[Résumé]

Dans une décision importante du 31 mars 2022, le Conseil d’Etat apporte des précisions sur le champ d’application du régime de la première cession d’un usufruit temporaire dans le cadre d’un apport en société d’un usufruit viager préconstitué.

(Conseil d’État, 8ème et 3ème chambres réunies, 31/03/2022, 458518)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, le 23 juillet 2013, un homme consent à sa fille, une donation-partage portant sur l’usufruit viager de 36 parts sociales d’une Société en Nom Collectif (SNC). Le 2 décembre 2013, la requérante constitue avec son père, une Société par Actions Simplifiée (SAS). A cette occasion, elle apporte à la SAS l’usufruit des 36 parts sociales pour une durée limitée à 30 ans. En contrepartie de cet apport, elle obtient pleine propriété des actions de la SAS pour une valeur totale de 1,248,000 euros.

L’administration fiscale opère un contrôle sur pièces et procède à un redressement sur le fondement de l’article 13, 5° du code général des impôts en imposant, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), le montant de l’apport. Ainsi, la requérante se voit assujettie à des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus à raison de la somme reçue en contrepartie de l’apport consenti à cette SAS.

La requérante saisit le Tribunal administratif de Paris et demande la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de contribution sur les hauts revenus. Sa demande n’est pas accueillie.

La requérante saisit la Cour administrative d’appel de Paris qui infirme le jugement et prononce la décharge des impositions et pénalités en litige.

L’administration forme un pourvoi en cassation. Par un arrêt du 31 mars 2022, le Conseil d’Etat censure la Cour administrative d’appel de Paris dans ces termes :

« D’autre part, aux termes du 1° du 5 de l’article 13 du code général des impôts :  » Pour l’application du 3 et par dérogation aux dispositions du présent code relatives à l’imposition des plus-values, le produit résultant de la première cession à titre onéreux d’un même usufruit temporaire ou, si elle est supérieure, la valeur vénale de cet usufruit temporaire est imposable au nom du cédant, personne physique ou société ou groupement qui relève des articles 8 à 8 ter, dans la catégorie de revenus à laquelle se rattache, au jour de la cession, le bénéfice ou revenu procuré ou susceptible d’être procuré par le bien ou le droit sur lequel porte l’usufruit temporaire cédé (…) « . Ces dispositions trouvent à s’appliquer tant à la cession à titre onéreux, par le propriétaire d’un bien ou droit, d’un usufruit portant sur celui-ci qu’à la première cession à titre onéreux, par son titulaire, d’un usufruit préconstitué, dans le cas où le cessionnaire bénéficie du droit d’usufruit pour une période qui n’est pas exclusivement déterminée par la durée de la vie humaine. »

[L’avis du Cabinet]

Le Conseil d’Etat considère que l’apport limité à un une durée fixe d’un usufruit viager préconstitué relève des dispositions de l’article 13, 5° du Code général des impôts. La rédaction du traité d’apport revêt une importance capitale. En effet, plutôt que de préciser que l’usufruit était apporté pour une durée fixe (30 ans), il aurait été préférable d’apporter l’usufruit pour une durée correspondant à la survivance de ses associés par exemple. Le cas échéant, puisque l’article 13, 5, 1° du code général des impôts n’est pas applicable lorsque l’usufruit est cédé pour une période exclusivement déterminée par la durée de la vie humaine, l’administration fiscale n’aurait pas appliqué le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

Régime fiscal de l’apport temporaire en société d’un usufruit viager

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