Fusion : aspects juridiques, opérationnels et fiscaux

Fusion : aspects juridiques, opérationnels et fiscaux

1. Introduction rapide

Définition de la fusion et de la scission

Une fusion est une opération par laquelle une ou plusieurs sociétés transfèrent l’ensemble de leur patrimoine (actif et passif) à une autre société. Une scission est une opération qui consiste pour une société préexistante à transmettre son patrimoine à plusieurs sociétés existantes ou à plusieurs sociétés nouvelles.

Régime juridique des fusions et des scissions

La fusion et la scission sont deux modalités de transmission du patrimoine prévues à l’article 1844-4 du code civil en ces termes : « une société, même en liquidation, peut être absorbée par une autre société ou participer à la constitution d’une société nouvelle, par voie de fusion. Elle peut aussi transmettre son patrimoine par voie de scission à des sociétés existantes ou à des sociétés nouvelles. Ces opérations peuvent intervenir entre des sociétés de forme différente. Elles sont décidées, par chacune des sociétés intéressées, dans les conditions requises pour la modification de ses statuts. »

En outre, ces deux opérations sont régies par les articles L. 236-1 et suivants du code de commerce (dispositions communes aux diverses sociétés commerciales – chapitre VI « de la fusion et de la scission »). Ce chapitre est divisé en 4 sections dont la première est consacrée aux dispositions générales (articles L. 236-1 et suivants), la secondes aux sociétés anonymes (articles L. 236-8 et suivants), la troisième aux sociétés à responsabilités limitées (articles L. 236-23 et suivants) et la dernière aux fusions transfrontalières (L. 236-25 et suivants).

Les différents modes de fusion

(1) La fusion-absorption concerne l’opération par laquelle une ou plusieurs sociétés (les sociétés absorbée), transmettent à une autre (la société absorbante), la totalité de leur patrimoine. L’opération consiste en une augmentation de capital par apport en nature pour la société absorbante et en une dissolution sans liquidation, pour la société absorbée, dont les associés vont devenir, grâce à l’émission de nouvelles parts sociales, associés de la société absorbante.

(2) La fusion par constitution d’une société nouvelle concerne l’opération par laquelle au moins deux sociétés (sociétés A et A’) fusionnent pour créer une nouvelle société (société B). Les apports sont rémunérés par les parts émises par la nouvelle société qui devra par ailleurs être constituée en respectant les règles imposées pour la constitution de la structure juridique choisie.

Les effets juridiques de la fusion-absorption sur les sociétés parties au traité de fusion

(1) Dissolution sans liquidation de la société absorbée : la fusion entraîne automatiquement la dissolution de la société absorbée. Celle-ci s’accompagne simultanément de la transmission de son patrimoine à la société absorbante. Cette conséquence est automatique.

(2) Transmission universelle du patrimoine (TUP) de l’entreprise absorbée : la totalité du patrimoine (actif et passif) de l’entreprise absorbée est transférée. Cette transmission de patrimoine se traduit par une augmentation du capital de la société absorbante. Cette augmentation de capital est due à l’apport en nature des éléments d’actifs de l’entreprise absorbée. Les règles relatives aux apports en nature doivent donc s’appliquer. La nomination d’un commissaire à la fusion peut alors s’avérer nécessaire.

(3) L’échange de droits sociaux : les associés acquièrent automatiquement la qualité d’associé de l’entreprise absorbante, dans les conditions fixées par le traité de fusion.

(4) La soulte : en plus de cet échange de droits sociaux, le traité de fusion peut prévoir le versement en espèce d’une somme d’argent appelée « soulte » au profit des associés de la société absorbée. Le montant de cette soulte ne peut dépasser 10 % de la valeur nominale des parts ou des actions attribuées.

(Nb) Quid de la responsabilité pénale : jusqu’à très récemment, les opérations de fusion étaient particulièrement critiquées sur le terrain de la responsabilité pénale en ce que la société absorbante pouvait ne pas être tenue responsable pénalement pour des faits commis par la société absorbée avant l’opération de fusion. En effet, lorsque la société absorbée était inquiétée sur le plan pénal pour des faits qu’elle avait commis avant la fusion, il lui suffisait d’être absorbée par une société tierce, sinon sa société mère, pour que sa responsabilité pénale ne puisse plus être recherchée. Or, depuis un arrêt attendu et rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 25 novembre 2020 (n° 18-86.955), la société absorbante peut désormais, sous certaines conditions, être condamnée pénalement pour des faits commis par la société absorbée avant la fusion.

Les effets juridiques de la fusion-absorption sur les associés

La fusion ne peut s’entendre que comme un échange de droits sociaux pour les associés de la société absorbée. Cela signifie que ces derniers deviennent inévitablement associés de la société absorbante ou nouvelle, suivant l’opération envisagée.

En effet, la société absorbée étant dissoute, ses dirigeants perdent automatiquement leurs fonctions. La fusion entraîne ainsi l’acquisition, par les associés, des sociétés qui disparaissent, de la qualité d’associé des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat (Code de commerce, art. L. 236-3, I).

Les associés de la société apporteuse reçoivent des parts ou des actions de la société bénéficiaire et, éventuellement, une soulte en espèce dont le montant ne peut dépasser 10 % de la valeur nominale des parts ou des actions attribuées, ou, à défaut, du pair comptable de ces titres (Code de commerce, art. L. 236-1, al. 4 ; Code général des impôts, art. 210-0 A).

2. Aspects juridiques et opérationnels de l’opération de fusion

2.1. La phase préparatoire (l’audit)

Audit : définition et objectifs

La réalisation d’un audit est vivement conseillée pour préparer une opération de fusion. Idéalement, l’audit porte sur les aspects sociaux, juridiques, comptables et fiscaux de la fusion.

La réalisation d’un audit juridique a pour objectif d’effectuer un certain nombre de vérification indispensable à la sécurité de l’opération. Idéalement, il s’agit également de vérifier l’opportunité économique de cette opération pour les deux parties.

Sans avoir la prétention d’être exhaustif, voici quelques-uns des points de contrôle importants :

Vérification de la procédure et des délais :

Il convient de dresser un audit complet sur les obligations règlementaires, légales et statutaires. L’objectif est de connaitre en détail la procédure à mener et les délais à respecter pour assurer la sécurité juridique de l’opération. Cette étape permet d’établir le rétroplanning des opérations.

Vérification des contrats en cours :

Il convient de dresser un audit complet sur les contrats en cours. Pour chaque contrat écrit, il convient de vérifier si une clause prévoit une procédure particulière à suivre en cas de fusion. Lorsque le contrat ne prévoit aucune clause, il convient d’examinerau cas par cas, si le contrat présente par nature un caractère intuitu personae. Le cas échéant, il convient d’obtenir l’accord du cocontractant.

L’audit est donc primordial et permet, en ce sens, de sécuriser les transactions grâce à une vérification préalable de chaque contrat essentiel à l’activité de la société absorbée afin de repérer si de telles clauses ne figurent pas et éviter ainsi de réduire à néant l’intérêt économique de la restructuration.

Vérification du risque contentieux et pénal

Il convient de dresser un audit complet sur le risque contentieux et pénal. En effet, la fusion opère transmission universelle du patrimoine de sorte que la société absorbante hérite du risque contentieux et pénal de la société absorbée. Cet audit permet donc de réaliser les provisions nécessaires et de réajuster la valeur de la société absorbée.

Plus précisément, la vérification porte sur les marchés clients, sur le RH et globalement sur toutes les opérations non prescrites.

2.2. La phase précontractuelle (les négociations)

La formalisation de la phase précontractuelle est vivement conseillée. Le contrat de pourparlers permet d’encadrer la phase des négociations, leur durée et les conditions de leurs ruptures. A ce propos, il est possible de prévoir contractuellement les mesures coercitives ou les sanctions en cas de faute ou de rupture abusive des négociations.

Rappelons que l’opération de fusion est une modalité de transmission d’entreprise. Dans ces conditions, les négociations ont pour but de trouver un accord sur la valeur de la société absorbée. En effet, les sociétés participant à l’opération de fusion doivent faire l’objet d’une évaluation, afin de déterminer la parité d’échange des droits sociaux.

Détermination de la valeur de la société absorbée : il appartient à la société qui va être absorbée de dresser un inventaire exhaustif de son passif et de son actif. Ensuite, il appartient au candidat repreneur d’identifier si le projet de fusion reste intéressant et bénéfique.

