[Résumé]

Dans un arrêt du 4 mars 2021, la Cour de cassation souligne qu’il incombe au bénéficiaire du pacte de préférence invoquant la violation de son droit de rapporter la double preuve de la connaissance, par le tiers acquéreur, de l’existence du pacte d’une part et de son intention de s’en prévaloir d’autre part.

(Cour de cassation, troisième chambre civile, 4 mars 2021, 19-22.971)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, par un acte authentique en date du 11 août 2006, une société commerciale et une SCI avaient cédé à deux sociétés de financement d’opérations immobilières des parcelles de terrains constituant l’assiette d’un hypermarché devant être exploité sous l’enseigne X, à l’occasion de la signature d’un crédit-bail immobilier consenti au profit de la SCI pour une durée de quinze ans.

Le vendeur avait notifié à l’exploitant en place la reprise de l’hypermarché sous une enseigne concurrente à celle prévue.

L’exploitant a par la suite assigné le vendeur et l’acquéreur en nullité de la vente ainsi qu’en substitution dans les droits de l’acquéreur.

Il invoquait à cet égard la violation de son droit de préemption résultant de ses statuts et du règlement intérieur, auxquels le vendeur avait adhéré. Pour ce faire, il soutenait que l’acquéreur avait connaissance de l’existence d’un pacte de préférence et devait en conséquence s’informer des intentions de son bénéficiaire.

La Cour d’appel de Riom par un arrêt du 3 juillet 2019 a débouté l’exploitant de ses demandes.

Ce dernier a formé un pourvoi en cassation soutenant qu’il appartient en toutes circonstances, à tout acquéreur professionnel, dès lors qu’il a connaissance de l’existence d’un droit de préférence, de s’informer des intentions de son bénéficiaire.

Par un arrêt du 4 mars 2021, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’exploitant en ces termes :

« D’une part, ayant énoncé à bon droit qu’il incombe au bénéficiaire d’un droit de préférence et de préemption qui sollicite l’annulation de la vente et sa substitution dans les droits du tiers acquéreur de rapporter la double preuve de la connaissance, par celui-ci, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, la cour d’appel a exactement retenu qu’il ne pouvait être reproché aux crédits bailleurs, professionnels du financement immobilier, de s’être abstenus de procéder à des vérifications autres que celles opérées au fichier immobilier.
D’autre part, ayant relevé que le projet des consorts M… et de leurs sociétés de transférer l’hypermarché en recourant à un crédit-bail immobilier sur les parcelles concernées était connu de la société Système U, qui avait reconnu y avoir, dans un premier temps, prêté son concours, et que seul le groupe Carrefour avait été mis en garde, par la bénéficiaire du pacte, des conséquences d’une violation de son droit de préemption concernant les offres préalables de vente des droits sociaux et des fonds de commerce, la cour d’appel en a souverainement déduit, sans inverser la charge de la preuve, qu’il n’était pas prouvé que les sociétés CMCIC lease et Finamur étaient informées de la volonté de la société Système U d’exercer son droit de préemption sur les terrains vendus. »

Par cet arrêt, la Cour de cassation retient qu’il incombe au bénéficiaire du pacte de préférence qui demande l’annulation de la vente et sa substitution dans les droits de l’acquéreur de rapporter la double preuve de la connaissance par l’acquéreur de l’existence du pacte et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir.

Ainsi, il ne peut être reproché à l’acquéreur de s’être abstenu de procéder à des vérifications autres que celles opérées au fichier immobilier.

[L’avis du Cabinet]

Par un arrêt récent, publié au Bulletin, la Cour de cassation vient de rappeler qu’il incombe au demandeur qui sollicite l’annulation de la vente et sa substitution à l’acquéreur de rapporter la preuve de la connaissance, par celui-ci, de l’existence du pacte de préférence et de l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir, « sans qu’il puisse être reproché à l’acquéreur professionnel de ne pas s’être informé des intentions du bénéficiaire ».

Cette décision n’est pas nouvelle (Cass. 3e civ., 29 juin 2010, n° 09-68110.). En effet, la Cour de cassation réitère sa position selon laquelle le bénéficiaire d’un pacte de préférence peut obtenir l’annulation de la vente à la double condition qu’il :

  • prouve que le tiers acquéreur avait connaissance du pacte ;
  • prouve que ce tiers connaissait l’intention du bénéficiaire de s’en prévaloir.

Dans cet arrêt, le bénéficiaire du pacte ne prouve pas que l’acquéreur connaissait ses intentions. La qualité de professionnel de ce dernier ne lui impose pas de se renseigner sur celles-ci, quand bien même il aurait connu l’existence du pacte.

La preuve, particulièrement difficile à rapporter fait ici défaut.

L’efficacité des pactes de préférence est amoindri par ce fardeau probatoire. L’acquéreur ne saurait se voir imposer un devoir de se renseigner.

Violation du pacte de préférence et charge de la preuve

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