SAS ou SARL : critères juridiques, opérationnels et fiscaux
1. Introduction rapide
Société : définition et régime juridique
La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d’affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourra en résulter.
Le droit commun des sociétés est régi par les articles 1832 et suivants du code civil qui distingue les dispositions générales à toutes les sociétés (articles 1832 et suivants), les sociétés civiles (articles 1845 et suivants) et les sociétés en participation (articles 1871 et suivants).
En outre, il existe de nombreuses sociétés et notamment commerciales par la forme. Il existe à ce titre les SA, SAS, SARL, SCA, SNC …
Société à responsabilité limité (SARL) : définition et régime juridique
La SARL est une société commerciale à responsabilité limitée constituée par deux associés au minimum. Lorsqu’elle ne comprend qu’un seul associé, on parle de SARLU, ou d’EURL. Elle est instituée par les articles L. 223-1 et suivants du code de commerce. Son capital social est constitué par des parts sociales (titres non librement négociables). La rédaction de ses statuts est très encadrée par la loi.
Société par actions simplifiées (SAS) : définition et régime juridique
La SAS est une société commerciale par actions simplifiée constituée par deux actionnaires au minimum. Lorsqu’elle ne comprend qu’un seul actionnaire, on parle de SASU. La SAS est instituée par les articles L. 227-1 et suivants du code de commerce. Son capital social est constitué par d’actions (titres librement négociables). La rédaction de ses statuts est peu encadrée par la loi ce qui en fait une société très souple et donc prisée par les startups.
L’enjeux du choix de la forme sociale
Opter pour telle ou telle forme sociale n’est pas anodin. D’abord, parfois la loi impose à l’entrepreneur de recourir à une forme sociale spécifique selon l’activité. C’est le cas par exemple des bars tabac qui nécessite l’option pour les sociétés en nom collectif. Hormis quelques cas exceptionnels, l’entrepreneur doit choisir la forme sociale ce qui n’est pas une mince affaire.
En pratique, les SARL et les SAS sont les deux formes sociales les plus utilisés. Or, selon que l’on opte pour l’une ou l’autre, les conséquences sociales, juridiques et fiscales pour l’avenir sont importantes et parfois radicalement différentes.
L’enjeu du choix de la forme social est donc crucial.
Toute la question est de savoir quels critères gouvernent à ce choix.
2. Détermination des critères de choix
Il existe de nombreux critères de distinction entre la SARL et la SAS. Mais, selon nous, le critère principal réside dans l’optimisation des revenus du dirigeant créateur d’entreprise.
2.1. Le choix déterminé par le régime social et fiscale des revenus
Le dirigeant créateur d’entreprise peut percevoir ses revenus sous différentes formes : des dividendes annuels en sa qualité d’associé et une rémunération mensuelle en sa qualité de dirigeant (mandataire social). Il convient de maitriser le régime social et fiscal de ces deux formes de revenus.
2.1.1. Le régime social et fiscal des dividendes
Régime social des dividendes
Par principe, les dividendes sont exonérés de cotisations sociales. C’est la raison pour laquelle les revenus tirés des dividendes n’offrent aucune protection sociale.
Par exception, si les dividendes sont perçus par le gérant associé majoritaire d’une SARL à l’IS, ils sont assujettis à cotisations sociales sur la part qui excède 10 % du capital social. Ces cotisations sociales relèvent du régime du SSI (Sécurité Sociale des Indépendants). Les taux de cotisation sont de l’ordre de 30 % à 45% selon les professions et les niveaux de revenus.
Notre avis :
Si l’associé n’a aucune autre source de revenus que les dividendes, il est vivement conseillé de souscrire à une prévoyance santé et à une mutuelle. Aussi, s’il est dirigeant majoritaire et qu’il opte pour la SARL, l’idéal est de constituer un capital. A défaut, il est conseillé au dirigeant majoritaire d’opter pour la SAS dont le dividende est exonéré de cotisations sociales.
Régime fiscal des dividendes
Les dividendes sont imposés depuis 2018 via le prélèvement forfaitaire unique à un taux unique de 30 % (avec l’impôt sur le revenu à 12,8 % et les prélèvements sociaux à 17,2 %).
Notre avis :
La forme sociale n’a pas d’impact sur la fiscalité des dividendes.
2.1.2. Le régime social et fiscal de la rémunération des dirigeants
Régime social de la rémunération des dirigeants
Il existe deux principaux régimes : celui des dirigeants assimilés-salarié et celui des travailleurs non-salariés (TNS). Les TNS sont les gérants d’EURL et les gérants majoritaires de SARL. Tous les dirigeants relèvent du régime assimilés-salarié.
