L’usufruitier de titres sociaux n’est pas associé, mais…

[Résumé]

Dans une décision en date du 16 février 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation indique clairement que l’usufruiter de parts d’une SCI n’a pas la qualité d’associé. Dès lors, faute de démontrer que la question à soumettre à l’assemblée à une incidence directe sur son droit de jouissance, il n’est pas fondé à demander en justice la désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération.

(Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 16 février 2022, 20-15.164, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, une SCI familiale avait l’objet de démembrement de ses titres sociaux. Certains usufruitiers ont ont demandé à la gérante de provoquer la délibération des associés concernant la révocation de ses fonctions de gérante et la nomination de co-gérant.

Devant le silence gardé par le gérant à cette demande, les usufruitiers concernés ont assigné la gérante, les nus-propriétaires et la SCI aux fins de voir désigner un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés à l’effet de statuer sur la révocation du gérant de ses fonctions et la nomination de co-gérants.

Les juges du fond ont confirmé l’ordonnance ayant déclaré irrecevable cette demande, conduisant à la formation d’un pourvoi en cassation.

La Haute juridiction rejette le pourvoi et énonce que :

« Aux termes de l’article 578 du code civil, l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance.

 Selon l’article 39, alinéas 1er et 3, du décret du 3 juillet 1978, dans sa version applicable, un associé non-gérant d’une société civile peut à tout moment, par lettre recommandée, demander au gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée. Si le gérant s’oppose à la demande ou garde le silence, l’associé demandeur peut, à l’expiration du délai d’un mois à compter de sa demande, solliciter du président du tribunal, statuant en la forme des référés, la désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés.

 Il résulte de la combinaison de ces textes que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, mais qu’il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance.

 [Les usufruitiers] n’ayant pas la qualité d’associés et n’ayant pas soutenu que la question à soumettre à l’assemblée générale avait une incidence directe sur le droit de jouissance des parts dont ils avaient l’usufruit, la cour d’appel a retenu, à bon droit, que leur demande de désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés était irrecevable ».

[L’avis du Cabinet]

Les démembrements de titres sociaux permettent pour des parts ou actions de séparer pour le même bien la nue-propriété de l’usufruit. La technique est fréquemment utilisée, par exemple dans le cadre familial pour permettre la transmission de la société aux générations suivantes.

Dans un avis en date du 1e décembre 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait indiqué clairement que l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé, celle-ci ne bénéficiant qu’au seul nu-propriétaire. L’usufruitier peut toutefois peut provoquer une délibération des associés si cette délibération est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales.

La 3e chambre civile reprend ici la solution dégagée par la Chambre commerciale. En l’espèce pour les magistrats la demande tendant à la désignation d’un mandataire chargé de provoquer une délibération tendant à conduire à une révocation du gérant et la nomination de cogérant est considérée comme irrecevable. En effet, les demandeurs ne montraient en l’espèce pas en quoi cela aurait eu une incidence sur leur droit de jouissance des parts sociales. Les plaideurs devront donc porter une attention particulière à la rédaction de leur demande, à défaut de quoi l’irrecevabilité sera inéluctable.

Un nouveau statut pour les entrepreneurs individuels

[Résumé]

Avec une volonté de protection de l’entrepreneur individuel dans l’exercice de son activité, le législateur vient créer un nouveau régime légal en matière d’entreprenariat. La loi du 14 février 2022 en faveur de l’activité professionnelle indépendante offre un statut unique à l’entrepreneur individuel dont le patrimoine sera dédoublé de plein droit. Il met ce faisant à l’abri des poursuites de ses créanciers professionnels son patrimoine personnel.

(Loi 2022-172 du 14 février 2022 art. 1 à 4 : JO 15 texte n° 2)

[Un statut protecteur]

Définition de l’entrepreneur individuel. La protection du patrimoine est une préoccupation majeure des entrepreneurs. Cela peut classiquement passer par la création d’une société unipersonnelle. Le droit français offre désormais aux entrepreneur une protection de plein droit. La loi définit l’entrepreneur comme toute personne qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes (art. L. 526-22 c. com.).

Patrimoine professionnel. Les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Ce patrimoine ne peut être scindé. C’est donc le critère de l’utilité des biens pour l’activité qui est retenu pour identifier les éléments composant le patrimoine professionnel.

