Comptes courants d’associés : fixation du taux maximal d’intérêts déductibles pour le 2ᵉ trimestre 2025

Introduction

Le compte courant d’associé constitue un instrument privilégié de financement interne des sociétés. Il permet à un associé ou un actionnaire de mettre temporairement des fonds à disposition de l’entreprise, en dehors d’un apport en capital, afin de répondre à des besoins de trésorerie ou de soutenir le développement de l’activité. En contrepartie, ces avances peuvent être rémunérées par des intérêts.

Toutefois, le législateur a entendu encadrer la déductibilité de ces intérêts pour la société afin d’éviter des pratiques abusives consistant à fixer un taux excessif. Chaque trimestre, l’administration publie ainsi le plafond de déductibilité applicable.

Taux maximal d’intérêts déductibles pour le 2ᵉ trimestre 2025

Par un avis du 25 juin 2025 (ECOT2518222V, JO 27 juin), la Direction générale du Trésor a fixé à 4,60 % le taux effectif moyen de référence pour le deuxième trimestre 2025.

Pour les exercices clos au cours du troisième trimestre 2025 (entre le 30 juin et le 29 septembre 2025), les sociétés peuvent donc se référer dès à présent aux plafonds applicables.

Ainsi, le taux maximal d’intérêts déductibles varie selon la date de clôture :

  • 5,16 % pour les exercices clos du 30 juin au 30 juillet 2025,
  • 5,07 % pour ceux clos du 31 juillet au 30 août 2025,
  • 4,97 % pour ceux clos du 31 août au 29 septembre 2025.

Rappels juridiques

Le cadre légal : article 39-1-3° du Code général des impôts

Selon l’article 39, 1, 3° du CGI, sont déductibles du résultat imposable « les intérêts servis aux associés à raison des sommes qu’ils laissent ou mettent à la disposition de la société, en sus de leur part du capital, quelle que soit la forme de la société ».

Cette déductibilité est néanmoins conditionnée :

  1. Capital libéré intégralement : le capital social de la société doit avoir été totalement versé.
  2. Respect d’un plafond de taux : les intérêts ne sont déductibles que dans la limite de la moyenne annuelle (publiée trimestriellement) des taux effectifs moyens pratiqués par les établissements de crédit pour des prêts à taux variable, d’une durée initiale supérieure à deux ans.

Au-delà de ce taux, la fraction excédentaire des intérêts constitue une charge non déductible et doit être réintégrée au résultat fiscal.

Le régime fiscal pour l’associé

Du côté de l’associé prêteur :

  • Personne physique : les intérêts constituent des revenus de capitaux mobiliers soumis en principe au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % (12,8 % IR et 17,2 % prélèvements sociaux), avec faculté d’option pour le barème progressif.
  • Personne morale soumise à l’IS : les intérêts sont imposés comme produits financiers intégrés au résultat fiscal.

L’équilibre recherché par le législateur

Le mécanisme vise à trouver un juste milieu :

  • permettre la rémunération normale du risque pris par l’associé qui consent une avance,
  • éviter qu’un taux excessif ne serve à réduire artificiellement le résultat imposable de la société, et donc l’impôt dû.

Mise en perspective

Le compte courant d’associé est un outil de souplesse financière. À la différence de l’apport en capital, il permet à l’associé de récupérer ses fonds plus librement et, en cas de rémunération, de percevoir des intérêts même en l’absence de bénéfices distribuables.

Cependant, le taux de rémunération doit rester « raisonnable ». Un taux trop élevé pourrait non seulement entraîner une non-déductibilité fiscale mais aussi être analysé comme une faute de gestion si l’entreprise aurait pu obtenir un financement à moindre coût par d’autres voies.

Les sociétés ont donc intérêt à aligner la rémunération des comptes courants d’associés sur les plafonds légaux publiés trimestriellement afin de sécuriser la déduction fiscale des intérêts.

À retenir (pratique)

  • Le taux maximal de déduction des intérêts servis aux comptes courants d’associés pour les exercices clos entre juin et septembre 2025 varie de 5,16 % à 4,97 % selon la date de clôture.
  • Condition préalable : capital intégralement libéré.
  • Intérêts excédentaires : non déductibles et réintégrés au résultat imposable.
  • Fiscalité des associés : PFU de 30 % pour les personnes physiques (sauf option barème) et imposition à l’IS pour les personnes morales.
  • Outil stratégique : le compte courant d’associé reste un mode de financement flexible, à manier avec rigueur fiscale.

Conclusion

La fixation trimestrielle du plafond d’intérêts déductibles illustre la volonté d’encadrer un mécanisme à la fois utile et potentiellement risqué sur le plan fiscal. Pour les sociétés, il s’agit d’un levier de financement souple, mais dont l’usage doit être encadré par une convention précise et respectueux des taux légaux. Pour les associés, il constitue une source de rémunération complémentaire, distincte des dividendes.