* Régime social de la rémunération des dirigeants assimilés-salariés
Le dirigeant assimilé-salarié est affilié à la Sécurité Sociale (régime général) et bénéficie donc de la même protection sociale que celle accordée aux salariés (dont les droits à retraite) à l’exception de l’assurance chômage. En contrepartie de cette protection, les taux de cotisations sociales sont importants (ils varient entre 55 et 70 % de charges sociales sur salaire).
* Régime social de la rémunération des dirigeants travailleurs non-salariés (TNS)
Le dirigeant (gérant) assimilé travailleur non salarié (TNS) est affilié au régime de la sécurité sociale des indépendant (SSI) et bénéficie donc d’une protection sociale moindre. En contrepartie de cette faible protection, les taux de cotisations sont réduits (ils varient entre 35 et 45 % de charges sociales sur salaire). Précisons que même non rémunéré, le TNS est débiteur d’un forfait de cotisations sociales minimum.
Notre avis :
Si le dirigeant est majoritaire, l’option pour la SARL semble idéale pour optimiser sa rémunération. Le cas échant, l’assujettissement des dividendes aux cotisations sociales mérite toutefois réflexion et un arbitrage est nécessaire.
Si le dirigeant n’est pas majoritaire, la forme sociale n’a pas d’impact sur le régime social de sa rémunération.
Régime fiscal de la rémunération des dirigeants
Il existe deux principaux régimes : celui des sociétés soumises à l’IS et celui des sociétés à l’IR.
* Le régime fiscal de la rémunération des dirigeants d’une société soumise à l’IS :
La rémunération du dirigeant assimilé-salarié est imposable dans la catégorie des « traitements et salaires » tandis que celle du dirigeant TNS est imposable dans la catégorie des « rémunérations de dirigeants ». Pour la société, les rémunérations versées aux dirigeants constituent une charge déductible si elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives au regard des fonctions exercées.
* Le régime fiscal de la rémunération des dirigeants d’une société soumise à l’IR
En ce qui concerne le dirigeant associé d’une société n’ayant pas opté pour l’IS, ses rémunérations sont considérées comme une répartition des bénéfices de la société. Ces sommes sont soumises à l’impôt sur le revenu, au nom du dirigeant, dans la catégorie correspondant à la nature de l’activité de la société (BIC, BNC, BA, revenus fonciers). Dans ces conditions, les rémunérations versées aux dirigeants ne constituent pas une charge déductible.
En ce qui concerne le dirigeant non associés (et donc salarié), ses rémunérations sont imposées à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des « traitements et salaires ». Pour la société, les rémunérations versées aux dirigeants constituent une charge déductible si elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives au regard des fonctions exercées.
2.2. Le choix déterminé par d’autres critères
2.2.1. La rédaction des statuts
La SAS offre une certaine souplesse dans la rédaction de statuts et le Code de commerce n’est pas contraignant. La SARL est quant à elle très règlementée par le Code de commerce et offre moins de souplesse.
Notre avis :
Si les associés ont pour projet de créer des catégories d’actions différente auxquelles sont attachés des droits de votes multiple, l’option pour la SAS s’impose puisque cela est impossible en SARL.
2.2.2. La libération du capital
La SAS exige une libération du capital de 50 % à la création, le solde dans les 5 ans. La SARL n’exige quant à elle une libération du capital qu’à hauteur de 20 % à la création, le solde dans les 5 ans également.
Notre avis :
Il convient de préciser que pour les dirigeants TNS, l’abattement des 10 % du capital ne concerne que le capital entièrement libéré.
2.2.3. L’agrément de nouveaux associés
La loi prévoit une procédure d’agrément obligatoire pour toute cession de parts sociales à un tiers dans les SARL : « les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu’avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte. […] Toute clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite. » (article L. 223-14 du code de commerce) Toutefois, rien n’est prévu en matière d’augmentation de capital.
Quant aux SAS, il est simplement prévu que « les statuts peuvent soumettre toute cession d’actions à l’agrément préalable de la société. » (article L. 227-14 du code de commerce).
Notre avis :
Il est vivement recommandé en pratique de prévoir aux statuts une clause d’agrément quelle que soit la nature de la société afin de contrôler qui entre au capital. Cette procédure d’agrément peut même être étendu aux héritiers d’un associé qui décède, voire aux opérations de fusions, de scissions ou encore d’augmentations de capital par création de nouveaux titres.
2.2.4. Le droit préférentiel de souscription
Le droit préférentiel de souscription est prévu par la loi dans les SAS à l’article L. 225-132 du code de commerce. En revanche, rien n’est prévu pour les SARL de sorte que les statuts peuvent l’aménager.
