Application d’une clause pénale dans une cession de titres sociaux

[Résumé]

Dans une décision en date du 24 novembre 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation contrôle une clause aux termes de laquelle le cédant conservait une partie de cession déjà versée en cas de résolution de la vente. Elle estime « que cette clause n’avait pas pour objet de permettre au cédant de percevoir deux fois le prix des parts sociales mais seulement de lui permettre, en cas de résolution de la cession desdites parts, de conserver les sommes déjà versées par le cessionnaire à titre de paiement partiel ».

(Cass. com., 24 nov. 2021, n° 19-24977)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce une cession de parts sociale prévoyait le paiement en douze annuités. Le contrat de cession stipulait qu’ « à défaut de règlement d’une seule annuité aux dates et montant convenus, l’intégralité du prix de cession deviendra immédiatement exigible et les sommes versées jusqu’au défaut de règlement, seront allouées au cédant, à titre de premiers dommages et intérêts lequel pourra poursuivre comme bon lui semble le cessionnaire, soit en paiement du solde du prix de cession, soit en résolution de la vente assortie de dommages et intérêts ».

Invoquant la défaillance du cessionnaire dans le paiement du prix, le cédant l’a assignée en résolution de la cession et aux fins d’application de la clause pénale insérée dans le contrat.

Les juges du fond rejetèrent l’application de la clause pénale. Le cédant forma alors un pourvoi en cassation. La Chambre commerciale de la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel et livre l’analyse suivante : « cette clause n’avait pas pour objet de permettre au cédant de percevoir deux fois le prix des parts sociales mais seulement de lui permettre, en cas de résolution de la cession des dites parts, de conserver les sommes déjà versées par le cessionnaire à titre de paiement partiel ».

[L’avis du Cabinet]

Les cessions de titres font l’objet d’aménagement contractuel qui permettent de satisfaire les intérêts des parties en présence. Le prix de cession est à ce titre un enjeu crucial et l’objet d’intenses négociations. La question de son paiement est d’égale importance. S’il est intéressant d’obtenir un bon prix, cela ne tient qu’à son paiement effectif. Pour ce faire, les parties au présent contentieux avaient prévu un paiement échelonné en douze annuités. En sus de cet étalement du paiement, les parties avaient insérée à l’acte une clause selon laquelle à défaut de règlement d’une seule annuité aux dates et montant convenus, l’intégralité du prix de cession deviendrait immédiatement exigible et les sommes versées jusqu’au défaut de règlement, seraient allouées au cédant, à titre de premiers dommages et intérêts lequel pourrait poursuivre comme bon lui semble le cessionnaire, soit en paiement du solde du prix de cession, soit en résolution de la vente assortie de dommages et intérêts.

A la faveur d’un défaut de paiement, le cédant avait excipé la clause. Les juges du fond leur en avaient pourtant refusé le bénéfice. Pour eux, la mise en œuvre de cette clause obligeait le cessionnaire à régler une deuxième fois le prix des parts sociales sans cependant pouvoir en avoir le bénéfice.

Au visa de l’obligation pour le juge de ne pas dénaturer l’écrit qui lui est soumis, la Haute juridiction censure. L’objet de la clause n’était en aucun cas de prévoir un double paiement mais de permettre la conservation des sommes déjà versées en cas de défaillance. Cette sanction contractuelle par le jeu d’une clause pénale était donc parfaitement admissible, sauf pour le juge à en constater l’excès. Ce qui notons le ne lui auront finalement permis que de ramener la clause à de justes proportions, conformément à l’article 1231-5 du code civil.

Illustration du dol dans une cession de titres sociaux

[Résumé]

Dans une décision en date du 12 mai 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation admet l’annulation d’une cession d’actions lorsque le consentement a été vicié par un dol. Elle rappelle que pour ce faire il reste nécessaire de démontrer l’intention dolosive des cédants et le caractère déterminant de l’erreur provoquée par leurs agissements.

(Cass. com. 12 mai 2021, n° 19-18.500)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, à la suite d’une opération globale de cessions de droits sociaux, le cédant avait découvert un certain nombre d’anomalies comptables au sein des sociétés composant le groupe.

