Comment réviser le loyer d’un bail commercial ?

Comment réviser le loyer d’un bail commercial ?

Définition – Le bail commercial est un contrat de louage. Selon l’article 1709 du code civil « le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer ». C’est donc un contrat de location d’immeuble par une personne (le bailleur) met temporairement en jouissance un bien dont il est propriétaire au profit d’une autre personne (le locataire) qui exploite un fonds de commerce ou artisanal dont il est propriétaire, moyennant le versement d’un loyer.

Textes – Les baux commerciaux sont soumis à un régime juridique très particulier fixé aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce.

Principe – Lors de la conclusion du contrat de bail commercial, les parties déterminent librement le montant du loyer. Une fois le loyer fixé, la loi prévoit un régime légal de révision du loyer (article L. 145-15 du code de commerce) très strict. Il existe le régime légal de révision triennale des loyers (1) et le régime conventionnel de révision des loyers (2). 

[1) La révision triennale du loyer d’un bail commercial 

Principe de la révision triennale du loyer d’un bail commercial – S’agissant du régime légal triennal de révision du loyer, chacune des parties peut demander la révision du loyer tous les 3 ans. Le bailleur demandera une révision à la hausse, tandis que le preneur fera valoir une révision à la baisse. Cette révision prend alors effet à compter de la date de la demande de révision.  Ces règles sont rendues impératives par l’article L. 145-15 du code de commerce. Autrement dit, ce sont des dispositions d’ordre public auxquels on ne peut déroger. En ce sens, n’est pas valable la clause prévoyant une révision biennale ou celle prévoyant que le loyer serait fixé lors de la première révision triennale à la valeur locative alors que l’article L. 145-38 du code de commerce instaure un plafonnement. 

Point de départ du délai de trois ans – Il faut que trois années se soient écoulées depuis la première fixation du prix (date d’entrée en jouissance du locataire ou date de départ du bail renouvelé) puis tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable. Si les parties attendent malgré l’écoulement des trois années obligatoires, la demande reste valable, mais la prochaine demande d’augmentation ou de diminution ne pourra advenir que trois ans plus tard. Prenons un exemple, si un bail est conclu en 2020, l’une des parties peut demander une révision en 2023. Si la demande est finalement formulée en 2024, la suivante ne pourra pas avoir lieu avant 2027. 

Procédure de la révision triennale du loyer d’un bail commercial – La demande de révision doit être notifiée par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée avec accusé de réception qui doit, à peine de nullité, mentionner le montant du loyer souhaité. À défaut d’accord des parties, celles-ci devront engager une procédure judiciaire afin d’obtenir une fixation par le juge du loyer révisé. 

Prise d’effet du loyer révisé – La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision. 

Principe de la fixation d’un loyer à la valeur locative – Par principe, le montant du loyer renouvelé doit correspondre à la valeur locative. En effet, l’article L. 145-33 du code de commerce prévoit que « le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après : Les caractéristiques du local considéré ; La destination des lieux ; Les obligations respectives des parties ; Les facteurs locaux de commercialité ; Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ». En aucun cas il n’est tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours. Attention toutefois, le code de commerce ne prévoit aucune méthode de calcul et ne précise aucunement la manière dont ces cinq caractéristiques de la valeur locative doivent être combinés. Les juges du fond ont donc toute la latitude pour fixer la valeur locative en fonction de la méthode qu’ils jugeront opportune. Très souvent, en pratique un expert judiciaire est désigné par lui à cette fin. En réalité, cette fixation du loyer révisé à la valeur locative est devenue par la force des choses plus une exception qu’un principe étant entendu que le montant du loyer révisé est soumis à un plafonnement destiné à freiner la hausse des loyers commerciaux. 

L’exception au principe de la fixation à la valeur locative : le plancher-plafond – La loi prévoit un mécanisme de plafond-plancher qui permet d’encadrer le montant du loyer qui ne pourra excéder l’indice trimestriel des locaux commerciaux. Par exception au principe susvisé, la loi prévoit que l’évolution du loyer, à la hausse comme à la baisse est plafonnée par l’application d’un indice INSEE de référence (ILAL ou ILC). C’est l’article L. 145-38 du code de commerce qui précise ces conditions : par dérogation au principe de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer. 

L’exception à l’exception : le déplafonnement – C’est le même article L. 145-38 du code de commerce qui précise cette exception à l’exception qui finalement permet de revenir au principe de la fixation du loyer à la valeur locative. En effet la loi prévoit un mécanisme de déplafonnement lorsqu’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité a entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative. Lorsque les conditions du déplafonnement sont réunies, le loyer révisé est fixé par le juge à la valeur locative, peu importe son montant, indépendamment du sens de la variation de l’indice et sans être bloqué par le montant initial du loyer. Par contre, celui qui fait valoir ce déplafonnement doit rapporter la preuve de la variation de plus de 10% de la valeur locative mais aussi la preuve de la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité et le lien de causalité entre les deux. S’agissant des facteurs locaux de commercialité, la loi précise leur nature : ces derniers dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire. En effet, le motif de déplafonnement doit nécessairement mettre en exergue une incidence favorable sur l’activité du preneur du fait de ces deux facteurs selon l’équation suivante = une évolution des facteurs locaux de commercialité + une variation de plus de 10% de la valeur locative. Il n’y a donc aucun automatisme à ce déplafonnement. 