Limitation du droit de gage des créanciers professionnels. L’entrepreneur individuel n’est tenu de remplir son engagement à l’égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation. Les éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel. Seul le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel. Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos. En outre, les sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité ou de ses activités professionnelles indépendantes conservent leur effet, quelle que soit leur assiette.

Point de départ de la protection. Le régime légal ne s’applique qu’aux créances nées à compter de l’immatriculation au registre dont relève l’entrepreneur individuel pour son activité, lorsque celle-ci est prévue. Lorsqu’il relève de plusieurs registres, la dérogation prend effet à compter de la date d’immatriculation la plus ancienne. Lorsque la date d’immatriculation est postérieure à la date déclarée du début d’activité, la dérogation prend effet à compter de la date déclarée du début d’activité, dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat. A défaut d’obligation d’immatriculation, la dérogation court à compter du premier acte qu’il exerce en qualité d’entrepreneur individuel, cette qualité devant apparaître sur les documents et les correspondances à usage professionnel.

Possibilité de renoncer à la protection. L’entrepreneur individuel peut, sur demande écrite d’un créancier, renoncer à la scission de son patrimoine, pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable.

Possibilité d’opter pour l’IS. L’article 13 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 (loi de finances 2022), a prévu la possibilité pour une entreprise individuelle d’opter pour l’impôt sur les sociétés. Cette option est ouverte à compter de l’entrée en vigueur du nouveau statut de l’entrepreneur individuel.

Fin du statut. Dans le cas où un entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis. Il en est de même en cas de décès de l’entrepreneur individuel

Devenir de l’EIRL. Il ne sera plus possible de recourir au régime de l’EIRL pour l’avenir. Les EIRL constituées avant le 15 février 2022 demeurent toutefois soumise à ce régime.

Transmission du patrimoine professionnel. Comme le commerçant transmet son fonds de commerce, l’entrepreneur a désormais la possibilité de céder son patrimoine professionnel.

L’entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel, sans procéder à la liquidation de celui-ci. Le transfert non intégral d’éléments de ce patrimoine demeure soumis aux conditions légales applicables à la nature dudit transfert et, le cas échéant, à celle du ou des éléments transférés.

Le transfert universel du patrimoine professionnel emporte cession des droits, biens, obligations et sûretés dont celui-ci est constitué. Il peut être consenti à titre onéreux ou gratuit. Lorsque le bénéficiaire est une société, le transfert des droits, biens et obligations peut revêtir la forme d’un apport (art. 526-27 du code de commerce).

Le législateur autorise ainsi la valorisation de son patrimoine professionnel par l’entrepreneur et facilite le cas échéant le passage sous forme sociale pour l’exercice de l’acticité.

Cession de titres : aspects juridiques, opérationnels et fiscaux

Cession de titres : aspects juridiques, opérationnels et fiscaux

1. Introduction rapide

Définition de titres sociaux

Les titres sociaux sont des titres de propriété émis par la société pour les associés (ou actionnaires) en échange de leur apport au capital. Ainsi, les associés (ou actionnaires) d’une société propriétaires de titres sociaux sont créanciers de droit (droit de percevoir les dividendes et droit de vote aux assemblées) et débiteurs de devoir (devoir de participer aux pertes par exemple).

Il convient de préciser que lorsque c’est une société par action qui émet le titre, on parle d’action (ou titre librement négociable). A défaut, pour toutes les autres formes sociales, on parle de part sociale (ou titre non librement négociable). Ce qui distingue les titres librement et non-librement négociales, c’est leur mode de transmission. En effet, les actions sont dites « librement négociables » parce qu’elles échappent au formalisme des cessions de créances. Au-delà du mécanisme des cessions de créances pour la transmission des titres non-négociales, il convient de distinguer la cession aux tiers des parts de SARL qui doit obéir au mécanisme légal de la procédure d’agrément.

Régime juridique de la cession de titres sociaux

D’abord, comme son nom l’indique, la cession de titres sociaux est d’abord un contrat de vente définit par les articles 1582 et suivants du code civil.

Ensuite, le code de commerce prévoit un cadre légal spécifique aux transmissions de titres selon la nature de la société.

Conditions de fonds de la cession de titres sociaux

D’abord, en application des articles 1594 et suivants du code civil, il convient de savoir qui peut acheter ou vendre. En matière de vente de titres, les parties doivent avoir la capacité juridique de contracter Aussi, selon la nature de la société, ils devront avoir la qualité de commerçant.