Une clause de garantie de passif insérée à l’acte fut d’abord mise en œuvre, ce qui conduisit à la constatation d’une réduction du prix de cession dans un protocole d’accord. Par la suite, les sociétés du groupe ont été placées en redressement puis en liquidation judiciaires.

Les cédants ont alors été assignés en annulation de la cession des actions pour dol.

Les juges du fond firent droit à la demande et prononcèrent la nullité conduisant à la formation d’un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation rejette le pourvoi et rappelle « qu’en application de l’article 1116 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans elles, l’autre partie n’aurait pas contracté […] ».

La cour d’appel avait justement relevé que le chiffre d’affaires avait été systématiquement et artificiellement gonflé, que la comptabilité de cette société présentait des factures fictives, des doubles factures, des surfacturations ou des doubles règlements pour une même facture, que les produits d’exploitation de la société avaient été artificiellement majorés par de fausses facturations. Les juges du fond ont par ailleurs relevé un ensemble de malversations et fraudes opérées à la fois pour présenter une image fausse de la situation des entreprises et pour dissimuler des détournements au profit de particuliers. Enfin et contrairement aux déclarations du cédant les juges du fond ont souligné que toutes les sociétés étaient de fait en état de cessation des paiements avant les cessions.

« En l’état de ces motifs, faisant ressortir l’intention dolosive des cédants et le caractère déterminant de l’erreur provoquée par leurs agissements, la cour d’appel, qui a procédé aux recherches invoquées par les premières et deuxièmes branches, a pu, sans méconnaître les conséquences légales de ses constatations, déduire que le dol était caractérisé ».

[L’avis du Cabinet]

Les cessions de droits sociaux s’analysent comme des ventes et les règles du code civil y afférentes sont applicables. Parmi celles-ci, les règles relatives à l’intégrité du consentement déploient leur protection. A ce titre le dol est souvent invoqué dans les cessions de droits sociaux mais finalement que difficilement retenu.

Pour mémoire, l’article 1116 dans son ancienne rédaction prévoyait que : « Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté », ce que vient ici rappeler la Haute juridiction.

En l’occurrence, la cession des droits sociaux litigieuse s’était accompagnée d’un certain nombre de faits plutôt accablant. Postérieurement à la cession, le cessionnaire avait découvert un ensemble de pratiques douteuses : comptabilité comprenant des factures fictives, doubles factures, surfacturations ou doubles règlements pour une même facture, produits d’exploitation artificiellement majorés par de fausses facturations, malversations et fraudes opérées à la fois pour présenter une image fausse de la situation des entreprises et pour dissimuler des détournements d’actifs. Par ailleurs, il était apparu que la société dont les titres avaient été cédés était d’ores et déjà en cessation des paiements au moment de la conclusion de l’acte de cession.

De tous ces éléments la Haute juridiction retient « l’intention dolosive des cédants et le caractère déterminant de l’erreur provoquée par leurs agissements ». Le dol était en l’espèce bien caractérisé et la cession devait être annulée.

En l’espèce la mauvaise comptabilité ne relevait pas d’une simple irrégularité mais d’un système de fraude destiné à donner une image tronquée des finances du groupe. Cela à telle enseigne que les sociétés avaient par la suite fait l’objet d’un redressement et d’une liquidation judiciaire, à l’occasion desquels la date de cessation des paiements avait été fixée antérieurement à la cession.

Effectivement, le dol nécessite que soit démontrer l’intention de tromper. Il s’agit là de l’élément central qui le distingue du simple manquement à une obligation d’information. Le cédant souhaitait provoquer une erreur chez son contractant pour le pousser à s’engager dans la relation contractuelle. Cette duperie est telle que si l’intéressé l’avait connue il n’aurait pas contracté. C’est bien le cas d’une société que l’on pensait solvable alors que son impécuniosité était déjà bien réelle !

La solution ainsi dégagée devrait se maintenir en application de l’article 1137 du code civil qui prévoit désormais que : « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».

La garantie d’éviction dans une cession de titres sociaux

[Résumé]

Dans une décision en date du 10 novembre 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation indique qu’il est possible que la liberté du commerce et de l’industrie et la liberté d’entreprendre soient restreintes par le jeu de la garantie d’éviction en matière de cessions de droits sociaux. Toutefois, cette restriction ne vaut qu’à la condition que l’interdiction pour le vendeur de se rétablir soit proportionnée aux intérêts légitimes à protéger.