Protection du locataire d’une augmentation soudaine du loyer par une augmentation progressive – Afin de protéger le locataire d’une variation à la hausse conséquente et brutale de son loyer, la loi est venue apporter une dernière limite : la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. Autrement dit, l’augmentation du loyer ne peut être soudaine mais doit être progressive, de sorte qu’elle ne pourra jamais dépasser 10% par an jusqu’à ce que la valeur locative soit atteinte. Cela permet donc de lisser dans le temps l’augmentation de loyer. Ajoutons que, cela n’est possible qu’en cas d’augmentation. Ainsi, en cas de baisse du loyer, la valeur locative reste le seul critère. Nous vous mettons en garde sur deux points essentiels : le plafonnement ne peut pas jouer en cas de déspécialisation partielle ou totale du bail commercial d’une part, et d’autre part, la loi permettant cette augmentation progressive étant une loi du 18 juin 2014, elle ne s’applique qu’aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.   

  • 2) La révision conventionnelle d’un bail commercial 

Principe de la révision conventionnelle d’un bail commercial – Selon l’article 1103 du code civil, une fois que les parties se sont accordées sur un prix, celui-ci les lie conformément à la force obligatoire des conventions. Dès lors, sauf accord mutuel des parties, aucune modification du contenu du contrat n’est possible (art. 1193 C. civ.). Comme dit, par exception à ces principes de droit commun, la loi permet en matière de baux commerciaux un mécanisme de révision triennale du montant du loyer, lequel est d’ordre public, c’est-à-dire, qu’on ne peut pas y déroger. Toutefois, en marge de cette révision légale, les parties demeurent libres de stipuler une clause d’indexation, autrement appelée clause d’échelle mobile (a) ou une clause-recette (b).  

(a) La clause d’indexation

La clause d’indexation – La clause d’indexation permet de faire varier le montant du loyer en fonction d’un élément de référence objectif appelé indice. Autrement dit, cette clause permet de prévoir une augmentation à terme fixe (par périodicité de 3 mois, 6 mois, 1an etc) ou encore des seuils déclenchant la révision du loyer. 

Validité de la clause d’indexation – Une telle clause est alors naturellement soumise aux règles de validité du droit commun des contrats. Le régime des clauses d’indexation est encadré par les articles L. 112-1 et suivants du code monétaire et financier. Afin de limiter l’inflation, ces textes interdisent les adaptations automatiques des prix de biens ou de services. Une clause d’indexation peut être stipulée sous réserve que l’indice retenu par les parties soit en relation directe avec l’objet de la convention ou l’activité de l’une d’elle. Le code monétaire et financier indique qu’est réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble bâti, pour des activités commerciales, la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux. 

Le délai de révision – la révision des loyers indexés n’est soumis à aucun délai de révision périodique de trois ans, comme le serait la révision de principe. 

Encadrement – L’article L. 145-39 du code de commerce encadre ces clauses afin qu’elles ne puissent trop s’écarter de la valeur locative. Il précise que si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. Autrement dit, il ne s’agit pas de comparer le nouveau loyer à la dernière variation résultant de l’application de l’indice mais bien à la fixation initiale du loyer par les parties ou à la dernière fixation judiciaire du prix. Par ailleurs, la variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.

La clause d’indexation impose l’aléa pour être valide – En effet, un aléa doit caractériser la clause d’indexation. Cela signifie que le loyer doit pouvoir augmenter ou diminuer. En ce sens, une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation en ne prévoyant qu’une variation du loyer à la hausse sera réputée non écrite. 

(b) La clause recette

Définition – La clause-recette permet de faire dépendre une partie du loyer en fonction des résultats de l’exploitation du commerce du locataire. Elle permet donc de faire varier le prix du selon une partie fixe et partie variable qui est fonction du chiffre d’affaires ou du résultat du preneur. Cette clause est fréquemment utilisée pour les baux de centres commerciaux.

Validité de cette clause – Cette clause est licite de sorte qu’elle permet de déroger au principe de la révision légale triennale qui est pourtant d’ordre public.

Bail commercial : La faculté de résiliation anticipée du bail commercial par le bailleur par l’acquisition de la clause résolutoire en procédure collective

Bail commercial : La faculté de résiliation anticipée du bail commercial par le bailleur par l’acquisition de la clause résolutoire en procédure collective

Résumé :

Rappel d’une jurisprudence constante : La 3e chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 26 mai 2016 avait rappelé le principe selon lequel, au sens de l’article L. 622-21 du code de commerce qui pose le principe de l’interdiction des poursuites, l’action introduite par le bailleur avant la mise en redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d’ouverture ne peut, dès lors qu’elle n’a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement.

(Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 26 mai 2016, 15-12.750, Inédit)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, un bailleur a délivré, au locataire un commandement, visant la clause résolutoire, de payer un arriéré de loyers. Il l’a assigné en constatation de la résiliation du bail, expulsion, paiement des loyers dus et fixation de l’indemnité d’occupation.

La cour d’appel décide de constater la résiliation du bail liant les parties. Elle condamne le locataire et lui ordonne son expulsion et fixe l’indemnité d’occupation due à compter de cette résiliation au motif que le commandement de payer était demeuré sans effet.

L’action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du locataire, en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, peut- elle être poursuivie après ce jugement ?

La Cour de cassation répond par la négative et rappelle le principe selon lequel, il résulte d’articles L. 622-21 du code de commerce que l’action introduite par le bailleur, avant la mise en redressement judiciaire du preneur, en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure ne peut, dès lors qu’elle n’a donné lieu à aucune décision passée en force de chose jugée, être poursuivie après ce jugement. Dès lors, la cour d’appel, qui a constaté qu’une procédure collective était ouverte à l’encontre du locataire et qui était tenue de relever, au besoin d’office, les effets attachés au principe de l’interdiction des poursuites individuelles, a violé la loi.

