Entreprises en difficulté : le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire n’est pas admis à présenter une offre de reprise dans le cadre d’un plan de cession
[Résumé]
Dans une décision du 14 décembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé le principe selon lequel, les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire ne sont pas admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre, peu important qu’ils aient ou non l’intention d’agir pour leur compte. En outre, un dirigeant de droit d’une société en liquidation judiciaire ne peut pas se porter surenchérisseur par l’intermédiaire d’une autre société qu’il dirige et contrôle dans la vente aux enchères des immeubles de sa première société.
Faits de l’arrêt – En l’espèce, une société (ci-après « la SAS ») est mise en redressement puis liquidation judiciaire. Le juge-commissaire a ordonné la vente aux enchères publiques en deux lots d’un immeuble à usage industriel appartenant à ladite société. Plus tard, le second lot a été adjugé (ci-après « société adjudicataire). La Société Saint-Pourcain (ci-après « la SCI ») a formé une surenchère du dixième. La SAS et la SCI sont dirigé par la même personne physique.
La société adjudicataire conteste cette surenchère et obtient la nullité de cette dernière au motif que la SCI doit être considérée comme une personne interposée au sens de l’article R. 322-39 du Code des procédures civiles d’exécution qui dispose que : « ne peuvent se porter enchérisseurs, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées : le débiteur saisi […] ». La SCI interjette appel de la décision de première instance.
Procédure – La cour d’appel de Reims, dans un arrêt du 12 mai 2020 déboute le requérant de ses demandes aux motifs que la SCI est en l’espèce une personne interposée parce qu’elle permettait à la SAS de se porter surenchérisseur par son intermédiaire. La cour a notamment relevé que les deux sociétés étaient contrôlées et dirigées par la même personne. La SCI se pourvoit donc en cassation.
Question – Ainsi, la question qui s’est posée devant les Hauts magistrats de la Cour de cassation était celle de savoir si le dirigeant d’une société en liquidation judiciaire est admis à présenter une offre de reprise dans le cadre d’un plan de cession ?
Réponse de la Cour de cassation – La Cour de cassation répond par la négative et rappelle le principe selon lequel « il résulte de l’article L. 642-3, alinéa 1er du code de commerce, rendu applicable à l’adjudication des immeubles d’un débiteur en liquidation judiciaire par l’article L. 642-20 de ce code, que les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire ne sont pas admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre, peu important qu’ils aient ou non l’intention d’agir pour leur compte. »
[L’avis du Cabinet]
Par principe, ni le débiteur, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu’au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre (art. L. 642-3 al 1 du code de commerce).Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l’acte. Lorsque l’acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci (art. L. 642-3 al 3 du code de commerce).
Toutefois, le juge-commissaire peut y déroger et autoriser la cession à un dirigeant ou à un parent allié par décision spécialement motivée (art. L. 642-20 du code de commerce et art. L. 642-3 al 2 du code de commerce).
Dans cet arrêt, la Cour de cassation envisage l’interposition de la SCI vis-à-vis du dirigeant de la SAS et non pas de la SAS elle-même.
Il y a interposition dès lors qu’une société masque, de quelque manière que ce soit, la participation des dirigeants de la société en liquidation à l’achat, même s’ils ne sont ni dirigeants, ni associés de cette société (Cass. com. 08 mars 2017 n° 15-22.987).
D’ailleurs et en transposant les textes susvisés, les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire qui ne sont pas admis directement ou par personne interposée à présenter une offre, ne sont pas non plus admis à enchérir ou à surenchérir. Le dirigeant de droit de la SAS ne peut donc se porter surenchérisseur par l’intermédiaire de la SCI qu’il dirige et contrôle également.
Dans cet arrêt la Cour de cassation apporte la précision qu’il importe peu que les dirigeants frappés par l’interdiction d’acquérir aient ou non l’intention d’agir pour leur compte. L’interdiction joue de façon « automatique » quelles que soient les intentions réelles de l’intéressé. Pour rappel, le juge-commissaire peut néanmoins, sur requête du ministère public, déroger à cette interdiction et autoriser la cession à l’une des personnes visées à ce texte à l’exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l’un quelconque de ses patrimoines (art. L. 624-20 du code de commerce).