Abus de majorité : la Cour de cassation écarte les associés majoritaires de l’instance (Cass. com., 9 juillet 2025)

Résumé exécutif

La Cour de cassation (chambre commerciale) juge, le 9 juillet 2025, que l’action en nullité d’une délibération sociale fondée sur un abus de majorité est recevable lorsqu’elle est dirigée contre la seule société, dès lors qu’aucune demande indemnitaire n’est formée contre les associés majoritaires. Elle combine l’article 1844-10 du code civil (nullité des décisions sociales) et l’article 32 du code de procédure civile (droit d’agir) pour censurer une irrecevabilité prononcée par la cour d’appel au motif de l’absence de mise en cause des majoritaires. La solution clarifie la distinction de structure entre la nullité (qui vise l’acte collectif et l’intérêt social) et la responsabilité (qui vise la faute personnelle des majoritaires). Elle simplifie la stratégie des minoritaires lorsqu’ils recherchent seulement l’annulation de résolutions litigieuses et sécurise la pratique contentieuse des assemblées. Cette décision s’inscrit dans le cadre rénové des nullités sociétaires et précède l’entrée en vigueur, au 1er octobre 2025, de l’ordonnance n° 2025-229 sur le régime des nullités en droit des sociétés.

  • Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique (formation restreinte)
  • 9 juillet 2025, n° 23-23.484, arrêt n° 406 F-B, cassation partielle, publié au Bulletin

Faits et procédure

Le groupement foncier rural (GFR) voit son capital réparti entre plusieurs membres d’une même famille, avec démembrement de propriété sur une partie des parts. M. O. X., nu-propriétaire de 1 094 parts, et Mme L. B., usufruitière de ces parts, assignent le GFR aux fins d’annulation de plusieurs délibérations d’assemblées générales qu’ils estiment constitutives d’un abus de majorité. Les assignations sont délivrées les 21 mai 2021 et 31 janvier 2022. La demande vise uniquement l’annulation des résolutions, sans aucune demande de dommages-intérêts dirigée contre des associés. La cour d’appel d’Aix-en-Provence déclare cependant les actions irrecevables, retenant qu’une action en nullité pour abus de majorité, même sans demande indemnitaire, remettrait en cause la validité du vote des majoritaires et imposerait donc leur mise en cause. Les demandeurs se pourvoient. La chambre commerciale casse partiellement l’arrêt, renvoie devant la cour d’appel de Nîmes et statue sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.

Question(s) de droit

La recevabilité d’une action en nullité de délibérations sociales pour abus de majorité est-elle subordonnée à la mise en cause des associés majoritaires, lorsqu’aucune demande indemnitaire n’est formée à leur encontre ? Autrement dit, l’exigence procédurale d’assigner les auteurs allégués de l’abus découle-t-elle de la nature même du grief (contrariété à l’intérêt social et dessein de favoriser la majorité) ou doit-elle être réservée à l’hypothèse où leur responsabilité personnelle est recherchée ?

Solution et motifs

La Cour répond par la négative. Principe : « La recevabilité d’une action en nullité d’une délibération sociale pour abus de majorité n’est pas, en l’absence de demande indemnitaire dirigée contre les associés majoritaires, subordonnée à la mise en cause de ces derniers. » La chambre commerciale combine l’article 1844-10 du code civil, relatif aux causes de nullité des décisions sociales, et l’article 32 du code de procédure civile, qui énonce l’irrecevabilité de la prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir. En l’espèce, les demandeurs se bornaient à solliciter l’annulation des délibérations du GFR ; la société, détentrice de l’acte collectif, constituait donc le défendeur suffisant. La cour d’appel, en exigeant la présence des majoritaires au motif que l’abus de majorité mettrait en cause leurs motivations personnelles, a violé ces textes. La cassation partielle s’ensuit.

Ratio decidendi et obiter

La Cour autonomise l’action en nullité : elle vise la délibération en tant qu’acte social, non la faute d’un associé. La qualité pour défendre appartient à la personne morale qui a adopté la décision contestée. La présence des majoritaires n’est requise que si est recherchée leur responsabilité pécuniaire.

La solution renforce la lisibilité de la dualité des voies de droit en matière d’abus de majorité :

Nullité de la décision : action contre la société.

Responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle : action contre les majoritaires.

Elle s’articule avec la définition classique de l’abus de majorité : décision contraire à l’intérêt social et adoptée dans l’unique dessein de favoriser la majorité au détriment de la minorité.