A ce stade, l’audit préalable aura permis aux parties d’identifier clairement tous les éléments de l’actif et du passif de la future société absorbée.

Détermination de parité d’échange : il appartient aux parties de déterminer la parité d’échange des droits sociaux. En effet, la fusion ne peut s’entendre que comme un échange de droits sociaux pour les associés de la société absorbée. Cela signifie que ces derniers deviennent inévitablement associés de la société absorbante ou nouvelle, suivant l’opération envisagée. En effet, la société absorbée étant dissoute, ses dirigeants perdent automatiquement leurs fonctions. La fusion entraîne ainsi l’acquisition, par les associés, des sociétés qui disparaissent, de la qualité d’associé des sociétés bénéficiaires, dans les conditions déterminées par le contrat (article L. 236-3, I du code de commerce). Les associés de la société apporteuse reçoivent, dès lors, des parts ou des actions de la société bénéficiaire et, éventuellement, une soulte en espèce dont le montant ne peut dépasser 10 % de la valeur nominale des parts ou des actions attribuées, ou, à défaut, du pair comptable de ces titres (article L. 236-1, al. 4 du Code de commerce et 210-0 A du code général des impôts).

2.3. La phase contractuelle (la fusion)

2.3.1. La préparation de l’opération de fusion

Avant toute opération de fusion, les sociétés participant à l’opération doivent faire l’objet d’une évaluation, afin de déterminer la parité d’échange des droits sociaux. Une prime de fusion peut être prévue.

En ce sens, toutes ces sociétés participantes établissent un projet de fusion déposé au greffe du tribunal de commerce du siège desdites sociétés, comprenant des mentions obligatoires[1] qui sont :

1° La forme, la dénomination et le siège social de toutes les sociétés participantes ;

2° Les motifs, buts et conditions de la fusion ou de la scission ;

3° La désignation et l’évaluation de l’actif et du passif dont la transmission aux sociétés absorbantes ou nouvelles est prévue ;

4° Les modalités de remise des parts ou actions et la date à partir de laquelle ces parts ou actions donnent droit aux bénéfices, ainsi que toute modalité particulière relative à ce droit, et la date à partir de laquelle les opérations de la société absorbée ou scindée seront, du point de vue comptable, considérées comme accomplies par la ou les sociétés bénéficiaires des apports ;

5° Les dates auxquelles ont été arrêtés les comptes des sociétés intéressées utilisés pour établir les conditions de l’opération ;

6° Le rapport d’échange des droits sociaux et, le cas échéant, le montant de la soulte ;

7° Le montant prévu de la prime de fusion ou de scission ;

8° Les droits accordés aux associés ayant des droits spéciaux et aux porteurs de titres autres que des actions ainsi que, le cas échéant, tous avantages particuliers.

Ce projet de fusion fait l’objet d’un avis inséré, par chacune des sociétés participant à l’opération au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales[2] et contient les indications suivantes :

1° La raison sociale ou la dénomination sociale suivie, le cas échéant, de son sigle, la forme, l’adresse du siège, le montant du capital et les mentions prévues aux 1° et 2° de l’article R. 123-237 pour chacune des sociétés participant à l’opération ;

2° La raison sociale ou la dénomination sociale suivie, le cas échéant, de son sigle, la forme, l’adresse du siège et le montant du capital des sociétés nouvelles qui résultent de l’opération ou le montant de l’augmentation du capital des sociétés existantes ;

3° L’évaluation de l’actif et du passif dont la transmission aux sociétés absorbantes ou nouvelles est prévue ;

4° Le rapport d’échange des droits sociaux ;

5° Le montant prévu de la prime de fusion ou de scission ;

6° La date du projet ainsi que les date et lieu des dépôts prescrits par le premier alinéa de l’article L. 236-6.

Le dépôt au greffe et la publicité au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales ont lieu trente jours au moins avant la date de la première assemblée générale appelée à statuer sur l’opération.

Si la société qui participe à cette opération de fusion est une société par actions, elle met à la disposition de ses actionnaires, au siège social, trente jours au moins avant la date de l’assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet, les documents suivants[3] :

1° Le projet de fusion ou de scission ;

2° Le cas échéant, les rapports mentionnés aux articles L. 236-9 et L. 236-10 lorsque l’opération est réalisée entre sociétés anonymes ;

3° Les comptes annuels approuvés par les assemblées générales ainsi que les rapports de gestion des trois derniers exercices des sociétés participant à l’opération ; dans ce cas, si l’opération est décidée avant que les comptes annuels du dernier exercice clos aient été approuvés, ou moins de trente jours après leur approbation, sont mis à la disposition des actionnaires les comptes arrêtés et certifiés relatifs à cet exercice et les comptes annuels approuvés des deux exercices précédents ainsi que les rapports de gestion.

4° Un état comptable établi selon les mêmes méthodes et suivant la même présentation que le dernier bilan annuel, arrêté à une date qui, si les derniers comptes annuels se rapportent à un exercice dont la fin est antérieure de plus de six mois à la date du projet de fusion ou de scission, doit être antérieure de moins de trois mois à la date de ce projet ou, le cas échéant, le rapport financier semestriel prévu à l’article L. 451-1-2 du code monétaire et financier, lorsque celui-ci est publié. Dans le cas où le conseil d’administration ne les a pas encore arrêtés, l’état comptable mentionné ici et les comptes annuels approuvés des deux exercices précédents ainsi que les rapports de gestion sont mis à la disposition des actionnaires.

En cas d’apport comprenant des immeubles ou droits immobiliers, les sociétés participantes doivent déposer le projet de fusion au rang des minutes d’un notaire en vue de la réalisation d’une formalité de publicité foncière.

C’est là encore l’intérêt d’avoir réalisé un audit juridique préalable sérieux et d’être accompagné dans cette opération délicate qu’est la fusion. En effet, le rapport d’audit permet d’identifier pour chaque élément d’actif et de passif transmis les formalités à accomplir.

2.3.2. La réalisation de l’opération de fusion : la transmission définitive

Une fois le projet de fusion mis en place, il est ensuite approuvé par l’assemblée générale extraordinaire de chacune des sociétés qui participent à l’opération.

En effet, la fusion requiert une décision collective des associés de chacune des sociétés participantes, dans les conditions requises pour la modification de ses statuts. Toutefois, notons que, si l’opération projetée a pour effet d’augmenter les engagements d’associés de l’une ou de plusieurs sociétés en cause, elle ne peut être décidée qu’à l’unanimité desdits associés.

Ces assemblées générales extraordinaires ont pour objet, dans la société absorbée, de décider de la fusion et de la dissolution sans liquidation et, dans la société absorbante, de la fusion et de la modification corrélative des statuts.

A la suite de cette assemblée générale extraordinaire, les sociétés participantes établissent des procès-verbaux d’AGE.

S’il est relevé un défaut dans l’une des délibérations de l’une des assemblées qui ont décidé l’opération ou un défaut de dépôt de la déclaration de conformité, la nullité de la fusion peut être prononcée (article L. 235-8 du code de commerce). En ce sens, lorsqu’il est possible de porter remède à l’irrégularité susceptible d’entraîner la nullité, le tribunal saisi de l’action en nullité de la fusion accorde aux sociétés intéressées un délai pour régulariser la situation.

La fusion prendra effet en cas de création d’une ou plusieurs sociétés nouvelles, à la date d’immatriculation, au registre du commerce et des sociétés, de la nouvelle société ou de la dernière d’entre elles. Dans les autres cas, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l’opération sauf si le contrat prévoit que l’opération prend effet à une autre date, laquelle ne doit être ni postérieure à la date de clôture de l’exercice en cours de la ou des sociétés bénéficiaires ni antérieure à la date de clôture du dernier exercice clos de la ou des sociétés qui transmettent leur patrimoine.

2.4. La phase post-contractuelle (enregistrement – publicité – gestion du séquestre)

Postérieurement à la fusion, les sociétés participantes sont débitrices de nombreuses obligations formelles.

D’abord, elles doivent déposer au greffe deux exemplaires de la déclaration dans laquelle sont répertoriés tous les actes effectués dans le cadre de l’opération et par laquelle elles affirment que l’opération a été réalisée en conformité avec la réglementation ; deux exemples du projet de fusion ; deux exemplaires et copies certifiées conformes par le gérant et enregistrés du procès-verbal de l’AGE de la société absorbée ; deux exemplaires et copies certifiées conformes par le gérant et enregistrés du procès-verbal de l’AGE de la société absorbante ; deux copies certifiées conformes par le gérant des statuts modifiés de la société absorbante.

