Comment réviser le loyer d’un bail commercial ?

Définition – Le bail commercial est un contrat de louage. Selon l’article 1709 du code civil « le louage des choses est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer ». C’est donc un contrat de location d’immeuble par une personne (le bailleur) met temporairement en jouissance un bien dont il est propriétaire au profit d’une autre personne (le locataire) qui exploite un fonds de commerce ou artisanal dont il est propriétaire, moyennant le versement d’un loyer.

Textes – Les baux commerciaux sont soumis à un régime juridique très particulier fixé aux articles L. 145-1 et suivants du code de commerce.

Principe – Lors de la conclusion du contrat de bail commercial, les parties déterminent librement le montant du loyer. Une fois le loyer fixé, la loi prévoit un régime légal de révision du loyer (article L. 145-15 du code de commerce) très strict. Il existe le régime légal de révision triennale des loyers (1) et le régime conventionnel de révision des loyers (2). 

[1) La révision triennale du loyer d’un bail commercial 

Principe de la révision triennale du loyer d’un bail commercial – S’agissant du régime légal triennal de révision du loyer, chacune des parties peut demander la révision du loyer tous les 3 ans. Le bailleur demandera une révision à la hausse, tandis que le preneur fera valoir une révision à la baisse. Cette révision prend alors effet à compter de la date de la demande de révision.  Ces règles sont rendues impératives par l’article L. 145-15 du code de commerce. Autrement dit, ce sont des dispositions d’ordre public auxquels on ne peut déroger. En ce sens, n’est pas valable la clause prévoyant une révision biennale ou celle prévoyant que le loyer serait fixé lors de la première révision triennale à la valeur locative alors que l’article L. 145-38 du code de commerce instaure un plafonnement. 

Point de départ du délai de trois ans – Il faut que trois années se soient écoulées depuis la première fixation du prix (date d’entrée en jouissance du locataire ou date de départ du bail renouvelé) puis tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable. Si les parties attendent malgré l’écoulement des trois années obligatoires, la demande reste valable, mais la prochaine demande d’augmentation ou de diminution ne pourra advenir que trois ans plus tard. Prenons un exemple, si un bail est conclu en 2020, l’une des parties peut demander une révision en 2023. Si la demande est finalement formulée en 2024, la suivante ne pourra pas avoir lieu avant 2027. 

Procédure de la révision triennale du loyer d’un bail commercial – La demande de révision doit être notifiée par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée avec accusé de réception qui doit, à peine de nullité, mentionner le montant du loyer souhaité. À défaut d’accord des parties, celles-ci devront engager une procédure judiciaire afin d’obtenir une fixation par le juge du loyer révisé. 

Prise d’effet du loyer révisé – La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision. 

Principe de la fixation d’un loyer à la valeur locative – Par principe, le montant du loyer renouvelé doit correspondre à la valeur locative. En effet, l’article L. 145-33 du code de commerce prévoit que « le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative. A défaut d’accord, cette valeur est déterminée d’après : Les caractéristiques du local considéré ; La destination des lieux ; Les obligations respectives des parties ; Les facteurs locaux de commercialité ; Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ». En aucun cas il n’est tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours. Attention toutefois, le code de commerce ne prévoit aucune méthode de calcul et ne précise aucunement la manière dont ces cinq caractéristiques de la valeur locative doivent être combinés. Les juges du fond ont donc toute la latitude pour fixer la valeur locative en fonction de la méthode qu’ils jugeront opportune. Très souvent, en pratique un expert judiciaire est désigné par lui à cette fin. En réalité, cette fixation du loyer révisé à la valeur locative est devenue par la force des choses plus une exception qu’un principe étant entendu que le montant du loyer révisé est soumis à un plafonnement destiné à freiner la hausse des loyers commerciaux. 

L’exception au principe de la fixation à la valeur locative : le plancher-plafond – La loi prévoit un mécanisme de plafond-plancher qui permet d’encadrer le montant du loyer qui ne pourra excéder l’indice trimestriel des locaux commerciaux. Par exception au principe susvisé, la loi prévoit que l’évolution du loyer, à la hausse comme à la baisse est plafonnée par l’application d’un indice INSEE de référence (ILAL ou ILC). C’est l’article L. 145-38 du code de commerce qui précise ces conditions : par dérogation au principe de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l’indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer. 

