Par une série de 5 arrêts en date du 4 novembre 2020, la Chambre sociale est venue préciser les contours de la notion de faute de gestion de l’employeur dans le cadre d’un licenciement économique.

 

En l’espèce, au sein de la société Pages Jaunes, une réorganisation de l’entreprise a lieu et aboutit à un plan de sauvegarde de l’emploi contenu dans un accord collectif majoritaire signé le 20 novembre 2013, validé par la DIRECCTE d’Ile de France le 2 janvier 2014. Dans ce cadre, des salariés de la société Pages Jaunes refusent la modification de leur contrat de travail proposée dans le cadre de cette réorganisation, ce qui, par conséquent, provoque leur licenciement pour motif économique.

 

Le juge administratif, d’abord par un arrêt de Cour administrative d’appel du 22 octobre 2014, puis par un arrêt du Conseil d’Etat du 22 juillet 2015 annule la décision de validation de la DIRECCTE au motif qu’elle ne revêt pas le caractère majoritaire imposé par l’article L. 1233-24-1 du Code du travail.

 

À la suite de cette décision d’annulation, les salariés saisissent le Conseil des Prud’hommes aux fins de voir juger que le motif économique de leur licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

 

La Cour d’appel de Caen accueille les demandes des salariés et condamne l’employeur au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle rappelle la situation de la société Pages jaunes est une filiale à 100% de Pages Jaunes Groupe (aujourd’hui dénommé Solocal) et que dans le cadre d’une opération de LBO (« leverage buy-out ») la holding se distribuait les dividendes de la filiale pour assurer le remboursement de l’emprunt. Or ces décisions ont provoqué l’assèchement des ressources financières de la filiale la privant d’investissements stratégiques nécessaires pour adapter l’organisation de la société à la nouvelle configuration du marché de la publicité.

 

Par conséquent, la Cour d’appel considère que l’inadaptation de l’organisation de celle-ci, qui a causé son manque de compétitivité et par la même la dégradation de sa situation économique, sont imputables aux décisions de mise à disposition de liquidités qui ont empêché ou limité les investissements nécessaires. Ces décisions sont donc qualifiées, par les juges du fond, de préjudiciables, prises dans le seul intérêt de l’actionnaire et ne pouvant pas constituer une simple erreur de gestion.

 

La Chambre sociale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 4 novembre 2020 censure le raisonnement des juges du fond. Elle relève que les motifs retenus par la Cour d’appel ne suffisent pas à qualifier une faute de l’employeur et rappelle que l’erreur éventuellement commise dans l’appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion, ne peut caractériser à elle seule une faute de gestion. Ce n’est que lorsque l’employeur commet une faute causant une menace sur la compétitivité, nécessitant dès lors une réorganisation, que cette faute est susceptible de priver le caractère réel et sérieux des licenciements engendrés par cette réorganisation. Ainsi, la Chambre sociale s’assure, par cet arrêt, que le contrôle des juges porte sur la notion et la commission d’une faute ; pas sur les choix de gestion qui ont été effectués par l’employeur.

 

(Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 4 novembre 2020, 18-23.029 18-23.030 18-23.031 18-23.032 18-23.033, Publié au bulletin)

La distribution de dividendes n’est pas nécessairement une faute de gestion de l’employeur dans le cadre d’un licenciement économique

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