[Résumé]

 

Dans une décision du 17-03-2021, la Cour de cassation précise que le mandat des dirigeants sociaux des sociétés doit être expressément reconduit à son terme. La poursuite de ses fonctions par un dirigeant dont le mandat n’a pas été reconduit expressément fait naître un statut de dirigeant de fait, parfois lourd de conséquences pour ce dernier.

 

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 17 mars 2021, 19-14.525, Publié au bulletin)

 

[Rappel des faits et de la procédure]

 

En l’espèce, Mme G est nommée présidente d’une société (SAS) par une décision de l’Assemblée Générale en 2012 pour une durée de 3 ans ; sa révocation ne pouvant intervenir que sur motif grave, ou à l’expiration du mandat, sous peine de versement de dommages-intérêts. A l’expiration de son mandat, il n’a pas été statué quant à sa reconduction. Cette dernière s’est donc maintenue dans ses fonctions. Or, lors d’une AG de 2016 (soit un an après l’expiration officielle du mandat de Mme G) il a été décidé de ne pas la renouveler dans ses fonctions.

 

C’est dans ces conditions que Mme G saisit le Tribunal de commerce pour demander le paiement d’une indemnité statutaire et en dommages-intérêts pour rupture brutale et vexatoire de ses fonctions. Le Tribunal de commerce la déboute de ses demandes.

 

Mme G interjette appel de la décision. L’affaire est portée devant la Cour d’appel d’Orléans qui confirme la décision de première instance.

 

Mme G forme un pourvoi en cassation aux motifs, d’une part, que le mandat de Président d’une SAS peut être reconduit tacitement et, d’autre part, que la rupture du mandat du dirigeant en cours d’exercice, sans motif grave, et de façon brutale et vexatoire, ouvre droit à indemnisation.

 

Par un arrêt du 17-03-2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé par Mme G en ces termes « Lorsque le président d’une société par actions simplifiée a été nommé pour une durée déterminée, la survenance du terme entraîne, à défaut de renouvellement exprès, la cessation de plein droit de ce mandat. Le président qui, malgré l’arrivée du terme, continue de diriger la société ne peut donc pas se prévaloir d’une reconduction tacite de ses fonctions et devient alors un dirigeant de fait qui, à l’égard de la société, ne peut revendiquer les garanties dont bénéficie le seul dirigeant de droit. »

 

[L’avis du Cabinet]

 

A notre connaissance, c’est la première fois que la Cour de cassation se prononce sur cette question. Si l’arrêt marque une continuité avec les décisions de diverses Cours d’appel quant aux dirigeants de SARL et SA (Ex. : Cour d’appel de Versailles, du 12 septembre 2002, 2000-7416 et Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 8, 16 octobre 2018, n° 16/03087), elle affirme ici la nécessité de désigner et proroger expressément le mandat des dirigeants sociaux lors d’une Assemblée Générale, et ce pour l’ensemble des sociétés.

 

Il est donc clairement recommandé au dirigeant d’une société de prévoir, dans l’Assemblée Générale précédant la date de fin de son mandat social, le sujet de la désignation/prorogation d’un dirigeant dans l’Ordre du jour.

 

En effet, la sanction parait relativement sévère : « Le président qui, malgré l’arrivée du terme, continue de diriger la société ne peut donc pas se prévaloir d’une reconduction tacite de ses fonctions et devient alors un dirigeant de fait qui, à l’égard de la société, ne peut revendiquer les garanties dont bénéficie le seul dirigeant de droit. »

 

Pour rappel, le dirigeant de fait est titulaire des mêmes obligations qu’un dirigeant de droit, sans avoir les mêmes droits. A titre d’exemple, il ne peut notamment pas se prévaloir d’indemnités de rupture de son mandat, il ne peut pas non plus s’exonérer de sa responsabilité pénale en invoquant une délégation de pouvoirs, ce qui est attaché aux dirigeants de droit. En revanche, le dirigeant de fait sera responsable de ses fautes au même titre que le dirigeant de droit.

 

Plusieurs questions se posent :

 

(1) la société est-elle fondée à engager contre le dirigeant de fait une action en répétition de l’indue au titre des rémunérations perçues postérieurement à l’arrivée du terme de son mandat ?

 

(2) la société, qui poursuit la rémunération du dirigeant postérieurement à l’arrivée du terme de son mandat, est-elle coupable de travail dissimulé ?

 

(3) la société, qui poursuit la rémunération du dirigeant TNS postérieurement à l’arrivée du terme de son mandat, est-elle admissible à un redressement URSSAF ?

 

(4) la société peut-elle régulariser par la convocation d’une AG renouvelant le mandat expiré de manière rétroactive ?

 

(5) les actes passés par le dirigeant postérieurement à l’arrivée du terme peuvent-ils être remis en cause par les tiers ?

 

Quid du non-renouvellement du mandat de dirigeant de société arrivant à son terme ?

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