(Cass. com., 10 nov. 2021, n° 21-11.975, F+B)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce les associés fondateurs d’une société spécialisée dans l’édition de solutions informatiques ont cédé en 2007 leurs titres à une société Linagora, dont ils sont devenus par ailleurs associés. Ils ont, parallèlement, conclu un contrat de travail avec la société dont les titres avaient été cédés.

Postérieurement, les intéressés ont démissionné de leurs fonctions salariées, respectivement le 22 avril 2010 et le 10 mai 2010, et ont cédé leurs actions de la société Linagora à cette dernière le 17 mai 2011. Ils ont par la suite ensemble créée une nouvelle société.

Invoquant notamment la garantie légale d’éviction, la société Linagora les a assignés en restitution partielle de la valeur des droits sociaux cédés et en réparation de son préjudice. Les juges du fond ont accédé à cette demande, conduisant à la formation d’un pourvoi en cassation.

La Chambre commerciale censure l’arrêt d’appel en ces termes :

« Vu les principes de la liberté du commerce et de l’industrie et de la liberté d’entreprendre et l’article 1626 du code civil : 7. Il se déduit de l’application combinée de ces principes et de ce texte que si la liberté du commerce et la liberté d’entreprendre peuvent être restreintes par l’effet de la garantie d’éviction à laquelle le vendeur de droits sociaux est tenu envers l’acquéreur, c’est à la condition que l’interdiction pour le vendeur de se rétablir soit proportionnée aux intérêts légitimes à protéger. 8. Pour dire que M. [N] et M. [W] ont manqué à leur obligation née de la garantie légale d’éviction, leur interdire d’exercer tout acte de concurrence visant la clientèle cédée à travers la cession des actions de la société Linagora GSO et dire que du fait de leur manquement à leur obligation née de la garantie légale d’éviction, ils ont engagé leur responsabilité à l’égard de la société Linagora GSO, l’arrêt constate que M. [N] et M. [W] se sont rétablis, par l’intermédiaire de la société Blue Mind, dans le même secteur d’activité que la société cédée, pour proposer au marché un produit concurrent. Il relève également qu’ils se sont réapproprié une partie du code source du logiciel OBM, qu’ils ont débauché en 2012 le personnel qui avait été essentiel à l’activité de la société Linagora GSO et que les clients se sont détournés de cette dernière après le départ de M. [N] et M. [W] pour contracter avec la société Blue Mind à la suite d’une procédure d’appel d’offres à laquelle celle-ci avait répondu. Il retient enfin que leurs agissements ont abouti à un détournement de la clientèle attachée aux produits et services vendus par la société Linagora GSO, empêchant cette dernière de poursuivre pleinement son activité. 9. En se déterminant ainsi, après avoir constaté que M. [N] avait créé la société Blue Mind plus de trois ans après la cession des actions, que M. [W] n’avait rejoint cette société que quatre ans après la cession et que les contrats en cours lors de la cession étaient à durée déterminée, sans rechercher concrètement si, au regard de l’activité de la société dont les parts avaient été cédées et du marché concerné, l’interdiction de se rétablir se justifiait encore au moment des faits reprochés, la cour d’appel a privé sa décision de base légale ».

[L’avis du Cabinet]

Les cessions de droits sociaux s’analysent comme des ventes et les règles du code civil y afférentes sont applicables. Parmi celles-ci, l’article 1626 prévoit le mécanisme suivant : « Quoique lors de la vente il n’ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l’acquéreur de l’éviction qu’il souffre dans la totalité ou partie de l’objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente ».

En l’espèce, la cession de titres concernait une société ayant une activité commerciale. Les cessionnaires entendaient se prévaloir de la garantie d’éviction dans la mesure où les cédants avait constitué plusieurs années après une nouvelle entité dans le même secteur d’activité que la société cédée pour offrir un produit concurrent à celui précédemment développé. Les juges du fond avaient admis retenu la garantie d’éviction à cet égard.