Ensuite, il leur appartient d’enregistrer l’acte au Service de la publicité foncière et de l’enregistrement compétent. C’est à cette occasion que la société absorbante s’acquitte des droits d’enregistrement et qu’elle déclare la fusion des sociétés au fisc, dans un délai d’un mois à compter de leur date.[4]

Elles doivent assurer la publicité de la fusion et des modifications statutaires pour la société absorbante, ainsi que, la publication d’un avis de dissolution sans liquidation pour la société absorbée, dans un journal d’annonce légale et au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.

Enfin, la société absorbante doit effectuer une inscription modificative au Registre du commerce et des sociétés en présentant un Kbis des sociétés participant à la fusion, un exemplaire du journal d’annonce légal portant avis de fusion et modification des statuts. Tandis que la société absorbée doit faire de même, en apportant un Kbis ainsi qu’un exemplaire du journal d’annonce légal portant avis de dissolution sans liquidation.

3. Aspects fiscaux des opérations de fusion

Fiscalement, il coexiste deux régimes, un de droit commun, l’autre, spécial, de faveur.

3.1. Le régime fiscal de droit commun

Le régime de droit commun tire simplement les conséquences de l’ensemble des opérations qui se succèdent dans le cadre d’une fusion : dissolution puis apport.

Ainsi, à l’occasion de la dissolution, les plus-values latentes sont immédiatement imposées, ainsi que les éventuelles provisions qui auraient été inscrites. Pour autant, si la société absorbée détient des déficits reportables, le régime de droit commun peut être particulièrement intéressant en ce que ces derniers pourront être imputées sur les plus-values issues de la fusion, ainsi que les bénéfices en sursis d’imposition. En effet, dans le cas contraire, les déficits seront perdus, puisqu’ils ne pourront être imputés sur le résultat bénéficiaire de la société absorbante en l’absence d’un agrément (quand bien même, depuis le 1er janvier 2020, sous certaines conditions, certaines opérations sont dispensées d’agrément).

3.2. Le régime fiscal de droit spécial

Pour autant, le régime spécial est quasi-systématiquement préféré au régime de droit commun, en ce qu’il permet une neutralité fiscale pour l’opération de fusion.

Plusieurs conditions doivent être impérativement respectées, sans quoi le premier contrôleur fiscal pourra remettre en cause l’ensemble de l’opération et recomposer la base imposable avec l’ensemble des plus-values et autres produits mis en sursis lors de la fusion. Dans tous les cas, il est possible d’interroger l’Administration fiscale, laquelle dispose d’un délai de six mois pour répondre à la possibilité de bénéficier du régime spécial, l’absence de réponse dans ce délai valant accord.

Du côté de la société absorbée, si les conditions sont réunies, les plus-values et autres profits sont exonérés d’impôt sur les sociétés, sous réserve du respect de certaines obligations déclaratives. De plus, les provisions dont l’objet continue d’exister malgré la fusion peuvent être reprises au bilan. Cela signifie que les provisions sans objet sont immédiatement imposables, nonobstant le régime de faveur.

Du côté de la société absorbante, l’exonération d’impôt sur les sociétés n’est acquise qu’à condition de bien respecter ces reprises au bilan. De plus, les sociétés participantes doivent souscrire, au moment de la fusion, un état de suivi des plus-values d’apport ; la société absorbante devant nécessairement y souscrire jusqu’à l’apurement total de l’imposition des plus-values. Par ailleurs, l’absorbante doit se substituer à l’absorbée pour réintégrer les bénéfices en sursis d’imposition.

Enfin, si les apports sont évalués à leur valeur comptable, la société absorbante doit continuer d’amortir les immobilisations amortissables à partir de la même valeur d’origine et selon les mêmes annuités prévues dans le plan d’amortissement initial. Si les biens sont évalués à leur valeur réelle, l’absorbante aura alors la possibilité d’opter pour l’application d’un taux dégressif calculé selon la durée probable d’utilisation, appréciée à la date de la fusion.

Concernant les charges, seules sont déductibles celles qui n’étaient ni connues ni prévisibles pour la société absorbante au moment de l’opération de fusion.

[1] Code de commerce, art. R. 236-1

[2] Code de commerce, art. L. 236-6 et R. 236-2

[3] Code de commerce, art. L. R. 236-3

[4] Code général des impôts, art. 635

Bail commercial : le congé avec refus de renouvellement et l’indemnité d’éviction

Bail commercial : le congé avec refus de renouvellement et l’indemnité d’éviction

Le bail commercial est soumis au régime des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce. Il a l’avantage d’offre au locataire (preneur) un statut protecteur. En effet, si le locataire peut mettre un terme au bail tous les trois ans, le bailleur ne peut quant à lui rompre le contrat qu’à l’issue de la période de 9 ans. En outre, cette rupture est soumise à un formalisme très spécifique et donne droit au locataire au paiement d’une indemnité d’éviction. C’est ce que l’on appelle la propriété commerciale.

Nous allons étudier la procédure de résiliation (1), le contentieux issue de cette procédure (2), puis nous allons nous concentrer sur la question épineuse de l’indemnité d’éviction (3).

1. Le congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction

1.1. Conditions de forme et délais du congé avec refus de renouvellement

Il résulte des dispositions du Code de commerce que le refus de renouvellement du bailleur peut se manifester selon deux modalités distinctes :

1.1.1. Le bailleur délivre un congé avec refus de renouvellement (article L.145-9 du Code de commerce) :

L’article L.145-9 du Code de commerce dispose que le bail commercial ne cesse que par l’effet d’un congé délivré par le bailleur au locataire.

Délai du congé : le congé doit être délivré six (6) mois avant l’expiration du bail. Sinon, il devra être délivré, au cours de la tacite prolongation, au moins six (6) mois à l’avance et pour le dernier jour du trimestre civil.

Modalités de notification : le congé doit être donné par acte extrajudiciaire (acte d’huissier).

Formalisme du congé : A peine de nullité le congé doit :

– préciser les motifs pour lesquels il est donné (lorsque le congé est assorti de la proposition d’une indemnité d’éviction, il n’est pas tenu d’être motivé) ;

– indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal compétent avant l’expiration d’un délai de deux (2) ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

1.1.2. Le Bailleur refuse le renouvellement demandé par le locataire (article L.145-10 du Code de commerce) :

L’article L.145-10 du Code de commerce dispose que le locataire qui souhaite obtenir le renouvellement de son bail commercial doit en faire la demande dans les six (6) mois qui précèdent l’expiration du bail ou à tout moment au cours de sa tacite prolongation.

Le bailleur peut refuser cette demande de renouvellement. Pour être régulier, ce refus doit respecter les conditions suivantes :

Délai du refus de renouvellement : le refus de renouvellement du bailleur doit intervenir dans les trois (3) mois de la notification de la demande de renouvellement. A défaut, le bailleur est réputé avoir accepté le principe de renouvellement du bail.

Modalités de notification : le refus de renouvellement doit être donné par acte extrajudiciaire.

Formalisme du refus de renouvellement : A peine de nullité le refus de renouvellement doit indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction, doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux (2) ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement.

1.2. Conséquences de l’irrégularité du congé

Il résulte de la jurisprudence constante, qu’en présence d’un congé nul, le locataire a deux (2) options :

– renoncer à la nullité du congé en sollicitant une indemnité d’éviction et en se maintenant dans les lieux jusqu’à son paiement ;

– se prévaloir de cette nullité en optant pour la poursuite du bail.

2. Procédure contentieuse de contestation du congé avec refus de renouvellement ou de fixation de l’indemnité d’éviction

2.1. Juridiction compétente

La juridiction compétente est le Tribunal judiciaire du lieu de situation de l’immeuble (article R..211-3-26 du Code de l’organisation judiciaire).

2.2. Délai de prescription de l’action

Le locataire qui entend soit contester le refus de renouvellement soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit saisir le tribunal compétent avant l’expiration d’un délai de deux (2) ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement (article L.145-10 du Code de commerce).

2.3. Déroulement de la procédure

La procédure relative à la contestation du motif du congé et/ou à la fixation de l’indemnité d’éviction suit le déroulement classique de la procédure avec représentation obligatoire devant le tribunal judiciaire.

