[Résumé]

Dans une décision du 22-09-2021, la Cour de cassation valide une clause de sortie insérée dans un pacte extrastatutaire au terme de laquelle le dirigeant s’engage à céder l’intégralité de ses participations à l’associé majoritaire s’il venait à être révoqué. Cette condition ne saurait être potestative dans la mesure où la révocation intervient pour juste motifs, contrôlables judiciairement.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 septembre 2021, 19-23.958, Inédit )

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, une société et une personne physique toutes deux associées de la même société ont conclu un pacte d’actionnaire prévoyant, notamment, les conditions dans lesquelles Mme [U], s’obligeait à céder la totalité de ses actions et valeurs mobilières dans le capital de la société Enthalpia dont elle était la présidente. Trois ans plus tard, par une délibération du 2 décembre 2009, l’assemblée générale des actionnaires de la société a mis fin au mandat de Mme [U].

Estimant que la promesse de cession de ses actions était affectée d’une condition potestative, cette dernière a demandé l’annulation du pacte d’actionnaire minoritaire conclus ainsi que le paiement de dommages-intérêts.

Par un arrêt du 22-09-2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé en ces termes :

« 5. Aux termes de l’article 1170 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, la condition potestative est celle qui fait dépendre l’exécution de la convention d’un événement qu’il est au pouvoir de l’une ou de l’autre des parties contractantes de faire arriver ou d’empêcher.

6. Ne revêt pas un caractère potestatif une condition dont la réalisation dépend, non de la seule volonté du créancier de l’obligation, mais de circonstances objectives susceptibles d’être contrôlées judiciairement.

7. Il résulte des constatations de la cour d’appel qu’aux termes de l’article 5, paragraphe 1er, du pacte minoritaire, Mme [U] s’engageait à vendre ses titres en cas de révocation pour juste motif. Il s’ensuit que n’étant pas au seul pouvoir de la société Hominis, la condition litigieuse tenant à la révocation de Mme [U], ne pouvait entraîner la nullité de l’obligation».

[L’avis du Cabinet]

Les clauses de sortie imposant au dirigeant également associé de céder ses titres en cas de révocation de ses fonctions de dirigeant sont fréquemment utilisées et peuvent être sujettes à contentieux comme en témoigne le présent arrêt de la Cour de cassation.

En l’occurrence la Haute juridiction passe au filtre de la potestativité la clause de sortie. Aux termes de l’ancien article 1170 du code civil, la condition était potestative lorsque sa réalisation dépendait de la volonté de l’une ou l’autre des parties.

La clause du pacte extrastatutaire faisait dépendre de la révocation du dirigeant la mise en œuvre du mécanisme de rachat. Or le dirigeant soutenait que la condition était potestative dès lors que l’exécution de la promesse de vente qu’il avait consentie dépendait de l’exercice du pouvoir dont disposait l’associé majoritaire de le révoquer pour « justes motifs ». Pour la Haute juridiction tel n’est pas le cas puisque la condition tenant dans la révocation relevait « de circonstances objectives susceptibles d’être contrôlées judiciairement ». Une lecture a contrario laisse entendre que la solution aurait pu être différente si la révocation avait été discrétionnaire.

Rendu sous l’empire du droit applicable avant la réforme du droit des contrats du 10 février 2016, la solution devrait pouvoir se maintenir pour les promesses conclues postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme. L’article 1324-1 du code civil énonce désormais que « : Est nulle l’obligation contractée sous une condition dont la réalisation dépend de la seule volonté du débiteur ».

Révocation du dirigeant entrainant la mise en œuvre d’une clause de sortie

Vous pourrez aussi aimer