[Résumé]
Dans un arrêt du 20 octobre 2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation énonce que le fait pour le gérant de rembourser son compte courant alors que la société est en difficultés financières avérées, peut justifier sa condamnation à combler le passif, même si les comptes bancaires de la société sont créditeurs d’une somme supérieure au montant de ce remboursement.
(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 20 octobre 2021, 20-15.736, Inédit)
[Rappel des faits et de la procédure]
Le gérant et associé d’une SARL procède au remboursement de son compte courant et cette société est mise en liquidation judiciaire quelques mois après soit le 13 décembre 2016 et, la cessation des paiements a été fixée au 2 octobre 2016. La date de la cessation des paiements a ensuite été reportée au 13 juin 2015 par un jugement du 22 mai 2018.
Le liquidateur le poursuit le gérant alors en responsabilité pour insuffisance d’actif.
Sur la requête du procureur de la République, le tribunal a prononcé la faillite personnelle du gérant de la société pour une durée de cinq ans.
Le gérant interjette appel aux motifs que « le remboursement d’un compte courant d’associé ne peut constituer un détournement d’actif, car il s’agit du remboursement d’une dette de société ».
La cour d’appel de Reims, dans un arrêt en date du 28 janvier 2020, confirme le jugement rendu préalablement. Elle retient que le virement correspondant au remboursement du compte courant d’associé constituait un détournement d’actif justifiant de prononcer sa faillite personnelle pour une durée de 18 mois.
De ce fait, le gérant a formé un pourvoi en cassation.
Par cet arrêt du 20 octobre 2021, la Haute juridiction casse et annule partiellement l’arrêt d’appel. La Cour de cassation estime que : « L’avance en compte courant consentie par un associé à une société est, sauf stipulation contraire, remboursable à tout moment. Son remboursement constitue dès lors le paiement d’une dette de la société, sans pouvoir être qualifié de détournement d’actif pour l’application du premier de ces textes ».
[L’avis du Cabinet]
Il est fréquent que des associés avancent des sommes à la société à laquelle ils appartiennent. Ces sommes sont inscrites en compte courant d’associés et s’analysent comme de simples prêts. En tant que tel, ces comptes courants sont remboursables à tout moment, sauf clause contraire, sur simple demande de l’associé.
L’on peut alors se demander si lorsque la société connait des difficultés, ce remboursement peut être reproché à l’intéressé, également dirigeant, au titre du détournement d’actif tel que prévu à l’article L. 653-4, 5°, du Code de commerce.
Par cet arrêt, la Haute juridiction répond par la négative et énonce que : « L’avance en compte courant consentie par un associé à une société est, sauf stipulation contraire, remboursable à tout moment. Son remboursement constitue dès lors le paiement d’une dette de la société, sans pouvoir être qualifié de détournement d’actif pour l’application du premier de ces textes ».
En revanche, il faut relever que la Haute juridiction, dans une affaire tranchée le même jour (Cass. com., 20 oct. 2021, n° 20-11095) s’est posé la même question au regard de l’action en comblement de passif sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de commerce
Elle a estimé que « lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de celle-ci sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ». Le fait pour le dirigeant de procéder au paiement de son compte-courant d’associé tandis que les comptes bancaires de la société étaient créditeurs d’une somme supérieure au montant du remboursement est impropres à exclure la faute du gérant.