’elle n’a pas la personnalité morale sont imputables à ses prétendus représentants qui s’engagent à titre personnel
A ce titre, l’article 1843 al 1 du code civil précise que « les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant l’immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. »
En effet, la société non immatriculée n’étant pas juridiquement apte à agir avec les tiers, les actes conclus par elle alors qu’elle n’a pas la personnalité morale seront imputables aux personnes qui ont agi en son nom qui s’engagent personnellement.
Les actes conclus peuvent être repris par la société régulièrement immatriculée
Toutefois, les actes conclus lorsque la société est en cours de formation peuvent être repris par elle après l’immatriculation.
A ce titre, l’article 1843 al 2 du code civil dispose que « la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l’origine contractés par celle-ci. »
L’article L.210-6 al 2 du code de commerce précise que « Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société. »
Pour que la société puisse reprendre les actes conclus lorsqu’elle était en cours de formation, il faut respecter un formalisme précis :
La société doit être immatriculée
L’acte doit être conclu pour le compte de la société en formation
L’acte doit être repris par une modalité légale (art. L.210-6 et suivants du code de commerce ; art. 6, décret 3 juill. 1978)
Par les statuts
Par un mandat spécial
Par une décision collective
Par une clause de substitution
Dès lors, un acte conclu au nom de la société est nul et un acte conclu au nom personnel du fondateur sans précision de l’existence d’une société en formation ne pourra pas faire l’objet d’une reprise et le fondateur restera lié personnellement.
En conclusion, il faut donc retenir le principe fondamental selon lequel les actes conclus par une société non immatriculée et donc dépourvue de la personnalité morale sont nuls d’une nullité absolue.
Les différentes modalités de la transmission d’une entreprise
1. Introduction rapide
Il existe plusieurs raisons qui gouvernent la décision de transmettre son entreprise. Par exemple, une entreprise peut être vendue à une holding familiale afin d’anticiper une succession par la technique du démembrement des titres sociaux. Elle peut également être vendue à un tiers dans le cadre d’un départ à la retraite, dans le cadre d’une reconversion professionnelle voire dans le cadre d’une liquidation judiciaire. Aussi, à chaque situation, le chef d’entreprise devra choisir entre des modalités de cession très distinctes. Doit-il vendre à titre gratuit ou à titre onéreux ? Doit-il vendre le fonds de commerce ou les titres sociaux ? Doit-il procéder par voie de fusion ou de scission ?
Chacune de ces modalités réponds à un objectif déterminé. Aussi, chacune de ces modalités revêt son lot d’avantages et d’inconvénients.
Afin d’éclairer au mieux le chef d’entreprise qui envisage de céder son actif professionnel, nous proposons de dresser un inventaire (non exhaustif) des principales modalités de cession d’une entreprise. Bien qu’il soit permis au chef d’entreprise de la transmettre à titre gratuit, notamment dans le cadre d’une opération de donation-partage, nous allons porter notre attention sur la modalité de transmission onéreuse de l’entreprise, c’est-à-dire en contrepartie du paiement d’un prix.
Les opérations de cession les plus courantes portent sur le fonds de commerce : cession du fonds (1) et contrat de location-gérance (2). Ensuite, il y a celle portant sur le contrôle de la société : cession de titres sociaux (3) et d’augmentation de capital (4). Enfin, il y a les opérations plus complexes telles que les apports partiels d’actif (5) voire de fusion et scission (6).
2. La cession d’un fonds de commerce
Définition simple :
La cession d’un fonds de commerce est l’opération par laquelle un commerçant vend tous les éléments d’actif qui permettent d’exploiter l’activité. Ces éléments qui composent le fonds de commerce sont constitués des éléments corporels (matériel d’exploitation) et incorporels (enseigne, clientèle, contrats en cours, licences, …).
Régime juridique :
Il s’agit d’abord d’un contrat de vente soumis aux articles 1583 et suivants du code civil. En outre, puisque l’objet de la vente porte sur un fonds de commerce, cette opération est également soumise aux articles L. 141-2 et suivants du code de commerce.
Spécificité(s) :
L’opération de cession d’un fonds de commerce ne porte que sur des éléments d’actifs. En d’autres termes, les dettes ne font pas partie de l’opération. Cela signifie que les dettes demeurent à la charge du Cédant. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre des négociations, le Cédant doit impérativement prendre en considération le montant de ses dettes pour fixer le prix.
Avantage(s) :
L’avantage est pour le repreneur qui hérite d’une activité exempte de dette. En outre, puisqu’il s’agit d’un contrat de vente, le repreneur est créancier de l’obligation du Cédant à le garantir contre toute évictions et contre les vices cachés qui l’affectent.
Inconvénient(s) :
Dans une opération de vente d’un fonds de commerce, il existe de nombreux obstacles à la vente des éléments d’actifs qui composent le fonds.
D’abord, certains éléments sont inaliénables. C’est le cas par exemple de certaines autorisations administratives (droit d’autorisation du domaine public, type terrasse). En effet, ces autorisations sont parfaitement personnelles et il appartient au repreneur de faire son affaire personnelle de solliciter l’autorisation auprès de l’autorité compétente après avoir acheté le fonds. Cela représente un risque important. Aussi, selon l’important de l’autorisation sur l’exploitation de l’activité, un tel aléa n’est pas permis. Le cas échéant, la technique du rachat des titres sociaux peut être plus approprié pour contourner l’inaliénabilité de l’autorisation.
Ensuite, certains éléments sont cessibles mais sont soumis à un droit de préemption qu’il convient de purger. C’est le cas par exemple du droit au bail. En effet, la cession est soumise au droit de préemption urbain selon la zone géographique dans laquelle le fonds est exploité. Aussi, certains autres contrats peuvent être soumis à un droit de préemption aménagé contractuellement. C’est le cas notamment pour les contrats de franchise. En tout état de cause, dans cette hypothèse, la vente du fonds est nécessairement soumise à la purge préalable du droit de préemption. Là encore, un tel aléa peut s’avérer inopportun et la technique du rachat des titres sociaux peut être plus appropriée selon les cas.
Enfin, certains éléments sont cessibles sous réserve de recueillir l’accord d’un tier. C’est le cas par exemple des contrats intuitu personae (sauf les contrats de travail et le bail commercial). En effet, la cession d’un contrat intuitu personae nécessite d’obtenir l’accord du cocontractant. Là encore, un tel aléa peut s’avérer inopportun et la technique du rachat des titres sociaux peut être plus appropriée selon les cas. Attention toutefois à bien vérifier dans ce cas que le caractère intuitu personae ne porte pas également sur la notion de contrôle. Le cas échéant, l’accord du cocontractant sera indispensable quelle que soit la modalité de cession. En tout état de cause, il est vivement conseillé de recueillir l’accord express du cocontractant, que le contrat soit intuitu personae ou non, afin de décharger le Cédant de ses obligations vis-à-vis de lui (article 1216-1 du code civil).
3. La location-gérance d’un fonds de commerce avec promesse de vente
Définition simple :
La location-gérance est l’opération par laquelle le propriétaire d’un fonds de commerce en confie la gestion à un locataire-gérant, aux risques et périls de celui-ci, moyennant le paiement d’une redevance de location. La promesse d’achat et de vente à l’issue du contrat de location gérance doit faire l’objet d’un acte sous seing privé séparé pour éviter une requalification fiscale de l’opération en cession de fonds de commerce.
Régime juridique :
Il s’agit d’une opération purement commerciale soumise aux articles L. 144-1 et suivants du code de commerce.
Spécificité(s) :
Le locataire-gérant exploite le commerce de façon indépendante, sans être subordonné à un statut de salarié et en supportant les risques. Les dettes du propriétaire du fonds de commerce peuvent être déclarées immédiatement exigibles lors de la conclusion du contrat de location-gérance si l’opération met en péril leur recouvrement. Jusqu’à la publication du contrat de location-gérance, le propriétaire du fonds est solidairement responsable avec le locataire-gérant des dettes contractées par celui-ci à l’occasion de l’exploitation du fonds. Enfin, le propriétaire du fonds est tenu solidairement des dettes du locataire-gérant durant les 6 mois qui suivent la publication de l’acte.
Avantage(s) :
Pour le propriétaire du fonds, cette opération permet de conserver la propriété de son fonds, d’en maintenir l’exploitation et de s’assurer un revenu grâce à la perception des redevances. Pour le locataire-gérant, cette formule lui permet d’avoir sa propre entreprise et d’exploiter une activité qui a déjà fait ses preuves sans avoir à investir dans l’achat parfois onéreux d’un fonds de commerce ni d’avoir à le créer ce qui nécessite des années d’effort. En outre, la durée de la location-gérance permet au locataire-gérance d’apprécier la viabilité de l’entreprise qu’il envisage, le cas échéant, de reprendre.
