La garantie d’actif passif et la faute de gestion du dirigeant cédant de titres sociaux

[Résumé]

Dans une décision du 22-09-2021, la Cour de cassation indique que la mise en œuvre d’une garantie de passif implique la démonstration d’une diminution de l’actif ou d’une augmentation du passif résultant d’opérations de toute nature dont le fait générateur serait antérieur à la date du transfert de propriété des parts sociales, et qui seraient connues ou révélées ultérieurement.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 septembre 2021, 19-22.938)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, un associé à hauteur de 50 % et gérant d’une, a cédé la totalité des parts qu’il détenait dans cette société à une autre personne morale déjà titulaire de 40 % du capital, au prix de 30 000 € payable en trois échéances. L’acte comportait une garantie d’actif et de passif.

Postérieurement à la cession, il est apparu que M. X avait commis des irrégularités dans la gestion de la société. Un expert fut désigné en référé ayant notamment pour mission de donner son avis sur les éventuels responsabilités et préjudices subis par cette société.

Eu égard au rapport de l’expert sur les fautes de gestion, le cessionnaire a assigné en paiement le cédant au titre de sa responsabilité et de la mise en œuvre de la garantie d’actif et de passif. Sur le fondement de cette dernière, les juges du fond ont condamné le dirigeant cessionnaire au paiement de 81 267,04 €. Un pourvoi a été formé.

Par un arrêt du 22-09-2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en ces termes :

« En se déterminant par de tels motifs, impropres à établir l’existence d’une diminution de l’actif ou d’une augmentation du passif résultant d’opérations de toute nature dont le fait générateur serait antérieur à la date du transfert de propriété des parts sociales, et qui seraient connues ou révélées ultérieurement, conditions nécessaires à la mise en œuvre de la garantie d’actif et de passif incluse dans l’acte de cession, peu important que cette diminution de l’actif ou cette augmentation du passif aient pour origine des fautes de gestion, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

[L’avis du Cabinet]

Les garanties d’actif et de passif sont des mécanismes particulièrement utiles et fréquemment utilisées dans les cessions de droits sociaux. Elles permettent au cessionnaire des titres de se prémunir contre une révélation de passif ou une diminution de l’actif ultérieure à la signature de la cession mais dont le fait générateur est antérieur.  D’un côté elles permettent au cédant de négocier la vente au meilleur prix, de l’autre elles offrent une sécurité contractuelle au cessionnaire devant l’apparition de mauvaise surprise postérieurement à la cession.

En parallèle, il est fréquent que le repreneur d’une société, à la faveur d’une analyse du comportement de l’ancien dirigeant, identifie un certain nombre d’actes préjudiciables à la société relevant de la qualification de fautes de gestion. La responsabilité de l’ancien dirigeant sera alors recherchée à ce titre.

C’est la rencontre de ces deux hypothèses que le présent arrêt met en lumière. Le cessionnaire des titres avait postérieurement à la cession fait la découverte de prétendues fautes de gestion dont il avait tenté de rechercher indemnisation des conséquences par le truchement de la clause de garantie d’actif et de passif.

Pour ce faire, et c’est le mérite du présent arrêt, encore faut-il pour le bénéficiaire de la clause de garantie de passif respecter les conditions de sa mise en œuvre.

Que la diminution de l’actif ou l’augmentation du passif aient pour origine d’éventuelles fautes de gestion ne suffit pas pour bénéficier de la couverture du mécanisme contractuel. Il faut pour le bénéficiaire de la garantie apporter la démonstration « d’une diminution de l’actif ou d’une augmentation du passif résultant d’opérations de toute nature dont le fait générateur serait antérieur à la date du transfert de propriété des parts sociales, et qui seraient connues ou révélées ultérieurement ».

La nécessité de respecter formalisme de la procédure d’agrément dans les SARL

La nécessité de respecter formalisme de la procédure d’agrément dans les SARL

[Résumé]

Dans une décision du 14 avril 2021, la Cour de cassation rappelle que dans une SARL le projet de cession de parts intervenant au bénéfice d’un tiers doit, conformément à l’article L. 223-14 du code de commerce, être notifiée à la société et à chacun des associés. A défaut, la cession litigieuse encourt la nullité.

(Cour de cassation, Chambre commerciale, 14 avril 2021, 19-16.468, Inédit)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, les seuls associés d’une SARL, ont, chacun, cédé les parts qu’ils détenaient dans le capital de celle-ci, à deux personnes physiques.

Par la suite, les cédants ont assigné en nullité de la cession les cessionnaires. Ils soutenaient que ces cessions étaient intervenues en violation des dispositions de l’article L. 223-14 du code de commerce imposant la notification du projet de cession à chacun des associés et à la société.

Les juges du fond ont alors prononcé la nullité de la cession litigieuse. Un pourvoi en cassation a été formé.

Par un arrêt du 14-04-2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en ces termes :

« Ayant relevé qu’aucune notification du projet de cession à la société et à chacun des associés n’était versée au débat et retenu qu’en raison du caractère d’ordre public de l’article L. 223–14 du code de commerce, il convenait de respecter scrupuleusement le formalisme légal, aucune confirmation implicite de la cession ne pouvant faire échec à l’annulation d’une cession effectuée en violation de ce formalisme, c’est à bon droit, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche, que la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à la recherche invoquée par la deuxième branche ni de répondre aux conclusions invoquées par la troisième branche, que ses constatations rendaient inopérantes, a prononcé l’annulation des cessions litigieuses».

Faute d’avoir respectée le formalisme imposé par le code de commerce à l’article L. 223-14 du code de commerce, la cession pouvait donc être annulée.

[L’avis du Cabinet]

Les cessions de parts de SARL sont fréquentes et il convient d’y porter une attention particulière. Le code de commerce exige en son article L.223-14 qu’elle fasse l’objet d’un agrément lorsqu’elles interviennent au bénéfice d’un tiers à la société. Il faut pour ce faire réunir une double majorité, en voix et en capital. La cession ne peut intervenir qu’avec « le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte ».

Mais à cela s’ajoute une condition de forme dont le présent arrêt rappelle toute l’importance.

L’alinéa 2 de l’article L. 223-14 du code de commerce exige que le projet de cession fasse l’objet d’une notification à la société et à chacun des associés. En l’espèce la Haute juridiction s’attache à respecter rigoureusement ce formalisme en y appliquant une sanction lourde, la nullité.

Elle indique que ce formalisme est d’ordre public.  Il ne peut lui être substitué aucune confirmation implicite de la cession comme le soutenaient les cessionnaires. Le fait qu’il résulte du procès-verbal de l’assemblée générale extraordinaire que le projet de cession avait été soumis à l’approbation des associés ne permettait pas de pallier l’absence de respect du formalisme légal. Orthodoxe, la Haute juridiction fait une lecture littérale de l’exigence formelle de notification du projet de cession à la SARL et ses associés.