Bail commercial : Une clause d’indexation excluant la réciprocité de la variation en ne prévoyant qu’une variation du loyer à la hausse sera réputée non écrite
[Résumé]
La 3e chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 30 juin 2021 est venu préciser le régime des clauses d’indexation dans les baux commerciaux en jugeant que la clause excluant la réciprocité, en tant qu’elle a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du code de commerce, doit être réputée non écrite.
Faits de l’arrêt – En l’espèce dans cet arrêt la société Reims Talleyrand (ci-après « le bailleur ») a donné à bail à la société HSBC France (ci-après « le locataire ») des locaux à usage commercial. Le contrat comporte une clause d’indexation annuelle stipulant que l’indexation ne s’appliquera qu’en cas de variation de l’indice à la hausse. Plusieurs années après la conclusion du bail, le locataire a assigné le bailleur aux fins de voir déclarer la clause d’indexation réputée non écrite et de le voir condamner à lui restituer la somme de 96 379,31 euros sur le fondement de la répétition de l’indu pour une période précise.
Procédure – La cour d’appel donne raison au locataire et déclare non écrite dans son ensemble la clause d’indexation contenue dans le bail et condamne le bailleur à restituer au locataire une somme au titre des loyers indûment versés pendant une période précise. Le bailleur mécontent de cette décision forme un pourvoi en cassation.
Question – La clause d’indexation qui exclue toute réciprocité de la variation en prévoyant que l’indexation ne s’effectuerait que dans l’hypothèse d’une variation à la hausse de l’indice est-elle valide ?
Réponse de la Cour de cassation – Les Hauts magistrats de la Cour de cassation ont répondu par la négative. En effet, Ils rappellent qu’aux termes de l’article L. 145-39 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, par dérogation à l’article L. 145-38, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La Cour de cassation précise que, d’une part, le propre d’une clause d’échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse, de sorte que la clause figurant au bail et écartant toute réciprocité de variation, si elle ne crée pas la distorsion prohibée par l’article L. 112-1 du code monétaire et financier, fausse le jeu normal de l’indexation (3e Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n°14-24.681, Bull. 2016, III, n°7).
D’autre part, la neutralisation des années de baisse de l’indice de référence a mathématiquement pour effet de modifier le délai d’atteinte du seuil de variation du quart, conditionnant la révision du loyer, tel qu’il résulterait de l’évolution réelle de l’indice. La Cour conclu que la cour d’appel a relevé que la clause d’indexation excluait, dans son deuxième alinéa, toute réciprocité de la variation en prévoyant que l’indexation ne s’effectuerait que dans l’hypothèse d’une variation à la hausse de l’indice. Dès lors, il s’ensuit que cette stipulation, qui a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l’article L. 145-39 du code de commerce, doit être réputée non écrite, de sorte que l’action intentée par le locataire n’est enfermée dans aucun délai de prescription.
[L’avis du Cabinet]
Selon l’article 1103 du code civil, une fois que les parties se sont accordées sur un prix, celui-ci les lie conformément à la force obligatoire des conventions. Dès lors, sauf accord mutuel des parties, aucune modification du contenu du contrat n’est possible (art. 1193 C. civ.). Comme dit, par exception à ces principes de droit commun, la loi permet en matière de baux commerciaux un mécanisme de révision triennale du montant du loyer, lequel est d’ordre public, c’est-à-dire, qu’on ne peut pas y déroger. Toutefois, en marge de cette révision légale, les parties demeurent libres de stipuler une clause d’indexation, autrement appelée clause d’échelle mobile ou clause d’indexation.
La clause d’indexation permet de faire varier le montant du loyer en fonction d’un élément de référence objectif appelé indice. Autrement dit, cette clause permet de prévoir une augmentation à terme fixe (par périodicité de 3 mois, 6 mois, 1an etc) ou encore des seuils déclenchant la révision du loyer.
Une telle clause est alors naturellement soumise aux règles de validité du droit commun des contrats. Le régime des clauses d’indexation est encadré par les articles L. 112-1 et suivants du code monétaire et financier. Afin de limiter l’inflation, ces textes interdisent les adaptations automatiques des prix de biens ou de services. Une clause d’indexation peut être stipulée sous réserve que l’indice retenu par les parties soit en relation directe avec l’objet de la convention ou l’activité de l’une d’elle. Le code monétaire et financier indique qu’est réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble bâti, pour des activités commerciales, la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux.
La révision des loyers indexés n’est soumis à aucun délai de révision périodique de trois ans, comme le serait la révision de principe.
L’article L. 145-39 du code de commerce encadre ces clauses afin qu’elles ne puissent trop s’écarter de la valeur locative. Il précise que si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.
Autrement dit, il ne s’agit pas de comparer le nouveau loyer à la dernière variation résultant de l’application de l’indice mais bien à la fixation initiale du loyer par les parties ou à la dernière fixation judiciaire du prix. Par ailleurs, la variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.En effet, un aléa doit caractériser la clause d’indexation. Cela signifie que le loyer doit pouvoir augmenter ou diminuer.
En ce sens, une clause d’indexation qui exclut l’aléa de la variation en ne prévoyant qu’une variation du loyer à la hausse sera réputée non écrite. Le loyer doit, conformément à l’indice de référence choisi, augmenter ou diminuer.