Inconvénient(s) :
Pour le propriétaire du fonds, le risque principal est la dépréciation du fonds de commerce du fait de la mauvaise gestion du locataire-gérant. En effet, en fin de contrat, le propriétaire du fonds le récupère « en l’état », et notamment en l’état de tous les salariés éventuellement embauchés par le locataire-gérant. Quant au locataire-gérant, il peut contribuer par sa bonne gestion à survaloriser le fonds ce qui sera un obstacle à présenter une offre de rachat en fin de contrat. En somme, dans l’hypothèse où le locataire-gérant envisage de racheter le fonds à l’issue du contrat, il pourrait être tenté de ne pas trop en faire pour ne pas survaloriser le fonds ce qui lui sera préjudiciable au moment de la négociation.
4. La cession de titres sociaux
Définition simple :
L’opération consiste pour l’associé (ou l’actionnaire) à céder à un repreneur tout ou partie des titres (parts sociales ou actions) qu’il détient dans le capital de la société. Lorsque la cession concerne les titres représentant la majorité des droits de vote de la société, on parle de cession de contrôle. En pratique, cette modalité de cession est utilisée lorsque le repreneur souhaite bénéficier de l’ancienneté de la société. En effet, une telle cession n’emporte aucune modification autre que celle de la répartition du capital. Il conviendra de faire attention à certain contrat qui peuvent être conclu intuitu personae et imposant l’accord du cocontractant en cas de modification du contrôle de la société. C’est notamment le cas en matière de contrat de franchise.
Régime juridique :
Il s’agit d’abord d’un contrat de vente soumis aux articles 1583 et suivants du code civil. En outre, puisque l’objet de la vente porte sur des titres sociaux, l’opération est également soumise aux articles 1832 et suivants du code civil. Enfin, selon la forme de la société, l’opération peut être soumise aux dispositions spécifiques du code de commerce (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …).
Spécificité(s) :
La cession de titres porte sur les éléments d’actifs mais également de passif. En d’autres termes, les dettes font partie de l’opération. En pratique, pour maîtriser ce risque, le repreneur doit, d’une part, faire réaliser par ou (ou plusieurs) professionnel(s) un audit complet de la société cible (juridique, social, comptable et fiscal) et, d’autre part, prévoir et négocier une clause de garantie d’actif et de passif.
Avantage(s) :
A la différence d’une opération de cession portant sur le fonds de commerce, celle portant sur les droits sociaux permet d’assurer une continuité dans l’activité. En effet, la société demeure identique sans impact sur les contrats en cours. Attention toutefois à bien vérifier, dans le cadre de l’audit des éléments d’actifs et de passifs, que les contrats intuitu personae ne prévoient pas de procédure particulière en cas de changement de contrôle.
Inconvénient(s) :
Cette modalité de cession est risquée pour le repreneur qui demeure responsable des éventuelles fautes du cédant. Ainsi, si un contentieux portant sur une opération antérieure à la cession se révèle postérieurement, la responsabilité repose toujours sur la société de sorte que le cédant n’est pas inquiété. De même en matière fiscale voire sociale. C’est la raison pour laquelle, en pratique, les conseils négocient des garanties d’actifs et de passifs. Cette garantie sert à délimiter ce que le cédant garantie au repreneur, et à fixer dans quelles mesures et de quelle façon le cédant accepte d’indemniser le repreneur des conséquences éventuelles du passé de l’entreprise. En règle générale ces garanties sont d’une durée de 3 ans (délai de prescription fiscale).
5. L’augmentation de capital
Définition simple :
Il s’agit d’une opération par laquelle une société augmente la valeur de son capital social, soit par augmentation de la valeur nominale des titres, soit par l’émission de titres nouveaux. Il existe deux grandes catégories d’augmentation de capital. (1) Les augmentations de capital sans apports de richesses nouvelles (dites « augmentation de capital sans apports ») sont dénommées par la loi : augmentation de capital par incorporation de bénéfices, par réserves ou prime d’émission. (2) Les augmentations de capital avec apports de richesses nouvelles (dites « augmentation de capital par apports ») sont définies par la loi comme l’affectation, par deux ou plusieurs personnes, à une entreprise commune, de leurs biens ou de leur industrie (art. 1832 al 1er du Code civil). En ce sens, l’apport en société est l’opération synallagmatique, à titre onéreux, par laquelle une personne apporte un bien à une société qui, en contrepartie, émet à son profit des droits sociaux lui conférant la qualité d’associé. Attention, l’apport en société ne peut être assimilée à une vente, la jurisprudence étant claire et non équivoque à ce propos. L’augmentation de capital avec apports s’opère classiquement par apport en nature ou numéraire. L’apport est dit en numéraire dès lors qu’il a pour objet une somme d’argent et en nature lorsqu’il a pour objet des biens autres qu’une somme d’argent, biens corporels ou incorporels.
De nombreuses raisons peuvent conduire à cette opération : rassurer les partenaires, financer un nouveau projet, se conformer à la loi, intégrer un nouvel associé, etc.
Régime juridique :
Puisqu’il s’agit d’une opération portant sur le capital, il convient de s’en remettre aux dispositions légales spécifiques du code de commerce pour les sociétés commerciales (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …). En outre, l’analyse des statuts est indispensable pour maîtriser la procédure à suivre.
Spécificité(s) :
L’apport est un élément essentiel du contrat de société. Elle est définie par la loi comme étant l’affectation, par deux ou plusieurs personnes, à une entreprise commune, de leurs biens ou de leur industrie. L’augmentation de capital par apports en numéraire est sans doute la plus complexe de toutes les opérations d’élévation du capital social alors qu’elle est pourtant l’une des méthodes classiques de constitution et d’accroissement du patrimoine de la personne morale (la société), en ce que l’argent est indispensable aux affaires.
Dès lors, il est important de comprendre de quoi il s’agit et ne pas confondre les termes. En effet, une somme d’argent apportée autrement qu’en pleine propriété ne constitue pas un apport en numéraire mais un apport en nature. Ainsi en est-il de l’apport de la nue-propriété, de l’usufruit (quasi-usufruit) de somme d’argent, ou encore de l’apport en jouissance d’une somme d’argent. L’apport en numéraire se réalise par le paiement (art. 1843-3 al. 5 du Code civil), c’est-à-dire la remise de fonds, et ne peut en ce sens être qu’en pleine propriété car le paiement entraîne extinction de l’obligation (art. 1234 du Code civil).
L’apport en numéraire ne doit pas non plus être confondu avec l’avance en compte courant, qui représente un prêt consenti par un associé à la société. Il y a certes, dans les deux cas remise d’une somme d’argent mais dans l’apport en numéraire, l’associé reçoit en contrepartie des droits sociaux, tandis que dans l’avance en compte courant, l’associé n’est pas acquéreur mais seulement prêteur. L’apport en numéraire n’est pour autant pas assimilé à une vente.
Enfin, ajoutons que, l’apport en numéraire qui aurait pour conséquence d’augmenter le capital (et non pas constituer une société) se manifester aussi bien par émission de nouveaux titres (fréquente en pratique) que par augmentation de la valeur nominale (plus rare en pratique) des parts ou actions préexistantes.
Avantages et Intérêts d’une opération d’augmentation de capital :
De manière générale, les opérations relatives aux titres de capital sont, pour l’essentiel, des opérations intéressant la société dans son ensemble dans la mesure où elles vont avoir une incidence sur le poste capital de cette dernière. C’est la raison pour laquelle, d’ailleurs, elles relèvent toutes d’une décision de la collectivité des associés.
Plus spécifiquement, l’opération d’augmentation du capital par une société répond des finalités diverses. Elle peut être décidée pour accroître les fonds propres de la société, pour réaliser de nouvelles acquisitions (aussi bien en termes d’immobilisation qu’en terme de participation dans d’autres sociétés), pour augmenter sa capacité d’endettement qui dépend justement du ratio fonds propre/dettes (dit « gearing »), pour répondre à ses besoins en fonds de roulement, ou encore, parce qu’elle veut financer à coût réduit, le capital n’étant rémunéré que par les dividendes.
