[Résumé]

Dans une décision en date du 05 janvier 2022, la troisième chambre civile de la Cour de cassation énonce, d’une part, qu’en application de l’article 1852 du code civil, les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés et, d’autre part, que le principe d’unanimité, posé par l’article 1852 du code civil, à défaut de dispositions statutaires, pour prendre des décisions collectives qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants, relève des dispositions impératives au sens de l’article 1844-10 du code civil. En d’autres termes, la violation de ce principe ou des règles statutaires qui l’aménagent est sanctionnée par la nullité.

(Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 5 janvier 2022, 20-17.428, Publié au bulletin)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, une société civile immobilière avait vu désigné par ordonnance un administrateur avec pour mission de gérer et d’administrer la société.

Quelques années plus tard, l’assemblée générale de la société adopte des résolutions portant sur l’approbation des comptes des exercices 2011 à 2014, le quitus donné aux cogérants, puis à l’administrateur, pour ces exercices, l’affectation des résultats de l’exercice 2014 et la rémunération de l’administrateur provisoire.

L’un des associés a alors a assigné la société, représentée par son administrateur, en annulation de cette assemblée. Les juges du fond accédèrent à cette demande en faisant le constat que la règle de l’unanimité des associés n’avait pas été respectée. Un pourvoi en cassation entendait critiquer cette solution.

La Haute juridiction rejette le pourvoi.

Elle rappelle d’abord que : « 6. Aux termes de l’article 1852 du code civil, les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés. 7. Ce texte ne restreint pas l’unanimité à celle des associés présents ou représentés à une assemblée générale, mais vise la totalité des associés de la société ».

Elle souligne ensuite que :

« 14. Aux termes de l’article 1844-10, alinéa 3, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, la nullité des actes ou délibérations des organes de la société ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du titre neuvième du livre troisième du code civil ou de l’une des causes de nullité des contrats en général. 15. Le principe d’unanimité, posé par l’article 1852 du code civil, à défaut de dispositions statutaires, pour prendre des décisions collectives qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants, relève des dispositions impératives au sens de l’article 1844-10 précité. 16. La violation de ce principe ou des règles statutaires qui l’aménagent est sanctionnée par la nullité ».

[L’avis du Cabinet]

Le présent arrêt, rendu dans le cadre d’une société civile, propose une lecture orthodoxe de l’article 1852 du code civil. Ce texte prévoit que les décisions qui excèdent les pouvoirs reconnus aux gérants sont prises selon les dispositions statutaires ou, en l’absence de telles dispositions, à l’unanimité des associés. Les statuts ne contenaient en l’occurrence pas de disposition spécifique pour l’approbation des comptes. Il s’agissait donc d’une décision excédant les pouvoirs reconnus aux gérants, et l’approbation devait être décidée à l’unanimité des associés.

Dans ce dernier cas le présent arrêt vient apporter une précision. L’unanimité visée au texte n’est pas, comme le soutenaient les auteurs du pourvoi, celle des associés présents ou représentés. Il s’agit d’une décision qui doit être prise par la totalité des associés de la société. La solution paraît naturelle.

Les juges du fond avaient de plus souligné que la clause des statuts qui prévoyait que « toutes décisions qui excèdent les pouvoirs de gestion sont prises à l’unanimité des voix attachées aux parts créées par la société. Chaque part donne droit à une voix » imposait l’unanimité des voix attachées aux parts émises par la SCI.

En outre, l’arrêt rendu le 5 janvier 2022 invite à s’interroger sur le cadre des nullités en matière de décisions sociales. Le principe d’unanimité visé à l’article 1852 est, pour la Cour de cassation, une disposition impérative dont la méconnaissance doit être fulminée par l’annulation. Il en ressort que la violation des règles statutaires et légales relatives à l’adoption, par l’assemblée générale, des décisions excédant les pouvoirs du gérant relatives à l’approbation des comptes, au quitus donné aux gérants et à l’administrateur pour ces exercices, à l’affectation des résultats et à la fixation des honoraires de l’administrateur, devait conduire à l’annulation de la décision collective.

La solution s’avère protectrice à l’égard des associés de sociétés civiles. Leur engagement illimité trouve un garde-fou naturel dans la nullité attaché à la violation de la règle de l’article 1852 du code civil.

Sanction de la violation d’une clause aménageant l’unanimité dans une société civile

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