[L’avis du Cabinet]

Cet arrêt de la Cour de cassation est une jurisprudence de principe confirmé par un arrêt du 13 avril 2022 par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation.

En effet, la Cour a rendu dans cet un arrêt du 13 avril 2022 qu’il résulte de la combinaison des articles L. 145-41 et L. 622-21 du code de commerce que l’action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du preneur, en vue de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement. Il s’agit d’une application du principe de l’interdiction des poursuites. (Cass. Com., 13 avril 2022, n° 21-15.336)

C’est le principe de l’interdiction des poursuites en procédure collective.

Bail commercial en procédure collective : application de la clause d’agrément du cessionnaire par le bailleur lors d’une cession du droit au bail incluse dans celle du fonds de commerce autorisée par le juge-commissaire

Bail commercial en procédure collective : application de la clause d’agrément du cessionnaire par le bailleur lors d’une cession du droit au bail incluse dans celle du fonds de commerce autorisée par le juge-commissaire

Dans une décision du 19 avril 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel en cas de liquidation judiciaire, la cession du droit au bail, seule ou même incluse dans celle du fonds de commerce, autorisée par le juge-commissaire, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d’ouverture, à l’exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire. En conséquence, le bailleur est fondé à se prévaloir de la clause du bail prévoyant l’agrément du cessionnaire par le bailleur.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 19 avril 2023, n°21-20.655, F-B)

[Rappel des faits et de la procédure]

Faits de l’arrêt – En l’espèce, une SCI a consenti un bail commercial à une société. Un jugement a prononcé la résolution du plan de redressement de la société et mis cette dernière en liquidation judiciaire. La SCI a délivré au liquidateur un commandement de payer les loyers postérieurs au jugement d’ouverture, puis demandé, par requête la résiliation du bail.

Le liquidateur a saisi le juge-commissaire afin que soit autorisée la cession de gré à gré du fonds de commerce de la société débitrice, en ce compris le bail commercial, en application de l’article L. 642-19 du code de commerce. Le juge-commissaire a, en dépit de l’opposition de la SCI, autorisé la cession du fonds de commerce de la société débitrice au profit de la société cessionnaire.

Procédure – La cour d’appel de Paris dans un arrêt du 3 juin 2021 déclare irrecevable la demande de résiliation du bail de la SCI et ordonne la cession de gré à gré du fonds de commerce. Pour rejeter la contestation de la SCI, qui s’opposait à la cession du fonds incluant le droit au bail en soutenant qu’il résultait d’un article du bail que la cession était subordonnée à son agrément, les juges du fond retiennent que cette clause ne s’applique qu’en cas de cession du bail et non du fonds de commerce, comme c’est le cas en l’espèce.

Réponse de la Cour de cassation – La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, et les articles L. 145-16, dans sa rédaction antérieure à la loi du 14 mai 2022, L. 641-12 et L. 642-19 du code de commerce :

La Cour de cassation explique qu’il résulte de la combinaison de ces textes qu’en cas de liquidation judiciaire, la cession du droit au bail, seule ou même incluse dans celle du fonds de commerce, autorisée par le juge-commissaire, se fait aux conditions prévues par le contrat à la date du jugement d’ouverture, à l’exception de la clause imposant au cédant des obligations solidaires avec le cessionnaire. En conséquence, le bailleur est fondé à se prévaloir de la clause du bail prévoyant l’agrément du cessionnaire par le bailleur.

[L’avis du Cabinet]

Lorsque le preneur d’un local commercial transmet son contrat de location à une autre personne, il cède son droit au bail. Cette transmission peut aussi avoir lieu en même temps que la cession du fonds de commerce. Le contrat de bail comprend souvent des clauses qui précisent les conditions de la cession dont une clause d’agrément qui oblige le preneur à obtenir l’accord du bailleur avant toute cession. Cette clause permet au bailleur d’accepter ou de refuser le candidat à l’acquisition du bail.

Bail commercial : Le bailleur d’un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n’est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre à son locataire

Bail commercial en procédure collective : application de la clause d’agrément du cessionnaire par le bailleur lors d’une cession du droit au bail incluse dans celle du fonds de commerce autorisée par le juge-commissaire

[Résumé]

La 3e chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 15 décembre 2021 rappel le principe selon lequel le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, sans toutefois être tenu, en l’absence de clause particulière, d’en assurer la bonne commercialité du centre. Le locataire n’est donc pas fondé à lui reprocher une baisse de la fréquentation du centre.

(Cour de cassation, Chambre civile 3, 15 décembre 2021, 20-14.423 20-16.570, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, une SCI (ci-après « le bailleur ») a consenti à une autre société (ci-après « le locataire ») un bail commercial sur un local situé au premier étage d’un centre commercial. Le locataire a assigné le bailleur en résiliation du bail et indemnisation de son préjudice résultant des manquements du ce dernier à son obligation de délivrance et à ses engagements contractuels, en n’assurant pas une commercialité du centre permettant l’exploitation pérenne de son fonds.

La cour d’appel décide qu’à défaut de stipulations particulières du bail, le bailleur n’est pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre commercial et donne tort au locataire à ce titre.

Le locataire reproche à la cour d’appel de prononcer la résiliation du bail à ses torts, de condamner le bailleur à lui verser une somme modique en réparation de la perte de chance qu’il subit, de le condamner au paiement d’un arriéré locatif et de dire que le bailleur pourrait faire application d’une des clauses du bail pour le calcul des intérêts moratoires. Il explique que même en l’absence de stipulation spéciale dans le bail, le bailleur d’un centre commercial est tenu, au titre de l’obligation de délivrance, de mettre en œuvre les diligences raisonnables pour assurer un environnement commercial permettant au preneur d’exercer son activité dans des conditions normales.