Ensuite, en application des articles 1602 et suivants du code civil, le vendeur est tenu de deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu’il vend, à savoir les titres sociaux. La principale obligation de l’acheteur est quant à lui celle de payer le prix au jour et au lieu réglés par la vente

Conditions de forme de la cession de titres sociaux

A chaque société son formalisme. Légalement, le formalisme le plus strict incombe aux cessions de parts sociales de SARL. En effet, les articles L. 223-14 et suivants du code de commerce impose un mécanisme d’agrément en cas de cession à un tiers étranger. Ce sont les statuts qui précisent la mise en œuvre de ce mécanisme étant entendu que le tiers n’est agréé qu’avec le consentement de la majorité des associés. En ce qui concerne les autres formes sociales, la loi n’impose pas de formalisme précis. En pratique, ce sont les statuts, et donc la loi des parties, qui déterminent la procédure et le formalisme.

2. Les aspects juridiques et opérationnels de la cession de titres sociaux

2.1. La phase préparatoire (l’audit)

Audit : définition et objectifs

Précisons d’emblée qu’à l’occasion de la cession de titres sociaux, le repreneur n’hérite pas que des éléments d’actifs comme en matière de cession de fonds de commerce. En effet, il hérite de tous les droits et obligations attachés aux titres sociaux, c’est-à-dire notamment au passif qui serait né antérieurement à la cession mais qui se révèlerait après. C’est en ce sens que la cession de titres sociaux est bien plus risquée pour un repreneur.

A ce titre, la réalisation d’un audit d’acquisition par le repreneur nous parait indispensable. Aussi, à la différence d’une vente de fonds de commerce ou l’audit juridique parait suffisant, la cession de titres nécessite un audit beaucoup plus complet. En effet, il est vivement conseillé de faire réaliser à minima un audit comptable par l’acquéreur. Idéalement, l’audit devra porter également sur les aspects de ressources humaines et de fiscalité. En tout état de cause, la cession de titre impose un audit corporate et légale pour connaitre le formalisme à respecter, et notamment la procédure d’agrément en matière de cession de parts sociales de SARL à un tiers.

2.2.  La phase précontractuelle (les négociations)

La formalisation de la phase précontractuelle est vivement conseillée. Le contrat de pourparlers permet de d’encadrer la phase des négociations, leur durée et les conditions de leurs ruptures. A ce propos, il est possible de prévoir contractuellement les mesures coercitives ou les sanctions en cas de faute ou de rupture abusive des négociations.

Rappelons que l’opération de cession de titres est un contrat de vente. Dans ces conditions, les négociations ont pour but de trouver un accord sur la chose (les titres sociaux) et le prix.

Détermination de la chose vendue (les titres sociaux) :

Les parties doivent, durant la négociation, déterminer avec précision le périmètre de la reprise. Il s’agit donc d’identifier précisément les titres sociaux qui sont par principe numérotés dans les statuts.

Détermination du prix :

Les parties doivent ensuite déterminer le prix de cession. Il existe plusieurs méthodes de valorisation des titres sociaux : par la valeur de rendement, par la valeur patrimoniale, par comparaison, par la valeur de productivité ou encore par la valeur mathématique. Astuce : le repreneur doit à notre sens s’assurer que le résultat net comptable moyen réalisé par la société cible lui permettra d’absorber le coût d’acquisition. Sauf en cas de cession immédiate, si l’opération nécessite la rédaction d’une promesse sous condition suspensive, il est important de prévoir que le prix soit revalorisé selon telle ou telle méthode le jour de la vente définitive.

Nos conseils de négociation aux repreneurs : outre le prix de vente du fonds en lui-même, le repreneur va devoir faire face à de nombreux frais qu’il convient d’intégrer dans la négociation du prix : frais de rédaction d’acte et de séquestre (honoraires) et droits d’enregistrement. Il est donc important de vérifier que le résultat net comptable moyen réalisé par la société cible permettra au repreneur d’absorber le coût d’acquisition.

Nos conseils de négociation aux vendeurs : il peut être opportun de faire valoriser la société en amont de toute vente par un expert-comptable afin d’avoir une valeur de référence.