Pour les litiges afférents à la fixation de l’indemnité d’éviction, le Tribunal fait généralement appel à un expert judiciaire afin d’estimer la valeur du fonds, la valeur du bail et, plus généralement, tout élément permettant de procéder au chiffrage de l’indemnité d’éviction.

2.4. Voies de recours

La décision du Tribunal judiciaire est susceptible d’appel dans les conditions du droit commun, c’est-à-dire dans le mois (CPC, art. 538) de la signification.

Attention : Il ne faut pas confondre cette procédure avec la procédure particulière des contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé qui se déroule devant le Président du Tribunal judiciaire (article R.145-23 et suivants du Code commerce).

3.Focus sur l’indemnité d’éviction

3.1 Définition de l’indemnité d’éviction

L’indemnité d’éviction est une indemnité versée par le Bailleur au locataire en réparation du préjudice causé par le défaut de renouvellement du bail commercial (article L.145-14 du Code de commerce).

3.2. Droit au maintien dans les lieux du locataire jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction

Il résulte de l’article L145-28 du Code de commerce que le locataire qui peut prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue.

Jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, le locataire a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.

Toutefois, le locataire est redevable d’une indemnité d’occupation pendant la période d’occupation du local.

3.3. Evaluation de l’indemnité d’éviction

3.3.1. Date d’évaluation de l’indemnité d’éviction

En cas de départ du locataire avant la décision statuant sur l’indemnité d’éviction :

Dans ce cas, la date d’évaluation de l’indemnité d’éviction doit être fixée à la date du départ effectif du local.

Le tribunal ne devra donc pas tenir compte des variations économiques postérieures à la date du départ.

En cas de maintien du locataire dans les lieux jusqu’au moment de la décision statuant sur l’indemnité d’éviction :

Dans ce cas, la date d’évaluation de l’indemnité d’éviction doit être fixée au jour où le tribunal rend sa décision.

Le tribunal devra notamment tenir compte de l’évolution postérieure au dépôt du rapport d’expertise (Cour de cassation, troisième chambre civile., 25 févr. 1975, n°73‐13.788 ; Cour de cassation, troisième chambre civile., 16 déc. 1987, n°86‐14.388 ; Cour de cassation, troisième chambre civile., 16 mai 1990, n° 88‐19.196).

Lorsqu’il y a appel, le tribunal devra tenir compte de l’évolution postérieure au jugement (Cour de cassation, troisième chambre civile, 17-06-1971, n°70‐13.420 ; Cour de cassation, troisième chambre civile, 06-03-1985, n°83‐16.846 ; Cour de cassation, troisième chambre civile, 16-12-1987, n°86‐14.388).

3.3.2. Méthodes d’évaluation de l’indemnité d’éviction

L’article L.145-14 alinéa 2 du Code de commerce dispose que l’indemnité d’éviction « comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre. »

Cet article .145-14 alinéa 2 édicte une présomption selon laquelle le refus de renouvellement entraîne la disparition du fonds de commerce du locataire qui doit donc être indemnisé en conséquence (valeur de remplacement). Cette présomption peut être combattue par le bailleur, à qui incombe alors la charge de la preuve, lorsque l’éviction n’entraîne pas la disparition du fonds de commerce du locataire et qu’il peut se réinstaller sans avoir à acheter ou à créer un nouveau fonds en transférant le fonds qu’il exploite dans de nouveaux locaux (valeur de déplacement).

Dans ces conditions, le critère principal permettant de procéder à l’évaluation du montant de l’indemnité d’éviction est celui de la disparition du fonds de commerce :

– Si le fonds de commerce disparait du fait de l’absence de renouvellement du bail commercial, alors le montant retenu par le Tribunal sera celui correspondant à la valeur de remplacement (3.3.2.1) ;

– Si le fonds de commerce ne disparait pas malgré l’absence de renouvellement du bail commercial, alors le montant retenu par le Tribunal sera celui correspondant à la valeur de déplacement (3.3.2.2).

3.3.2.1. Valeur de remplacement

Utilisation de la valeur de remplacement :

La valeur de remplacement est utilisée dans deux (2) cas :

1er cas : lorsque le fonds existant n’est pas transférable et que le locataire va en perdre les éléments principaux et notamment la clientèle ;

2ème cas : lorsque le coût de déplacement du fonds de commerce transférable est supérieur à la valeur même du fonds. Dans ce cas, la valeur de remplacement est retenue.

Calcul de la valeur de remplacement :

La valeur de remplacement à laquelle doit être fixé le montant de l’indemnité d’éviction, comprend :

– à titre principal, la valeur marchande du fonds exploité par le Preneur ou, s’il est supérieur la valeur du droit au bail (i) ;

– à titre accessoire, les indemnités annexes réparant les autres chefs de préjudice engendrés par le départ du locataire (frais de déménagement, trouble commercial, frais – et non coût – d’acquisition d’un nouveau fonds etc…) (ii) ;

(i) Calcul du montant de l’indemnité principale

Les juges du fonds sont souverains pour déterminer la méthode d’évaluation de l’indemnité principale. Ils se fondent généralement sur le rapport de l’expert judiciaire.

L’indemnité principale de la valeur de remplacement correspond à la valeur marchande du fonds de commerce. La valeur de remplacement doit tenir compte du droit au bail des locaux occupés par le Preneur puisque ce droit au bail constitue l’un des éléments du fonds de commerce disparu.

A ce titre, plusieurs méthodes d’évaluation sont envisageables :

– Méthode d’évaluation par le chiffre d’affaires : moyenne du chiffre d’affaires des 3 dernières années à laquelle on applique un pourcentage variable (exemple : pour les restaurants, coefficient de 77,5 %) ;

– Méthode d’évaluation par la recette journalière : recette journalière multipliée par un coefficient ;

– Méthode d’évaluation par la rentabilité : excédent brut d’exploitation multiplié par un coefficient ;

Important : lorsque la valeur du droit au bail est supérieure à la valeur du fonds de commerce, l’indemnité principale devrait être égale à la valeur du droit au bail.

La valeur du droit au bail est, en principe, évaluée comme suit :

[Loyer du marché (valeur locative) – loyer réellement dû par le locataire]

x

Coefficient multiplicateur de valorisation (entre 3 et 9)

(ii) Calcul du montant des indemnités accessoires

– Frais de déménagement et de réinstallation : frais d’aménagement des nouveaux locaux (dus si le locataire a l’intention de se réinstaller) ;

– Frais de remploi (frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur) : entre 8 et 10 % de la valeur du fonds de commerce (dus si le locataire a l’intention de se réinstaller) ;

– Indemnité de trouble commercial ou de cessation d’exploitation du locataire pendant le temps nécessaire à sa réinstallation : environ 3 mois d’excédent brut d’exploitation ou 15 jours de masse salariale (sauf si le locataire n’a pas l’intention de se réinstaller ou n’est pas en mesure de le faire) ;

– Frais de licenciement : les indemnités mises à la charge de l’employeur devront être remboursées par le Bailleur ;

– Indemnité pour perte du logement accessoire : indemnité due lorsque la disparition du logement accessoire prive le locataire d’un avantage qui était en relation directe avec l’exploitation du fonds et qui influait sur sa rentabilité ;

– Frais et honoraires juridiques ;

Important : les éléments exclus des indemnités accessoires sont les suivants : matériel, mobilier et droits incorporels ; acquisition d’un nouveau pas‐de‐porte ; aménagements internes des locaux repris par le Bailleur ; impôts dus au titre des plus‐values ; préjudice moral.

3.3.2.1. Valeur de déplacement

Utilisation de la valeur de déplacement :

La valeur de déplacement est utilisée lorsque l’éviction n’entraîne pas la disparition du fonds et que le locataire se réinstalle en se déplaçant dans un nouveau local à proximité sans avoir à acheter ou créer un nouveau fonds.

Il appartient donc au Bailleur, sur lequel pèse une présomption de disparition du fonds du locataire évincé, de démontrer que le locataire est en mesure de transférer le fonds en établissant notamment que : la clientèle est exclusivement attachée à la personne du locataire ; la clientèle survivra à un déplacement géographique du fonds ; le locataire a la possibilité de trouver de nouveaux locaux d’exploitation dans le voisinage ou à proximité.

Important : la valeur de déplacement est exclue lorsqu’elle est supérieure à la valeur de remplacement du fonds de commerce. Dans ce cas, il convient de retenir la valeur de remplacement.