L’exemple de l’augmentation de capital par la technique de la levée de fonds :
S’il s’agit de financer un projet, l’augmentation de capital par la technique de la levée de fonds ou plus généralement appelée capital-investissement permet à la société de jouir d’un apport d’argent sans être lié par un emprunt impliquant une obligation de remboursement. Aujourd’hui, le capital-investissement n’est plus une simple technique de financement, c’est un réel modèle économique et un modèle de gouvernance qui contribue à la relève de l’esprit d’entreprise en France. En effet, il permet de combler un besoin essentiel pour les entreprises qui, en sus de cet apport financier, bénéficient d’un accompagnement de la part des investisseurs qui deviennent dès lors des nouveaux associés de la société et qui peuvent mettre à disposition leur réseau et augmenter les opportunités (puisque très souvent ceux-ci sont eux-mêmes entrepreneurs ou ex-entrepreneurs). Ils disposent d’une bonne vision de l’entrepreneuriat, du fonctionnement des entreprises et d’un carnet d’adresses conséquent. Ce sont de réels partenaires qui apportent à la fois un conseil et un réseau à l’équipe fondatrice. Cela accroit donc de manière considérable les chances de développement de ces entreprises sur du long terme, tant d’un point de vue financier que d’opportunités.
Par ailleurs, si l’augmentation de capital concerne une SARL détenue par un gérant majoritaire, l’augmentation de capital permet une optimisation sociale des dividendes.
En tout état de cause, augmenter son capital permet de rassurer les partenaires économiques d’une entreprise.
Inconvénient(s) :
L’inconvénient est le risque de changement de contrôle voire de dilution des fondateurs. En effet, si l’augmentation de capital s’accompagne de l’entrée au capital de nouveaux associés, les associés fondateurs risquent d’être confrontés à une divergence d’intérêt et de vision pour se ressentir sur les prises de décision stratégique. Le cas échéant, les associés fondateurs sont en perte d’autonomie dans la gestion de l’entreprise. C’est en général sur ce point précis que les négociations s’éternises. Le nouvel actionnaire va vouloir contrôler la société pour maîtriser son investissement tandis que le fondateur considère que l’idée lui appartient et qu’à ce titre il doit maitriser les décisions stratégiques. Afin de trouver une issue favorable à ces négociations, la création d’actions de préférences (uniquement dans les SAS) peut s’avérer efficace.
6. Les opérations spécifiques de fusions, scissions et d’apports partiels d’actif
Définition simple de la fusion :
La fusion est l’opération par laquelle deux sociétés se réunissent pour n’en former qu’une. La fusion peut résulter soit de la création d’une société nouvelle par plusieurs sociétés existantes, soit de l’absorption d’une société par une autre. Le procédé de la « fusion-absorption » a été, et reste encore beaucoup plus utilisé que celui de la fusion par création d’une société nouvelle. Cela tient notamment à ce que les sociétés fusionnantes sont souvent d’importance inégale, de sorte que, la plus « puissante » absorbe les autres. Cela tient aussi aux inconvénients d’ordre juridique résultant de l’absence de personnalité morale des sociétés nouvelles avant leur immatriculation au RCS. En outre, certaines opérations, qui supposent une certaine durée d’existence de la société, deviennent momentanément irréalisables.
Régime juridique de la fusion :
L’opération de fusion est définie à l’article 1844-4 du code civil. En outre, lorsqu’elle porte sur des sociétés commerciales, il convient de s’en remettre aux dispositions spécifiques du code de commerce (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …).
Définition simple de la scission :
Il y a scission lorsque le patrimoine d’une société « scindée » est partagé en plusieurs fractions simultanément transmises à plusieurs sociétés existantes ou nouvelles. Il n’est pas indispensable que les sociétés bénéficiaires soient toutes des sociétés existantes ou toutes des sociétés nouvelles. La scission peut aussi être réalisée par voie de transmission du patrimoine de la société scindée au profit d’une (ou plusieurs) société nouvelle et d’une (ou plusieurs) société existante.
Régime juridique de la scission :
L’opération de scission est définie à l’article 1844-4 du code civil. En outre, lorsqu’elle porte sur des sociétés commerciales, il convient de s’en remettre aux dispositions spécifiques du code de commerce (articles L. 221-1 et suivants pour les SNC, L. 222-1 et suivants pour les SCS, L. 223-1 et suivants pour les SARL, L. 225-1 et suivants pour les SA, L. 226-1 et suivants pour les SCA, L. 227-1 et suivants pour les SAS, …).
Définition simple de l’apport partiel d’actif :
L’apport partiel d’actif est l’opération par laquelle une société fait apport à une autre (nouvelle ou déjà créée) d’une partie de ses éléments d’actif et reçoit, en échange, des titres émis par la société bénéficiaire des apports. L’apport partiel d’actif peut porter sur un ou plusieurs éléments isolés (par exemple, un immeuble ou des titres en portefeuille) ou sur un ensemble de biens (par exemple, les éléments actifs et passifs d’une branche d’activité déterminée). Dans ce second cas, l’opération est comparable à une fusion ou à une scission en ce qui concerne l’actif apporté. L’apport partiel d’actif permet notamment de « filialiser » une ou plusieurs branches d’activité de l’entreprise et de leur donner une existence juridique autonome. Il est aussi un moyen de concentration des entreprises, par exemple en permettant la réunion au sein d’une même société de branches d’activité identiques exercées par des sociétés appartenant à un même groupe, voire par des sociétés concurrentes.
Régime juridique de l’apport partiel d’actif :
Les sociétés participant à l’opération peuvent décider de la soumettre aux dispositions relatives aux opérations de fusion et scission. Le cas échéant, on parle d’apport partiel d’actif soumis au régime des scissions.
Caractéristiques des fusions, scissions et apports partiels d’actifs
* Transmission universelle de patrimoine
Les opérations de fusion et de scission ont pour caractéristique commune la transmission de l’ensemble des éléments d’actif et de passif composant le patrimoine d’une société (société absorbée ou scindée) au profit d’une ou plusieurs autres sociétés qui le recueillent en tout ou en partie (art. L 236-3, I du code de commerce). Il s’ensuit notamment que le passif de la société absorbée ou scindée est pris en charge par les sociétés absorbantes ou nouvelles selon les modalités définies au contrat de fusion ou de scission. Le caractère universel attaché à la transmission du patrimoine de la société absorbée ou scindée entraîne un certain nombre de conséquences en ce qui concerne les effets de la fusion ou de la scission à l’égard des tiers. Sur la transmission universelle des droits, biens et obligations pour la branche d’activité faisant l’objet d’un apport partiel d’actif. En cas de scission, le contrat doit prévoir la répartition du passif de la société scindée entre les sociétés bénéficiaires des apports ; ce partage est, en principe, fonction des éléments d’actif apportés à chacune d’elles. Néanmoins, ces sociétés sont solidairement responsables envers les créanciers de la société scindée (art. L 236-20 et L 236-23, al. 1 du code de commerce).
* Dissolution de la société absorbée ou scindée
Les fusions ou scissions entraînent obligatoirement dissolution de la société absorbée ou scindée (art. L 236-3 du code de commerce). Elles se distinguent en cela de l’apport partiel d’actif. Contrairement aux autres cas de dissolution, il n’y a pas lieu de procéder à la liquidation de la société absorbée ou scindée (art. L 236-3 du code de commerce) ni, par voie de conséquence, de nommer un liquidateur. Toutefois, il est d’usage de faire nommer par l’assemblée générale extraordinaire ou par décision collective des associés de la société absorbée ou scindée un ou plusieurs « mandataires » chargés notamment d’établir tous les actes qui seraient nécessaires, par exemple, pour constater la réalisation de conditions suspensives affectant l’opération, pour accomplir certaines formalités de publicité, etc.
* Échange de droits sociaux des sociétés concernées
Pour qu’il y ait fusion, scission ou apport partiel d’actif, il faut que les associés de la société absorbée, scindée ou apporteuse deviennent associés de la société absorbante ou bénéficiaire des apports et se voient attribuer des actions (ou des parts sociales) de cette société (art. L 236-1, al. 4 du code de commerce sur renvoi, pour les apports partiels d’actif soumis au régime des scissions, de l’art. L 236-6-1 du code de commerce). Autrement dit, il ne peut y avoir fusion, scission ou apport partiel d’actif si l’actif net transmis (après déduction du passif pris en charge par la ou les sociétés bénéficiaires) est rémunéré par des biens autres que des actions ou des parts sociales. Toutefois, par dérogation à cette règle, le versement d’une soulte en espèces ne fait pas perdre à l’opération son caractère de fusion ou de scission à condition que cette soulte ne dépasse pas 10 % de la valeur nominale des droits sociaux attribués (art. L 236-1, al. 4 du code de commerce). La loi visant expressément le versement de la « soulte en espèces », il n’est à notre avis pas possible de payer la soulte par remise de biens en nature tels que des titres détenus en portefeuille.