Le bailleur d’un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire a-t-il l’obligation d’assurer la bonne commercialité du centre et donc d’indemniser son locataire en cas de baisse de la fréquentation du centre ?

La Cour de cassation répond par la négative et rappelle le principe constant selon lequel le bailleur d’un local situé dans un centre commercial dont il est propriétaire n’est, à défaut de stipulations particulières du bail, pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre. Le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée, sans toutefois être tenu, en l’absence de clause particulière, d’en assurer la commercialité.

[L’avis du Cabinet]

L’article 1719 du code civil dispose au sujet de l’obligation de délivrance d’un bailleur que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ; 2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; 3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; 4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations. »

Il résulte de cet article que le bailleur est tenu de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée.

A ce titre, il peut être sanctionné et le locataire pourra agir contre lui en demandant une exécution forcée du bail (obliger le bailleur à délivrer la chose), l’action en exception de l’inexécution (le locataire arrêt de payer jusqu’à ce que le bailleur s’exécute), la résiliation du bail, la demande de dommages-intérêts.

Toutefois sauf clause particulière, le bailleur n’est pas tenu d’assurer la bonne commercialité du centre.

Dès lors, le locataire ne pourra pas lui reprocher une baisse de la fréquentation du centre.

Bail commercial : Le droit de préférence lors de la cession d’un bail commercial 

Bail commercial : Le droit de préférence lors de la cession d’un bail commercial 

[Résumé]

Dans un arrêt du 23 septembre 2021, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a répondu à deux questions. Sur la première, elle estime que l’offre de vente notifiée au locataire peut mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix. Ceci s’expliquant par le fait que le droit de préférence du locataire est d’ordre public, dès lors, il n’a pas besoin d’un intermédiaire pour en bénéficier. Sur la deuxième question, la Cour précise que le propriétaire, bailleur, peut conclure une promesse unilatérale de vente au bénéficie d’un tiers tant que celle-ci est conditionnée à l’exercice du droit de préférence du preneur.

(Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 23 septembre 2021, 20-17.799, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, un bailleur a donné en location à un locataire un immeuble à usage d’hôtel qu’il a légué à une association (ci-après « la propriétaire ») avant de décéder. La propriétaire a fait signifier au locataire la lettre recommandée valant offre de vente de l’immeuble loué, outre une commission d’agence immobilière, aux frais de l’acquéreur. Par lettre recommandée, le locataire a contesté la régularité l’offre. Un mois plus tard, la propriétaire a consenti à un tiers une promesse unilatérale de vente de l’immeuble au même prix que proposé initialement au locataire. La propriétaire a assigné le locataire aux fins de constatation de la purge du droit de préférence de celui-ci.

  1. Sur la conciliation d’une promesse de vente du bailleur au bénéfice d’un tiers et le droit de préférence du locataire 

Le locataire estime qu’en application de l’alinéa 1er de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente ; qu’il s’ensuit que l’offre de vente est nulle pour avoir été délivrée au preneur après que le bailleur a trouvé un acquéreur, à la suite du mandat donné à l’agent immobilier lui ayant donné deux avis de valeur, concomitamment à la conclusion d’une promesse unilatérale de vente réservant l’exercice du droit de préférence par le preneur, d’une part. D’autre part, il estime que l’existence d’un droit prioritaire d’acquisition au profit du preneur s’oppose à ce qu’il soit purgé au stade de la signature de la promesse unilatérale de vente, peu important qu’elle ne vaille pas vente.

La Cour de cassation contredit le locataire et rejette son pourvoi au motif que la notification de l’offre de vente ayant été adressée préalablement à la vente, le propriétaire avait pu confier à une agence immobilière un mandat de vente, puis faire procéder à des visites du bien et que le fait qu’elle ait conclu une promesse unilatérale de vente, sous la condition suspensive tenant au droit de préférence du preneur, n’invalidait pas l’offre de vente.

  1. Sur la possibilité de mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier sur la notification de vente au locataire bénéficiaire d’un droit de préférence tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix de vente

Le locataire demande la nullité de l’offre de préemption car selon lui en application de l’alinéa 1er de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, qui est une disposition d’ordre public, le bailleur qui envisage de vendre son local commercial doit préalablement notifier au preneur une offre de vente qui ne peut inclure des honoraires de négociation ; qu’il s’ensuit que l’offre de préemption est nulle dès lors qu’elle indique les frais d’agence, serait-ce séparément du prix de l’immeuble.

Les Hauts magistrats de la Cour de cassation ont rejeté le pourvoi du locataire au motif que, si l’offre de vente notifiée au preneur à bail commercial ne peut inclure dans le prix offert des honoraires de négociation d’un agent immobilier, dès lors qu’aucun intermédiaire n’est nécessaire ou utile pour réaliser la vente qui résulte de l’effet de la loi, la seule mention dans la notification de vente, en sus du prix principal, du montant des honoraires de l’agent immobilier, laquelle n’avait introduit aucune confusion dans l’esprit du preneur, qui savait ne pas avoir à en supporter la charge, n’est pas une cause de nullité de l’offre de vente. La Cour a constaté que, sur l’offre de vente notifiée au locataire qui mentionnait le montant des honoraires de l’agence, le prix de vente en principal était clairement identifié. Elle en conclu que le locataire pouvant accepter le prix proposé, hors frais d’agences, l’offre de vente n’était pas nulle.