Calcul de la valeur de déplacement :

La valeur de déplacement à laquelle doit être fixé le montant de l’indemnité d’éviction, comprend :

– à titre principal, la valeur du droit au bail (i) ;

– à titre accessoire, les indemnités annexes réparant les autres chefs de préjudice engendrés par le départ du locataire (frais de déménagement, trouble commercial, frais – et non coût – d’acquisition d’un nouveau fonds etc…) (ii) ;

(i) Calcul du montant de l’indemnité principale

Il résulte de la jurisprudence constante que l’indemnité principale de la valeur de déplacement sera basée sur la valeur du droit au bail du local objet de l’éviction (Cass. civ. 3e, 15-10-2008, n° 07-17.727). La jurisprudence ne retient que très rarement la valeur du droit au bail du nouveau local.

Cette indemnité principale sera généralement calculée selon la méthode du différentiel :

[Loyer du marché (valeur locative) – loyer dû par le locataire si le bail avait été renouvelé (loyer plafonné)]

x

Coefficient multiplicateur de valorisation (qui varie entre 3 et 9 en fonction de la qualité de l’emplacement)

Observation : Dans certaines situations, le montant du pas-de-porte déboursé par le locataire pour sa réinstallation pourra être retenu dans le chiffrage de l’indemnité d’éviction (Cass. 3e civ., 25 janv. 1968, n°65‐13.246 ; Cass. 3e civ., 20 juin 1979, n°77‐13.863).

(b) Calcul du montant des indemnités accessoires

– Frais de déménagement et de réinstallation : frais d’aménagement des nouveaux locaux (dus si le locataire a l’intention de se réinstaller) ;

– Frais de remploi (frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur) : entre 8 et 10 % de la valeur du fonds de commerce (dus si le locataire a l’intention de se réinstaller) ;

– Indemnité de trouble commercial ou de cessation d’exploitation du locataire pendant le temps nécessaire à sa réinstallation : environ 3 mois d’excédent brut d’exploitation ou 15 jours de masse salariale (sauf si le locataire n’a pas l’intention de se réinstaller ou n’est pas en mesure de le faire) ;

– Frais de licenciement : les indemnités mises à la charge de l’employeur devront être remboursées par le Bailleur ;

– Indemnité pour perte du logement accessoire : indemnité due lorsque la disparition du logement accessoire prive le locataire d’un avantage qui était en relation directe avec l’exploitation du fonds et qui influait sur sa rentabilité ;

– Frais et honoraires juridiques ;

3.4. Fiscalité de l’indemnité d’éviction

3.4.1. Pour le bailleur

3.4.1.1. Déductibilité de l’indemnité d’éviction

Déductibilité de l’indemnité d’éviction versée par le bailleur en vue d’accroitre le montant des loyers imposables :

L’indemnité d’éviction est considérée comme une charge déductible du montant brut des loyers (pour le bailleur relevant des revenus fonciers) ou du résultats imposables (pour le bailleur soumis au Bénéfices Industriels et Commerciaux ou à l’Impôt sur les Sociétés) lorsque son versement a eu pour objet l’acquisition ou la conservation des revenus tirés de la location de l’immeuble (Conseil d’Etat 20-10-1978, req. n°07157).

2 hypothèses révèlent l’intention du bailleur de tirer un plus grand avantage économique du local commercial :

1ère hypothèse : Le bailleur libère le local en vue de le relouer, le cas échéant après transformation.

2ème hypothèse : Le bailleur reprend la disposition du local aux fins d’exercer une activité distincte de celle du preneur évincé.

Non-déductibilité de l’indemnité versée par le bailleur en vue d’accroitre ou de valoriser son patrimoine :

L’’indemnité d’éviction est exclue des charges déductibles si le bailleur a résilié le bail dans le but d’accroître ou de valoriser son patrimoine immobilier (Conseil d’Etat 20-10-1978, req. n°07157).

Trois hypothèses révélant l’intention du bailleur de cesser son activité locative pour accroître son capital immobilier :

– Le bailleur libère le local en vue de sa démolition.

– Le bailleur libère le local en vue d’en reprendre la disposition.

– Le bailleur libère le local en vue d’en faciliter la vente.

3.4.1.2. Prise en compte de l’indemnité d’éviction pour le calcul de la plus-value de cession du local

Lorsque le bailleur, particulier ou entreprise, verse une indemnité d’éviction au locataire afin de vendre le local libre de toute occupation, le montant de cette indemnité est compris parmi les frais supportés par le vendeur à l’occasion de la cession. Cette indemnité est donc déductible du prix de cession, pour le calcul de la plus-value immobilière des particuliers.

Par exception, le service des Impôts est fondé à refuser de tenir compte du versement de l’indemnité d’éviction au preneur évincé, pour le calcul de la plus-value de cession, dans 3 séries d’hypothèses :

– Non-déduction des versements d’indemnités d’éviction présentant un caractère fictif ou frauduleux ;

– Non-déduction des indemnités versées aux preneurs ayant cessé leur activité ;

– Non-déduction des indemnités sans lien avec l’acquisition ou la cession du local commercial.

3.4.2. Pour le locataire

3.4.2.1. Imposition de l’indemnité d’éviction pour le locataire soumis à l’impôt sur le revenu

Dans ce cas, le régime d’imposition des divers éléments d’une indemnité d’éviction varie selon la nature du préjudice que cette indemnité est destinée à réparer :

– lorsqu’elle compense la perte d’un élément d’actif (le droit au bail) : la fraction de l’indemnité d’éviction correspondante est assimilée à un prix de cession. En conséquence, cette fraction est imposée comme une plus-value ;

– lorsqu’elle compense une charge ou un manque à gagner (frais de remploi, frais de déménagement et de réinstallation, frais de publicité, perte de recettes commerciales, etc.) : la fraction de l’indemnité d’éviction correspondante est comprise dans le résultat imposable au taux normal.

3.4.2.2. Imposition de l’indemnité d’éviction pour le locataire soumis à l’impôt sur les sociétés

Dans ce cas, l’indemnité d’éviction sera imposée au taux normal de l’impôt sur les sociétés, quelle que soit la nature du préjudice compensé par l’indemnité.

3.4.3. Indemnité d’éviction et TVA

Conformément aux principes dégagés par le Conseil d’État, les indemnités sont soumises à TVA uniquement si elles constituent la contrepartie d’une prestation de services individualisée rendue à celui qui la verse. À l’inverse, une indemnité qui a pour objet exclusif de réparer un préjudice n’a pas à être soumise à la TVA.

Or, l’indemnité d’éviction versée par le bailleur est destinée à réparer le préjudice subi par le locataire du fait de l’absence de renouvellement.

Dans ces conditions, cette indemnité d’éviction ne constitue pas la contrepartie d’une prestation de services et n’est donc pas soumise à TVA.

Bail commercial : la notion du droit de préemption du preneur

Bail commercial : la notion du droit de préemption du preneur

1. Définition du droit de préemption du locataire

Le locataire d’un local commercial ou artisanal bénéficie d’un droit de préemption.

Autrement dit, si le bailleur décide de vendre ledit local, le locataire est prioritaire pour l’acquisition par rapport aux tiers (article L.145-46-1 du Code de commerce).

Cette disposition est d’ordre public : cela signifie que le contrat de bail commercial ne peut exclure ce droit de préemption du locataire.

2. Mise en œuvre du droit de préemption du locataire

2.1. Obligation pour le bailleur de notifier au locataire son intention de vendre le local

Le bailleur a l’obligation de notifier au locataire son intention de vendre le local par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé ou émargement.

A peine de nullité, cette notification doit impérativement indiquer le prix et les conditions de la vente envisagée et reproduire les quatre (4) premiers alinéas de l’article L.145-46-1 du Code de commerce.

Cette notification vaut offre de vente au profit du locataire.

L’absence de cette notification par le bailleur est considérée comme une violation du droit de préemption du locataire.

Focus sur le moment de la notification au locataire :

Afin de respecter le droit de préemption du locataire, cette notification doit intervenir avant la vente du local auprès du tiers acquéreur. En revanche, cette notification peut intervenir postérieurement à la conclusion d’une promesse unilatérale de vente sous la condition suspensive d’absence d’exercice de son droit de préférence par le locataire (Cour de cassation, troisième chambre civile, 23-09-2021, n°20-17.799).