2.3. La phase contractuelle (la vente)

2.3.1. La promesse de vente (sous condition suspensive)

La formalisation de la phase d’une promesse de vente sous condition suspensive n’est pas obligatoire mais vivement conseillée. En pratique, elle fait consensus lorsqu’il s’agit de céder des titres non librement négociables à des tiers. En effet, elle permet de bloquer les titres le temps de réaliser les formalités imposées par les statuts pour la cession en cours. C’est là l’intérêt d’avoir réalisé un audit corporate préalable sérieux. En effet, le rapport d’audit permet d’identifier notamment les étapes à respecter pour purger la procédure d’agrément en matière de cession de parts sociales de SARL à un tiers. Mais également, il peut exister des droits préférentiels de souscription ou autres formalités préalables nécessaires à purger. Aussi, ce sont ces formalités qui peuvent être mises en conditions suspensives.

2.3.2. La purge des conditions suspensives

Postérieurement à la signature du compromis, vendeur et repreneur doivent purger les conditions suspensives dans les conditions déterminées dans l’acte.

Tant que la condition suspensive ne se réalise pas, la cession ne s’exécute pas. Ainsi, tant que la condition suspensive est en suspens, le cédant reste propriétaire des titres sociaux et l’acquéreur n’est pas tenu de payer le prix.

Dans ces conditions, l’acte prévoit généralement une date limite pour purger les conditions suspensives de sorte qu’au-delà, le compromis devient caduc. Un contentieux important existe notamment lorsqu’il est démontré la mauvaise foi de l’acquéreur quant au laxisme dont il aurait fait preuve dans la recherche de son financement par exemple.

2.3.3. La vente définitive

Postérieurement à la purge des conditions suspensive, il convient de rédiger et de signer l’acte de cession définitive. Cet acte n’est soumis à aucun autre formalisme que celui prévu aux statuts et aux articles 1583 et suivants du code civil.

Précisons qu’il est d’usage de prévoir une clause de garantie d’actif et de passif au profit de l’acquéreur. La garantie d’actif et de passif engage un vendeur à indemniser un acheteur si l’actif ou le passif diminue ou augmente, respectivement, suite à la cession d’une société, pour une cause antérieure à la cession en question.

La clause de garantie d’actif assure l’acquéreur d’être couvert contre toute diminution des actifs dont la cause est antérieure à la cession de parts sociales d’une société. Quant à la garantie de passif, il s’agit d’une clause complémentaire à la garantie d’actif. Elle vise également à protéger l’acquéreur de titres d’une société, cette fois-ci contre la hausse de son passif. Cette clause contient notamment les éléments suivants : durée d’application (entre 3 et 5 ans correspondant aux durées de prescription) – date d’activation de la garantie d’actif – champ d’application de la garantie d’actif – calcul de l’indemnité, pouvant être décroissante dans le temps – montant déclenchant la garantie, appelé montant plancher – montant maximum sur lequel le cédant s’engage à indemniser la société, appelé montant plafond – modalités de mise en œuvre de la garantie.

2.4. La phase post-contractuelle (enregistrement – publicité – gestion du séquestre)

Postérieurement à la vente, l’acquéreur est débiteur de l’obligation d’enregistrer l’acte au Service de la publicité foncière et de l’enregistrement compétent et de s’acquitter du droit d’enregistrement.

Ensuite, il convient de distinguer selon que la vente porte sur des actions ou parts sociales :

Pour les cessions d’actions :

L’officialisation de la cession se fait par une transcription de l’opération au registre de mouvement des titres et se manifeste par l’inscription d’un ordre de mouvement par lequel le cédant va donner l’ordre à la société de virer X actions sur le compte du cessionnaire. Le transfert de propriété s’opère avec la mise à jour de la comptabilité des titres.

Pour les cessions de parts sociales :

Une double formalité est nécessaire. Premièrement, il convient d’assurer l’opposabilité de la cession à la société par la signification de l’acte au siège social (article 1690 du code civil). Deuxièmement, il convient d’assurer l’opposabilité aux tiers de la cession par la publication des statuts mis à jour au Centre des Formalités des Entreprises compétent.