[L’avis du Cabinet]

Il existe un droit de préférence au profit du locataire en cas de cession par le bailleur de l’immeuble objet du bail commercial. Ce droit est d’ordre public, c’est-à-dire qu’on ne peut pas y déroger.

Il faut donc retenir deux choses de cet arrêt :

Le bailleur peut conclure une promesse unilatérale de vente au bénéficie d’un tiers tant que celle-ci est conditionnée à l’exercice du droit de préférence du preneur.

L’offre de vente notifiée au locataire peut mentionner les honoraires de négociation d’un agent immobilier tant que ceux-ci n’intègrent pas le prix. Ceci s’expliquant par le fait que le droit de préférence du locataire est d’ordre public, dès lors, il n’a pas besoin d’un intermédiaire pour en bénéficier.

Bail commercial : Manque à son obligation de délivrance le bailleur louant un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire

Bail commercial : Manque à son obligation de délivrance le bailleur louant un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire

[Résumé]

La 3e chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt le 01 juin 2022 dans lequel elle rappelle le principe selon lequel, au sens de l’article 1719 du code civil, le bailleur manque à son obligation de délivrance lorsqu’il loue un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire.

(Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 1 juin 2022, 21-11.602, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, un bailleur a donné un local édifié sans permis de construire à bail commercial à un locataire. Le locataire a assigné le bailleur en résolution du bail à leurs torts et en réparation de ses préjudices.

La cour d’appel décide de rejeter la demande du locataire qui consiste en la résolution du bail aux torts du bailleur et en réparation de ses préjudices aux motifs que le locataire ne démontre pas que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance. Elle retient que le locataire exploitait le local litigieux conformément à sa destination, qu’un commerce identique était exploité dans les lieux de manière constante depuis 1996, qu’il ne produisait pas de courrier de l’administration lui enjoignant de quitter les lieux et que selon l’expert, l’absence de régularité de la situation administrative du local n’avait pas d’incidence directe sur l’exploitation quotidienne du fonds de commerce.

Le locataire reproche à la cour d’appel de rejeter sa demande de résolution du bail aux torts du bailleur et en réparation de ses préjudices, alors que le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée. Il explique que selon lui, la chose louée était affectée d’un défaut de conformité dont il n’était pas démontré qu’il était régularisable, lui causant des troubles d’exploitation consistant en des difficultés pour assurer les lieux, de fortes restrictions quant aux capacités de développement de son commerce, ainsi qu’en une limitation drastique de sa capacité à vendre son fonds du fait du risque de perte du local d’exploitation en cas d’injonction administrative de démolir.

Le bailleur manque-t-il à son obligation de délivrance lorsqu’il loue un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire ?

La Cour de cassation répond par la positive à cette question et casse l’arrêt de la cour d’appel au motif que selon l’article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée. Dès lors, le bailleur manque à son obligation de délivrance lorsqu’il loue un local commercial affecté d’un défaut de permis de construire

[L’avis du Cabinet]

L’article 1719 du code civil dispose au sujet de l’obligation de délivrance d’un bailleur que « le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d’habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l’expulsion de l’occupant ; 2° D’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée ; 3° D’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ; 4° D’assurer également la permanence et la qualité des plantations. »

Le bailleur est obligé sans qu’il soit besoin d’une stipulation particulière dans le bail commercial de délivrer au locataire la chose louée et d’entretenir cette chose en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée. Auquel cas il manquera à son obligation de délivrance.

Le locataire pourra agir contre le bailleur et demander à ce titre : une exécution forcée (obliger le bailleur à délivrer la chose), l’action en exception de l’inexécution (le locataire arrêt de payer jusqu’à ce que le bailleur s’exécute), la résiliation du bail, la demande de dommages intérêts.

Bail commercial : Des rénovations et extensions à intervenir postérieurement à la révision du loyer ne peuvent être pris en compte dans le calcul du prix du bail renouvelé

Bail commercial : Des rénovations et extensions à intervenir postérieurement à la révision du loyer ne peuvent être pris en compte dans le calcul du prix du bail renouvelé

[Résumé]

Dans un arrêt du 9 mars 2022, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que les articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce encadrent de manière stricte la procédure de révision du loyer renouvelé d’un bail commercial. Par principe, le loyer est fixé à la valeur locative et les éléments pris en compte pour apprécier cette valeur sont nécessairement ceux qui existent à la date du renouvellement.

(Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 mars 2022, 20-19.188, Inédit)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, un bailleur a donné en location à un locataire un local commercial situé dans la galerie marchande d’un centre commercial. Le locataire a sollicité le renouvellement du bail, que le bailleur a accepté. A défaut d’accord des parties sur le prix, le bailleur a saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé.

Le locataire reproche à la cour d’appel d’avoir fixé le prix du loyer en prenant en compte la création de galeries à intervenir dans un futur proche, soit postérieurement à la date de renouvellement du bail, selon le motif inopérant que la création de galeries était déjà connue à cette date.

Des rénovations et extensions à intervenir postérieurement à la révision du loyer peuvent-ils être pris en compte dans le calcul du prix du bail renouvelé ?

La Cour de cassation donne raison au locataire et précise qu’il résulte de l’article L. 145-33 du code de commerce que ne peuvent être pris en considération, pour le calcul du prix du bail renouvelé, que les éléments existant à la date du renouvellement. Dès lors, en statuant de la sorte, alors que l’extension de la galerie marchande est intervenue postérieurement au renouvellement du bail, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

[L’avis du Cabinet]

Le bail commercial est un contrat de louage. Selon l’article 1709 du code civil « le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer ». C’est donc un contrat de location d’immeuble par une personne (le bailleur) met temporairement en jouissance un bien dont il est propriétaire au profit d’une autre personne (le locataire) qui exploite un fonds de commerce ou artisanal dont il est propriétaire, moyennant le versement d’un loyer.