2.2. La réponse du locataire à la notification du bailleur

Le locataire dispose d’un délai d’un (1) mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer :

– Si le locataire décline l’offre : le bailleur peut procéder à la vente du local auprès d’un tiers,

– Si le locataire ne répond pas à l’offre dans le délai d’un (1) mois : l’offre devient caduque et le bailleur peut procéder à la vente du local auprès d’un tiers,

– Si le locataire accepte l’offre : le locataire dispose d’un délai de deux (2) mois pour conclure la vente avec le bailleur. S’il compte recourir à un prêt, il doit il doit l’indiquer au Bailleur, le délai de réalisation de la vente est alors porté à quatre (4) mois. Si, à l’expiration de ce délai de quatre (4) mois, la vente n’a pas été réalisée, l’acceptation de l’offre de vente est sans effet.

2.3. Lorsque le bailleur décide de vendre son local à un tiers à des conditions plus avantageuses que celles notifiées au locataire

S’il apparait que finalement, le bailleur décide de vendre le local à des conditions ou à un prix plus avantageux à un tiers acquéreur, le bailleur ou le notaire doit notifier au locataire, ces conditions et ce prix à peine de nullité de la vente.

Cette notification doit respecter les formes et conditions visées au 2.1 du présent article.

Cette notification vaut également offre de vente au profit du locataire qui doit répondre dans le délai d’un (1) mois.

Le 2.2 du présent article s’applique à cette notification.

3. Sanction en cas de non-respect du droit de préemption du Locataire

Le non-respect du droit de préemption du Locataire est la nullité de la vente effectuée en violation de ce droit (Cour de cassation, troisième chambre civile, 14-11-2012, n°11-22.433).

Cette action en nullité doit être introduite par le locataire dans un délai de deux (2) ans à compter de la notification de la cession au tiers acquéreur devant le Tribunal Judiciaire du lieu de situation de l’immeuble.

4. Exception au droit de préemption

Néanmoins, il résulte du dernier alinéa de l’article L.145-46-1 du Code de commerce que ce droit de préemption du n’est pas applicable si l’on se trouve dans l’une des hypothèses suivantes :

– cession unique de plusieurs locaux d’un ensemble commercial,

– de cession unique de locaux commerciaux distincts,

– de cession d’un local commercial au copropriétaire d’un ensemble commercial,

– cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux,

– cession d’un local au conjoint du bailleur, ou à un ascendant ou un descendant du bailleur ou de son conjoint.

Avant d’engager toute action contentieuse en nullité de la vente du local en violation de son droit de préemption, le locataire doit donc vérifier que la vente du local n’entre pas dans l’une de ces hypothèses.

Cession d’un fonds de commerce : aspects juridiques, opérationnels et fiscaux

Cession d’un fonds de commerce : aspects juridiques, opérationnels et fiscaux

1. Introduction rapide

Définition du fonds de commerce

Le fonds de commerce est composé de divers éléments traditionnellement divisés en éléments incorporels (ex : clientèle, droit au bail, enseigne et nom commercial, contrats en cours, licences, …) et en éléments corporels (marchandises et matériels). L’élément le plus important est la clientèle, sans laquelle le fonds de commerce n’existe pas.

Régime juridique de la cession d’un fonds de commerce

D’abord, comme son nom l’indique, la cession d’un fonds de commerce est d’abord un contrat de vente définit par les articles 1582 et suivants du code civil.

Ensuite, le code de commerce prévoit un cadre légal spécifique à la cession d’un fonds de commerce aux articles L. 141-2 et suivants et R. 141-1 et suivants du code de commerce.

Conditions de fonds de la cession d’un fonds de commerce

D’abord, en application des articles 1594 et suivants du code civil, il convient de savoir qui peut acheter ou vendre. En matière de vente d’un fonds de commerce, les parties doivent avoir la qualité de commerçant au sens des articles L. 121-1 et suivants du code de commerce. Précisons que pour les activités règlementées, le repreneur doit justifier en plus d’un diplôme.

Ensuite, en application des articles 1598 et suivants du code civil, il convient de savoir si tous les éléments du fonds de commerce objet de la cession peuvent être vendus. En effet, certains éléments sont inaliénables et il convient de les identifier.

Enfin, en application des articles 1602 et suivants du code civil, le vendeur est tenu de deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend. La principale obligation de l’acheteur est quant à lui celle de payer le prix au jour et au lieu réglé par la vente

Conditions de forme de la cession d’un fonds de commerce

Le formalisme de la vente d’un fonds de commerce a été allégé par la loi du 19 juillet 2016. Le formalisme de l’acte de vente en lui-même est régi par les articles L. 141-2 et suivants du code de commerce. Les formalités postérieures à l’acte de vente sont précisées aux articles R. 141-2 et suivants du code de commerce.

2. Les aspects juridiques et opérationnels de la cession d’un fonds de commerce

2.1. La phase préparatoire (l’audit)

Audit : définition et objectifs

La réalisation d’un audit n’est pas obligatoire mais vivement conseillée, tant par le vendeur que par l’acquéreur. Un audit peut porter sur de nombreux aspect : ressources humaines, contractuel, corporate, fiscalité, comptabilité, … Toutefois, à l’occasion de la cession d’un fonds de commerce le repreneur n’hérite que des éléments d’actifs. Dans ces conditions, un audit juridique peut suffire.

L’audit juridique permet de dresser un inventaire global de tous les éléments incorporels et corporels qui composent le fonds de commerce. Plus précisément, l’auditeur vérifie, que chaque élément du fonds de commerce peut être cédé et, le cas échéant, dans quelles conditions.

En effet, certains éléments du fonds de commerce sont tout simplement inaliénables. C’est le cas par exemple des autorisations d’occupation du domaine public. Dans cette hypothèse, il appartient à l’acquéreur de faire son affaire personnelle de ladite autorisation auprès de l’autorité compétente. C’est là qu’une transmission de l’entreprise par rachat de titre et non de fonds de commerce peut s’avérer opportune pour contourner l’obstacle de l’inaliénabilité de certains éléments indispensables à l’activité.

Certains éléments du fonds de commerce sont quant à eux cessibles mais sous certaines conditions. C’est le cas par exemple d’un contrat de franchise. En règle générale, le franchiseur est bénéficiaire d’un droit de préférence sur les cessions de fonds de ses franchisés. Également, il peut exister une procédure d’agrément du repreneur par le franchiseur qui souhaite protéger son réseau.

Focus sur les statuts de la société cédante : objectifs et enjeux

L’analyse des statuts permet de vérifier si l’opération de vente du fonds de commerce entre dans l’objet social. A défaut, il conviendra d’obtenir l’autorisation de la vente du fonds en réunissant l’assemblée générale. Le cas échéant, l’analyse des statuts permet de connaitre les conditions de convocation, de quorum et de majorité à cette assemblée.

Focus sur les contrats de travail : objectifs et enjeux

En application de l’article L. 1224-1 du code du travail, tous les contrats de travail en cours au jour de la cession sont automatiquement transférés au repreneur avec leur ancienneté et avantages acquis. En outre, dans la mesure où le repreneur devient le nouvel employeur du salarié, celui-ci peut engager une procédure prud’homale contre le repreneur pour des faits commis antérieurement à la vente par le cédant. Le cas échant, le repreneur aura un recours en garantie contre le cédant. Toutefois, l’efficacité d’un tel recours est relative, notamment en raison de la solvabilité du cédant postérieurement à la vente. Dans ces conditions, l’objectif d’un tel audit est de vérifier que le cédant a parfaitement respecté les règles applicables en matière de droit du travail pour éviter tout risque.

Focus sur le bail commercial : objectifs et enjeux

L’analyse du bail commercial permet de vérifier les conditions de la cession de ce contrat particulier à la clause dite « cession sous-location ». Précisons que l’article L. 145-16 du code de commerce dispose que le bailleur ne peut pas s’opposer à la cession du droit au bail à l’acquéreur du fonds de commerce. Toutefois, le bail peut encadre les règles de cette cession en prévoyant parfois un droit de préemption du bailleur en cas de vente du fonds de commerce par son locataire. Également, le bail peut prévoir que la cession du droit au bail doit être constaté par acte authentique ce qui implique de mandater un notaire pour réaliser la vente. L’analyse du bail commercial permet aussi de vérifier sa date d’expiration. Ainsi, dans l’hypothèse où le bail est déjà expiré ou est sur le point de l’être, il sera nécessaire de procéder aux formalités de renouvellement.

