La notion de déséquilibre significatif

 

La notion de déséquilibre significatif fut introduite récemment dans le Code de commerce (Loi de modernisation de l’économie en août 2018), afin de contrôler et garantir, autant que faire se peut, une certaine justesse dans le contrat ; vérifier somme toute que l’objet du contrat ne fait pas peser un désavantage manifeste sur l’une des parties contractantes.

 

* En droit commercial

La notion de déséquilibre significatif est prévue par l’article L. 442-1 du Code de commerce, qui prévoit que : « I. – engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : (…) 2° De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ; (…) » En droit commercial, la notion de déséquilibre significatif ne concerne que des relations entre professionnels. Ici, le déséquilibre significatif ne pourra être reconnu que si les obligations créent effectivement un déséquilibre.

La nullité ou la suppression pour l’avenir de la clause ou du contrat abusif peut être demandée par le Ministre de l’Economie ou le Ministère Public (art. L. 442-4 Code de commerce), ou par l’une des parties sur le fondement du défaut de contrepartie (art. 1169 Code civil).

En sus, le bénéficiaire de l’avantage significatif incriminé peut être condamné à des peines pécuniaires dont le montant peut être de (art. L. 442-4 Code de commerce) : « -cinq millions d’euros ; le triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus ; 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France. »

 

* En droit de la consommation

La notion de déséquilibre significatif est aussi prévue par l’article L. 212-1 du Code de la consommation, qui prévoit que : « Dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. » Dans ce cas, le déséquilibre significatif pourra être reconnu si l’obligation tend à soumettre, c’est-à-dire potentiellement et non effectivement, une partie à une autre.

Certaines clauses sont présumées abusives de façon irréfragable. Ces clauses sont, par exemple, celles qui ont pour but de (art. R. 121-1 Code de la consommation) : « – Restreindre l’obligation pour le professionnel de respecter les engagements pris par ses préposés ou ses mandataires ; (…) – Réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les clauses du contrat relatives à sa durée, aux caractéristiques ou au prix du bien à livrer ou du service à rendre ; (…) – Interdire au consommateur le droit de demander la résolution ou la résiliation du contrat en cas d’inexécution par le professionnel de ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou de son obligation de fourniture d’un service ; (…) – Reconnaître au professionnel le droit de résilier discrétionnairement le contrat, sans reconnaître le même droit au consommateur ; (…) »

 

* En droit civil

En droit civil, l’article 1171 du Code civil prévoit le cas du déséquilibre significatif, en disposant que : « Dans un contrat d’adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l’avance par l’une des parties, qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non écrite. L’appréciation du déséquilibre significatif ne porte ni sur l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix à la prestation. »

Ce texte s’applique aux nouveaux contrats, mais dont la négociation est rendue impossible par la position dominante d’une partie sur les autres.

 

 L’application de la mesure par la jurisprudence commerciale

 

Dans cette partie, il sera détaillé tous les éléments constitutifs d’un déséquilibre significatif, ainsi que ses conséquences.

 

* La nature du contrat

Selon la Cour de cassation, le texte du Code de commerce s’applique quand aucune négociation effective n’a eu lieu :

 

(1) Arrêt Provera (Cass. Com. 3 mars 2015, n° 14-10907) : « contrats d’adhésion ne donnant lieu à aucune négociation effective des clauses litigieuses »

(2) Arrêt Carrefour (Cass. Com. 4 Octobre 2016, n°14-28013) : « contrat-type proposé à des fournisseurs »

(3) Arrêt Galec (Cass.com 25 janvier 2017, n° 15-23547) : autorisation d’un « contrôle judiciaire du prix, dès lors que celui-ci ne résulte pas d’une libre négociation ».

 

* La soumission ou tentative

L’article L. 442-6 du Code de commerce mentionne quant à lui la soumission ou la tentative de soumission, ce qui suggère une dépendance.

De plus, la position dominante d’une des parties par le fait qu’elle est un leader du marché est un indice supplémentaire, comme dans l’Affaire Darty (Cass. Com. 26 avril 2017, n°15-27865) : « qu’ayant relevé, d’abord, que la société Darty était un intermédiaire incontournable pour les fournisseurs, compte tenu de sa position de leader de la distribution des produits de l’électroménager, de l’image et du son et de la micro-informatique, se classant en première position sur le marché en termes de chiffre d’affaires, et qu’elle disposait de ce fait d’une puissance de négociation incontestable (…) ».

 

* Un partenaire commercial

La Cour d’appel de Nancy (CA Nancy 14 fév. 2013, RG 12/00378) définit le partenaire commercial comme celui « avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales pour conduire une action quelconque, ce qui suppose une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble dans les activités de production, de distribution ou de services, par opposition à la notion étroite de contractant ».

 

* Un déséquilibre significatif

Au-delà, le déséquilibre doit être significatif. Cette disposition légale ne vise donc pas à sanctionner tout déséquilibre, ou toute différence de traitement, mais vise à sanctionner le déséquilibre qui serait proche de l’abus.

 

* La possibilité de suppression des clauses abusives pour l’avenir

La Cour de cassation a admis que les clauses déclarées abusives pouvaient être interdites dans les contrats futurs, mais à la suite d’une action du Ministre :

Arrêt Eurauchan (Cass. Com. 3 mars 2015 n° 13-27525) : « le ministre peut demander à la juridiction saisie d’ordonner la cessation de pratiques illicites (…) la cour d’appel a fait l’exacte application de ce texte en déclarant la demande recevable en ce qu’elle visait la suppression pour l’avenir de telles clauses ; que le moyen n’est pas fondé ; ».

Le déséquilibre significatif dans un contrat : notion & application

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