Notre avis :
L’aménagement du droit préférentiel de souscription est recommandé dans la mesure où il protège l’actionnariat présent.
2.2.5. Les droits d’enregistrement lors de la transmission des titres sociaux
En ce qui concerne les montants des droits d’enregistrement, ces derniers sont fixés par l’article 726 du code général des impôts. Les taux prévus varient selon qu’il s’agisse d’actions ou de parts sociales :
* pour les cessions d’actions, le taux du droit d’enregistrement est fixé à 0,1 % ;
* pour les cessions de parts sociales le droit d’enregistrement est de 3 % après un abattement égal, pour chaque part, au rapport entre 23.000 € et le nombre total de parts de la société.
Notre avis :
Il peut être tentant de transformer sa SARL en SAS par anticipation d’une cession de titres. En effet, selon le montant de l’opération, l’économie de droits d’enregistrement peut être substantielles. Toutefois, l’opération de transformation poursuit un but uniquement fiscal, elle peut être qualifiée d’abusive par l’administration fiscale.
2.2.6. La gouvernance
Au sein de la SARL la gérance peut être assurée par un seul gérant, le nombre de gérant étant librement fixé par les statuts, associés ou non. Le gérant de SARL ne peut être cependant une personne morale, et ne peut pas non plus avoir la qualité de commerçant ou être frappé d’une incompatibilité ou d’une interdiction de gérer. Le gérant est aussi librement désigné par les statuts, donc par les associés. Il peut aussi être désigné postérieurement par les associés représentant plus de la moitié des parts sociales. Sauf stipulation statutaire contraire, le gérant de SARL est nommé pour la durée de la société. Il peut toutefois démissionner sans avoir à justifier d’un intérêt légitime et demeure révocable ad nutum sans que cela ne fasse obstacle à son droit de contradictoire.
Les pouvoirs du gérant de SARL dans ses rapports avec les associés sont soumis aux statuts, la loi n’ayant à ce titre qu’un rôle supplétif. Ainsi les statuts peuvent prévoir des limitations à ses pouvoirs, mais peuvent aussi organiser une gérance collective, articulant la répartition des compétences. Si rien n’est précisé en cas de multiplicité de gérants, chacun peut agir dans la totalité des compétences statutaires. En cas de silence des statuts le gérant peut accomplir tous les actes de gestion dans l’intérêt de la société, sous réserve qu’ils n’empiètent pas sur les pouvoirs attribués par la loi aux associés.
Dans les rapports avec les tiers à la société, les clauses statutaires qui auraient vocation à limiter les pouvoirs du gérant ne pourraient leurs être opposées. La réciproque n’est pas vraie, puisque la société serra engagée même pour les actes du gérant qui dépassent ses pouvoirs ou sont étrangers à l’objet social et l’intérêt social de la société. Enfin le gérant de SARL a une obligation de loyauté et de fidélité envers la société qu’il dirige.
Quant à l’organisation de la SAS les choses sont bien différentes et bien plus complexes, en effet le principe est encore une fois ici la liberté. Ce sont les statuts seuls qui fixent les conditions dans lesquelles la société est dirigée. Un seul organe est obligatoire : un président. Au-delà l’imagination des associés n’est pas limitée. Ils peuvent créer et inventer autant d’organes qu’ils souhaitent, et leurs donner les pouvoirs voulus et ainsi créer des organisations de gouvernance plus ou moins sophistiquées.
Le président détient le rôle de représentation de la société à l’égard des tiers. Il est également investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société dans la limite de l’objet social. Il a le droit de consentir des délégations de pouvoir. Il peut être ici une personne physique ou bien morale. Il est lui aussi révocable ad nutum sans que cela ne fasse obstacle à son droit de contradictoire, mais ici il n’existe pas d’obligation de juste motif pour le révoquer. Parallèlement à la SARL, la SAS est engagée envers les tiers par les actes du président qui ne relèvent pas de l’objet social et les dispositions statutaires limitant ses pouvoirs seraient inopposables aux tiers.
S’agissant de la prise de décision, pour la SAS, c’est encore la liberté statutaire qui prime. Ainsi ce sont les statuts qui déterminent les décisions qui doivent obligatoirement être soumises à la collectivité des associés, ainsi que les formes et conditions dans lesquelles elles sont prises.
Dans la SARL une distinction est faite entre décisions ordinaires et extraordinaires entrainant des règles de majorité différentes. Les décisions extraordinaires sont celles qui entrainent une modification des statuts ou qui ont pour objet l’agrément de nouveaux associés. Ces décisions sont soumises à des majorités importantes et prévues par la loi, quand les décisions ordinaires qui sont alors toutes les autres décisions sont, elles, prises à la majorité simple c’est-à-dire la moitié des parts sociales.