Les baux commerciaux sont soumis à un régime juridique très particulier fixé aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce. Lors de la conclusion du contrat de bail commercial, les parties déterminent librement le montant du loyer. Une fois le loyer fixé, la loi prévoit un régime légal de révision du loyer (article L. 145-15 du code de commerce) très strict. Il existe le régime légal de révision triennale des loyers et le régime conventionnel de révision des loyers.

Par principe, le montant du loyer renouvelé doit correspondre à la valeur locative. En effet, l’article L. 145-33 du code de commerce prévoit que « le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après : Les caractéristiques du local considéré ; La destination des lieux ; Les obligations respectives des parties ; Les facteurs locaux de commercialité ; Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ».

En aucun cas il n’est tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours.

Attention toutefois, le code de commerce ne prévoit aucune méthode de calcul et ne précise aucunement la manière dont ces cinq caractéristiques de la valeur locative doivent être combinés. Les juges du fond ont donc toute la latitude pour fixer la valeur locative en fonction de la méthode qu’ils jugeront opportune.

Très souvent, en pratique un expert judiciaire est désigné par lui à cette fin. En réalité, cette fixation du loyer révisé à la valeur locative est devenue par la force des choses plus une exception qu’un principe étant entendu que le montant du loyer révisé est soumis à un plafonnement destiné à freiner la hausse des loyers commerciaux.

Dans cet arrêt, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a rappelé que les articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce encadrent de manière stricte la procédure de révision du loyer renouvelé d’un bail commercial. Par principe, le loyer est fixé à la valeur locative et les éléments pris en compte pour apprécier cette valeur sont nécessairement ceux qui existent à la date du renouvellement.

Comment résilier de manière anticipée un bail commercial (locataire) ?

Définition – Le bail commercial est un contrat de louage. Selon l’article 1709 du code civil « le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer ». C’est donc un contrat de location d’immeuble par une personne (le bailleur) met temporairement en jouissance un bien dont il est propriétaire au profit d’une autre personne (le locataire) qui exploite un fonds de commerce ou artisanal dont il est propriétaire, moyennant le versement d’un loyer. 

Textes – Les baux commerciaux sont soumis à un régime juridique très particulier fixé aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce. 

Règles applicables en cours de bail – En cours d’exécution du bail, le statut des baux commerciaux pose des règles relatives aux droits du locataire et à ses obligations. Outre la jouissance du bien loué, le locataire bénéficie de six prérogatives propres au bail commercial. Il a la faculté de résilier le bail de manière anticipée, de modifier la destination des lieux loués, de sous-louer les locaux, de demander le renouvellement du bail, de céder son droit au bail et d’acquérir l’immeuble loué en cas de mise en vente par le bailleur, autrement dit le droit de préférence. 

 

Principe de la résiliation anticipée – La durée minimum du contrat de bail est de 9 ans. Néanmoins, le locataire dispose d’une double faculté de résiliation anticipée : la résiliation triennale (1) et la résiliation à tout moment (2). 

 

  • (1) Sur la faculté de résiliation triennale du locataire d’un bail commercial 

Résiliation par congé sans nécessaire motif – Le code de commerce permet au locataire de donner congé à l’expiration, de chaque période triennale. Le congé s’apparente à un préavise qui doit être donné 6 mois à l’avance par courrier recommandé ou acte extrajudiciaire. Cette faculté de résiliation est discrétionnaire et le locataire n’est pas tenu de préciser les motifs pour lesquels il donne congé. Faute de congé, le bail se poursuit au terme de chaque période triennale aux conditions prévues initialement par lui, sauf possibilité de révision légale du loyer. 

Principe auquel on ne peut déroger – Il est impossible pour les parties de déroger à cette faculté de résiliation triennale en prévoyant une période plus courte ou plus longue, sauf pour les baux conclus pour une durée supérieure à 9 ans, les baux de locaux monovalents, c’est-à-dire construits ou aménagés en vue d’une seule utilisation et les baux de locaux à usage exclusif de bureaux ou de locaux de stockage. 

Auteur du congé triennal – Le congé donné pour une échéance triennale doit être délivré par le locataire. Ce dernier peut être le locataire d’origine, le cessionnaire ou tout ayant droit du locataire mais pas le locataire-gérant du fonds de commerce. Si le bail est consenti à plusieurs locataires, le congé doit être délivré par tous les locataires. Lorsque le locataire est une société, le congé doit être délivré par son représentant légal. 

Destination du congé triennal – A défaut de stipulation contraire dans le bail, le congé doit être délivré au bailleur lui-même ou à son mandataire si celui-ci est muni d’un pouvoir spécial, à charge pour le locataire de vérifier ce pouvoir. En conséquence, la signification du congé à une autre personne équivaut à une absence de congé. 

Sanction des conditions de forme du congé triennal – En cas de non-respect des conditions de forme, le congé est nul. Le bail se poursuit, sauf à convenir d’une rupture amiable. Il en résulte que le locataire reste redevable des loyers dues jusqu’au terme du bail ou, si un congé est par la suite régulièrement délivré, jusqu’à l’expiration de la période triennale suivante. Notons que, le bailleur est totalement en droit de se prévaloir de cette nullité fondée sur l’irrégularité du congé sans se voir reprocher un abus de droit ou une quelconque mauvaise foi. 