* Attribution d’actions autodétenues
L’attribution aux associés de la société absorbée d’actions auto-détenues par la société absorbante antérieurement à la décision de fusion ne nous paraît pas interdite. En effet, il est communément admis que la fusion constitue une opération spécifique, fondamentalement distincte d’une augmentation de capital par apport en nature ; cette solution est confirmée par l’article L. 225-128, al. 2 du code de commerce qui précise que les titres de capital sont libérés « soit (…) par apport en nature (…) soit en conséquence d’une fusion ou d’une scission ». Le critère déterminant pour qualifier la fusion est l’échange de titres, et non l’émission d’actions nouvelles à remettre aux associés de l’absorbée. Bien plus, dépassant le concept classique d’apport pour retenir un concept plus économique, les textes réglementant les rachats d’actions par la société émettrice autorisent expressément la société à racheter ses actions en vue de les attribuer en échange d’actifs acquis par elle dans le cadre d’une opération de fusion, de scission ou d’apport (art. L. 225-209-2, al. 3 et art. L 22-10-62, al. 6 du code de commerce issu de l’ord. 2020-1142 du 16-09-2020). Enfin, l’administration fiscale admet que la société bénéficiaire des apports rémunère les associés de la société absorbée (ou scindée) par des actions autodétenues.
Commercial : La déclaration notariée d’insaisissabilité doit être publiée avant l’ouverture d’une procédure collective pour prendre plein effet
Résumé]
La Cour de cassation dans un arrêt du 10 mars 2021 est venue préciser que la déclaration notariée d’insaisissabilité des biens immobiliers n’a d’effet que si elle a été publiée avant l’ouverture d’une procédure collective. En effet, si elle est publiée après le jugement d’ouverture d’une procédure collective, cette déclaration est sans effet car l’ouverture d’une telle procédure emporte la saisie collective des biens du débiteur par ses créanciers.
En l’espèce, dans cet arrêt, un entrepreneur avait bénéficié d’une procédure de sauvegarde par laquelle un administrateur avait été désigné. Quelques mois plus tard, l’entrepreneur avait déposé une déclaration notariée d’insaisissabilité de deux immeubles non affectés à l’exploitation de son activité professionnelle. Une procédure de sauvegarde avait été ouverte et quelque mois plus tard converti en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire. Cette déclaration avait été publiée postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde mais antérieurement aux procédures de redressement et de liquidation.
Un liquidateur judiciaire est désigné par le tribunal. Celui-ci s’est vu opposer la déclaration notariée d’insaisissabilité dans le cadre de sa mission de réalisation des actifs. Il assigne donc l’entrepreneur en inopposabilité de la déclaration notariée d’insaisissabilité.
Une déclaration notariée d’insaisissabilité publiée postérieurement à l’ouverture d’une procédure collective est-elle valide et produit-elle ses effets ?
Les Hauts magistrats de la Cour de cassation répondent par la négative au motif que selon l’article L. 526-1 du code de commerce, lorsqu’une personne physique qui exerce une activité professionnelle indépendante a déclaré insaisissables des droits sur un bien foncier non affecté à son usage professionnel, cette déclaration n’a d’effet que si elle a été publiée antérieurement à l’ouverture de la procédure collective fût-elle une procédure de sauvegarde, qui réunit les créanciers en une collectivité et emporte, dès ce moment , appréhension de l’immeuble dans leur gage commun.
L’avis du Cabinet
En effet, par principe, la déclaration notariée d’insaisissabilité des biens immobiliers est opposable à la procédure collective et singulièrement au liquidateur. Dès lors, le juge commissaire ne peut autoriser, sous peine de commettre un excès de pouvoir le liquidateur à procéder à la vente aux enchères publiques d’un immeuble couvert par une déclaration d’insaisissabilité.
Toutefois, l’administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l’exécution du plan, ou le ministère public peuvent demander la nullité de la déclaration d’insaisissabilité intervenue en période suspecte (c’est-à-dire la période entre la date de cessation des paiements et le jugement d’ouverture de la procédure collective). Il s’agit d’un cas de nullité de droit, ce qui signifie que le tribunal de la procédure déclarera automatiquement la nullité de cette déclaration.
Les mêmes personnes peuvent, de manière facultative, demander au tribunal de déclarer nulle la déclaration intervenue dans les 6 mois avant la date de cessation des paiements.
Par ailleurs, le liquidateur peut toujours contester la régularité de la déclaration s’il est saisi d’une demande tendant à reconstituer le gage commun des créanciers.
Dès lors, la déclaration notariée d’insaisissabilité des biens immobiliers n’a d’effet que si elle a été publiée avant l’ouverture d’une procédure collective. En effet, si elle est publiée après le jugement d’ouverture d’une procédure collective, cette déclaration est sans effet car l’ouverture d’une telle procédure emporte la saisie collective des biens du débiteur par ses créanciers
Ainsi, afin d’optimiser son effectivité, l’entrepreneur doit effectuer cette déclaration le plus tôt possible dans l’exercice de l’activité professionnelle et ne pas attendre que l’entreprise rencontre des difficultés car le risque que la protection conférée par une déclaration s’annule est grand.
Entreprises en difficulté : le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire n’est pas admis à présenter une offre de reprise dans le cadre d’un plan de cession
[Résumé]
Dans une décision du 14 décembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel, les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire ne sont pas admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre, peu important qu’ils aient ou non l’intention d’agir pour leur compte. En outre, un dirigeant de droit d’une société en liquidation judiciaire ne peut pas se porter surenchérisseur par l’intermédiaire d’une autre société qu’il dirige et contrôle dans la vente aux enchères des immeubles de sa première société.
Faits de l’arrêt – En l’espèce, une société (ci-après « la SAS ») est mise en redressement puis liquidation judiciaire. Le juge-commissaire a ordonné la vente aux enchères publiques en deux lots d’un immeuble à usage industriel appartenant à ladite société. Plus tard, le second lot a été adjugé (ci-après « société adjudicataire). La Société Saint-Pourcain (ci-après « la SCI ») a formé une surenchère du dixième. La SAS et la SCI sont dirigé par la même personne physique.
La société adjudicataire conteste cette surenchère et obtient la nullité de cette dernière au motif que la SCI doit être considérée comme une personne interposée au sens de l’article R. 322-39 du Code des procédures civiles d’exécution qui dispose que : « ne peuvent se porter enchérisseurs, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées : le débiteur saisi […] ». La SCI interjette appel de la décision de première instance.
Procédure – La cour d’appel de Reims, dans un arrêt du 12 mai 2020 déboute le requérant de ses demandes aux motifs que la SCI est en l’espèce une personne interposée parce qu’elle permettait à la SAS de se porter surenchérisseur par son intermédiaire. La cour a notamment relevé que les deux sociétés étaient contrôlées et dirigées par la même personne. La SCI se pourvoit donc en cassation.
Question – Ainsi, la question qui s’est posée devant les Hauts magistrats de la Cour de cassation était celle de savoir si le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire est admis à présenter une offre de reprise dans le cadre d’un plan de cession ?
Réponse de la Cour de cassation – La Cour de cassation répond par la négative et rappelle le principe selon lequel « il résulte de l’article L. 642-3, alinéa 1er du code de commerce, rendu applicable à l’adjudication des immeubles d’un débiteur en liquidation judiciaire par l’article L. 642-20 de ce code, que les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire ne sont pas admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre, peu important qu’ils aient ou non l’intention d’agir pour leur compte. »
[L’avis du Cabinet]
Par principe, ni le débiteur, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre (art. L. 642-3 al 1 du code de commerce).Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte. Lorsque l’acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci (art. L. 642-3 al 3 du code de commerce).
Toutefois, le juge-commissaire peut y déroger et autoriser la cession à un dirigeant ou à un parent allié par décision spécialement motivée (art. L. 642-20 du code de commerce et art. L. 642-3 al 2 du code de commerce).
Dans cet arrêt, la Cour de cassation envisage l’interposition de la SCI vis-à-vis du dirigeant de la SAS et non pas de la SAS elle-même.
Il y a interposition dès lors qu’une société masque, de quelque manière que ce soit, la participation des dirigeants de la société en liquidation à l’achat, même s’ils ne sont ni dirigeants, ni associés de cette société (Cass. com. 08 mars 2017 n° 15-22.987).
D’ailleurs et en transposant les textes susvisés, les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire qui ne sont pas admis directement ou par personne interposée à présenter une offre, ne sont pas non plus admis à enchérir ou à surenchérir. Le dirigeant de droit de la SAS ne peut donc se porter surenchérisseur par l’intermédiaire de la SCI qu’il dirige et contrôle également.