Focus sur les contrats en cours : objectifs et enjeux

L’analyse de chaque contrat permet de vérifier les conditions de la cession de chacun d’eux à la clause dite « cession ». Certains contrats prévoient que la cession est libre, d’autre interdite sauf accord express du cocontractant. Ainsi, pour chaque contrat, l’auditeur mentionne expressément la procédure et le formalisme à respecter pour assurer la sécurité juridique de l’opération. L’auditeur note également le montant ou les modalités de calcul de l’indemnité due en cas d’une éventuelle résiliation anticipée afin d’en avertir le cédant dans l’hypothèse où le repreneur exclu le contrat du périmètre de la reprise.

Précisons que les articles 1216 et suivants du code civil prévoient de manière générale que la cession du contrat ne libère le cédant de ses obligations vis-à-vis du cédé que si ce dernier y a expressément consenti. A défaut, et sauf clause contraire, le cédant est tenu solidairement à l’exécution du contrat. En outre, les articles 1321 et suivants du code civil précisent les conditions de la cession de créance et notamment celle de son opposabilité au cédé.

Ainsi, en cas d’une cession libre, il est vivement recommandé au cédant de solliciter en amont l’autorisation expresse de la cession du contrat par le cocontractant. A défaut d’une telle autorisation, il appartiendra au cédant de notifier au cocontractant la cession afin qu’elle lui soit opposable. Toutefois, une telle notification ne libère pas le cédant vis-à-vis du cédé s’il n’y a pas consenti.

2.2. La phase précontractuelle (les négociations)

La formalisation de la phase précontractuelle est vivement conseillée. Le contrat de pourparlers permet de d’encadrer la phase des négociations, leur durée et les conditions de leurs ruptures. A ce propos, il est possible de prévoir contractuellement les mesures coercitives ou les sanctions en cas de faute ou de rupture abusive des négociations.

Rappelons que l’opération de cession d’un fonds de commerce est un contrat de vente. Dans ces conditions, les négociations ont pour but de trouver un accord sur la chose (le fonds de commerce) et le prix.

Détermination de la chose vendue (le fonds de commerce) :

Les parties doivent, durant la négociation, déterminer avec précision le périmètre de la reprise. Attention : la jurisprudence considère que les éléments d’actifs non mentionnés dans l’acte sont exclus par principe dudit périmètre. C’est là l’intérêt d’avoir réalisé un audit juridique préalable sérieux. En effet, sur la foi de l’audit, le repreneur peut se permettre de faire son marché des éléments à reprendre ou à exclure du périmètre. C’est notamment sur ce point que les négociations sont importantes. Par exemple, en matière contractuelle, un contrat non repris demeure à la charge du cédant ce qui a nécessairement un impact sur la négociation du prix.

Détermination du prix :

Les parties doivent ensuite déterminer le prix de cession. Il existe plusieurs méthodes de valorisation d’un fonds de commerce. Notamment, les méthodes par le chiffre d’affaires, par le bénéfice ou par comparaison.

Nos conseils de négociation aux repreneurs : outre le prix de vente du fonds en lui-même, le repreneur va devoir faire face à de nombreux frais qu’il convient d’intégrer dans la négociation du prix : frais de rédaction d’acte et de séquestre (honoraires), dépôt de garantie (remboursement au cédant ou paiement au bailleur), droits d’enregistrement et financement du besoin en fonds de roulement. Ensuite, il est important de vérifier que le résultat net comptable moyen réalisé par le vendeur permettra au repreneur d’absorber le coût d’acquisition.

Nos conseils de négociation aux vendeurs : il peut être opportun de faire valoriser le fonds en amont de toute vente par un expert-comptable afin d’avoir une valeur de référence. Ensuite, il est important d’avoir à l’esprit que chaque contrat non-repris peut avoir pour conséquence des indemnités de résiliation anticipée à la charge du cédant. Aussi, la valorisation cumulée de ces indemnités peut être négociée avec le repreneur comme une charge augmentative du prix afin que le cédant ne soit pas lésé par les choix du repreneur.

2.3. La phase contractuelle (la vente)

2.3.1. La promesse de vente (sous condition suspensive)

La formalisation de la phase d’une promesse de vente sous condition suspensive n’est pas obligatoire mais vivement conseillée. En pratique, elle fait consensus sauf cas exceptionnel. En effet, elle permet de bloquer le fonds de commerce le temps pour l’acquéreur de réaliser quelques formalités nécessaires (telles que la purge du droit de préemption urbain, ou l’obtention d’un financement, …) C’est là encore l’intérêt d’avoir réalisé un audit juridique préalable sérieux. En effet, le rapport d’audit permet d’identifier pour chaque élément d’actif cédé les formalités à accomplir. Aussi, ce sont ces formalités qui peuvent être mises en conditions suspensives.

A titre d’exemples :

Cession d’un contrat de travail : la loi prévoit un droit d’information des salariés qu’il convient de purger 2 mois avant la date de la vente définitive sous peine de sanctions financières.

Cession d’un contrat de franchise : le franchiseur prévoit généralement une procédure d’agrément voire un droit de préemption qu’il convient également de purger avant la date de la vente définitive.

Cession d’un véhicule : la loi prévoit l’obligation de réaliser un contrôle technique avant la date de la vente définitive. Il est également indispensable de lever un certificat de non-gage.

Cession d’un leasing : le leaseur prévoit généralement une procédure d’agrément du cessionnaire qu’il convient de purger avant la date de la vente définitive.

Cession du droit au bail : la loi prévoit un droit de préemption urbain qu’il convient de purger avant la date de la vente définitive. Le bail peut également prévoir un droit de préemption du bailleur.

En outre, il existe des conditions suspensives dites classiques. Il s’agit notamment de l’absence d’inscription de privilège sur le fonds de commerce ou encore de l’obtention d’un financement bancaire. Les conditions suspensives sont donc une phase très importante dans l’opération de vente d’un fonds de commerce.

2.3.2. La purge des conditions suspensives

Postérieurement à la signature du compromis, vendeur et repreneur doivent purger les conditions suspensives dans les conditions déterminées dans l’acte.

Tant que la condition suspensive ne se réalise pas, la cession ne s’exécute pas. Ainsi, tant que la condition suspensive est en suspens, le cédant reste propriétaire de son fonds de commerce et l’acquéreur n’est pas tenu de payer le prix.

Dans ces conditions, l’acte prévoit généralement une date limite pour purger les conditions suspensives de sorte qu’au-delà le compromis devient caduc. Un contentieux important existe notamment lorsqu’il est démontré la mauvaise foi de l’acquéreur quant au laxisme dont il aurait fait preuve dans la recherche de son financement par exemple.

2.3.3. La vente définitive

Postérieurement à la purge des conditions suspensives, il convient de rédiger et signer l’acte de cession définitif. Cet acte est soumis au formalisme allégé des articles L. 141-2 et suivants du code de commerce.

A ce titre, le vendeur est tenu d’énoncer dans l’acte de vente, sous peine de nullité : le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d’acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel, l’état des privilèges et nantissements grevant le fonds, le chiffre d’affaires qu’il a réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans, les résultats d’exploitation réalisés pendant le même temps et le bail, sa date, sa durée, le nom et l’adresse du bailleur et du cédant, s’il y a lieu.

En outre, au jour de la cession, le vendeur et l’acquéreur visent un document présentant les chiffres d’affaires mensuels réalisés entre la clôture du dernier exercice comptable et le mois précédant celui de la vente. Pendant une durée de trois ans à compter de l’entrée de l’acquéreur en jouissance du fonds, le vendeur met à sa disposition, à sa demande, tous les livres de comptabilité qu’il a tenus durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente.

Enfin, pour assurer le droit d’opposition des créanciers, l’acte désigne en pratique le séquestre qui jouera le rôle du tiers détenteur du prix d’acquisition. En règle générale, c’est l’avocat rédacteur d’acte. Si chaque partie a son conseil, c’est le conseil du cessionnaire.

2.4. La phase post-contractuelle (enregistrement – publicité – gestion du séquestre)

Postérieurement à la vente, l’acquéreur est débiteur de nombreuses obligations formelles.

D’abord, il lui appartient d’enregistrer l’acte au Service de la publicité foncière et de l’enregistrement compétent. C’est à cette occasion qu’il s’acquitte des droits d’enregistrement et qu’il déclare la cession du fonds au fisc.