 

  • (2) Sur la faculté de résiliation à tout moment du locataire d’un bail commercial 

Principe de la résiliation à tout moment – Cette faculté est également offerte au locataire lorsqu’il demande à bénéficier de ses droits à la retraite ou de ses droits à pension d’invalidité. Il doit alors donner congé six mois à l’avance. Cette faculté est étendue aux ayants droit du preneur décédé.

Comment résilier de manière anticipée un bail commercial (bailleur) ?

Définition – Le bail commercial est un contrat de louage. Selon l’article 1709 du code civil « le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer ». C’est donc un contrat de location d’immeuble par une personne (le bailleur) met temporairement en jouissance un bien dont il est propriétaire au profit d’une autre personne (le locataire) qui exploite un fonds de commerce ou artisanal dont il est propriétaire, moyennant le versement d’un loyer. 

Textes – Les baux commerciaux sont soumis à un régime juridique très particulier fixé aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce. 

Principe de la résiliation anticipée du bail par le bailleur – La durée minimum du contrat de bail est de 9 ans. Néanmoins, le bailleur dispose d’une double faculté de résiliation anticipée : la résiliation triennale (1) et la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail (2). 

 

  • (1) Sur la faculté de résiliation triennale du bail commercial par le bailleur 

Principe de la résiliation triennale du bail par le bailleur – Le bailleur a la faculté de donner congé à l’expiration d’une période triennale pour construire, reconstruire ou surélever l’immeuble existant, réaffecter le local d’habitation accessoire à cet usage, transformer à usage principal d’habitation un immeuble existant par reconstruction, rénovation ou réhabilitation, ou exécuter des travaux prescrits ou autorisés dans le cadre d’une opération de restauration immobilière et en cas de démolition de l’immeuble dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain. 

Résiliation par congé délivré 6 mois à l’avance – Les baux commerciaux ne cessent que par l’effet d’un congé donné six mois à l’avance ou d’une demande de renouvellement. A défaut de congé ou de demande de renouvellement, le bail fait par écrit se prolonge tacitement au-delà du terme fixé par le contrat. Au cours de la tacite prolongation, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Le bail dont la durée est subordonnée à un événement dont la réalisation autorise le bailleur à demander la résiliation ne cesse, au-delà de la durée de neuf ans, que par l’effet d’une notification faite six mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil. Cette notification doit mentionner la réalisation de l’événement prévu au contrat. S’agissant d’un bail comportant plusieurs périodes, si le bailleur dénonce le bail à la fin des neuf premières années ou à l’expiration de l’une des périodes suivantes, le congé doit être donné au moins six mois à l’avance. 

Conditions de forme du congé – Le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. Il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

 

  • (2) Sur la faculté de résiliation anticipée du bailleur par une clause résolutoire insérée dans le bail commercial  

Clause résolutoire – Permet de sanctionner l’inexécution des obligations du preneur par la résolution du bail commercial de plein droit. Par exemple, pour défaut de paiement d’un seul terme de loyer à son échéance, pour usage de l’immeuble contraire à sa destination, pour défaut de notification des changements d’état du locataire…  

Textes – Cette clause est régie par l’article L. 145-41du code de commerce. Ce texte est d’ordre public, autrement dit, on ne peut pas aménager de manière conventionnelle ses dispositions faute de quoi ces aménagements seront réputés non écrites. 

But de la clause – Cette clause résolutoire qui est systématiquement présente dans les baux commerciaux permet d’éviter de soumettre à l’appréciation souveraine des juges la gravité d’un comportement, de sorte que, les parties conviennent à l’avance que tel ou tel type de comportement entraînera la rupture du contrat. Le juge ne pourra pas apprécier la gravité d’un agissement et devra appliquer la clause telle qu’elle est inscrite dans le bail dès lors que le comportement incriminé est constaté. D’ailleurs, le juge ne prononce pas la résiliation mais la constate. La résiliation du contrat est en principe automatique, de sorte qu’elle s’applique aussitôt que le comportement incriminé est établi. 

Conditions de mise en œuvre de la clause résolutoire – Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement revêt la forme d’un acte extrajudiciaire et doit, à peine de nullité, mentionner ce délai. Ce commandement doit indiquer avec précision le manquement reproché au locataire afin qu’il puisse y remédier dans le délai d’un mois. Si le locataire ne s’exécute pas dans le délai imparti d’un mois, la résiliation est acquise de plein droit mais elle doit être constatée par le tribunal judiciaire ou le juge des référés. Les juges saisis peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n’est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l’autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge. Le non-respect des délais de paiement accordés par le juge entraînera la résiliation irrémédiable du bail de plein droit, c’est-à-dire sans qu’une nouvelle décision doive encore constater l’acquisition de la clause. La résiliation produit même effet rétroactivement, à compter de l’expiration du délai d’un mois imparti par le commandement. 

La clause résolutoire du bail commercial en procédure collective – En cas de procédure collective, la clause résolutoire est paralysée par le jeu de l’article L. 622-14 du code de commerce qui prévoit que la résiliation du bail commercial intervient dans les conditions suivantes : « 1° Au jour où le bailleur est informé de la décision de l’administrateur de ne pas continuer le bail. Dans ce cas, l’inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu’à ce qu’il ait été statué sur les dommages et intérêts ; 2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu’au terme d’un délai de trois mois à compter dudit jugement. Si le paiement des sommes dues intervient avant l’expiration de ce délai, il n’y a pas lieu à résiliation. » Notons que, le bailleur doit, en outre, dénoncer aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce du locataire l’action en constatation de la résiliation au moins 1 mois à l’avance pour que ceux-ci puissent, s’ils le souhaitent, se substituer au locataire en désintéressant le bailleur afin de préserver le fonds de commerce. 