La Haute juridiction censure cette solution et admet le jeu d’un contrôle de proportionnalité en la matière. En l’occurrence la chambre commerciale reproche à la cour d’appel d’avoir retenue le bénéfice de la garantie « après avoir constaté que M. [N] avait créé la société Blue Mind plus de trois ans après la cession des actions, que M. [W] n’avait rejoint cette société que quatre ans après la cession et que les contrats en cours lors de la cession étaient à durée déterminée, sans rechercher concrètement si, au regard de l’activité de la société dont les parts avaient été cédées et du marché concerné, l’interdiction de se rétablir se justifiait encore au moment des faits reprochés ».

Au regard du contexte, les juges du fond auraient dû proposer une analyse in concreto pour apprécier les intérêts en présence et admettre ou non l’interdiction de se rétablir. Les magistrats du Quai de l’Horloge procèdent dans cet arrêt à une intéressante mise en balance des intérêts du cédant et du cessionnaire. Elle ouvre toutefois la voie d’un contentieux judiciaire important sur la question, ce qui ne peut qu’inciter à l’anticipation contractuelle.

L’usufruitier de droits sociaux n’a pas la qualité d’associé

[Résumé]

Dans un avis en date du 1e décembre 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation indique clairement que l’usufruitier n’a pas la qualité d’associé, celle-ci ne bénéficiant qu’au seul nu-propriétaire. L’usufruitier peut toutefois peut provoquer une délibération des associés si cette délibération est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales.

(Cass. com. avis 1-12-2021 n° 20-15.164 FS-D)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, à la faveur d’un contentieux entre associés d’une SCI familiale, la Cour de cassation vient pour la première fois expressément se prononcer sur le statut de l’usufruitier de titres sociaux. Il était en l’occurrence question de savoir si l’usufruitier pouvait solliciter une délibération ayant pour objet la révocation du gérant.

La Chambre commercial a ainsi émis l’avis suivant :

« 1. Aux termes de l’article 578 du code civil, l’usufruit est le droit de jouir des choses dont un autre a la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à la charge d’en conserver la substance. 2. Selon l’article 39, alinéas 1 et 3, du décret n° 78-704 du 3 juillet 1978, dans sa version applicable, un associé non-gérant d’une société civile peut à tout moment, par lettre recommandée, demander au gérant de provoquer une délibération des associés sur une question déterminée. Si le gérant s’oppose à la demande ou garde le silence, l’associé demandeur peut, à l’expiration du délai d’un mois à compter de sa demande, solliciter du président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, la désignation d’un mandataire chargé de provoquer la délibération des associés. 3. Il résulte de la combinaison de ces textes que l’usufruitier de parts sociales ne peut se voir reconnaître la qualité d’associé, qui n’appartient qu’au nu-propriétaire, mais qu’il doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance. ».

[L’avis du Cabinet]

Les démembrements de titres sociaux permettent pour des parts ou actions de séparer pour le même bien la nue-propriété de l’usufruit. La technique est fréquemment utilisée, par exemple dans le cadre familial pour permettre la transmission de la société aux générations suivantes.

Il était acquis jusqu’alors que le nu-propriétaire des droits sociaux avait bien la qualité d’associé, ce qui lui permettait de jouir des droits y afférents. C’est en revanche la première fois que la Haute juridiction se prononce au sujet de l’usufruitier. Le présent avis vient lui refuser expressément la qualité d’associé sans pour autant le priver de tous droits.

D’abord, l’usufruitier dispose du droit de participer aux décisions collective (art. 1844 alinéa 1 du code civil) et ne peut être privé de celui de voter aux décisions concernant l’affection des bénéfices (art. 1844 alinéa 3 du code civil).

Ensuite, la Haute juridiction précise que l’usufruitier doit pouvoir provoquer une délibération des associés sur une question susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance. Il ressort en l’espèce que l’usufruitier de parts sociales peut provoquer une délibération des associés ayant pour objet la révocation du gérant et la nomination de co-gérants, en application de l’article 39 du décret du 3 juillet 1978, si cette délibération est susceptible d’avoir une incidence directe sur son droit de jouissance des parts sociales.