Mise en perspective

La définition de l’abus de majorité est constante depuis les années 1960 et a été réaffirmée à de nombreuses reprises, y compris récemment (ex. Cass. com., 24 janv. 1995, n° 93-13.273 ; Cass. com., 15 janv. 2020, n° 18-11.580). À l’inverse, la Cour a jugé en 2023 qu’une décision prise à l’unanimité ne peut constituer un abus de majorité, ce qui situe le contrôle au plan de l’acte plutôt que des personnes lorsqu’il n’existe pas de clivage majoritaire/minoritaire.

L’article 1844-10 du code civil fonde la nullité des décisions sociales sur la violation d’une disposition impérative du droit des sociétés ou sur une cause de nullité des contrats ; l’article 32 du CPC fixe la condition de droit d’agir. Dans l’arrêt du 9 juillet 2025, leur combinaison justifie la recevabilité sans mise en cause des majoritaires en l’absence de demande indemnitaire.

L’ordonnance n° 2025-229 du 12 mars 2025 réforme le régime des nullités en droit des sociétés à compter du 1er octobre 2025 ; elle restructure les articles 1844-10 et s. et vise une sécurisation accrue des décisions sociales. L’arrêt commenté s’inscrit en amont de cette entrée en vigueur tout en étant pleinement compatible avec l’économie de la réforme.

Analyse critique

La solution clarifie une divergence de pratiques : certains juges du fond exigeaient la présence des associés majoritaires dans toute action dénonçant un abus de majorité, au motif que le grief porterait sur leurs intentions. La Cour rattache fermement l’action en nullité à l’acte collectif et à la société qui en est titulaire.


L’abus de majorité est un vice téléologique : la décision est contraire à l’intérêt social et instrumentalisée au bénéfice de la majorité. La nullité rétablit l’ordre juridique objectif (intérêt social, égalité entre associés), tandis que la responsabilité répare un préjudice individuel et suppose la faute d’auteurs identifiés. Cette distinction de structure justifie des périmètres processuels différents.


L’action contre la seule société réduit les coûts, dé-complexifie le litige et limite les incidents procéduraux (appels en garantie, multiplication des délais). Elle favorise un contrôle rapide de la décision sociale.

Limites:

– Instruction du mobile : même sans mise en cause des majoritaires, le mobile de la majorité peut rester pertinent pour apprécier l’“unique dessein”. Le débat probatoire se déplace, mais ne disparaît pas.

Cumul d’actions : en cas de demande mixte (nullité + dommages-intérêts), la jonction des défendeurs redevient nécessaire, avec un risque d’allongement des délais et de complexité accrue.

Temporalité : la prescription de la nullité (art. 1844-14 c. civ.) et celle de la responsabilité (art. 2224 c. civ.) diffèrent ; le choix de la voie doit intégrer ces horizons.
Appréciation. L’arrêt consolide une ligne directrice : réserver l’action contre des personnes aux hypothèses où leur responsabilité est effectivement recherchée et ne pas fictionnaliser leur présence lorsque l’objet du litige est l’acte. Il renforce la sécurité juridique des assemblées et la prévisibilité des issues contentieuses.

Conclusion

L’arrêt du 9 juillet 2025 consacre l’autonomie procédurale de l’action en nullité pour abus de majorité : la société suffit comme défendeur lorsque la réparation pécuniaire n’est pas recherchée. La solution ordonne le contentieux autour de la dualité nullité/responsabilité et sécurise la pratique des assemblées. Elle s’articule sans difficulté avec la réforme des nullités entrant en vigueur au 1er octobre 2025, en rappelant que la finalité du contrôle est la sauvegarde de l’intérêt social et l’égalité entre associés.

Références et notes

Cass. com., 9 juill. 2025, n° 23-23.484, cassation partielle, publié au Bulletin (texte intégral). Lien : Légifrance. Légifrance

C. civ., art. 1844-10 (version applicable à la date de l’arrêt ; réforme à compter du 1er oct. 2025). Lien : Légifrance. Légifrance

C. pr. civ., art. 32. Lien : Légifrance. Légifrance

Ord. n° 2025-229 du 12 mars 2025, portant réforme du régime des nullités en droit des sociétés ; entrée en vigueur au 1er oct. 2025. Liens : Légifrance, Vie-publique. Légifrancevie-publique.fr

Définition de l’abus de majorité : v. Cass. com., 24 janv. 1995, n° 93-13.273. Lien : Légifrance. Légifrance

Application récente : Cass. com., 15 janv. 2020, n° 18-11.580 (contrôle de résolutions affectant la rémunération des gérants). Lien : Légifrance. Légifrance

Unanimité exclut l’abus de majorité : Cass. com., 8 nov. 2023, n° 22-13.851. Lien : Légifrance. Légifrance