Bail commercial : Une clause d’indexation excluant la réciprocité de la variation en ne prévoyant qu’une variation du loyer à la hausse sera réputée non écrite

Bail commercial : Une clause d’indexation excluant la réciprocité de la variation en ne prévoyant qu’une variation du loyer à la hausse sera réputée non écrite

[Résumé]

La 3e chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 30 juin 2021 est venu préciser le régime des clauses d’indexation dans les baux commerciaux en jugeant que la clause excluant la réciprocité, en tant qu’elle a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du code de commerce, doit être réputée non écrite.

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[Rappel des faits et de la procédure]

Faits de l’arrêt – En l’espèce dans cet arrêt la société Reims Talleyrand (ci-après « le bailleur ») a donné à bail à la société HSBC France (ci-après « le locataire ») des locaux à usage commercial. Le contrat comporte une clause d’indexation annuelle stipulant que l’indexation ne s’appliquera qu’en cas de variation de l’indice à la hausse. Plusieurs années après la conclusion du bail, le locataire a assigné le bailleur aux fins de voir déclarer la clause d’indexation réputée non écrite et de le voir condamner à lui restituer la somme de 96 379,31 euros sur le fondement de la répétition de l’indu pour une période précise.

Procédure – La cour d’appel donne raison au locataire et déclare non écrite dans son ensemble la clause d’indexation contenue dans le bail et condamne le bailleur à restituer au locataire une somme au titre des loyers indûment versés pendant une période précise. Le bailleur mécontent de cette décision forme un pourvoi en cassation.

Question – La clause d’indexation qui exclue toute réciprocité de la variation en prévoyant que l’indexation ne s’effectuerait que dans l’hypothèse d’une variation à la hausse de l’indice est-elle valide ?

Réponse de la Cour de cassation – Les Hauts magistrats de la Cour de cassation ont répondu par la négative. En effet, Ils rappellent qu’aux termes de l’article L. 145-39 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, par dérogation à l’article L. 145-38, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La Cour de cassation précise que, d’une part, le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse, de sorte que la clause figurant au bail et écartant toute réciprocité de variation, si elle ne crée pas la distorsion prohibée par l’article L. 112-1 du code monétaire et financier, fausse le jeu normal de l’indexation (3e Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n°14-24.681, Bull. 2016, III, n°7).

D’autre part, la neutralisation des années de baisse de l’indice de référence a mathématiquement pour effet de modifier le délai d’atteinte du seuil de variation du quart, conditionnant la révision du loyer, tel qu’il résulterait de l’évolution réelle de l’indice. La Cour conclu que la cour d’appel a relevé que la clause d’indexation excluait, dans son deuxième alinéa, toute réciprocité de la variation en prévoyant que l’indexation ne s’effectuerait que dans l’hypothèse d’une variation à la hausse de l’indice. Dès lors, il s’ensuit que cette stipulation, qui a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du code de commerce, doit être réputée non écrite, de sorte que l’action intentée par le locataire n’est enfermée dans aucun délai de prescription.

[L’avis du Cabinet]

Selon l’article 1103 du code civil, une fois que les parties se sont accordées sur un prix, celui-ci les lie conformément à la force obligatoire des conventions. Dès lors, sauf accord mutuel des parties, aucune modification du contenu du contrat n’est possible (art. 1193 C. civ.). Comme dit, par exception à ces principes de droit commun, la loi permet en matière de baux commerciaux un mécanisme de révision triennale du montant du loyer, lequel est d’ordre public, c’est-à-dire, qu’on ne peut pas y déroger. Toutefois, en marge de cette révision légale, les parties demeurent libres de stipuler une clause d’indexation, autrement appelée clause d’échelle mobile ou clause d’indexation.

La clause d’indexation permet de faire varier le montant du loyer en fonction d’un élément de référence objectif appelé indice. Autrement dit, cette clause permet de prévoir une augmentation à terme fixe (par périodicité de 3 mois, 6 mois, 1an etc) ou encore des seuils déclenchant la révision du loyer.

Une telle clause est alors naturellement soumise aux règles de validité du droit commun des contrats. Le régime des clauses d’indexation est encadré par les articles L. 112-1 et suivants du code monétaire et financier. Afin de limiter l’inflation, ces textes interdisent les adaptations automatiques des prix de biens ou de services. Une clause d’indexation peut être stipulée sous réserve que l’indice retenu par les parties soit en relation directe avec l’objet de la convention ou l’activité de l’une d’elle. Le code monétaire et financier indique qu’est réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble bâti, pour des activités commerciales, la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux.

La révision des loyers indexés n’est soumis à aucun délai de révision périodique de trois ans, comme le serait la révision de principe.

L’article L. 145-39 du code de commerce encadre ces clauses afin qu’elles ne puissent trop s’écarter de la valeur locative. Il précise que si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. 

Autrement dit, il ne s’agit pas de comparer le nouveau loyer à la dernière variation résultant de l’application de l’indice mais bien à la fixation initiale du loyer par les parties ou à la dernière fixation judiciaire du prix. Par ailleurs, la variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.En effet, un aléa doit caractériser la clause d’indexation. Cela signifie que le loyer doit pouvoir augmenter ou diminuer. 

En ce sens, une clause d’indexation qui exclut l’aléa de la variation en ne prévoyant qu’une variation du loyer à la hausse sera réputée non écrite. Le loyer doit, conformément à l’indice de référence choisi, augmenter ou diminuer.