La garantie d’actif passif et la faute de gestion du dirigeant cédant de titres sociaux

[Résumé]

Dans une décision du 22-09-2021, la Cour de cassation indique que la mise en œuvre d’une garantie de passif implique la démonstration d’une diminution de l’actif ou d’une augmentation du passif résultant d’opérations de toute nature dont le fait générateur serait antérieur à la date du transfert de propriété des parts sociales, et qui seraient connues ou révélées ultérieurement.

(Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 22 septembre 2021, 19-22.938)

[Rappel des faits et de la procédure]

En l’espèce, un associé à hauteur de 50 % et gérant d’une, a cédé la totalité des parts qu’il détenait dans cette société à une autre personne morale déjà titulaire de 40 % du capital, au prix de 30 000 € payable en trois échéances. L’acte comportait une garantie d’actif et de passif.

Postérieurement à la cession, il est apparu que M. X avait commis des irrégularités dans la gestion de la société. Un expert fut désigné en référé ayant notamment pour mission de donner son avis sur les éventuels responsabilités et préjudices subis par cette société.

Eu égard au rapport de l’expert sur les fautes de gestion, le cessionnaire a assigné en paiement le cédant au titre de sa responsabilité et de la mise en œuvre de la garantie d’actif et de passif. Sur le fondement de cette dernière, les juges du fond ont condamné le dirigeant cessionnaire au paiement de 81 267,04 €. Un pourvoi a été formé.

Par un arrêt du 22-09-2021, la chambre commerciale de la Cour de cassation rejette le pourvoi en ces termes :

« En se déterminant par de tels motifs, impropres à établir l’existence d’une diminution de l’actif ou d’une augmentation du passif résultant d’opérations de toute nature dont le fait générateur serait antérieur à la date du transfert de propriété des parts sociales, et qui seraient connues ou révélées ultérieurement, conditions nécessaires à la mise en œuvre de la garantie d’actif et de passif incluse dans l’acte de cession, peu important que cette diminution de l’actif ou cette augmentation du passif aient pour origine des fautes de gestion, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

[L’avis du Cabinet]

Les garanties d’actif et de passif sont des mécanismes particulièrement utiles et fréquemment utilisées dans les cessions de droits sociaux. Elles permettent au cessionnaire des titres de se prémunir contre une révélation de passif ou une diminution de l’actif ultérieure à la signature de la cession mais dont le fait générateur est antérieur.  D’un côté elles permettent au cédant de négocier la vente au meilleur prix, de l’autre elles offrent une sécurité contractuelle au cessionnaire devant l’apparition de mauvaise surprise postérieurement à la cession.

En parallèle, il est fréquent que le repreneur d’une société, à la faveur d’une analyse du comportement de l’ancien dirigeant, identifie un certain nombre d’actes préjudiciables à la société relevant de la qualification de fautes de gestion. La responsabilité de l’ancien dirigeant sera alors recherchée à ce titre.

C’est la rencontre de ces deux hypothèses que le présent arrêt met en lumière. Le cessionnaire des titres avait postérieurement à la cession fait la découverte de prétendues fautes de gestion dont il avait tenté de rechercher indemnisation des conséquences par le truchement de la clause de garantie d’actif et de passif.

Pour ce faire, et c’est le mérite du présent arrêt, encore faut-il pour le bénéficiaire de la clause de garantie de passif respecter les conditions de sa mise en œuvre.

Que la diminution de l’actif ou l’augmentation du passif aient pour origine d’éventuelles fautes de gestion ne suffit pas pour bénéficier de la couverture du mécanisme contractuel. Il faut pour le bénéficiaire de la garantie apporter la démonstration « d’une diminution de l’actif ou d’une augmentation du passif résultant d’opérations de toute nature dont le fait générateur serait antérieur à la date du transfert de propriété des parts sociales, et qui seraient connues ou révélées ultérieurement ».

Quand le rachat d’actions tourne mal … : le cessionnaire découvre une prime exceptionnelle à verser au cédant, en sus du prix de cession.

Dans un arrêt du 13 janvier 2021, la Chambre commerciale de la Cour de cassation s’est prononcée sur la question, en droit des sociétés, de la validité d’une délibération octroyant une rémunération exceptionnelle du dirigeant.