L’exception à l’exception : le déplafonnement – C’est le même article L. 145-38 du code de commerce qui précise cette exception à l’exception qui finalement permet de revenir au principe de la fixation du loyer à la valeur locative. En effet la loi prévoit un mécanisme de déplafonnement lorsqu’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité a entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative. Lorsque les conditions du déplafonnement sont réunies, le loyer révisé est fixé par le juge à la valeur locative, peu importe son montant, indépendamment du sens de la variation de l’indice et sans être bloqué par le montant initial du loyer. Par contre, celui qui fait valoir ce déplafonnement doit rapporter la preuve de la variation de plus de 10% de la valeur locative mais aussi la preuve de la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité et le lien de causalité entre les deux. S’agissant des facteurs locaux de commercialité, la loi précise leur nature : ces derniers dépendent principalement de l’intérêt que présente, pour le commerce considéré, l’importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l’attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l’emplacement pour l’activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d’une manière durable ou provisoire. En effet, le motif de déplafonnement doit nécessairement mettre en exergue une incidence favorable sur l’activité du preneur du fait de ces deux facteurs selon l’équation suivante = une évolution des facteurs locaux de commercialité + une variation de plus de 10% de la valeur locative. Il n’y a donc aucun automatisme à ce déplafonnement. 

Protection du locataire d’une augmentation soudaine du loyer par une augmentation progressive – Afin de protéger le locataire d’une variation à la hausse conséquente et brutale de son loyer, la loi est venue apporter une dernière limite : la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. Autrement dit, l’augmentation du loyer ne peut être soudaine mais doit être progressive, de sorte qu’elle ne pourra jamais dépasser 10% par an jusqu’à ce que la valeur locative soit atteinte. Cela permet donc de lisser dans le temps l’augmentation de loyer. Ajoutons que, cela n’est possible qu’en cas d’augmentation. Ainsi, en cas de baisse du loyer, la valeur locative reste le seul critère. Nous vous mettons en garde sur deux points essentiels : le plafonnement ne peut pas jouer en cas de déspécialisation partielle ou totale du bail commercial d’une part, et d’autre part, la loi permettant cette augmentation progressive étant une loi du 18 juin 2014, elle ne s’applique qu’aux baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.   

  • 2) La révision conventionnelle d’un bail commercial 

Principe de la révision conventionnelle d’un bail commercial – Selon l’article 1103 du code civil, une fois que les parties se sont accordées sur un prix, celui-ci les lie conformément à la force obligatoire des conventions. Dès lors, sauf accord mutuel des parties, aucune modification du contenu du contrat n’est possible (art. 1193 C. civ.). Comme dit, par exception à ces principes de droit commun, la loi permet en matière de baux commerciaux un mécanisme de révision triennale du montant du loyer, lequel est d’ordre public, c’est-à-dire, qu’on ne peut pas y déroger. Toutefois, en marge de cette révision légale, les parties demeurent libres de stipuler une clause d’indexation, autrement appelée clause d’échelle mobile (a) ou une clause-recette (b).  

(a) La clause d’indexation

La clause d’indexation – La clause d’indexation permet de faire varier le montant du loyer en fonction d’un élément de référence objectif appelé indice. Autrement dit, cette clause permet de prévoir une augmentation à terme fixe (par périodicité de 3 mois, 6 mois, 1an etc) ou encore des seuils déclenchant la révision du loyer. 

Validité de la clause d’indexation – Une telle clause est alors naturellement soumise aux règles de validité du droit commun des contrats. Le régime des clauses d’indexation est encadré par les articles L. 112-1 et suivants du code monétaire et financier. Afin de limiter l’inflation, ces textes interdisent les adaptations automatiques des prix de biens ou de services. Une clause d’indexation peut être stipulée sous réserve que l’indice retenu par les parties soit en relation directe avec l’objet de la convention ou l’activité de l’une d’elle. Le code monétaire et financier indique qu’est réputée en relation directe avec l’objet d’une convention relative à un immeuble bâti, pour des activités commerciales, la variation de l’indice trimestriel des loyers commerciaux. 

Le délai de révision – la révision des loyers indexés n’est soumis à aucun délai de révision périodique de trois ans, comme le serait la révision de principe. 

Encadrement – L’article L. 145-39 du code de commerce encadre ces clauses afin qu’elles ne puissent trop s’écarter de la valeur locative. Il précise que si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. Autrement dit, il ne s’agit pas de comparer le nouveau loyer à la dernière variation résultant de l’application de l’indice mais bien à la fixation initiale du loyer par les parties ou à la dernière fixation judiciaire du prix. Par ailleurs, la variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente.

La clause d’indexation impose l’aléa pour être valide – En effet, un aléa doit caractériser la clause d’indexation. Cela signifie que le loyer doit pouvoir augmenter ou diminuer. En ce sens, une clause d’indexation qui exclut la réciprocité de la variation en ne prévoyant qu’une variation du loyer à la hausse sera réputée non écrite. 

(b) La clause recette

Définition – La clause-recette permet de faire dépendre une partie du loyer en fonction des résultats de l’exploitation du commerce du locataire. Elle permet donc de faire varier le prix du selon une partie fixe et partie variable qui est fonction du chiffre d’affaires ou du résultat du preneur. Cette clause est fréquemment utilisée pour les baux de centres commerciaux.

Validité de cette clause – Cette clause est licite de sorte qu’elle permet de déroger au principe de la révision légale triennale qui est pourtant d’ordre public.