Ensuite, il doit assurer la publicité de la vente dans un journal d’annonce légale et au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales dans un délai de 15 jours à compter de la signature de la vente.

Enfin, il doit déclarer l’ouverture et la mise en activité de son établissement auprès du Centre de formalités des entreprises compètent.

Il convient de préciser que dès l’avis de publication au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales, les créanciers ont 10 jours pour s’opposer au paiement du prix. En principe, c’est le séquestre qui reçoit les oppositions. La loi impose au séquestre de distribuer le prix de vente dans un délai de 105 jours à compter de la vente. En pratique, la procédure de distribution doit suivre l’ordre des privilèges.

3. Les aspects fiscaux de la cession d’un fonds de commerce

3.1. La fiscalité du cessionnaire (droits d’enregistrement)

Le cessionnaire est imposé au titre des droits d’enregistrement (ou droit de mutation).

3.1.1. Régime fiscal des droits d’enregistrement

Par principe, les taux des droits d’enregistrement sont de 3 % sur les cessions effectuées pour un prix compris entre 23.000 euros et 200.000 euros et de 5 % sur celles excédant 200.000 euros.

* Exemple 01 : prix de vente 180.000 €

Droits d’enregistrement = (180.000 € – 23.000 €) x 3 % = 4.710 €

* Exemple 02 : prix de vente 1.000.000 €

Droits d’enregistrement = [(1.000.000 € – 200.000 €) x 5 %] + [(200.000 € – 23.000 €) x 3 %] = 45.310 €

3.1.2. Régime fiscal dérogatoire lié à l’emplacement géographique du fonds de commerce

Lorsque le fonds de commerce est situé dans une Zones Franches Urbaines (ZFU), sur un territoire d’entrepreneurs ou dans une Zones de Revitalisation Rurale, le calcul des droits d’enregistrement peut être plus favorable sous réserve de l’engagement du repreneur de maintenir l’activité pendant au moins 5 ans.

Le cas échéant, les taux applicables sont de 1% pour les cessions dont le prix est compris entre 23.000 euros et 107.000 euros, 3 % si le prix est compris entre 107.000 euros et 200.000 euros et 5 % sur les cessions excédant 200.000 euros.

3.1.3. Régime fiscal dérogatoire lié à la personne du repreneur

Il existe certains abattements fiscaux en considération de la personne du repreneur.

Par exemple, si le repreneur est un membre de la famille du vendeur, ou s’il était l’employé de ce dernier pendant au moins deux années, les droits d’enregistrement peuvent faire l’objet d’un abattement de 300.000 euros sur l’assiette imposable sous réserve de l’engagement du repreneur de maintenir l’activité pendant au moins 5 ans.

3.2. La fiscalité du cédant (plus-values)

Le cédant est quant à lui imposé au titre des plus-values.

Le calcul de la plus-value correspond à la différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition du fonds. Si la plus-value réalisée ne concerne que la vente du fonds de commerce, elle suit le régime des plus-values professionnelles.

3.3. Le régime fiscal des plus-values professionnelles

L’imposition des plus-values professionnelles est fonction du régime fiscal du cédant : Impôt sur les Sociétés (IS) ou Impôt sur le Revenu (IR).

3.3.1. Le régime fiscal des plus-values professionnelles à l’IR

Lorsque le cédant relève de l’IR, il convient de différencier le régime des plus-values à court terme et à long terme.

Régime des plus-value court terme :

Si le fonds de commerce est détenu ou acquis depuis moins de deux ans, il s’agit d’une plus-value à court terme. La plus-value à court terme est imposable dans le résultat de l’entreprise soumise à l’IR. Elle est donc imposable dans les conditions et taux d’imposition de l’IR (art. 39 quaterdecies du code général des impôts).

Régime des plus-value long terme :

Si le fonds de commerce est détenu ou acquis depuis plus de deux ans, il s’agit d’une plus-value à long terme. La plus-value à long terme est taxée au taux de 12,8 %. Elle est également soumise aux contributions sociales au taux de 17,2 %, d’où un taux d’imposition global de 30 %.

3.3.2. Le régime fiscal des plus-values professionnelles à l’IS

La plus-value de cession d’un fonds de commerce par une société soumise à l’IS constitue en principe une plus-value à court terme, que le fonds de commerce soit détenu depuis plus ou moins deux ans. Le montant de la plus-value est imposable dans le résultat de l’exercice en cours lors de la vente du fonds de commerce. L’imposition de cette plus-value a donc lieu au taux normal de l’impôt sur les sociétés, soit 25 % pour les exercices ouverts à partir du 1er janvier 2022. Par exception, le taux réduit de 15 % est appliqué au PME dont les bénéfices sont inférieurs à 38.120 euros.

3.4. Les régimes spéciaux : cas d’exonération de plus-value

3.4.1. Exonération pour durée de détention du fonds de commerce

Il y a exonération totale d’impôt pour la plus-value à long terme réalisée sur la vente d’un fonds de commerce détenu ou acquis par l’entreprise cédante depuis plus de 15 ans (art. 151 septies du code général des impôts). En effet, les plus-values sont imposées après application d’un abattement de 10 % par année de détention, au-delà de la 5e année.

3.4.2. Exonération pour les PME relevant de l’IR en fonction des recettes

Une exonération est possible pour les PME relevant de l’IR dont l’activité est exercée depuis au moins 5 ans. Cette exonération, totale ou partielle, dépend du montant de leurs recettes (moyenne des recettes des 2 dernières années civiles) :

exonération totale pour les PME industrielles et commerciales de vente (marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place) ou de fournitures de logements (sauf location de locaux d’habitation meublés ou destinés à être meublés) si les recettes sont inférieures à 250 000 € HT ;

exonération totale pour les PME de prestations de service si les recettes sont inférieures à 90 000 € HT ;

exonération partielle quand les recettes dépassent les seuils précités mais n’excèdent pas 350 000 € HT pour les ventes, 126 000 € HT pour les prestations de services.

3.4.3. Exonération en fonction du prix de vente

Il y a exonération totale ou partielle d’impôt sur la plus-value en fonction du prix de vente du fonds de commerce (art. 238 quindecies du code général des impôts) : exonération totale pour les entreprises individuelles soumises à l’IR dont l’activité est exercée depuis plus de 5 ans pour une cession de fonds de commerce à un prix inférieur à 500 000 € (depuis le 07-05-2022). L’exonération est partielle si le prix est compris entre 500 000 et 1 000 000 € (depuis le 07-05-2022).

3.4.4. Exonération en raison du départ à la retraite de l’exploitant

Il y a exonération en cas de départ à la retraite de l’exploitant d’une PME relevant de l’IR (art. 151 septies A du code général des impôts), dans le cas d’une cession de fonds de commerce sous certaines conditions :

* l’exploitant doit prendre sa retraite dans les deux ans qui précèdent ou suivent la cession et ne doit pas détenir plus de 50 % des droits de vote ou des droits dans les bénéfices de l’entreprise ;

* l’entreprise emploie moins de 250 salariés ;

* l’entreprise réalise un CA annuel inférieur à 50 millions d’euros ;

* l’entreprise exerce son activité depuis au moins 5 ans.

Le bail dérogatoire n’est ni un bail commercial, ni un bail précaire

Les principales caractéristiques du bail dérogatoire sont :

– durée minimale : NON

– durée maximale : OUI (3 ans)

– droit au renouvellement : NON

Ainsi, le bail dérogatoire permet au commerçant de tester son activité sans engagement dans la durée vis-à-vis de son bailleur. Il permet également au bailleur de maîtriser son patrimoine.

QUID DU SILENCE A L’ARRIVEE DU TERME ?

En cas de silence des parties à l’arrivée du terme, l’occupation par le locataire se poursuit sous le statut de baux commerciaux et lui confère donc la propriété commerciale, avec le droit au renouvellement. Le bailleur perd donc la maîtrise de son patrimoine.

Notre conseil pour le bailleur : avant l’arrivée du terme, le bailleur doit faire signifier par huissier au locataire un « congés-avertissement » ou « sommation de déguerpir ». En effet, la Cour de cassation considère que lorsque le bailleur a, avant le terme du bail dérogatoire, délivré congé au preneur pour cette date, la renonciation du bailleur à son droit de demander au locataire de quitter les lieux ne peut se déduire de son silence ou de sa seule inaction postérieure.

Notre conseil pour le locataire : gardez le silence !