Le véhicule de fonction reste à la disposition du salarié jusqu’au terme du contrat, même en cas de dispense de préavis

[Résumé]

Dans une décision du 24-03-2021, la Cour de cassation rappelle qu’à l’occasion de la rupture du contrat de travail, l’employeur qui dispense son salarié d’exécuter son préavis ne lui permets pas de récupérer le véhicule de fonction mise à disposition pour un usage professionnel et personnel.

 

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 24 mars 2021, 19-18.930, Inédit)

 

[Rappel des faits et de la procédure]

 

En l’espèce, M. D est engagé par la société Serac Group en qualité de contrôleur de gestion. Par avenant au contrat de travail du 18 juin 2015, M. D est nommé directeur de la société Nova. Le 18 janvier 2017, l’employeur licencie M. D, le dispense de l’exécution de son préavis, et le prive donc du véhicule de fonction dont il jouissait.

 

C’est dans ces conditions que M. D saisit la juridiction prud’homale pour demander la résiliation judiciaire aux torts de l’employeur de son contrat de travail et être indemnisé au motif de la privation de son véhicule de fonction pendant son préavis. Le conseil des prud’hommes du Mans rejette les demandes formulées par M. D.

 

D interjette appel de la décision et porte l’affaire devant la Cour d’appel d’Angers qui confirme la décision de 1e instance concernant le véhicule de fonction de M. D, qui n’en n’avait plus l’utilité étant donnée la dispense de préavis.

 

D forme un pourvoi en cassation, au visa des articles L. 1234-4 et -5 du Code du travail, aux motifs la dispense par l’employeur de l’exécution du travail pendant le délai-congé ne doit entraîner, jusqu’à l’expiration de ce délai, aucune diminution des salaires et avantages que le salarié aurait reçus s’il avait accompli son travail.

 

Par un arrêt du 21-03-2021, la Chambre sociale de la Cour de cassation censure partiellement l’arrêt d’appel en ces termes : « En statuant ainsi, alors que l’inexécution du préavis, notamment en cas de dispense par l’employeur, n’entraîne aucune diminution de l’avantage en nature constitué par la mise à sa disposition d’un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel, conféré par l’avenant à son contrat de travail, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

 

[L’avis du Cabinet]

 

A notre connaissance, cette décision n’est pas nouvelle (voir par exemple : Cour de Cassation, Chambre sociale, du 8 mars 2000, 99-43.091, Publié au bulletin). Elle permet de rappeler que l’inexécution du préavis n’entraîne aucune diminution de l’avantage en nature constitué par la mise à disposition d’un véhicule de fonction pour un usage professionnel et personnel, attribué par avenant à son contrat de travail.

 

En tout état de cause, il est conseillé à l’employeur qui dispense un salarié de l’exécution de son préavis, de lui laisser son véhicule de fonction à disposition jusqu’à la rupture effective de son contrat de travail. De manière plus générale, l’employeur ne doit pas ôter au salarié dispensé de son préavis ses salaires et avantages, sous peine de lui verser une indemnité relative au salaire ou à l’avantage en nature que le salarié n’a pas perçu (voir par exemple : Cour de Cassation, Chambre sociale, du 4 mars 1998, 95-42.858, Publié au bulletin).

Le quitus donné par l’assemblée des associés ne peut avoir d’effet libératoire au profit du dirigeant pour les fautes commises dans sa gestion

[Résumé]

 

Dans une décision du 27-05-2021, la Cour de cassation décide que le quitus donné par l’assemblée des associés ne peut avoir d’effet libératoire au profit du dirigeant pour des fautes de gestion qu’il a commises

 

(Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 27 mai 2021, 19-16.716, Publié au bulletin)

 

[Rappel des faits et de la procédure]

 

En l’espèce une SCI avait assigné son ancien dirigeant pour des fautes qu’il avait commises à l’occasion de sa gestion.

 

Les juge du fond avaient condamné l’ancien mandataire sociale à réparer les fautes dont il était l’auteur. Le pourvoi dirigé contre l’arrêt d’appel entendait critiquer cette solution. L’ancien dirigeant tentait en effet de s’abriter derrière l’assemblée générale qui l’avait absous de sa faute en pleine connaissance de l’acte reproché et des circonstances l’entourant. Il revenait donc à la Cour de cassation de se prononcer.

 

La Haute juridiction dans une décision du 27-05-2021 rejette le pourvoi et estime que la juridiction d’appel après avoir rappelé « qu’en application de l’article 1843-5, alinéa 3, du code civil, aucune décision de l’assemblée des associés ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l’accomplissement de leur mandat (…) Elle en a exactement déduit, sans être tenue de procéder à une recherche inopérante relative à l’information des associés, que le quitus donné par l’assemblée des associés ne pouvait avoir d’effet libératoire au profit [du dirigeant] pour les fautes commises dans sa gestion ».

 

[L’avis du Cabinet]

 

Pour rappel, l’article 1843-5 alinéa 3 du code civil prévoit qu’ « aucune décision de l’assemblée des associés ne peut avoir pour effet d’éteindre une action en responsabilité contre les gérants pour la faute commise dans l’accomplissement de leur mandat ». Soulignons que ce texte s’applique à toutes les sociétés, quelle qu’en soit la forme.

 

En l’espèce, les Hauts magistrats renforcent l’indisponibilité de l’action sociale. La solution est bienvenue. Elle permet d’éviter qu’un dirigeant majoritaire ne vienne par le biais d’une décision d’assemblée générale se permettre d’échapper à sa responsabilité à l’égard de la société qu’il dirige. La position adoptée par la Haute juridiction est d’autant plus forte qu’elle concerne une décision d’assemblée générale postérieure à la faute stigmatisée. Il est donc exclu que les associés puissent en connaissance de cause ratifier un acte de gestion constituant une faute.

 

Les sociétés en tant que personnes morales indépendantes des membres qui les composent en ressortent protégées. En effet, les dommages intérêts versés au titre de l’action sociale, qu’elle soit exercée ut universi ou ut singuli, le sont au bénéfice de la société. Il est ainsi évité que les associés puissent en disposer à leur gré en assemblée. D’une manière générale, c’est l’intérêt social qui est préservé par le truchement de l’action sociale.