Dans cet arrêt la Cour de cassation apporte la précision qu’il importe peu que les dirigeants frappés par l’interdiction d’acquérir aient ou non l’intention d’agir pour leur compte. L’interdiction joue de façon « automatique » quelles que soient les intentions réelles de l’intéressé. Pour rappel, le juge-commissaire peut néanmoins, sur requête du ministère public, déroger à cette interdiction et autoriser la cession à l’une des personnes visées à ce texte à l’exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l’un quelconque de ses patrimoines (art. L. 624-20 du code de commerce).
Sociétés : les associés ne sont pas tenus aux pertes avant la liquidation, sauf clause contraire des statuts
[Résumé]
Dans une décision du 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel « il résulte de l’article 1832, alinéa 3, du code civil que, sauf stipulation contraire des statuts, la contribution des associés aux pertes de la société ne s’exécute qu’à la liquidation de la société, de sorte que le solde débiteur du compte courant d’un associé résultant de l’affectation des pertes de la société ne constitue une créance exigible qu’à la liquidation de la société. »
Faits de l’arrêt – En l’espèce, le capital d’une société civile immobilière (ci-après « la SCI ») est détenu par deux associés à concurrence de 49 % et 51 % chacun. Par une ordonnance, un juge de l’exécution a autorisé la SCI à pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes détenus par l’un des associés dans une banque, en garantie d’une créance correspondant au solde débiteur de son compte courant d’associé. Ce dernier a assigné la SCI en rétractation de cette ordonnance et en mainlevée de la saisie conservatoire.
Procédure – La cour d’appel de Paris dans un arrêt du 24 septembre 2020 accorde la rétractation de cette ordonnance et ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire aux motifs que la créance, cause de la mesure conservatoire litigieuse, était hypothétique et que « l’obligation des associés à répondre des dettes sociales ne s’exerce qu’à l’égard des tiers » et que la contribution des associés « aux pertes de la société s’effectue uniquement à la dissolution de la société et si l’actif ne permet pas de couvrir le passif ».
Mécontent de cette décision, la SCI forme un pourvoi en cassation. Elle estime que la cour d’appel a violé la loi dans la mesure où le solde débiteur d’un compte courant d’associé, lequel s’analyse en un prêt, constitue une créance de la société contre l’associé débiteur, exigible à tout moment. Qu’en statuant de la sorte, la cour d’appel a traité le solde débiteur du compte courant d’associée comme un élément du passif social, lorsqu’il constituait une créance que la SCI détenait contre l’associé.
Question – Ainsi, la question qui s’est posée devant les Hauts magistrats de la Cour de cassation était celle de savoir si la contribution des associés aux pertes de la société peut s’exécuter en dehors de la liquidation de la société ?
Réponse de la Cour de cassation – La Cour de cassation rappelle aux termes de l’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution, que toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. La mesure conservatoire prend la forme d’une saisie conservatoire ou d’une sûreté judiciaire.
Elle ajoute qu’il résulte de l’article 1832, alinéa 3, du code civil que, sauf stipulation contraire des statuts, la contribution des associés aux pertes de la société ne s’exécute qu’à la liquidation de la société, de sorte que le solde débiteur du compte courant d’un associé résultant de l’affectation des pertes de la société ne constitue une créance exigible qu’à la liquidation de la société.
[L’avis du Cabinet]
L’article 1832 al 3 du code de commerce dispose que « les associés [d’une société] s’engagent à contribuer aux pertes ».
En d’autres termes, tout associé doit contribuer aux pertes sociales. Toutefois, le code de commerce ne prévoit pas à quel moment cela soit s’effectuer.
Dans un arrêt du 29 octobre 2003, la Cour de cassation avait déjà considéré qu’en cours de vie, les associés n’étaient tenus de participer aux pertes que si les statuts de la société le prévoient. Dès lors, la société ne peut agir contre ses membres en paiement de ses pertes qu’en cas de dissolution de la société sauf stipulation contraire des statuts (Cass. com., 3 mars 1975 n° 73-13.721 – Cass. com., 29 octobre 2003 n° 00-17.538, à propos d’une SNC).
Ainsi, sauf stipulation contraire des statuts, la contribution anticipée aux pertes est impossible. Elle s’apprécie par principe, lors de la dissolution de la société. En ce sens, les statuts de la société peuvent prévoir que les pertes seront portées sur le compte courant des associés, qui peuvent ainsi présenter un solde débiteur.
Autrement encore, La contribution anticipée aux pertes peut résulter d’une décision des associés, qui doit être prise à l’unanimité de ces derniers car elle entraîne une augmentation de leurs engagements. En ce sens, l’article 1836 du code de commerce dispose que « Les statuts ne peuvent être modifiés, à défaut de clause contraire, que par accord unanime des associés. En aucun cas, les engagements d’un associé ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci ».
Comment protéger son patrimoine lorsqu’on est entrepreneur individuel ?
Le patrimoine est l’ensemble des biens et des obligations d’une personne qui est envisagé comme une universalité de droit, c’est-à-dire comme une masse mouvante dont l’actif et le passif ne peuvent être dissociés.
Dès lors, il en ressort deux grands principes :
Lorsque les dettes deviennent exigibles et qu’elles ne sont pas payées, le créancier est fondé à se payer sur le produit de la vente forcée des biens qui constitue le patrimoine.
Lorsque le patrimoine est transmis, les dettes qui le grèvent le suivent.
L’article 2284 du code civil dispose que « quiconque s’est obligé personnellement, est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». L’article 2286 du même code ajoute que « les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et le prix s’en distribue entre eux par contribution, à moins qu’il n’y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence ».
Cela veut dire que les biens d’une personne servent de garantie, de « butin » aux différents créanciers qu’elle va rencontrer dans le cadre de son activité commerciale. De sorte que, si cette personne n’arrive pas à exécuter ses obligations, elle s’expose automatiquement à ce que ses créanciers saisissent ses biens et les fassent vendre afin de se désintéresser, se rembourser sur le prix de vente. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle un créancier est plus enclin à accorder sa confiance, de faire crédit, à une personne ayant un patrimoine conséquent.$
L’entrepreneur doit donc juridiquement se protéger.
Pour ce faire, il existe plusieurs techniques permettant de protéger certains biens du patrimoine de l’entrepreneur en les rendant insaisissables par ses créanciers professionnels :
Le régime du patrimoine professionnel ad hoc
L’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale
La déclaration notariée d’insaisissabilité des autres biens
La création d’une personne morale autonome disposant d’un patrimoine propre
Dans cet article nous allons nous consacrer à une de ces techniques : le régime du patrimoine professionnel ad hoc.
Contexte – L’EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée) qui offrait aux entrepreneurs une séparation des patrimoines professionnels et personnels en créant un patrimoine ad hoc dédié à l’activité professionnelle n’a connu qu’un succès d’estime et le législateur a décidé de le mettre en sommeil pour lui préférer une séparation automatique des deux patrimoines grâce à une loi du 14 février 2022 entrée en vigueur le 15 mai 2022. Il n’est donc plus possible aujourd’hui de créer une EIRL, ni même de la transmettre aux héritiers car le décès de l’entrepreneur emporte la fin automatique de celle-ci.
Textes fondateur – L’article l. 526-22 du code de commerce dispose que « par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil (…) l’entrepreneur individuel n’est tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation (…) ».
L’entrepreneur individuel – L’entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes. Cette activité peut être commerciale, artisanale, libérale (réglementée ou non) ou agricole. Selon le nouvel article R. 526-27 du code de commerce, l’entrepreneur individuel doit utiliser une dénomination incorporant son nom ou un nom d’usage ainsi que les mots « entrepreneur individuel » ou les initiales « EI ».
Le patrimoine de l’entrepreneur individuel – À compter du 15 mai 2022, l’entrepreneur individuel est automatiquement titulaire de deux patrimoines distincts :
Un patrimoine professionnel : les biens, droits, obligations et sûretés dont l’entrepreneur individuel est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes. Ce patrimoine ne peut être scindé. Seuls les créanciers professionnels bénéficient d’un droit de gage sur l’actif de ce patrimoine. La loi consacre ainsi un ensemble de biens, ceux utiles à l’activité de l’entreprise, auxquels sont corrélés les dettes nées de l’exploitation de cet ensemble.
Un patrimoine personnel : constitué des éléments du patrimoine non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel. Seuls les créanciers personnels bénéficient d’un droit de gage sur l’actif de ce patrimoine.
Les dettes concernées – La loi étant entrée en vigueur le 15 mai 2022, la séparation de plein droit des patrimoines de l’entrepreneur ne s’appliquera qu’aux créances nées postérieurement à cette date. Dès lors, les créanciers dont la créance est née avant cette date ne subiront pas cette division du patrimoine si bien que leur droit de gage continuera de concerner indistinctement l’ensemble des biens du débiteur.
