[Résumé]
Dans une décision du 30 novembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel dans une société aux titres démembrés, l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé mais qu’il dispose toutefois de certaines prérogatives, dont celle de provoquer une délibération des associés si cette délibération est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales. Elle a précisé que, dès lors, la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux. En conséquence, au niveau fiscal, la Cour indique que la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise au droit d’enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux.
(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 30 novembre 2022, 20-18.884, Publié au bulletin)
[Rappel des faits et de la procédure]
En l’espèce, les associés d’une société immobilière ont cédé l’usufruit temporaire des parts qu’ils détenaient et se sont acquittés du droit fixe de 125 euros.
L’administration fiscale sanctionne les contribuables car selon elle la cession de l’usufruit des parts de la société immobilière devait être soumise au droit d’enregistrement proportionnel de 5 %.
La cour d’appel de Basse-Terre dans un arrêt du 27 janvier 2020 confirme la décision de l’administration fiscale.
Ainsi, la question qui s’est posée devant les Hauts magistrats de la Cour de cassation était celle de savoir si la cession de l’usufruit de droits sociaux peut être qualifiée de cession de droits sociaux et dès lors être soumise au droit d’enregistrement proportionnel de 5 % ?
La Cour de cassation répond par la négative et casse et annule l’arrêt de la cour d’appel en rappelant que l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance. A ce titre elle décide sur le fondement des articles 726 du Code général des impôts et 578 du code civil que la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise au droit d’enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux.
[L’avis du Cabinet]
Pour rappel, selon l’article 726, I, 2° du code général des impôts, les cessions de participations dans des personnes morales à prépondérance immobilière sont soumises à un taux d’imposition de 5 % alors que les actes innomés, c’est-à-dire les actes qui ne sont pas exonérés, ni tarifés par le code général des impôts et qui ne peuvent donner lieu à une imposition proportionnelle ou progressive, sont soumis à une imposition fixe de 125 € selon l’article 680 du code général des impôts.
Dans un arrêt du 16 février 2022, la 3e chambre civile de la Cour de cassation avait rappelé le principe selon lequel, dans une société aux titres démembrés, l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé mais qu’il dispose toutefois de certaines prérogatives, dont celle de provoquer une délibération des associés si cette délibération est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales (n° 20-15.164).
Sur le fondement des articles 726 du Code général des impôts et 578 du code civil, la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 novembre 2022, publié au bulletin, est venue préciser que la qualité d’associé n’appartient qu’au nu-propriétaire. Cette décision s’inscrit en toute logique avec l’arrêt rendu le 16 février 2022 et vient la confirmer.
Dès lors, l’usufruitier de parts sociales n’ayant pas la qualité d’associé, la cession de l’usufruit de droits sociaux ne peut être qualifiée de cession de droits sociaux.
En conséquence, au niveau fiscal, la Cour précise que la cession de l’usufruit de droits sociaux, qui n’emporte pas mutation de la propriété des droits sociaux, n’est pas soumise au droit d’enregistrement applicable aux cessions de droits sociaux.