 

En l’espèce, après avoir consenti une promesse de cession de tous les titres de leur société pour un prix fixé à 8000 euros, les deux époux cessionnaires convoquent une assemblée générale de la société et accordent à l’époux dirigeant deux primes exceptionnelles d’un montant excédant 86.000 euros. Finalement, la promesse de cession est réitérée le par acte du 4 décembre 2014. L’acte mentionne l’existence de la prime exceptionnelle votée en assemblée générale.

 

Dans ses nouvelles fonctions, le cessionnaire des titres (devenu actionnaire unique et dirigeant) refuse de verser la prime au cédant au motif qu’il s’agirait d’un acte anormal de gestion contraire à l’intérêt social. Ce dernier saisi la justice et demande le paiement en application de l’assemblée générale. En opportunité, le cessionnaire agit en nullité des résolutions litigieuses de l’assemblée générale octroyant la prime sur le fondement de l’abus de majorité.

 

La Cour d’appel de Bourges accueille favorablement cette demande de nullité.

 

Cet arrêt est cassé par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 13 janvier 2021. Les hauts magistrats rappellent à juste titre, au visa de l’article L. 235-1 du code de commerce (dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi Pacte) que les critères alternatifs d’une action en nullité d’une délibération prise en assemblée générale sont :

 

– soit la violation des dispositions du livre II du Code de commerce (« des sociétés commerciales … »)

– soit la violation des lois qui régissent les contrats.

 

En effet, sauf fraude ou abus de droit commis par un ou plusieurs associés aux fins de favoriser leurs intérêts au détriment d’un ou de plusieurs autres associés, la violation de l’intérêt social n’entraine pas à lui seul la nullité d’une délibération.

 

En réalité, il appartient à l’avocat rédacteur d’acte d’être extrêmement vigilent. Il aurait sans doute été plus judicieux d’alerter le cessionnaire des titres de l’existence de cette délibération et, en l’état, refuser de réitérer l’acte de vente au motif que cette prime affecte considérablement la valeur des titres par exemple.

 

En tout état de cause, il convient de rappeler que cette décision est rendue sur le fondement de l’article L. 235-1 du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi Pacte.

 

Cour de cassation, Chambre commerciale, 13 janvier 2021, 18-21.860, Publié au bulletin

Procédures collectives : l’Owner Buy Out, une mesure exceptionnelle liée au Covid-19

L’article 7 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 permet au débiteur, à titre exceptionnel et jusqu’au 31 décembre 2020, de former une requête au tribunal de la procédure collective aux fins d’être autorisé à présenter une offre de reprise de sa propre entreprise. Il est prévu que les débats ont alors lieu en présence du ministère public et que le tribunal statue par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l’avis des contrôleurs.

 

  • Une mesure exceptionnelle

 

Par principe, seule un tiers peut présenter une offre de reprise de l’entreprise en procédure collective. C’est pourquoi ni le dirigeant de droit, ni le dirigeant de fait ne peuvent présenter une offre de reprise de tout ou partie des actifs de la société débitrice sous peine de nullité absolue (art. L. 642-3 du Code de commerce).

 

C’est pourtant ce qui est permis par le gouvernement, en considération de la situation exceptionnelle liée à la crise sanitaire.

 

  • Une mesure éphémère

 

L’article 10 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020 précise que ce dispositif est valable jusqu’au 31 décembre 2020 inclus. La lecture combinée des articles 7 et 10 de l’ordonnance laisse entendre que c’est la formation de la requête au tribunal de la procédure collective qui doit intervenir le 31 décembre prochain au plus tard.

 

Cet impératif de délai nous fera opter pour les procédures de redressement et liquidation judiciaires. En effet, notamment en matière de redressement, les offres y sont admises dès l’ouverture de la procédure (art. L. 631-13 du Code de commerce). En outre, les reprises totales ne sont pas permises en sauvegarde.

 

  • Une mesure restrictive

 

D’abord, le candidat à la reprise devra justifier être en mesure d’assurer le maintien de l’emplois (art. 7 de l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020).

 

Ensuite, bien que cela ne soit pas clairement exprimé dans l’ordonnance, il devra justifier ne pas être en mesure d’assurer lui-même la poursuite de l’activité dans le cadre d’un plan de sauvegarde ou de redressement (rapport au Président de la République du 21 mai 2020). Ce critère sera le garde-fou contre les abus éventuels.