Personnes concernées – L’article susvisé offre cette protection aux personnes physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante (c’est-à-dire au RCS pour un commerçant, Répertoire des Métiers pour un artisan, Registre spécial des Agents commerciaux…). Si l’entrepreneur n’est pas tenu à immatriculation sur un registre, la protection prend effet à compter du premier acte qu’il exerce en qualité d’entrepreneur individuel, cette qualité devant apparaître sur les documents et les correspondances à usage professionnel afin que les tiers soient avisés de la scission patrimoniale.
Les biens professionnels concernés – Le patrimoine professionnel de l’entrepreneur est constitué de biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à l’activité ou à la pluralité d’activités professionnelles indépendantes. Les biens utiles à l’activité sont ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité. Par exemple, le fonds de commerce, la marchandise, le matériel et l’outillage, les biens immeubles servant à l’activité y compris la partie de la résidence principale de l’entrepreneur utilisée pour un usage professionnel, les fichiers clients, les brevets, les marques, les noms commerciaux, les sommes en numéraire conservées sur le lieu d’activité ainsi que les sommes inscrites sur les comptes bancaires dédiés à l’activité professionnelle…
Conséquence de la protection – L’entrepreneur n’est tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel. Autrement dit, les créanciers professionnels ne peuvent saisir que le patrimoine professionnel et n’ont aucune main mise sur le patrimoine personnel quand bien même celui-ci serait conséquent et permettrait de les désintéresser entièrement. En ce sens, le créancier peut engager sa responsabilité sur le fondement de l’article L. 526-22 al 7 du code de commerce s’il effectue une saisie abusive notamment s’il procède à une mesure d’exécution forcée ou conservatoire sur un élément d’actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général.
La charge de la preuve sur la destination du bien – La charge de la preuve de l’appartenance d’un bien à tel ou tel patrimoine pèse sur le débiteur, soit l’entrepreneur.
Renonciation à la distinction des patrimoines – La cloison entre les deux patrimoines n’est pas parfaitement étanche. En effet, l’entrepreneur peut toujours renoncer à cette distinction et c’est très souvent le cas en pratique car les créanciers sont très réticents à collaborer si le patrimoine accessible de ce dernier est limité. Il peut, sur demande écrite d’un créancier, renoncer à la distinction des patrimoines personnel et professionnel pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable. Cette renonciation a un formalisme très strict. Elle doit, à peine de nullité, respecter les conditions des articles D. 526-28 et suivant du code de commerce. En outre, elle doit bien identifier l’engagement concerné ainsi que le créancier professionnel bénéficiaire de la mesure.
Accorder des sûretés réelles sur des biens d’un patrimoine au bénéfice de l’autre – L’entrepreneur a le droit d’accorder des sûretés réelles sur des biens de l’un de ses patrimoines au profit d’un créancier de l’autre patrimoine. Toutefois, il ne peut pas se porter caution d’une dette dont il est le débiteur principal sur l’un de ses patrimoines. Cette solution est logique dans la mesure où le cautionnement est le contrat par lequel la caution s’oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur. Le cautionnement nécessite donc nécessairement une opération triangulaire, soit avec trois personnes distinctes.
En cas de cessation d’activité ou de décès de l’entrepreneur – Dans ces cas, les patrimoines personnel et professionnel sont à nouveau réunis et ne forment plus qu’un. Les créanciers de l’entrepreneur décédé ou ayant cessé son activité professionnelle peuvent de nouveau saisir l’ensemble des biens qui constituent le patrimoine ne formant plus qu’un.
Comment protéger les associés fondateurs face au risque de dilution de leurs droits dans la société ?
La protection des associés fondateurs face au risque de dilution de leurs droits dans la société
L’apport des fonds par des investisseurs donc des tiers à la société a pour effet de diluer les droits des associés fondateurs puisqu’elle entraîne l’intégration de nouvelles personnes au sein de la gestion de la société. Il convient donc de protéger les associés fondateurs et notamment les associés minoritaires. Ainsi, l’intermédiaire d’un avocat dans le déroulement des négociations semble fondamental puisqu’il sera apte à négocier plusieurs moyens permettant la protection des associés fondateurs et plus spécifiquement des associés minoritaires qui risque d’être lésés par la dilution de leurs droits.
(1) La négociation d’une clause anti-dilution dans un pacte extrastatutaire
Définition et rôle : La clause d’anti-dilution (ou de non-dilution) est « la clause par laquelle un actionnaire (ou groupe d’actionnaire) majoritaire s’engage à garantir, contractuellement, ou parfois statutairement, à un actionnaire minoritaire ne détenant pas de minorité de blocage le maintien de son niveau de participation en capital et/ou en droit de vote au sein de la société » (J. Mestre, F. Buy, M. Lamoureux, J-C. Roda, Les principales clauses des contrats d’affaires, 2e ed., LGDJ Lextenso, 2019). Autrement dit, la clause d’anti-dilution est le pacte (garantissant) au bénéficiaire le maintien de sa participation.
Ainsi, cette clause offre une protection aux actionnaires minoritaires et leur permet de garantir le maintien de leur pourcentage de participation dans la société en cas d’augmentation de capital.
Validité de cette clause : Les clauses d’anti-dilution sont valables et leurs effets dépendant du mécanisme d’anti-dilution retenu par les parties. A titre d’exemple, ce sens, la cour d’appel de Paris dans son arrêt du 27 mars 2014 (n°13/06816), Lavarec c/ Sté Communications intégration industries, a jugé que la clause d’anti-dilution d’un pacte d’actionnaires qui octroyait à son bénéficiaire un droit permanent au maintien de sa participation à hauteur de la quotité du capital qu’il détenait lors de son entrée dans le capital de la société, avait été violée par les autres associés qui avaient évincé le bénéficiaire de la clause en réservant à un tiers l’augmentation du capital ayant suivi la réduction à zéro du capital de la société dans le cadre d’un « coup d’accordéon ».
Limites de la clause anti-dilution : L’efficacité de ce mécanisme, que la clause soit statutaire ou autrement contractuelle, peut être limitée ou neutralisée par application de la loi.
D’abord, avec force évidence parce que ces clauses ne sauraient justifier des comportements contrevenant à l’intérêt social, que ce soit pour abus de majorité, abus de minorité, ou encore pour fraude. S’agissant de l’efficacité d’une clause de non-dilution en présence d’un coup d’accordéon, il faut noter que « la question du conflit entre l’intérêt social et le pacte extrastatutaire comprenant une clause d’anti-dilution pourrait toutefois se poser avec acuité lorsque l’investisseur susceptible d’apporter les sommes nécessaires à la survie de la société subordonne son investissement au fait d’être le seul associé à l’issue de l’opération (…) » (V. en ce sens, S. Sylvestre, De l’efficacité d’une clause de non-dilution en présence d’un coup d’accordéon, Rev. Sociétés. 2015), ce qui constitue en l’occurrence une fraude répréhensible.
Ensuite, parce que certaines lois spéciales imposent ou permettent au juge d’imposer la dilution de la participation d’un actionnaire en particulier notamment dans le cadre de procédures collectives. Ainsi, c’est ce qui devrait rendre les clauses anti-dilution inapplicables. Il semble en effet probable, en ce sens, que si le minoritaire entre dans le champ d’application de l’article L. 631-19-2 et L. 653-9 du Code de commerce, le tribunal pourra lui imposer la cession forcée de tout ou partie de ses titres ce qui aura, selon nous, pour effet de rendre inefficace la clause d’anti-dilution stipulée à son profit (V. en ce sens, J.Mestre et D. Velardocchio, n°2573, I. Parachkevova, L’augmentation de capital foxée dans la loi Macron, BJS 1er oct. 2015, n°10, p. 529 et s. ; V. egl. R. Dammann et F-X. Lucas, le nouveau dispositif de dilution ou d’éviction de l’associé qui ne finance pas le plan de redressement de la société, BJS 1er oct. 2015, n°10, p. 521 et s.).
Autres mécanismes possibles à envisager dans un pacte extrastatutaire : De nombreux mécanismes hybrides, mêlant droit des contrats et droit des sociétés, peuvent également être envisages pour protéger le minoritaire et lui permettre de maintenir son niveau de participation. Par d’exemple, on pourrait imaginer que la promesse de cession ne puisse être activée qu’en cas de manquement par le majoritaire à son engagement de maintenir le droit préférentiel de souscription du minoritaire ou plus généralement de mettre le minoritaire en mesure de maintenir sa participation. De même, le minoritaire pourrait obtenir du majoritaire qu’il s’engage à lui céder autant de droits préférentiels de souscription que de besoin pour maintenir son potentiel de souscription et, par voie de conséquence, son niveau de participation. Il pourrait encore être prévu, pour satisfaire aux droits du minoritaire, que la suppression du droit préférentiel de souscription ne soit que partielle et lui réserve donc la possibilité d’exercer son droit, ou encore que l’augmentation de capital réservée soit conditionnée à la réalisation d’une augmentation de capital subséquente au profit du minoritaire, etc.
