[Résumé]

Dans un arrêt en date du 9 mars 2022, la Chambre commerciale admet qu’une SARL puisse être engagée par les actes d’un salarié, en se fondant sur l’existence d’un mandat apparent. La Haute juridiction rappelle par ailleurs les éléments permettant de retenir un tel mandat.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 9 mars 2022, 19-25.704, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

Une société de promotion a signé une promesse unilatérale de vente portant sur plusieurs parcelles de terrain en vue de la construction de logements, opération à l’occasion de laquelle une société à responsabilité limitée est intervenue en qualité d’apporteur d’affaires. Un riverain ayant menacé de déposer un recours contre le permis de construire qui avait été accordé, la société de promotion a signé avec lui un protocole d’accord prévoyant le versement d’une indemnité transactionnelle de 60 000 euros. Prétendant que la société apporteuse d’affaire s’était engagée à prendre en charge la moitié de cette somme, la société de promotion l’a assignée en paiement.

Les juges du fond accédèrent à cette demande, suscitant la formation d’un pourvoi en cassation.

La Haute juridiction rejette le pourvoi en ces termes :

« 3. D’une part, le seul fait que la nomination et la cessation des fonctions de gérant de société à responsabilité limitée soient soumises à des règles de publicité légale ne suffit pas à exclure qu’une telle société puisse être engagée sur le fondement d’un mandat apparent. Le grief de la première branche, qui postule le contraire, manque en droit.

 D’autre part, il résulte des articles 1985 et 1998 du Code civil qu’une personne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs.

 L’arrêt constate que, s’agissant de la rémunération de la société Cofimo, la société Oceanis promotion avait pour seul interlocuteur M. P., salarié de cette petite société, que ce dernier a déclaré, dans trois courriels adressés à la société Océanis promotion, qu’il intervenait pour le compte de la société Cofimo, en employant le terme « nous » pour la désigner et en terminant ses messages par les mots « Pour Cofimo », et que la société Océanis promotion envoyait ses propres courriels à l’adresse mail de la société Cofimo et non à l’adresse mail personnelle de M. P. Il en déduit que la société Océanis promotion a pu légitimement croire que M. P., qui a confirmé par écrit l’engagement de la société Cofimo concernant la rétrocession d’honoraires, avait le pouvoir de prendre la décision de réduire les honoraires d’apporteur d’affaires de cette société. En l’état de ces constatations et appréciations, caractérisant les circonstances autorisant la société Océanis promotion à ne pas vérifier les pouvoirs de M. P., la cour d’appel a légalement justifié sa décision. »

[L’avis du Cabinet]

En principe, une société est engagée par les actes passés en son nom et pour son compte par le représentant légal, le dirigeant. Dans le cas d’une SARL, c’est donc le gérant qui dispose en principe du pouvoir d’engager la personne morale. La sécurité juridique est assurée à ce titre par une information légale réalisée par le truchement d’une publicité, qui permet de connaître l’identité du dirigeant social.

Or en l’espèce la question se posait de savoir dans quelle mesure une SARL pouvait être engagée par l’un de ses salariés. En l’occurrence le salarié de la SARL était le seul interlocuteur des parties. À la faveur de courriels, il s’était par ailleurs présenté comme intervenant pour la SARL, et il recourait en ce sens fréquemment au pronom « nous » dans ses échanges, échanges qui provenait de l’adresse de la SARL en question et non d’une adresse personnelle.

L’ensemble de ces éléments permet à la Haute juridiction d’admettre que le salarié ait engagé la société sur le fondement du mandat apparent. Elle rappelle par ailleurs les conditions pour caractériser l’existence d’un tel mandat. Il faut démontrer la croyance légitime du tiers dans les pouvoirs du mandataire apparent, les circonstances autorisant le tiers à ne pas vérifier les pouvoirs.  En l’espèce, tel était bien le cas.

La Haute juridiction précise que « le seul fait que la nomination et la cessation des fonctions de gérant de société à responsabilité limitée soient soumises à des règles de publicité légale ne suffit pas à exclure qu’une telle société puisse être engagée sur le fondement d’un mandat apparent ».

Cela étant, elle rappelle que’ « il résulte des articles 1985 et 1998 du Code civil qu’une personne peut être engagée sur le fondement d’un mandat apparent lorsque la croyance du tiers aux pouvoirs du prétendu mandataire a été légitime, ce caractère supposant que les circonstances autorisaient ce tiers à ne pas vérifier lesdits pouvoirs ».

Les entrepreneurs sont donc appelés à la précaution. Le monopole de la représentation légale par le gérant de SARL n’exclut pas l’engagement de la société sur le fondement d’un mandat apparent.

Une SARL engagée par les actes d’un salarié sur le fondement du mandat apparent

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