 

En tout état de cause, il lui appartiendra de convaincre le tribunal de lui faire confiance pour assurer, à l’avenir, la pérennité de l’activité. Bien évidemment, une activité avec un fort intuitu personnae sera propice à une telle opération, bien que si le ministère public nourrit le sentiment d’une instrumentalisation de cette mesure exceptionnelle, il invitera sans doute le tribunal à refuser l’offre. Mais aura-t-il le choix en l’absence de candidat repreneur ?

 

  • Une mesure avantageuse mais risquée

 

Cette mesure présente un avantage clairement identifié : le débiteur, par cette reprise sauvage, poursuit son activité, délesté du passif antérieur au jour du jugement d’ouverture de la procédure collective.

 

En revanche, la question qui se pose est celle de la poursuite des relations commerciales avec des fournisseurs déchus de leurs créance.

 

C’est pourquoi, une telle reprise s’anticipe.

 

  • Une mesure non prioritaire

 

La question se pose de savoir si l’offre du dirigeant est prioritaire.

 

Aucun droit de priorité n’est prévu par le texte.

 

Néanmoins, en pratique, la position des juridictions est plus nuancée, en atteste la décision du tribunal de commerce de Montpellier, dans le cadre de l’affaire Orchestra-Prémaman. L’enseigne de vêtements était en redressement judiciaire depuis le 29 avril dernier et la juridiction consulaire a statué en faveur de son dirigeant et actionnaire majoritaire Pierre Mestre, dont l’offre était en concurrence avec celle du groupe saoudien Al-Othaim.

 

Dans ce cadre, il semble que la préférence aille au dirigeant, qui d’une part était doté d’un fort intuitu-personnae – en témoigne le fait qu’il ait su travailler en partenariat avec trois grands groupes d’actionnaires, réunissant les 20 plus gros fournisseurs d’orchestra-Prémaman, les 60 plus importants franchisés et 20 cadres – révélant de ce fait un projet collectif avec une mise en commun des moyens financiers, des connaissances de l’entreprise et du marché du rétail et qui, d’autre part, proposait une offre mieux-disante en matière d’emplois – condition fondamentale posée par l’ordonnance – et en matière de financement.

 

En réalité, l’offre du dirigeant sera mise en concurrence avec les autres offres et le juge-commissaire ne retiendra que l’offre la mieux disante.

 

  • Notre avis pour assurer la viabilité d’un projet de rachat en procédure collective

 

– idéalement, l’activité à reprendre doit être emprunte d’un fort intuiti personnae,

– les fournisseurs indispensables à l’activité doivent avoir été épargnés, dans la mesure du possible, pour assurer la poursuite sereine des relations commerciales postérieurement à la reprise,

– le dirigeant candidat doit identifier de manière lucide les raisons de son échec et les solutions qu’il envisage de mettre en place,

– le dirigeant candidat doit également assurer le maintien de l’emploi,

– le dirigeant candidat doit impérativement déposer sa requête en autorisation le 31 décembre 2020 au plus tard.

 

Les opportunités du Covid 19 : la reprise d’une entreprise en faillite

Que l’entreprise soit en sauvegarde, en redressement ou en liquidation judiciaire, les candidats repreneurs sont les bienvenus pour formuler une offre de reprise portant sur tout ou partie de l’entreprise débitrice.

L’offre de reprise doit :

– Être écrite et comporter des indications précises et déterminées par la loi
– Être déposée dans le délai fixé par le tribunal de la procédure collective
– Seul un tiers au débiteur peut présenter une offre de reprise

Le tribunal retient l’offre qui permet au mieux d’assurer l’emploi, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d’exécution.

Le repreneur doit donc veiller à mettre en lumière :

– Ses capacités financières
– Son expérience professionnelle
– Son plan pour redresser l’activité

L’offre peut également ne porter qu’n ou plusieurs actifs du débiteur, et notamment sur des actifs immobiliers. Le cas échéant, la procédure appartient au juge-commissaire en application des articles L. 642-18 et suivants du Code de commerce.

Rdv sur le site des administrateurs et mandataires judiciaires pour connaitre les entreprises et actifs à reprendre.