Bail commercial : Manque à son obligation de délivrance le bailleur louant un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire
[Résumé]
La 3e chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 01 juin 2022 dans lequel elle rappelle le principe selon lequel, au sens de l’article 1719 du code civil, le bailleur manque à son obligation de délivrance lorsqu’il loue un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire.
En l’espèce, un bailleur a donné un local édifié sans permis de construire à bail commercial à un locataire. Le locataire a assigné le bailleur en résolution du bail à leurs torts et en réparation de ses préjudices.
La cour d’appel décide de rejeter la demande du locataire qui consiste en la résolution du bail aux torts du bailleur et en réparation de ses préjudices aux motifs que le locataire ne démontre pas que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance. Elle retient que le locataire exploitait le local litigieux conformément à sa destination, qu’un commerce identique était exploité dans les lieux de manière constante depuis 1996, qu’il ne produisait pas de courrier de l’administration lui enjoignant de quitter les lieux et que selon l’expert, l’absence de régularité de la situation administrative du local n’avait pas d’incidence directe sur l’exploitation quotidienne du fonds de commerce.
Le locataire reproche à la cour d’appel de rejeter sa demande de résolution du bail aux torts du bailleur et en réparation de ses préjudices, alors que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée. Il explique que selon lui, la chose louée était affectée d’un défaut de conformité dont il n’était pas démontré qu’il était régularisable, lui causant des troubles d’exploitation consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement de son commerce, ainsi qu’en une limitation drastique de sa capacité à vendre son fonds du fait du risque de perte du local d’exploitation en cas d’injonction administrative de démolir.
Le bailleur manque-t-il à son obligation de délivrance lorsqu’il loue un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire ?
La Cour de cassation répond par la positive à cette question et casse l’arrêt de la cour d’appel au motif que selon l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée. Dès lors, le bailleur manque à son obligation de délivrance lorsqu’il loue un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire
[L’avis du Cabinet]
L’article 1719 du code civil dispose au sujet de l’obligation de délivrance d’un bailleur que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ; 2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; 3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; 4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations. »
Le bailleur est obligé sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière dans le bail commercial de délivrer au locataire la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée. Auquel cas il manquera à son obligation de délivrance.
Le locataire pourra agir contre le bailleur et demander à ce titre : une exécution forcée (obliger le bailleur à délivrer la chose), l’action en exception de l’inexécution (le locataire arrêt de payer jusqu’à ce que le bailleur s’exécute), la résiliation du bail, la demande de dommages intérêts.