3. Les aspects fiscaux de la cession de titres sociaux

3.1. La fiscalité du cessionnaire (droits d’enregistrement)

En ce qui concerne les montants des droits d’enregistrement, ces derniers sont fixés par l’article 726 du code général des impôts. Les taux prévus varient selon qu’il s’agisse d’actions ou de parts sociales mais également selon la nature de la société cible :

* pour les cessions de participations dans les personnes morales à prépondérance immobilière, le droit d’enregistrement est de 5 % ;

* pour les cessions d’actions, de parts de fondateur, de parts bénéficiaires des sociétés par action, autres que celles des personnes morales à prépondérance immobilière ainsi que des parts ou titres de capital souscrits par les clients des établissements de crédit mutualistes ou coopératifs le taux du droit d’enregistrement est fixé à 0,1 % ;

* pour les cessions de parts sociales dans les personnes morales dont le capital n’est pas divisé en actions (autre que les cessions de participations des sociétés à prépondérance immobilière et des parts ou titres de capital souscrits par les clients des établissements de crédit mutualistes ou coopératifs), le droit d’enregistrement est de 3 % après un abattement égal, pour chaque part, au rapport entre 23.000 € et le nombre total de parts de la société.

3.2. La fiscalité du cédant (plus-values)

Le cédant est quant à lui imposé au titre des plus-values. Le calcul de la plus-value correspond à la différence entre le prix de vente et le prix d’acquisition des titres.

3.2.1. Le régime fiscal des plus-values privée

Le régime des plus-values privées s’applique aux gains nets issus des cessions à titre onéreux de droits sociaux sans porter d’intérêt ni au montant de la participation du cédant dans le capital de la société ni au régime fiscal de la société (société de capitaux assujettie à l’impôt sur les sociétés ou société de personnes dont l’imposition des résultats relève de l’impôt sur le revenu).

Néanmoins, une condition existe pour les titres de sociétés de personnes : le cédant doit simplement être un apporteur en capital et ne doit pas exercer d’activité professionnelle au sein de la société.

3.2.2. Le régime fiscal des plus-values professionnelles

Lorsqu’un associé personne physique exerce son activité professionnelle dans le cadre d’une société relevant du régime fiscal des sociétés de personnes (article 8 du code général des impôts), alors ses parts sociales sont considérées fiscalement comme des éléments d’actif affectés à l’exercice de sa profession (151 nonies, I du code général des impôts).

Ainsi, la double casquette de la personne qui apporte des capitaux et participe directement à l’exploitation de la société émettrice justifie l’application du régime des plus-values professionnelles en cas de cession.

Contrairement aux plus-values privées, le mode de calcul de l’imposition des plus-values professionnelles issues d’une cession prendra en compte le régime fiscal de la société émettrice (IR ou IS).

3.3. Les régimes spéciaux : cas d’exonération de plus-value dans le cadre du Pacte Dutreil

Le Pacte Dutreil est un dispositif instauré par la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 qui permet de bénéficier d’un allégement substantiel du taux des droits de mutation à titre gratuit (en cas de transmission d’une entreprise ou de titres par voie de donation ou de succession).

En effet, si les conditions de mise en œuvre sont réunies, les biens visés par le pacte seront exonérés de droits de mutation à hauteur de 75 % de leur valeur. A cet abattement de 75 %, peut être ajoutée une réduction de la moitié des droits de mutation lorsque la donation s’effectue en pleine propriété avant les 70 ans du donateur (art. 790 du code général des impôts).

Pour pouvoir profiter de ce régime fiscal de faveur, il est nécessaire de souscrire au préalable un double-engagement de conservation des titres : un engagement collectif de conservation des titres souscrits par au moins 2 associés, pour une durée minimale de 2 ans d’une part et un engagement individuel de conservation des titres souscrits par les héritiers ou donataires au moment du décès ou de la donation pour une durée de 4 ans d’autre part.

Ensuite, il convient de souscrire aux conditions suivantes :

* L’engagement collectif doit porter sur au moins 34 % des titres ;

* Seuls les titres mentionnés dans l’engagement collectif pourront bénéficier de la réduction de droits de mutation ;

* Le période de 4 ans ne débute qu’à l’expiration de l’engagement collectif, lequel peut être reconduit tacitement ;

* L’un des héritiers, donataires ou légataires, ou l’un des associés ayant souscrit l’engagement collectif de conservation des titres doit nécessairement exercer une fonction dirigeante dans la société pendant la durée de l’engagement collectif et pendant les trois ans qui suivent la date de la transmission ;

Toutes ces conditions ont des implications importantes et nécessitent donc une attention particulière. En effet, ces conditions viennent limiter temporairement la possibilité de céder librement les titres hérités, donnés ou légués et viennent « forcer » l’implication de l’héritier, donataire ou légataire dans les affaires de l’entreprise dont les parts ont été ainsi cédées.