(2) La mise en valeur et l’application du droit préférentiel de souscription et de la prime d’émission
Définition et utilité du droit préférentiel de souscription
Le droit préférentiel de souscription (DPS) est le droit conféré à un associé de souscrire par priorité (on dit souvent « à titre irréductible ») une augmentation de capital en numéraire de sa société, proportionnellement à sa participation actuelle dans le capital social. Il s’agit d’un mécanisme anti-dilution qui a pour objectif de permettre aux associés déjà en place de maintenir leur pourcentage en participation actuelle dans le capital augmenté et donc par ailleurs, leur pourcentage en droits pécuniaires (quote-part de l’actif net revenant à chaque action et dividendes) et en droit de vote.
Le mécanisme du DPS est expressément réglementé dans les sociétés par actions (articles L. 225 – 132 à L. 225-141 du Code de commerce) et il est d’ordre public, cela sous-entend qu’on ne peut pas y déroger.
En ce sens, le Code de commerce prévoit que : « Les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux augmentations de capital. Les actionnaires ont, proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. Lorsque le droit préférentiel de souscription n’est pas détaché d’actions négociables, il est cessible dans les mêmes conditions que l’action elle-même. Dans le cas contraire, ce droit est négociable pendant une durée égale à celle de l’exercice du droit de souscription par les actionnaires mais qui débute avant l’ouverture de celle-ci et s’achève avant sa clôture. L’information des actionnaires quant aux modalités d’exercice et de négociation de leur droit préférentiel sont précisées par décret en Conseil d’Etat. Les actionnaires peuvent renoncer à titre individuel à leur droit préférentiel. La décision relative à la conversion des actions de préférence emporte renonciation des actionnaires au droit préférentiel de souscription aux actions issues de la conversion. La décision d’émission de valeurs mobilières donnant accès au capital emporte également renonciation des actionnaires à leur droit préférentiel de souscription aux titres de capital auxquels les valeurs mobilières émises donnent droit. »
La loi prévoit expressément que les actions comportent un droit préférentiel de souscription aux augmentations du capital, ce qui sous-entend que c’est la détention d’actions qui ouvre droit à la souscription préférentielle. Toutefois, c’est également en considération de la personne des actionnaires que sont attribués ces droits, puisqu’il est prévu que les actionnaires ont proportionnellement au montant de leurs actions, un droit de préférence à la souscription des actions de numéraire émises pour réaliser une augmentation de capital. Dès lors, l’attribution des droits préférentiels de souscription est proportionnelle à la participation de chaque actionnaire dans le capital avant augmentation.
Exemple pratique : Une société au capital de 1 000 000 d’euros, divisé en 100 000 actions de 10 euros. Celle-ci décide de doubler son capital en émettant 100 000 actions nouvelles de 10 euros (soit après augmentation, capital social = 2 000 000 euros). Chaque actionnaire disposera d’un DPS à raison d’une action nouvelle pour une ancienne, soit 100 000/100 000. Autrement dit, le capital social étant doublé, chaque actionnaire aura le droit, à cette occasion, de doubler le nombre d’actions qu’il détient.
Une société au capital de 400 000 euros, divisé en 10 000 actions de 40 euros. Ladite société décide d’augmenter son capital en émettant 1 000 actions nouvelles de 40 euros (soit après augmentation, capital social = 1 500 000 euros). Ici, chaque actionnaire disposera d’un DPS à raison d’une action nouvelle pour 10 anciennes (soit 10 000/1 000).
Détermination de la valeur du droit préférentiel de souscription.
La valeur théorique ou mathématique du droit préférentiel de souscription est en principe égale à la perte de valeur que subit chaque action préexistante du fait de l’émission des actions nouvelles. Autrement dit :
Valeur du DPS = valeur d’action avant augmentation – valeur d’action après augmentation
N.B :
Valeur d’action avant augmentation = action dite « droit attaché »
Valeur d’action après augmentation = action dite « ex droit »
En ce sens, on constate bien que le but du DPS est de compenser la perte de valeur subie par les actionnaires en place du fait de l’augmentation de capital, qui a pour conséquence la dilution de leur droit, étant donné que :
Valeur d’action après augmentation = valeur d’action avant augmentation – le DPS
Exemple pratique : Une société a un capital social de 1 000 000 euros divisé en 10 000 actions d’une valeur nominale de 100 euros. Par ailleurs, la société fait état de réserves et plus-values latentes d’un montant global de 500 000 euros. La valeur théorique ou mathématique de chaque action serait dans ce cas :
Si elle décide d’augmenter son capital social de 600 000 euros par voie de création de 6 000 actions nouvelles de 100 euros de valeur nominale, la valeur de chaque action après augmentation serait de :
Soit, la valeur mathématique du DPS serait dans ce cas :
150 € – 131,25 € = 18,75 €.
Notons que la formule que nous venons d’énoncer permet d’établie la valeur théorique/mathématique, or en pratique, la détermination du DPS est plus complexe car elle obéit, entre autres, à la loi du marché, c’est-à-dire à l’offre et la demande, au cours de bourse de l’action, qui est au demeurant parfois très éloigné de la valeur en capitaux propres, ou encore aux perspectives d’avenir de la société etc. A titre d’exemple, dans le cas d’une forte spéculation à la hausse, si les actions son cotées pour une valeur très supérieure à leur valeur en capitaux propres, la valeur du DPS sera bien plus élevée que sa valeur mathématique.
Incidence d’une éventuelle prime d’émission avec le DPS. Les actions nouvelles sont fréquemment émises avec une prime d’émission. Une prime d’émission est par définition un complément d’apport, en numéraire ou en nature, égal par titre de capital à la différence entre la valeur d’émission de ce titre et sa valeur nominale. Elle est déterminée par la société émettrice et acceptée par les souscripteurs. Elle a pour objet d’aligner la valeur de la souscription sur la valeur du marché du titre, en tenant compte de l’existence de réserves et/ou de plus-values. Ce mécanisme a des fonctions qui se recoupent pour partie au DPS : éviter la dilution des réserves et plus -values mais qui se complète pour d’autres : le DPS permettant d’éviter la dilution en capital et en droits de vote, tandis que la prime d’émission procure davantage de fonds propres à la société.
Ce mécanisme peut parfaitement être cumulé avec celui du DPS et il est d’ailleurs particulièrement recommandé de le faire étant donné que la loi ne l’interdit pas. En effet, l’intérêt est majeur puisque si le DPS s’avère plus protecteur de l’associé que la prime, ce premier est inefficace à assurer la protection de l’associé qui négligerait aussi bien l’exercice de son DPS que sa négociation. Ainsi, la prime d’émission protège au contraire tous les associés, sans que soient exigées de quelconques actions de leur part.
Attention toute de même avec ce cumul. En effet, il convient de relever que les valeurs des promes d’émission et du DPS sont proportionnellement inverses de sorte que : une forte prime d’émission réduit l’intérêt de la souscription préférentielle, et donc de sa valeur. Tandis que, une faible prime d’émission accroît l’utilité du DPS et donc son montant.
En effet, dans le cas d’un cumul entre prime d’émission et DPS, on constate que le DPS voit sa valeur amputée de celle de la prime d’émission. Entre autres, la prime d’émission emporte réduction corrélative de la valeur du DPS. Ce constat est parfaitement logique puisque la prime d’émission vient atténuer la perte de la valeur des titres liée à l’émission, perte de valeur qui précisément correspond à la valeur théorique du DPS.
Exemple pratique : Si on reprend notre exemple précédent, nous avions déterminé la valeur mathématique du DPS de la société à 18,75 €.
Admettons que soit décidée une prime d’émission par action de 10€. Cette prime viendra réduire la valeur mathématique du DPS en atténuant la perte de valeur des titres préexistants. Dès lors, il convient de recalculer la valeur du DPS.
Dans l’exemple, la société avait un capital social de 1 000 000 € divisé en 10 000 actions d’une valeur nominale de 100€ et faisant état de réserves et plus-values latentes d’un montant global de 500 000 €.
Nous avions établi que la valeur mathématique de chaque action était de 150 €, que l’augmentation de capital social était de 600 000 € par voie de création de 6 000 actions nouvelles de 100 € de valeur nominale. Nous ajoutons la prime d’émission de 10 € par action.
Dès lors, dans ce cas de figure, la valeur de chaque action après augmentation du capital serait de :
En l’absence totale de prime d’émission, la valeur mathématique du DPS était de 18,75 €.
La différence correspond à la valeur totale de la prime d’émission (soit 60 000€) rapportée à l’ensemble des titres après émission (16 000), soit : 60 000/16 000 = 3,75 €.
Autres avantages découlant de l’ajout d’une prime d’émission. La prime d’émission a une raison d’exister : garantir le juste prix. En effet, il ne vient pas à l’esprit de fixer systématiquement le prix de vente d’une action ou d’une part sociale à sa valeur nominale étant donné que la valeur nominale d’un titre de capital (c’est-à-dire montant du capital par titre) n’est presque jamais, sauf coïncidence extraordinaire, égale à sa valeur vénale (prix de cession du titre), cette dernière se rapprochant davantage de la valeur mathématique (montant des capitaux propres par titre). C’est pourquoi, l’ajout de la prime d’émission permet de prendre en considération plusieurs facteurs afin de déterminer le juste prix des actions ou parts sociales.
Outre cette raison, la prime d’émission permet de garantir l’égalité entre les associés anciens et les associés nouveaux. En effet, elle a un effet anti-dilutif et permet de protéger l’associé contre la seule dilution des réserves et des plus-values (contrairement au DPS qui protège plus globalement l’associé contre la dilution de ses droits dans le capital, les droits de vote mais aussi les réserves et les plus-values), c’est-à-dire, contre la perte de valeur de ses droits sociaux liée à l’augmentation de capital, à la manière d’un DPS qui ne serait pas exercé mais vendu (le prix de cession compensant alors cette déperdition de valeur). Ainsi, on peut constater que la prime d’émission a pour but « d’assurer l’égalité entre les anciens et les nouveaux actionnaires à raison des réserves existantes et de la plus-value acquise par l’actif social » (Journ. Sociétés 1915, p.156, C. Houpin – V. Mémento Lefebvre Sociétés commerciales 2010, n°11623).
Par ailleurs, elle a pour effet de constituer un droit d’entrée, car en surenchérissant le coût de la souscription, elle joue le rôle de ticket d’entrée dans la société.
Enfin, l’avantage de prévoir une prime d’émission tient dans le fait que celle-ci permet d’accroitre les fonds propres de la société émettrice. En ce sens, la prime d’émission constitue un supplément d’apports qui se traduit par un supplément de richesses pour la société qui la perçoit et donc par une augmentation de ses capitaux propres.
N.B. La société est libre, au travers de l’assemblée générale de ses actionnaires, de fixer une prime d’émission et de décider de l’affectation de cette prime, c’est-à-dire l’usage qu’elle entend en faire. Il faut préciser qu’aucune méthode de calcul s’impose aux parties car la prime d’émission est déterminée librement par la société d’une part et les souscripteurs d’autre part.
Sociétés : Les actes conclus par une société non immatriculée au RCS sont nuls
[Résumé]
Dans une décision du 19 janvier 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel les actes conclus par une société non immatriculée et donc dépourvue de la personnalité morale sont nuls d’une nullité absolue.
Faits de l’arrêt – En l’espèce, une banque a consenti un prêt destiné à financer la reprise d’un fonds de commerce. L’acte stipule que le prêt est accordé à « l’Eurl Ileva, en cours d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés, représentée par Mme O. ». Ensuite, la banque a consenti un prêt complémentaire à la société Ileva. Mme O. et son époux se sont rendus cautions solidaires du remboursement de chacun de ces prêts. Selon un avenant daté de quelques mois plus tard, signé par les cautions, la société Ileva a consenti à la banque un nantissement sur son fonds de commerce. Cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire et Mme O. en redressement judiciaire, la banque a assigné M. O. en sa qualité de caution en paiement des sommes restant dues au titre de ces deux prêts.
Procédure – M. O est condamné en première instance en sa qualité de caution. Il interjette appel de la décision. La cour d’appel de Metz dans un arrêt du 5 décembre 2019 déboute le requérant de ses demandes. Ce dernier forme alors un pourvoi en cassation aux motifs que : (1) l’acte conclu par une société en cours d’immatriculation est nul de nullité absolue, insusceptible de confirmation ou ratification. Dès lors, la cour d’appel qui avait jugé que l’acte de prêt conclu était valable et avait été repris par la société Ilena, tout en constatant qu’il avait été conclu « par l’Eurl Ilena » en cours d’immatriculation, et non au nom de la société en formation a violé les articles 1842 et 1843 du code civil. (2) l’avenant à un contrat, qui n’en modifie que certains éléments, ne peut faire obstacle à sa nullité absolue. Dès lors, la cour d’appel en se fondant, pour écarter la nullité absolue du contrat de prêt conclu par la société Ilena avant son immatriculation, sur l’existence d’un avenant signé après l’immatriculation, tout en constatant que cet avenant « n’emportait aucune novation au contrat initial dont toutes les conditions non expressément modifiées demeuraient inchangées », de sorte qu’il ne constituait pas un nouveau contrat réalisant une réfection du contrat initial avait violé les mêmes articles.
Question – Ainsi, la question qui s’est posée devant les Hauts magistrats de la Cour de cassation était celle de savoir si les actes conclus non pas au nom et pour le compte d’une société en cours de formation mais par la société elle-même, avant son immatriculation sont valables ?
Réponse de la Cour de cassation – La Cour de cassation répond par la négative et rappelle le principe selon lequel les actes conclus non pas au nom et pour le compte d’une société en cours de formation mais par la société elle-même, avant son immatriculation sont nuls, de nullité absolue pour avoir été conclu par une société dépourvue de personnalité juridique. Elle ajoute sur le cas d’espèce que s’agissant de l’avenant au contrat, celui-ci n’emporte pas novation et n’est pas de nature à couvrir cette nullité absolue.
[L’avis du Cabinet]
La société non immatriculée est dépourvue de la personnalité morale
L’article 1842, du code civil dispose que « les sociétés autres que les sociétés en participation […] jouissent de la personnalité morale à compter de leur immatriculation. Jusqu’à l’immatriculation, les rapports entre les associés sont régis par le contrat de société et par les principes généraux du droit applicable aux contrats et obligations. ».
L’article L.210-6 al 1 du code de commerce précise que « les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. La transformation régulière d’une société n’entraîne pas la création d’une personne morale nouvelle. Il en est de même de la prorogation. »
Il résulte de cet article que la société non immatriculée n’a pas la personnalité juridique. Dès lors, ses prétendus représentants ne peuvent pas agir en son nom.
Les actes conclus en son nom alors qu’elle n’a pas la personnalité morale sont imputables à ses prétendus représentants qui s’engagent à titre personnel
A ce titre, l’article 1843 al 1 du code civil précise que « les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant l’immatriculation sont tenues des obligations nées des actes ainsi accomplis, avec solidarité si la société est commerciale, sans solidarité dans les autres cas. »
En effet, la société non immatriculée n’étant pas juridiquement apte à agir avec les tiers, les actes conclus par elle alors qu’elle n’a pas la personnalité morale seront imputables aux personnes qui ont agi en son nom qui s’engagent personnellement.
Les actes conclus peuvent être repris par la société régulièrement immatriculée
Toutefois, les actes conclus lorsque la société est en cours de formation peuvent être repris par elle après l’immatriculation.
A ce titre, l’article 1843 al 2 du code civil dispose que « la société régulièrement immatriculée peut reprendre les engagements souscrits, qui sont alors réputés avoir été dès l’origine contractés par celle-ci. »
L’article L.210-6 al 2 du code de commerce précise que « Les personnes qui ont agi au nom d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l’origine par la société. »
Pour que la société puisse reprendre les actes conclus lorsqu’elle était en cours de formation, il faut respecter un formalisme précis :
La société doit être immatriculée
L’acte doit être conclu pour le compte de la société en formation
L’acte doit être repris par une modalité légale (art. L.210-6 et suivants du code de commerce ; art. 6, décret 3 juill. 1978)
Par les statuts
Par un mandat spécial
Par une décision collective
Par une clause de substitution
Dès lors, un acte conclu au nom de la société est nul et un acte conclu au nom personnel du fondateur sans précision de l’existence d’une société en formation ne pourra pas faire l’objet d’une reprise et le fondateur restera lié personnellement.
En conclusion, il faut donc retenir le principe fondamental rappelé par la Cour dans cet arrêt selon lequel les actes conclus par une société non immatriculée et donc dépourvue de la personnalité morale sont nuls d’une nullité absolue.